Français, seconde : que faire pour remplacer les DM à l'ancienne ?

Je me pose vraiment cette question, depuis l'envolée des IA génératives : que faire pour remplacer les DM à l'ancienne ? Je pense ici en particulier au français en seconde. J'ai augmenté la part de rédaction d'exercices ramassés/notés formatifs en séance, mais ça prend beaucoup de temps et pose problème pour boucler le programme... Je suis très agacé par cette situation. Je ne sais plus trop quoi demander pour évaluer les OI, aussi. En somme, tous mes repères se brouillent pour essayer de mettre en place des situations forçant les élèves à un travail personnel formateur à la maison. Comment faites-vous ?

Je suis en anglais, même problématique, je fais donc des "DM en classe", un travail pour lequel ils ont droit au cours, au dictionnaire et au livre. Mais effectivement, j'ai été obligé de sacrifier certains éléments du programme et de restructurer ma progression.

Je réduis la voilure. L’immense majorité des travaux d’écriture, quelle que soit leur destination, est faite en classe. Et tant pis pour le programme, je ne ferai que cinq chapitres en littérature.

Je suis au collège en lettres, j'ai mis en place des DM qui comptent pour une infime partie de la note d'un devoir prévu en classe.

Par exemple, une rédaction à la maison va compter sur 4 et être complétée par une rédaction en classe sur 16 (donc une note sur 20 au total).

Ainsi, ils peuvent s'entraîner, ont quand même une note mais qui a finalement peu de poids dans la note globale. J'ai aussi mis ça en place car dans le collège où je suis, on avait surtout énormément d'élèves qui ne rendaient pas les devoirs à la maison. Et pas la possibilité de faire apparaître ça dans la moyenne. Là, si devoir non rendu = 0/4 sur la note finale. 4 points, c'est peu mais je valorise les copies finies, dans le sujet, écriture correcte = 4 points.

Si tu as prévu un commentaire de texte en évaluation finale, tu peux donc les faire travailler sur un exercice à la maison, même s'il est fait par l'IA, tant pis pour eux et pour toi, ça ne compte que 4 points.

Je ne dis pas que c'est la meilleure solution pour le lycée, pour le collège, ça passe bien en tout cas.

Ce qui m’embête dans ton système (mais c’est un problème bien plus large), c’est qu’il ne décourage pas forcément de gaspiller l’eau et l’énergie nécessaires pour faire fonctionner ChatGPT.

Je vais dire le problème directement : lorsqu'on se retrouve avec au moins un quart de copies insincères, et qu'on passe du temps à corriger un paquet qu'on va finalement mettre à un coefficient ridicule, c'est contre-productif.
D'où mon choix de faire comme @scot69 et @uneodyssée... sauf que le programme reste aussi lourd qu'avant.

En revanche je donne pas mal de lectures, à la maison.

Pour les lectures, j'ai l'impression qu'il y a encore moins d'effectivité qu'autrefois.
Même un carnet de lecture peut venir de ChatGPT. Grrr !
Je prévois de faire en classe les évaluations de lecture, mais là encore, ça vole du temps au cours.

L'an dernier, j'exigeais que les DM soient au moins manuscrits. (j'en étais à un point où je me disais que même si c'est de l'IA, ils auront au moins copié un peu d'anglais). Là maintenant, tout se fait en classe. Par contre, j'ai toujours le souci avec les élèves qui ont l'autorisation de travailler sur PC.

Pour les élèves qui ont droit au pc, ils sont installés pendant les devoirs de manière à ce que je voie l'écran.
Sinon, quand j'étais dans des établissements où il y avait un créneau dans l'emploi du temps des élèves pour les devoirs (souvent le vendredi après-midi ou le samedi matin), j'aimais beaucoup ça. Et je me dis que si je retournais en lycée, avec le développement des IA, je proposerais cette organisation.

J'ai une collègue qui est partie dans un autre lycée où il est interdit de noter le travail maison. Je crois que c'est la solution. Et au moins c'est clair pour tout le monde.

Pour ma part, je demande toujours des DMs mais je préviens bien que la note ne comptera pas dans la moyenne.

Ainsi, ceux qui ne veulent pas travailler ne rendent rien et j'ai plus de temps à consacrer aux copies de ceux qui veulent s'entraîner.

Et il y en a tout de même qui essayent de tricher : si c'est hors sujet, ils ont 5 et parfois il y a des copies qui sont clairement pompées sur internet : je lis en diagonale et je mets un 18 ou 20 qui ne compte pas.

Ce que je fais de temps en temps, c'est donner un travail maison non noté et dont je mets un corrigé ou pas d'ailleurs. Puis, je donne un contrôle avec des questions semblables.

Pour ma part, en mathématiques je ne note plus les DM en terme de performance, mais en terme d’investissement (une note par trimestre). J’insiste énormément en début d’année auprès des élèves (LGT) de l’intérêt des DM pour la préparation aux DST. J’insiste sur le fait que je préfère de loin peu de questions faites par eux qu’un DM nickel fait par une IA ou une tierce personne. Je leur explique que mon rôle est de « soigner la maladie » (leurs erreurs) et pas de mettre une note. Il y a au départ qques irréductibles mais très vite qd je leur dis que ce n’est pas ce que j’attends ça se régule (certains ne me rendent rien, tant pis pour eux ça me fait moins de copies). Je suis très satisfait de mon système. Impossible pour moi de tout faire en classe sans m’asseoir sur le programme.

Pour ma part c'est terminé depuis quelques années déjà. Les productions se font en classe uniquement, c'est plus équitable. Je donne des exercices à faire à la maison, des choses à rédiger ( introductions, parties de commentaires etc.) mais sans noter.

nauje a écrit:Pour ma part c'est terminé depuis quelques années déjà. Les productions se font en classe uniquement, c'est plus équitable. Je donne des exercices à faire à la maison, des choses à rédiger ( introductions, parties de commentaires etc.) mais sans noter.

Alors moi aussi mais je ne me suis pas méfiée: dernièrement j'ai donné un devoir en classe aux Term bac pro ( assez long: à l'examen leur épreuve de français dure 3h), avec la possibilité de garder leurs feuilles de la première heure de cours à la suivante, les deux étant espacées de trois jours car ils avaient droit à tous leurs documents de toute façon. Eh bien ce n'est pas l'IA qui a fait le travail pour une fois mais j'ai retrouvé une bonne vieille triche à l'ancienne, soit deux copies fantastiquement semblables, dans lesquelles pour une description de photographie j'ai retrouvé, en double donc, cette merveilleuse description " On voit derrière eux un  beau ciel bleu", ce qui est merveilleux car il s'agit d'une photographie en noir et blanc. Je vais suggérer à ces deux plaisantins d'aller très très vite se porter volontaires pour des expériences médicales qui leur rapporteront une tonne de fric ( ce sont des vendeurs obsédés par l'argent bien ou mal gagné) car ce sont des cas remarquables à la fois de perception visuelle ET de télépathie (puisque les deux larrons étaient assis à peu près chacun à une extrémité de la salle mais ont réussi à rédiger les mêmes phrases).
La science sera ravie de les accueillir en son sein.
Mais l'IA en soi, ras-le-bol. Bientôt on ne pourra plus bosser de toute façon. Comme dirait l'autre j'sers trop à rien.

En seconde pro: tout en classe.

Ca ne change pas la triche mais pour le ciel bleu, sans être daltonien j'aurais pu écrire la même chose.

Nauje a écrit:Je donne des exercices à faire à la maison, des choses à rédiger ( introductions, parties de commentaires etc.) mais sans noter.

Sans noter, certes, mais là n'est pas mon problème fondamental : annotes-tu longuement les copies ? Réserves-tu autant de temps à leur correction que les copies d'un devoir sur table ?

yranoh a écrit:Ca ne change pas la triche mais pour le ciel bleu, sans être daltonien j'aurais pu écrire la même chose.

Je ne le pense pas parce que nous avions étudié la photo en classe et j'avais bien spécifié qu'elle était en noir et blanc. Aucune confusion possible sauf à avoir le cerveau débranché quand je parle. La prise de notes en Term bac pro c'est pas gagné !

Je tombe sur cet article à propos d'un lycéen qui essaie de susciter une réaction et une réflexion sur l'utilisation de Chat GPT :

https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/pas-calais/arras/temoignage-avec-l-ia-on-peut-gagner-deux-points-de-moyenne-generale-clotaire-lyceen-se-bat-pour-reguler-l-usage-de-l-ia-en-classe-3038576.html

J'ai du mal à ne pas compatir avec ce lycéen : je détesterais la situation qui existe aujourd'hui, si j'étais élève. Cela aboutit à ne plus pouvoir (ou presque plus pouvoir) être évalué du tout ce qui existe encore, par exemple un gros travail de fond fourni par un élève à la maison. J'ai apprécié le TPE quand j'étais lycéen : je m'étais livré à cœur joie dans le fait de faire des recherches approfondies et de produire quelque chose qui soit mon œuvre pour la part de travail qui me revenait dans le groupe, avec un bon gros dossier. J'aurais été complètement désemparé de me retrouver dans la situation qu'on rencontre aujourd'hui : "Ascagne, ça a l'air bien, mais vous comprenez, je ne peux pas noter ce travail, parce que X et Y, quant à eux, ont fait leur dossier en recopiant et en mixant le résultat de quatre ou cinq prompts faits en trois minutes sur ChatGPT ".

Maintenant, on entend un discours qui normalise complètement le fait de ne plus être capable, par soi-même, d'améliorer son style ou, tout simplement, de rédiger. D'où le caractère presque complètement innocent de la réponse du lycéen à qui j'ai rendu son DM l'autre jour, qui était manifestement à 85% rédigé par ChatGPT : il n'y a pas de problème...

L'an dernier, j'ai eu presque la larme à l'œil en LCA. Je demande encore aux élèves de faire des exposés - que j'évalue, mais bon, je sais à quoi m'attendre. Eh bien, j'ai eu deux de mes meilleures élèves qui ont travaillé sur des livres. Il y avait une bibliographie. Elles sont allées au CDI et à la médiathèque municipale. Elles avaient les livres avec elles lors de l'exposé. Cela peut paraître bête, ringard ou passéiste. Mais leur exposé volait bien au-dessus des autres... et il était clairement beaucoup plus personnel - en tant que restitution de lectures digérées et assimilées.

Je ne réponds pas pour les secondes, mais seulement pour les classes de première générale.
Je fais un DS de quatre heures par trimestre.
Ce DS est précédé d'un DM, qui, comme le font quelques collègues intervenus plus haut, ne compte pas du tout dans la moyenne ; de fait, il est facultatif. Le DM prépare le DS ; il permet d'avoir un entraînement et des conseils personnalisés. Souvent j'accompagne, je guide beaucoup sa composition pendant les deux semaines dont ils disposent pour le faire.
Une moitié des élèves me rend un travail personnel qui les aide à mieux réussir leur DS. Je ne mets pas forcément de note, à moins que cela me semble bon, ou qu'ils me le demandent ; j'indique les qualités et les défauts majeurs, les pistes d'amélioration raisonnables. Un quart ne rend rien. Un quart d'ahuris "triche". Je les repère quatre fois sur cinq; quand je m'en aperçois, j'écris "intelligence artificielle", et j'arrête de corriger.
[En seconde, je ne fais pas du tout de DM.]

Je demande essentiellement un travail de lecture à la maison. Je leur demande aussi d'enregistrer des parties d'explication dont ils ont pris note en classe. Le fait de devoir construire des phrases implique davantage leur cerveau. Je trouve cependant l'idée de Roxane intéressante. Je me dis que je pourrais m'en inspirer pour la grammaire.

Comme tout le monde, je ne vois pas l'intérêt de corriger ChatGPT.
Pour la préparation des contrôles continus, je fais un devoir "surveillé" d'entraînement (typiquement sur deux heures de TD : une heure de devoir, une heure de correction au tableau).
Je ne souhaite pas éviter les "projets" qui sont très importants dans la didactique de ma discipline. Comme il serait à la fois illusoire et ridicule d'interdire l'aide d'une IA (comme beaucoup d'informaticiens, j'utilise de plus en plus des assistants IA tant pour chercher des informations que pour coder, voire pour mettre en forme), il y a forcément une "soutenance". Selon les cas, cette soutenance sera plus ou moins sévère. Moins :  je vérifie que l'étudiant comprend ce qu'il a fait, plus :  le binôme fait une présentation, à laquelle s'ajoute un mini-oral (avec écriture au tableau).

Je ne sais pas si cela fonctionnerait aussi bien avec un public plus jeune, mais essentiellement, cette démarche revient à augmenter la part de l'évaluation dans le total de des heures de contact avec les étudiants.

PS : Pour ma part, je ne vois pas les assistants IA comme un vecteur de destruction de l'apprentissage, mais comme la nécessité d'un changement  dans la didactique. Ceux qui se souviennent de "Au bonheur des dames" savent ce qui risque arriver à ceux qui refusent le changement.

Lurker a écrit:je ne vois pas les assistants IA comme un vecteur de destruction de l'apprentissage, mais comme la nécessité d'un changement  dans la didactique.

C'est une évidence. D'ailleurs, au risque de me tromper, je vais m'avancer un peu. Je vois ça comme une chance : il devient encore plus inutile d'enseigner à construire des discours formatés et formalistes. La machine est capable de le faire. Donc on peut s'occuper d'autre chose, de beaucoup plus intéressant.