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- ClarinetteGrand Maître
Et au royaume des eunuques, les monorchides sont rois !Mareuil a écrit:doublecasquette a écrit:Luigi_B a écrit:Pendant qu'on y est, les éléments d'aide à la correction du bac de français dans mon académie :
Avec "dix erreurs graves par page" et "une syntaxe et un lexique défaillant au point d'altérer l'intelligibilité de nombreux passages", on peut donc obtenir la mention très bien.Orthographe et langue : une orthographe très incorrecte sera pénalisée à hauteur de 2 points. Cette pénalisation globale sera appliquée à partir de plus de 10 erreurs graves par page. Il est essentiel que toutes les copies soient traitées équitablement dans ce domaine. Si la copie manifeste également une syntaxe et un lexique défaillants au point d'altérer l'intelligibilité de nombreux passages, elle pourra être globalement sanctionnée de 4 points au maximum.
Là, j'avoue que je n'arrive pas à comprendre où on arrive à trouver matière au 16/20 auquel l'élève devrait pouvoir prétendre... Comment fait-on pour le lui attribuer si on n'a pas compris trois mots tant l'intelligibilité est altérée par la défaillance de la syntaxe et du lexique ?
On ferme les yeux, on respire un coup et on fait comme si de rien n'était. J'ai vu faire cela par pas mal de jurys de bac. Le monde des muets et des eunuques, cela existe. Soyons donc sérieux : un bac de niveau 1960 serait aujourd'hui délivré à moins de 5% des candidats, c'est-à-dire que la sélection - et d'abord la sélection sociale - est beaucoup plus sévère qu'en 1960.
- IphigénieProphète
:lol!:D'ailleurs Roland Barthes a fait exprès des fautes d'orthographe, par solidarité de classe avec tous les opprimés, dans un ouvrage justement appelé Le Degré zéro de l'écriture et distribué gratuitement aux bonnes œuvres.
Par ailleurs tout le monde peut dire un jour ou un autre une idiotie...
Mais c'est vrai que dans les années fin 70 on baignait en pleine révolution "démocratique" et à défaut de reprendre la Bastille, c'est l'ortho et la grammaire qui ont trinqué, au nom de l'affirmation que la langue est dictature...
Saint Bourdieu, Saint Barthes, que de crimes a-t-on commis en vos noms !....
Sinon, en retrouvant l'impensable bouquin de culture G des BTS(Hélène Sabbah, toujours...) dans les années 90, j'ai retrouvé comme citation cet extrait, sous la plume de B. Lussato (en date de 86):
"Notre conviction commune est qu'il est temps de mettre le holà à une vaste entreprise de déculturisation actuellement en cours "
et un peu plus haut:(spéciale dédicace Luigi_B):
" la crétinisation universelle favorisée par l'expansion intempérante et aveugle de l'informatique"... Ça date de 86.
Comme quoi, on peut faire tout dire aux citations historiques.... :lol:
- Luigi_BGrand Maître
Les temps changent : la citation de Barthes, c'était ce qu'on pouvait lire dans "Le Monde dans l’Éducation" en 1976.
Et en 2012, dans "Le Monde", on lit l'éloge vibrant de Anne-Marie Gaignard et de sa méthode miracle (et lucrative, à près de 1000€ les 14 heures de formation) pour corriger les dégâts orthographiques causés par l'école.
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Même le SE-UNSA s'en émerveille, c'est dire le virage : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Et en 2012, dans "Le Monde", on lit l'éloge vibrant de Anne-Marie Gaignard et de sa méthode miracle (et lucrative, à près de 1000€ les 14 heures de formation) pour corriger les dégâts orthographiques causés par l'école.
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- MareuilNeoprof expérimenté
Luigi_B a écrit:Les temps changent : la citation de Barthes, c'était ce qu'on pouvait lire dans "Le Monde dans l’Éducation" en 1976.
Et en 2012, dans "Le Monde", on lit l'éloge vibrant de Anne-Marie Gaignard et de sa méthode miracle (et lucrative, à près de 1000€ les 14 heures de formation) pour corriger les dégâts orthographiques causés par l'école.
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Un virage mal négocié : "poser un bon diagnostique sur les difficultés de l’enfant" lit-on dans la feuille du SE-UNSA.
- retraitéeDoyen
Cripure a écrit:Il est évident que si l'on appliquait à la dictée du brevet le barème des années 80 (-4 /20 pour les fautes de grammaire, -2 pour le lexique, -1 pour les accents), quasiment tout le monde aurait zéro. Quant au Bac, je ne me rappelle pas un barème spécifique pour l'orthographe quand j'étais lycéen : nos profs de lettres, d'histoire, de philo, de latin, de grec, d'anglais et, en seconde, de maths, arrêtaient de corriger à la 5e grosse faute... Il n'y avait guère que le prof de physique de seconde qui ne comptait pas l'orthographe. J'ai appris des années après qu'il était au SGENiphigénie a écrit:Et le plus grave est que ces consignes sont "raisonnables" c'est-à-dire que si on voulait se montrer plus exigeant envers l'orthographe, aucun élève actuel n'aurait la moyenne en français, parce que non seulement les "mauvais" mais les très bons élèves n'ont actuellement plus aucune orthographe: c'est ce qui interpelle le plus, je trouve, car cela montre que l'état actuel des choses procède bien des apprentissages et pas de ce qu'on voudrait nous faire croire avec ces consignes généreuses: un résultat de la démocratisaton nécessaire de notre système éducatif. Le niveau orthographique, autrement dit, n'est pas lié à cette démocratisation, il provient de la faiblesse de l'apprentissage orthographique et grammatical.
Dans ces conditions, l'élève qui parvient à montrer une compétence(..) orthographique sera "valorisé" , comme une marque facultative mais admirable, du talent, inné et irrationnel...
Quand j'ai passé le premier bac (1963) il me semble que moins de 5/20 en dissertation (ou commentaire) était éliminatoire.
Même chose au BEPC en 61 : 0 en dictée éliminatoire!
Il faut dire qu'on passait en 3e l'examen d'entrée à l'École Normale d'instituteurs.
Outre la dictée et les questions, il y avait une épreuve de commentaire de textes !
Sans commentaire.
- CeladonDemi-dieu
20/20 en dictée ne serait-il pas éliminatoire aujourd'hui ?
- User5899Demi-dieu
Il ne s'agit d'ailleurs pas d'exclure Les ânes anti-orthographe qui twittent (mais feraient mieux de s'onanismer, pour changer) parlent d'exclusion pour introduire du pathos, genre Olivier Twist viré pour cause de dysorthographie, pauvre Petit Chose... Il s'agit de prendre en compte un code, la nécessité de son appropriation et la sanction de son apprentissage. Ignorer l'orthographe, c'est insulter les enfants de classes modestes.Luigi_B a écrit:La contribution au débat de Profencampagne :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]"Qu'on arrête d’exclure pour motif d'orthographe" Roland Barthes, Le Monde de l'Education, 1976...
D'ailleurs Roland Barthes a fait exprès des fautes d'orthographe, par solidarité de classe avec tous les opprimés, dans un ouvrage justement appelé Le Degré zéro de l'écriture et distribué gratuitement aux bonnes œuvres.
- ParatgeNeoprof expérimenté
Celadon a écrit:Olivier Twist ?
Ouère iz ze problem?
- User5899Demi-dieu
Voui, c'est conceptuel :lol:Celadon a écrit:Olivier Twist ?
- géohistoireNiveau 10
Le livre entier avec les prénoms traduits c'est surtout insupportable. Presque autant que le sujet lui-même avec sa volonté de faire pleurer le lecteur.Cripure a écrit:Voui, c'est conceptuel :lol:Celadon a écrit:Olivier Twist ?
- ParatgeNeoprof expérimenté
géohistoire a écrit:Le livre entier avec les prénoms traduits c'est surtout insupportable. Presque autant que le sujet lui-même avec sa volonté de faire pleurer le lecteur.Cripure a écrit:Voui, c'est conceptuel :lol:Celadon a écrit:Olivier Twist ?
Bah, on est passé d'un extrême à l'autre.
Avant on traduisait tout y compris les prénoms (Carlos Marx, Guillaume Ier), aujourd'hui les films asiatiques sont rebaptisés de titres anglais, c'est beaucoup plus « vendeur » pour les
branchouilles. Même les films en anglais sont touchés, Hangover est devenu Very Bad Trip.
On n'arrête pas le progrès !
Mon préféré c'est le camarade Bestoff !
- doublecasquetteEnchanteur
Paratge a écrit:géohistoire a écrit:Le livre entier avec les prénoms traduits c'est surtout insupportable. Presque autant que le sujet lui-même avec sa volonté de faire pleurer le lecteur.Cripure a écrit:Voui, c'est conceptuel :lol:Celadon a écrit:Olivier Twist ?
Bah, on est passé d'un extrême à l'autre.
Avant on traduisait tout y compris les prénoms (Carlos Marx, Guillaume Ier), aujourd'hui les films asiatiques sont rebaptisés de titres anglais, c'est beaucoup plus « vendeur » pour lescolonisés
branchouilles. Même les films en anglais sont touchés, Hangover est devenu Very Bad Trip.
On n'arrête pas le progrès !
Mon préféré c'est le camarade Bestoff !
Ça me rappelle les westerns de série B des années 1950 ! Tout est traduit ! Les prénoms, les noms des lieux-dits et même la monnaie ! Quand je vois un cow-boy, prénommé André, payer son eau-de-vie 2 francs, ça me fait hurler de rire !
- Avatar des AbyssesNiveau 8
iphigénie a écrit:
" la crétinisation universelle favorisée par l'expansion intempérante et aveugle de l'informatique"... Ça date de 86.
Comme quoi, on peut faire tout dire aux citations historiques.... :lol:
Dans le même style : "Si l'erreur est humaine, un vrai désastre nécessite un ordinateur" - déja en 1994 - ( ou les TICE, qui sait ! )
_________________
Il y a 10 catégories de personnes ceux qui connaissent le binaire, ceux qui connaissent le ternaire... et les autres.
N'écoutez pas les bruits du monde, mais le silence de l'âme. ( JCVD )
"if you think education is expensive, try ignorance", Abraham Lincoln
Au 01/08/2022 : 2,2 SMIC = 2923,91 euros NET...
Au 01/01/2023 : 2,2 SMIC = 2976,75 euros NET...
Au 01/05/2023 : 2,2 SMIC = 3036,24 euros NET...
Au 01/09/2024 : 2,2 SMIC = 3077,14 euros NET...
Pour info 2,2 SMIC était le salaire des professeurs débutants en 1980.
- MareuilNeoprof expérimenté
Ouais. On fera ici dans le simple : le dernier billet de Luc Cédelle est un leurre. Des comme ça, il peut en fournir à la pelle. Allez, Luc, un effort pour être intelligent ! ça changerait.Avatar des Abysses a écrit:iphigénie a écrit:
" la crétinisation universelle favorisée par l'expansion intempérante et aveugle de l'informatique"... Ça date de 86.
Comme quoi, on peut faire tout dire aux citations historiques.... :lol:
Dans le même style : "Si l'erreur est humaine, un vrai désastre nécessite un ordinateur" - déja en 1994 - ( ou les TICE, qui sait ! )
- C'est pas fauxEsprit éclairé
doublecasquette a écrit:Paratge a écrit:géohistoire a écrit:Le livre entier avec les prénoms traduits c'est surtout insupportable. Presque autant que le sujet lui-même avec sa volonté de faire pleurer le lecteur.Cripure a écrit:Voui, c'est conceptuel :lol:Celadon a écrit:Olivier Twist ?
Bah, on est passé d'un extrême à l'autre.
Avant on traduisait tout y compris les prénoms (Carlos Marx, Guillaume Ier), aujourd'hui les films asiatiques sont rebaptisés de titres anglais, c'est beaucoup plus « vendeur » pour lescolonisés
branchouilles. Même les films en anglais sont touchés, Hangover est devenu Very Bad Trip.
On n'arrête pas le progrès !
Mon préféré c'est le camarade Bestoff !
Ça me rappelle les westerns de série B des années 1950 ! Tout est traduit ! Les prénoms, les noms des lieux-dits et même la monnaie ! Quand je vois un cow-boy, prénommé André, payer son eau-de-vie 2 francs, ça me fait hurler de rire !
Il y a aussi les vieux films de guerre où les Américains ont l'air gentil et parlent un français normal, et où les
Bon, en même temps, ça vient à l'appui de la thèse, qu'on aurait mauvaise grâce à désapprouver, dans le contexte.
- adelaideaugustaFidèle du forum
doctor who a écrit:Manifestement, Luc Cédelle n'a pas vraiment saisi ce qu'était une séquence pédagogique.
Voici un exemple de "séquence pédagogique".
Lullaby, de Le Clézio
Chronique d’un cours ordinaire.
Un mercredi matin dans un collège rural, au mois de février.
Le professeur de français, après avoir demandé le silence, distribue un polycopié à ses élèves de cinquième : il s’agit de Lullaby, nouvelle de J.M-G. Le Clézio.
Dans un premier temps, le texte est lu à voix haute par quatre volontaires, avant d’être rangé dans le classeur.
Le professeur annonce : « Ce texte servira de support à la distinction entre discours et récit, que nous allons désormais aborder. »
Pour les élèves, une nouvelle « séquence » commence, que rythment les questions du maître. A partir d’une réflexion sur la mise en page, ceux-ci en viennent à conclure que le texte est un récit, dont le narrateur reproduit la lettre d’une jeune fille à son père.
C’est à cette lettre que le professeur leur demande d’abord de s’intéresser. Naturellement, leurs remarques se portent sur la situation elle-même. L’un d’eux observe ainsi : « La petite fille écrit à son papa parce qu’ils sont séparés. » A quoi une camarade ajoute : « Elle vit avec sa sœur et sa maman, mais son papa semble lui manquer. »
De telles observations ne sont pourtant pas du goût du maître. Trop simples, elles l’éloignent de l’objet qui constitue le centre de la séance. Aussi reprend-il la parole : « Nous avons travaillé ensemble sur la situation d’énonciation. Qui peut définir la notion ? » Jean, pour une fois éveillé, lève la main :
C’est quand quelqu’un parle à quelqu’un.
Le professeur - Ce n’est pas mal, mais il faudrait aller plus loin. Pauline ?
Pauline - C’est quand le destinateur parle au destinataire.
Le professeur – C’est déjà mieux, mais vous oubliez quelque chose d’important.
Comme les élèves restent muets, le professeur ajoute : «Vous oubliez que le message du destinateur est adressé au destinataire en un temps et un lieu précis. » Après ce rappel, le maître demande aux élèves d’identifier les marques de l’énonciation dans le texte.
Ce qui, noté dans leur classeur, devient : « Dans cette lettre, un « je » s’adresse à un « tu ». La date n’est pas précisée, mais les adverbes « aujourd’hui » et « maintenant » renvoient au moment de l’énonciation. On parle alors de « déictiques ». On peut donc conclure que, formellement, cette lettre se caractérise par la fréquence des déictiques et par la relation étroite avec la situation d’énonciation. »
(Ce qui, on l’admettra, est un constat d’une grande richesse… )
A ce moment, une élève interroge : « Mais le message, Monsieur, comment le comprendre ? »
Le professeur.- Que veux-tu dire ?
L’élève.- Pourquoi Lullaby écrit-elle à son père ?
Alors, les observations du début d’heure refont surface. De toute évidence, si la petite fille écrit à son père, c’est parce qu’il est absent. Mais certains élèves vont plus loin : derrière ses propos anodins, c’est un message d’amour qu’elle lui adresse. Peut-être sa lettre recèle-t-elle une part non avouée de souffrance ?
Doucement, le professeur explique à ses élèves qu’ils font fausse route. Avant de se poser de telles questions, il importe de revenir à l’essentiel : la présence du destinateur et du destinataire dans la lettre ! Et d’ajouter, magistral : « Le « je » affirme nettement sa présence (vingt formes pronominales ou adjectivales de la première personne). Il affirme également la présence de son destinataire (douze formes pronominales de la deuxième personne). Ainsi, une forte relation « je/tu » s’établit dans ce texte. » A ce stade de la séance, les élèves ne s’intéressent plus aux sentiments de l’héroïne, dont ils ont compris qu’ils ne parleraient pas. S’intéressent-ils encore au cours ? Leur attitude laisse croire le contraire. Qu’importe cependant, puisque le maître peut conclure : « La lettre de Lullaby est un énoncé ancré dans la situation d’énonciation : il se caractérise par la présence des marques de l’énonciation dans le texte lui-même. »
La première heure achevée, le cours se poursuivra, qui portera sur le récit lui-même. De quoi s’agira-t-il ? De montrer que cette fois, l’énoncé est coupé de la situation d’énonciation. Alors viendra le temps de la conclusion générale, proche de celle-ci : « Nous avons étudié ces deux systèmes d’énonciation séparément, mais dans la réalité des textes, ils se combinent. Dans l’extrait étudié, le récit vient fournir le référent du « je », le « tu », et le déictique « Papa »trouvant leur référent dans l’adresse indiquée par Lullaby sur l’enveloppe. Les déictiques temporels, de la même façon, se chargent d’information dans le récit : « aujourd’hui », un jour, « vers le milieu du mois d’octobre », « ce matin, quand je me suis réveillée » 7 heures 10 puisqu’à « 8 heures 10 » (récit), Lullaby est réveillée « depuis une heure » (discours) ; « là » une ville au bord de la mer (un port ?) sur laquelle le récit ne donnera pas d’autre information. C’est donc progressivement tout le contexte de l’énonciation épistolaire qui se constitue ainsi, dans un dialogue discours/récit. »
Chronique d’un cours ordinaire, reconstitué à partir de L’Enseignement du français au collège…Où l’on découvre que les Sorbonagres de Rabelais ont une postérité inattendue.
"De nos jours, l’enseignement du français est devenu le lieu de considérations creuses, dont les victimes sont au nombre de deux : les élèves d’une part, les textes d’autre part. Aux premiers, l’accès au sens est refusé, quand les seconds se voient réduits à une approche formaliste.
Paul-Marie Conti « L’enseignement du français aujourd’hui, enquête sur une discipline malmenée. »
Professeur agrégé de lettres classiques .
- géohistoireNiveau 10
Après une séquence comme celle-là mon cerveau aurait totalement cessé de fonctionner en cours de français.adelaideaugusta a écrit:doctor who a écrit:Manifestement, Luc Cédelle n'a pas vraiment saisi ce qu'était une séquence pédagogique.
Voici un exemple de "séquence pédagogique".
Lullaby, de Le Clézio
Chronique d’un cours ordinaire.
Un mercredi matin dans un collège rural, au mois de février.
Le professeur de français, après avoir demandé le silence, distribue un polycopié à ses élèves de cinquième : il s’agit de Lullaby, nouvelle de J.M-G. Le Clézio.
Dans un premier temps, le texte est lu à voix haute par quatre volontaires, avant d’être rangé dans le classeur.
Le professeur annonce : « Ce texte servira de support à la distinction entre discours et récit, que nous allons désormais aborder. »
Pour les élèves, une nouvelle « séquence » commence, que rythment les questions du maître. A partir d’une réflexion sur la mise en page, ceux-ci en viennent à conclure que le texte est un récit, dont le narrateur reproduit la lettre d’une jeune fille à son père.
C’est à cette lettre que le professeur leur demande d’abord de s’intéresser. Naturellement, leurs remarques se portent sur la situation elle-même. L’un d’eux observe ainsi : « La petite fille écrit à son papa parce qu’ils sont séparés. » A quoi une camarade ajoute : « Elle vit avec sa sœur et sa maman, mais son papa semble lui manquer. »
De telles observations ne sont pourtant pas du goût du maître. Trop simples, elles l’éloignent de l’objet qui constitue le centre de la séance. Aussi reprend-il la parole : « Nous avons travaillé ensemble sur la situation d’énonciation. Qui peut définir la notion ? » Jean, pour une fois éveillé, lève la main :
C’est quand quelqu’un parle à quelqu’un.
Le professeur - Ce n’est pas mal, mais il faudrait aller plus loin. Pauline ?
Pauline - C’est quand le destinateur parle au destinataire.
Le professeur – C’est déjà mieux, mais vous oubliez quelque chose d’important.
Comme les élèves restent muets, le professeur ajoute : «Vous oubliez que le message du destinateur est adressé au destinataire en un temps et un lieu précis. » Après ce rappel, le maître demande aux élèves d’identifier les marques de l’énonciation dans le texte.
Ce qui, noté dans leur classeur, devient : « Dans cette lettre, un « je » s’adresse à un « tu ». La date n’est pas précisée, mais les adverbes « aujourd’hui » et « maintenant » renvoient au moment de l’énonciation. On parle alors de « déictiques ». On peut donc conclure que, formellement, cette lettre se caractérise par la fréquence des déictiques et par la relation étroite avec la situation d’énonciation. »
(Ce qui, on l’admettra, est un constat d’une grande richesse… )
A ce moment, une élève interroge : « Mais le message, Monsieur, comment le comprendre ? »
Le professeur.- Que veux-tu dire ?
L’élève.- Pourquoi Lullaby écrit-elle à son père ?
Alors, les observations du début d’heure refont surface. De toute évidence, si la petite fille écrit à son père, c’est parce qu’il est absent. Mais certains élèves vont plus loin : derrière ses propos anodins, c’est un message d’amour qu’elle lui adresse. Peut-être sa lettre recèle-t-elle une part non avouée de souffrance ?
Doucement, le professeur explique à ses élèves qu’ils font fausse route. Avant de se poser de telles questions, il importe de revenir à l’essentiel : la présence du destinateur et du destinataire dans la lettre ! Et d’ajouter, magistral : « Le « je » affirme nettement sa présence (vingt formes pronominales ou adjectivales de la première personne). Il affirme également la présence de son destinataire (douze formes pronominales de la deuxième personne). Ainsi, une forte relation « je/tu » s’établit dans ce texte. » A ce stade de la séance, les élèves ne s’intéressent plus aux sentiments de l’héroïne, dont ils ont compris qu’ils ne parleraient pas. S’intéressent-ils encore au cours ? Leur attitude laisse croire le contraire. Qu’importe cependant, puisque le maître peut conclure : « La lettre de Lullaby est un énoncé ancré dans la situation d’énonciation : il se caractérise par la présence des marques de l’énonciation dans le texte lui-même. »
La première heure achevée, le cours se poursuivra, qui portera sur le récit lui-même. De quoi s’agira-t-il ? De montrer que cette fois, l’énoncé est coupé de la situation d’énonciation. Alors viendra le temps de la conclusion générale, proche de celle-ci : « Nous avons étudié ces deux systèmes d’énonciation séparément, mais dans la réalité des textes, ils se combinent. Dans l’extrait étudié, le récit vient fournir le référent du « je », le « tu », et le déictique « Papa »trouvant leur référent dans l’adresse indiquée par Lullaby sur l’enveloppe. Les déictiques temporels, de la même façon, se chargent d’information dans le récit : « aujourd’hui », un jour, « vers le milieu du mois d’octobre », « ce matin, quand je me suis réveillée » 7 heures 10 puisqu’à « 8 heures 10 » (récit), Lullaby est réveillée « depuis une heure » (discours) ; « là » une ville au bord de la mer (un port ?) sur laquelle le récit ne donnera pas d’autre information. C’est donc progressivement tout le contexte de l’énonciation épistolaire qui se constitue ainsi, dans un dialogue discours/récit. »
Chronique d’un cours ordinaire, reconstitué à partir de L’Enseignement du français au collège…Où l’on découvre que les Sorbonagres de Rabelais ont une postérité inattendue.
"De nos jours, l’enseignement du français est devenu le lieu de considérations creuses, dont les victimes sont au nombre de deux : les élèves d’une part, les textes d’autre part. Aux premiers, l’accès au sens est refusé, quand les seconds se voient réduits à une approche formaliste.
Paul-Marie Conti « L’enseignement du français aujourd’hui, enquête sur une discipline malmenée. »
Professeur agrégé de lettres classiques .
- phiExpert
J'ai vécu exactement ce cours en seconde
- ProvenceEnchanteur
phi a écrit:J'ai vécu exactement ce cours en seconde
Quelle horreur.
- phiExpert
Ce n'est plus à la mode, les cours interminables sur les fonctions du langage et l'analyse systématique et exclusive des marques de l'énonciation, de l'énonciateur, de l'énoncieuseté et de l'énoncitude?
- roxanneOracle
non, on ne fait plus.Il m'arrive de pareler de situation d'énonciation en début de cours, ça prend 30 secondes, on passe à autre chose.
- doctor whoDoyen
C'est has been. Heureusement d'ailleurs. Mais comme le pendule doit aller d'un extrême à l'autre sans jamais s'arrêter dans une position médiane, la mode d'aujourd'hui, c'est la lecture littéraire (grosso modo, faire lire et faire aimer lire) et l'histoire littéraire.
Bref, tout ce qu'on peut trouver pour éviter de parler du texte.
Bref, tout ce qu'on peut trouver pour éviter de parler du texte.
- AbraxasDoyen
Provence a écrit:phi a écrit:J'ai vécu exactement ce cours en seconde
Quelle horreur.
Ce qui n'est pas dit dans le récit (très drôle, au fond, c'est à dire très douloureux) de Conti, c'est l'attitude des élèves pendant cette phase d'interminable ennui.
Comment un prof qui est au fond libre d'agir comme il l'entend peut-il se laisser aller à de telles turpitudes ?
- retraitéeDoyen
Par connerie, ou incapacité à expliquer un texte.
- MareuilNeoprof expérimenté
phi a écrit:Ce n'est plus à la mode, les cours interminables sur les fonctions du langage et l'analyse systématique et exclusive des marques de l'énonciation, de l'énonciateur, de l'énoncieuseté et de l'énoncitude?
Aux dernières nouvelles - qui remontent pour le retraité que je suis à quatre ans- ça tenait encore le choc, avec les réseaux lexicaux, les connecteurs logiques et autres plaisanteries.
Les conneries, cela a la vie dure.
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