- hophophopSage
Déjà question pratique :
quelle poésie puis-je faire réciter au cours de ce chapitre ?
Ensuite, j'ai lu ici-même que cette oeuvre touchait aux limites de la littérature courtoise. Pourriez-vous m'expliquer en quoi ? D'ailleurs je suis preneuse de toute référence d'ouvrage qui expliquerait tout cela de façon un peu approfondie.
quelle poésie puis-je faire réciter au cours de ce chapitre ?
Ensuite, j'ai lu ici-même que cette oeuvre touchait aux limites de la littérature courtoise. Pourriez-vous m'expliquer en quoi ? D'ailleurs je suis preneuse de toute référence d'ouvrage qui expliquerait tout cela de façon un peu approfondie.
- NitaEmpereur
Le lai du chèvrefeuille
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A clean house is a sign of a broken computer.
- HermionyGuide spirituel
Hop, voici le lien où les limites de la courtoisie ont été évoquées (p.2)!
https://www.neoprofs.org/t43663p15-5e-ne-pas-faire-de-sequence-sur-le-roman-de-renart-et-consorts#1261907
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"Soyons subversifs. Révoltons-nous contre l'ignorance, l'indifférence, la cruauté, qui d'ailleurs ne s'exerce si souvent contre l'homme que parce qu'elles se sont fait la main sur les animaux. Il y aurait moins d'enfants martyrs s'il y avait moins d'animaux torturés".
Marguerite Yourcenar
« La vraie bonté de l’homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu’à l’égard de ceux qui ne représentent aucune force. » «Le véritable test moral de l’humanité, ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. » Kundera, L’Insoutenable Légèreté de l’être
- cannelle21Grand Maître
Je me lance en espérant être claire.
Tristan et l’idéal courtois : un véritable questionnement
La question de l’appartenance de la légende tristanienne à l’idéal courtois à l’œuvre dans la littérature du XIIe siècle, pose problème et mérite que l’on examine avec soin les points de convergence et les points de divergence.
- A première vue le roman de Tristan et Iseut s’inscrit dans le cadre de la littérature courtoise :
Tristan, en véritable chevalier courtois, multiplie les qualités tant physiques que morales. Le chapitre I revient sur l’éducation du héros : « Il lui apprit à manier la lance, l’épée, l’écu et l’arc, à lancer des disques de pierre, à franchir d’un bond les plus larges fossés ; il lui apprit à détester tout mensonge et toute félonie, à secourir les faibles, à tenir ses promesses ; il lui apprit différents chants, le jeu de la harpe et l’art du veneur ». Les deux combats successifs, contre le Morholt puis le dragon, le conforte dans ce statut de chevalier dont les exploits révèlent les qualités extraordinaires. Le terme de « héros » et l’adjectif « preux » reviennent d’ailleurs dans le chapitre III pour qualifier le chevalier.
Si, dans une certaine mesure, Tristan semble donc bien faire figure de chevalier courtois, son amour peut-il être lui aussi qualifié de « courtois » ? Pour répondre à cette question, relisons la scène du philtre :
« Le troisième jour, alors que Tristan venait vers la tente, dressée sur le pont de la nef, où Iseut était assise, Iseut le vit s’approcher et lui dit humblement :
« Entrez, seigneur.
– Reine, dit Tristan, pourquoi m’avoir appelé seigneur ? Ne suis-je pas votre homme lige, au contraire, et votre vassal, pour vous révérer, vous servir et vous aimer comme ma reine et ma dame ? »
Iseut répondit :
« Non, tu le sais, que tu es mon seigneur et mon maître ! Tu le sais, que ta force me domine et que je suis ta serve ! »
Les termes de « seigneur », « homme lige », « vassal », « dame » s’inscrivent en plein dans la sémantique de l’amour courtois. Tout comme le chevalier est un vassal au service de son seigneur, Tristan se définit auprès d’Iseut dans une relation de dépendance.
Ce rapprochement avec la typologie de l’amour courtois permet enfin de comprendre avec plus de justesse la multiplication des obstacles qui se dressent sur le chemin des deux amants : Pourquoi, alors qu’ils pourraient vivre dans la forêt du Morois, les deux amants se livrent-ils à Marc sous la coupe de l’ermite Ogrin ? Pourquoi Tristan épouse-t-il Iseut aux blanches mains ? Ces obstacles voulus pourraient alors être lus comme autant de signes vers le besoin de renouveler le désir par la frustration, d’exacerber l’amour par la douleur de la séparation.
- Pourtant un certain nombre de points empêchent de classer cette œuvre inclassable et l’éloignent de la typologie de l’amour courtois.
Le premier point de divergence est sans doute que le roman de Tristan et Iseut est l’histoire d’un désir assouvi. La belle dame inaccessible des romans courtois, succombe en effet ici, sous le charme du vin herbé dès le début du roman : « Et, quand le soir tomba, sur la nef qui bondissait plus rapide vers la terre du roi Marc, liés à jamais, ils s’abandonnèrent à l’amour ». La relation se fait charnel et de nombreux passages rappellent cette attirance physique bien éloignée de la « belle dans sans merci » de la littérature courtoise.
C’est d’ailleurs cette satisfaction immédiate de l’amour qui inscrit les amants dans une forme de marginalité : ayant outrepassé les lois du mariage, il leur faut fuir dans la forêt du Morois ; fuite symbolique qui peut être lue comme l’éloignement de la vie de cour et donc de l’idéal courtois.
Plus que l’histoire d’un amour courtois, le roman de Tristan et Iseut reposerait donc sur l’histoire d’une double transgression, transgression vis-à-vis de la religion, transgression vis-à-vis de l’ordre féodal :
- L’ermite Ogrin rappelle au chapitre IX que leur amour a de subversif vis-à-vis de l’ordre religieux :
« Ogrin s’était assis ; à ses pieds, Iseut pleurait, la tête sur les genoux de l’homme qui souffre pour Dieu. L’ermite lui redisait les saintes paroles du Livre ; mais, en pleurs, elle secouait la tête et refusait de le croire.
« Hélas ! dit Ogrin, quel réconfort peut-on donner à des morts ? Repens-toi, Tristan, car celui qui vit dans le péché sans se repentir est un mort.
– Non, je vis et ne me repens pas. Nous retournons à la forêt, qui nous protège et nous garde. Viens, Iseut, amie ! »
- Mais la véritable transgression est sans doute celle que commet Tristan envers son oncle, le roi Marc. Relisons à ce propos la scène du philtre :
« Il songeait : « Andret, Denoalen, Guenelon et Gondoïne, félons qui m’accusiez de convoiter la terre du roi Marc, ah ! je suis plus vil encore, et ce n’est pas sa terre que je convoite ! Bel oncle, qui m’avez aimé orphelin avant même de reconnaître le sang de votre sœur Blanchefleur, vous qui me pleuriez tendrement, tandis que vos bras me portaient jusqu’à la barque sans rames ni voile, bel oncle, que n’avez-vous, dès le premier jour, chassé l’enfant errant venu pour vous trahir ? Ah ! Qu’ai-je pensé ? Iseut est votre femme, et moi votre vassal, Iseut est votre femme, et moi votre fils. Iseut est votre femme, et ne peut pas m’aimer. »
La triple anaphore de la fin de l’extrait rappelle la triple culpabilité de Tristan. Ce dernier se trouve en effet en plein dilemme, prit entre le lien de vassalité et de loyauté qui l’unit à Marc et le lien de vassalité qui l’unit à sa dame. Quelle fidélité choisir ? Choisir la loyauté envers le roi c’est perdre Iseut, choisir l’amour c’est défier alors à la fois l’ordre humain qui veut qu’un vassal soit fidèle à son seigneur, et l’ordre divin puisque, en se mariant avec le roi Marc, Iseut s’est engagée devant Dieu à être fidèle à son époux.
Au Moyen-âge l’histoire a été reçue comme profondément subversive car contrevenant aux fondements et croyances de la société féodale. On notera d’ailleurs la récurrence de l’expression « fol amor » qui permet à la fois de qualifier dans le roman la passion tristanienne, et en même temps de marquer une forme de jugement moral défavorable sur cette relation adultère et toute empreinte de désir.
Rappelons enfin les dernières phrases de l’oeuvre :
« Seigneurs, les bons trouvères d’antan, Béroul et Thomas, et monseigneur Eilhart et maître Gottfried, ont rapporté ce conte pour tous ceux qui aiment, non pour les autres. Ils vous saluent à travers moi. Ils saluent ceux qui sont pensifs et ceux qui sont heureux, les mécontents et les désireux, ceux qui sont joyeux et ceux qui sont troublés, tous les amants. Puissent-ils trouver ici consolation contre l’inconstance, contre l’injustice, contre le dépit, contre la peine, contre tous les maux d’amour ! »
L’histoire des amants de Cornouailles se termine sur le constat de l’impossibilité de l’amour parfait, ainsi qu’un avertissement donné aux lecteurs amoureux concernant les souffrances endurées.
Tristan et l’idéal courtois : un véritable questionnement
La question de l’appartenance de la légende tristanienne à l’idéal courtois à l’œuvre dans la littérature du XIIe siècle, pose problème et mérite que l’on examine avec soin les points de convergence et les points de divergence.
- A première vue le roman de Tristan et Iseut s’inscrit dans le cadre de la littérature courtoise :
Tristan, en véritable chevalier courtois, multiplie les qualités tant physiques que morales. Le chapitre I revient sur l’éducation du héros : « Il lui apprit à manier la lance, l’épée, l’écu et l’arc, à lancer des disques de pierre, à franchir d’un bond les plus larges fossés ; il lui apprit à détester tout mensonge et toute félonie, à secourir les faibles, à tenir ses promesses ; il lui apprit différents chants, le jeu de la harpe et l’art du veneur ». Les deux combats successifs, contre le Morholt puis le dragon, le conforte dans ce statut de chevalier dont les exploits révèlent les qualités extraordinaires. Le terme de « héros » et l’adjectif « preux » reviennent d’ailleurs dans le chapitre III pour qualifier le chevalier.
Si, dans une certaine mesure, Tristan semble donc bien faire figure de chevalier courtois, son amour peut-il être lui aussi qualifié de « courtois » ? Pour répondre à cette question, relisons la scène du philtre :
« Le troisième jour, alors que Tristan venait vers la tente, dressée sur le pont de la nef, où Iseut était assise, Iseut le vit s’approcher et lui dit humblement :
« Entrez, seigneur.
– Reine, dit Tristan, pourquoi m’avoir appelé seigneur ? Ne suis-je pas votre homme lige, au contraire, et votre vassal, pour vous révérer, vous servir et vous aimer comme ma reine et ma dame ? »
Iseut répondit :
« Non, tu le sais, que tu es mon seigneur et mon maître ! Tu le sais, que ta force me domine et que je suis ta serve ! »
Les termes de « seigneur », « homme lige », « vassal », « dame » s’inscrivent en plein dans la sémantique de l’amour courtois. Tout comme le chevalier est un vassal au service de son seigneur, Tristan se définit auprès d’Iseut dans une relation de dépendance.
Ce rapprochement avec la typologie de l’amour courtois permet enfin de comprendre avec plus de justesse la multiplication des obstacles qui se dressent sur le chemin des deux amants : Pourquoi, alors qu’ils pourraient vivre dans la forêt du Morois, les deux amants se livrent-ils à Marc sous la coupe de l’ermite Ogrin ? Pourquoi Tristan épouse-t-il Iseut aux blanches mains ? Ces obstacles voulus pourraient alors être lus comme autant de signes vers le besoin de renouveler le désir par la frustration, d’exacerber l’amour par la douleur de la séparation.
- Pourtant un certain nombre de points empêchent de classer cette œuvre inclassable et l’éloignent de la typologie de l’amour courtois.
Le premier point de divergence est sans doute que le roman de Tristan et Iseut est l’histoire d’un désir assouvi. La belle dame inaccessible des romans courtois, succombe en effet ici, sous le charme du vin herbé dès le début du roman : « Et, quand le soir tomba, sur la nef qui bondissait plus rapide vers la terre du roi Marc, liés à jamais, ils s’abandonnèrent à l’amour ». La relation se fait charnel et de nombreux passages rappellent cette attirance physique bien éloignée de la « belle dans sans merci » de la littérature courtoise.
C’est d’ailleurs cette satisfaction immédiate de l’amour qui inscrit les amants dans une forme de marginalité : ayant outrepassé les lois du mariage, il leur faut fuir dans la forêt du Morois ; fuite symbolique qui peut être lue comme l’éloignement de la vie de cour et donc de l’idéal courtois.
Plus que l’histoire d’un amour courtois, le roman de Tristan et Iseut reposerait donc sur l’histoire d’une double transgression, transgression vis-à-vis de la religion, transgression vis-à-vis de l’ordre féodal :
- L’ermite Ogrin rappelle au chapitre IX que leur amour a de subversif vis-à-vis de l’ordre religieux :
« Ogrin s’était assis ; à ses pieds, Iseut pleurait, la tête sur les genoux de l’homme qui souffre pour Dieu. L’ermite lui redisait les saintes paroles du Livre ; mais, en pleurs, elle secouait la tête et refusait de le croire.
« Hélas ! dit Ogrin, quel réconfort peut-on donner à des morts ? Repens-toi, Tristan, car celui qui vit dans le péché sans se repentir est un mort.
– Non, je vis et ne me repens pas. Nous retournons à la forêt, qui nous protège et nous garde. Viens, Iseut, amie ! »
- Mais la véritable transgression est sans doute celle que commet Tristan envers son oncle, le roi Marc. Relisons à ce propos la scène du philtre :
« Il songeait : « Andret, Denoalen, Guenelon et Gondoïne, félons qui m’accusiez de convoiter la terre du roi Marc, ah ! je suis plus vil encore, et ce n’est pas sa terre que je convoite ! Bel oncle, qui m’avez aimé orphelin avant même de reconnaître le sang de votre sœur Blanchefleur, vous qui me pleuriez tendrement, tandis que vos bras me portaient jusqu’à la barque sans rames ni voile, bel oncle, que n’avez-vous, dès le premier jour, chassé l’enfant errant venu pour vous trahir ? Ah ! Qu’ai-je pensé ? Iseut est votre femme, et moi votre vassal, Iseut est votre femme, et moi votre fils. Iseut est votre femme, et ne peut pas m’aimer. »
La triple anaphore de la fin de l’extrait rappelle la triple culpabilité de Tristan. Ce dernier se trouve en effet en plein dilemme, prit entre le lien de vassalité et de loyauté qui l’unit à Marc et le lien de vassalité qui l’unit à sa dame. Quelle fidélité choisir ? Choisir la loyauté envers le roi c’est perdre Iseut, choisir l’amour c’est défier alors à la fois l’ordre humain qui veut qu’un vassal soit fidèle à son seigneur, et l’ordre divin puisque, en se mariant avec le roi Marc, Iseut s’est engagée devant Dieu à être fidèle à son époux.
Au Moyen-âge l’histoire a été reçue comme profondément subversive car contrevenant aux fondements et croyances de la société féodale. On notera d’ailleurs la récurrence de l’expression « fol amor » qui permet à la fois de qualifier dans le roman la passion tristanienne, et en même temps de marquer une forme de jugement moral défavorable sur cette relation adultère et toute empreinte de désir.
Rappelons enfin les dernières phrases de l’oeuvre :
« Seigneurs, les bons trouvères d’antan, Béroul et Thomas, et monseigneur Eilhart et maître Gottfried, ont rapporté ce conte pour tous ceux qui aiment, non pour les autres. Ils vous saluent à travers moi. Ils saluent ceux qui sont pensifs et ceux qui sont heureux, les mécontents et les désireux, ceux qui sont joyeux et ceux qui sont troublés, tous les amants. Puissent-ils trouver ici consolation contre l’inconstance, contre l’injustice, contre le dépit, contre la peine, contre tous les maux d’amour ! »
L’histoire des amants de Cornouailles se termine sur le constat de l’impossibilité de l’amour parfait, ainsi qu’un avertissement donné aux lecteurs amoureux concernant les souffrances endurées.
- henrietteMédiateur
Je donne :
- le lai du chèvrefeuille
- Louise Labbé (Je vis, je meurs... : au moment du philtre)
- "Gentils galants de France..."
- le lai du chèvrefeuille
- Louise Labbé (Je vis, je meurs... : au moment du philtre)
- "Gentils galants de France..."
- hophophopSage
Et bien merci à vous toutes !
Et notamment à toi cannelle21. C'est très interessant, merci beaucoup d'avoir développé tout ça.
Et notamment à toi cannelle21. C'est très interessant, merci beaucoup d'avoir développé tout ça.
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