- yranohHabitué du forum
Bonjour,
Je regarde le rapport de jury de l'agrégation interne de cette année, et je rencontre deux problèmes, dans le même passage.
Ecce iterum fratres : primos ut contigit artus
ignis edax, tremuere rogi et nouus aduena busto
pellitur ; exundant diuiso uertice flammae
alternosque apices abrupta luce coruscant.
La traduction proposée :
Voici à nouveau les frères : dès que le feu vorace eut touché l’extrémité des membres,
le bûcher trembla et le nouvel arrivant en est chassé. Les flammes se répandent et se divisent
à leur sommet, et agitent l’une après l’autre des aigrettes en éclairs de lumière.
• Mon premier problème
"Primos artus traduit par « les premiers membres » était un faux sens. Le Gaffiot indiquait
le sens de « la première partie » et une compréhension de la logique de la scène permettait
de ne pas faire cette erreur."
Pour moi ici "primos" est traduit deux fois : "dès que" et "l'extrémité des membres". J'aurais pensé que le sens était simplement ici, avec ut, "dès que". Or, je traduis presque toujours l'adjectif primus + ut par "dès que", que je considère comme un quasi synonyme de "ut primum", surtout avec cet ordre de mots très courant. J'ai tort ?
• Deuxième problème :
" La difficulté dans ce passage résidait dans la présence de deux termes au sens similaire
bustum et rogus. Ont été acceptés l’emploi du singulier ou du pluriel pour rogi, tout comme la
traduction des deux termes par « bûcher », ou la suppression d’un des termes, à éviter dans
l’absolu mais qui était une des rares solutions ici. Toute trouvaille astucieuse a été largement
valorisée. Sur le plan grammatical, il ne pouvait être interprété comme un complément d’agent
(« par le bûcher ») car il n’y a pas de préposition ab ou comme un complément circonstanciel
de lieu de destination (« dans le bûcher »), qui serait dans ce cas à l’accusatif."
Autant je comprends le choix de traduire (ou de ne pas traduire) busto par un complément de lieu, autant je ne comprends pas cette remarque sur le complément d'agent impossible ici sans "ab". Pour moi un complément d'agent inanimé ne prend normalement pas la préposition, et c'est ce que j'aurais fait en thème. (A vrai dire, j'aurais même plutôt vu ici justement un complément d'agent en traduisant bustum par "cadavre consumé" : Les bûchers tremblèrent et le nouveau venu est repoussé par les cendres de l'autre". Mais bon, ce n'est pas le sens de ma question, c'est plutôt pour le thème que ça m'inquiète). Qu'est-ce qui m'échappe ?
Je regarde le rapport de jury de l'agrégation interne de cette année, et je rencontre deux problèmes, dans le même passage.
Ecce iterum fratres : primos ut contigit artus
ignis edax, tremuere rogi et nouus aduena busto
pellitur ; exundant diuiso uertice flammae
alternosque apices abrupta luce coruscant.
La traduction proposée :
Voici à nouveau les frères : dès que le feu vorace eut touché l’extrémité des membres,
le bûcher trembla et le nouvel arrivant en est chassé. Les flammes se répandent et se divisent
à leur sommet, et agitent l’une après l’autre des aigrettes en éclairs de lumière.
• Mon premier problème
"Primos artus traduit par « les premiers membres » était un faux sens. Le Gaffiot indiquait
le sens de « la première partie » et une compréhension de la logique de la scène permettait
de ne pas faire cette erreur."
Pour moi ici "primos" est traduit deux fois : "dès que" et "l'extrémité des membres". J'aurais pensé que le sens était simplement ici, avec ut, "dès que". Or, je traduis presque toujours l'adjectif primus + ut par "dès que", que je considère comme un quasi synonyme de "ut primum", surtout avec cet ordre de mots très courant. J'ai tort ?
• Deuxième problème :
" La difficulté dans ce passage résidait dans la présence de deux termes au sens similaire
bustum et rogus. Ont été acceptés l’emploi du singulier ou du pluriel pour rogi, tout comme la
traduction des deux termes par « bûcher », ou la suppression d’un des termes, à éviter dans
l’absolu mais qui était une des rares solutions ici. Toute trouvaille astucieuse a été largement
valorisée. Sur le plan grammatical, il ne pouvait être interprété comme un complément d’agent
(« par le bûcher ») car il n’y a pas de préposition ab ou comme un complément circonstanciel
de lieu de destination (« dans le bûcher »), qui serait dans ce cas à l’accusatif."
Autant je comprends le choix de traduire (ou de ne pas traduire) busto par un complément de lieu, autant je ne comprends pas cette remarque sur le complément d'agent impossible ici sans "ab". Pour moi un complément d'agent inanimé ne prend normalement pas la préposition, et c'est ce que j'aurais fait en thème. (A vrai dire, j'aurais même plutôt vu ici justement un complément d'agent en traduisant bustum par "cadavre consumé" : Les bûchers tremblèrent et le nouveau venu est repoussé par les cendres de l'autre". Mais bon, ce n'est pas le sens de ma question, c'est plutôt pour le thème que ça m'inquiète). Qu'est-ce qui m'échappe ?
- AlérionNiveau 5
Bonjour yranoh,
Attention au Gaffiot : quand il propose une traduction, elle correspond à une occurrence précise (parfois assez mal d'ailleurs), mais la même expression peut avoir un tout autre sens dans un autre passage. C'est une des grandes difficultés des langues anciennes.
D'autre part et surtout, primum, formation adverbiale dans les locutions ut primum ou ubi primum, n'équivaut en rien à l'adjectif primus. Ut peut-être simplement traduit pas "quand"
Attention au Gaffiot : quand il propose une traduction, elle correspond à une occurrence précise (parfois assez mal d'ailleurs), mais la même expression peut avoir un tout autre sens dans un autre passage. C'est une des grandes difficultés des langues anciennes.
D'autre part et surtout, primum, formation adverbiale dans les locutions ut primum ou ubi primum, n'équivaut en rien à l'adjectif primus. Ut peut-être simplement traduit pas "quand"
- IphigénieProphète
D’accord avec Alerion pour ut et primus
Pour l’histoire du complément d’agent ce serait plutôt en l’occurrence un complément de moyen ( donc sans ab comme tu le dis pour le thème ) et donc cela n’aurait pas de sens (* être chassé au moyen du bûcher) : on comprend donc simplement « est chassé du bûcher » avec un complément de lieu sans ex et non ab -comme possible pour le verbe pello.
Pour l’histoire du complément d’agent ce serait plutôt en l’occurrence un complément de moyen ( donc sans ab comme tu le dis pour le thème ) et donc cela n’aurait pas de sens (* être chassé au moyen du bûcher) : on comprend donc simplement « est chassé du bûcher » avec un complément de lieu sans ex et non ab -comme possible pour le verbe pello.
- yranohHabitué du forum
Pour bien exposer ce que j'ai compris de ce que vous dites, je conserve ma traduction de bustum" par "les cendres de son frère" (pour la petite histoire, le corps d'Etéocle est dans le bûcher, et Antigone et Ismène mettent le cadavre de Polynice dans le même bûcher sans savoir qu'il s'agit d'Etéocle, trop cramé pour être reconnaissable). Ma proposition de traduction (le nouveau venu est repoussé par les cendres de son frère) est impossible, parce qu'en latin le complément d'agent d'un inanimé n'existe pas, et que cela ne pourrait signifier que "le nouveau venu est repoussé au moyen des cendres de son frère", ce qui n'aurait aucun sens ? Je ne connaissais pas cette distinction. Donc ce que je pensais est à oublier ; il ne faut pas dire "le complément d'agent d'un inanimé est à l'ablatif sans ab", mais "le complément d'agent d'un inanimé n'existe pas, et un véritable complément d'agent est forcément introduit par ab". Ils auraient pu être plus clair dans le rapport si c'est ce qu'ils voulaient dire.
Pour l'adjectif primus qui ne s'emploie pas au sens adverbial dans ce cas-là je suis vraiment surpris, j'ai l'impression de l'avoir rencontré 100 fois (avec ut ou cum). Je ferai attention les prochaines fois.
Merci beaucoup !
Pour l'adjectif primus qui ne s'emploie pas au sens adverbial dans ce cas-là je suis vraiment surpris, j'ai l'impression de l'avoir rencontré 100 fois (avec ut ou cum). Je ferai attention les prochaines fois.
Merci beaucoup !
- AlérionNiveau 5
Pour ce qui est du complément dit "d'agent", les choses ne sont pas si simples que cela, mais cela nous entraînerait trop loin.
Oui, il est possible que vous ayez vu traduire primus comme primum, mais en ce cas, c'est une traduction contextuelle, du fait de l'enchaînement rapide des "actions", non une traduction littérale.
Oui, il est possible que vous ayez vu traduire primus comme primum, mais en ce cas, c'est une traduction contextuelle, du fait de l'enchaînement rapide des "actions", non une traduction littérale.
- IphigénieProphète
J’allais dire que ce n’est pas aussi tranché pour ab dans les textes mais qu’il vaut mieux s’y tenir en thème
Ici c’est surtout l’idée qui ne me parait pas convenir ( être repoussé par le bûcher) il me semble plus naturel de comprendre repoussé du bûcher …
Pour ut le sens de des que d’induit me semble-t-il aussi de l’idée elle-même : lorsque le feu touche le bout premier des membres c’edt donc dès que le feu touche ces extrémités, non?
Ici c’est surtout l’idée qui ne me parait pas convenir ( être repoussé par le bûcher) il me semble plus naturel de comprendre repoussé du bûcher …
Pour ut le sens de des que d’induit me semble-t-il aussi de l’idée elle-même : lorsque le feu touche le bout premier des membres c’edt donc dès que le feu touche ces extrémités, non?
- AlérionNiveau 5
Oui, bien sûr, d'autant qu'on a le verbe pello, comme dit Iphigénie. Il aurait pu y avoir une préposition (e(x) ou de), mais c'est un texte poétique.
- yranohHabitué du forum
Comment comprenez-vous la remarque du rapport ?
- AlérionNiveau 5
Oui, c'est étonnant et déstabilisant. Certes, il existe de nombreux cas de c. agent non animés introduits pas ab dans la langue classique, mais de toute manière, en poésie, je vois mal un ab exprimé ici.
- IphigénieProphète
Comme ce ne peut être un ablatif instrumental, le ab marquerait ici sans doute en effet l'agent non animé mais ma mauvaise langue me pousserait à émettre une autre hypothèse:Alérion a écrit:Oui, c'est étonnant et déstabilisant. Certes, il existe de nombreux cas de c. agent non animés introduits pas ab dans la langue classique, mais de toute manière, en poésie, je vois mal un ab exprimé ici.
peut-être simplement une "coquetterie" de "rapport" de jury, visant à se détacher savamment
- Spoiler:
- ce qui m'avait le plus marquée dans la réunion finale des résultats d'agrégation c'était l'insistance du président du jury à bien marquer que les nouveaux agrégés n'étaient qu'au début d'un long cheminement de perfectionnement- et encore très loin conséquemment de l'olympe du jury: ce qui objectivement était sans aucun doute vrai, mais tout aussi objectivement quand même assez comique par l' insistante pédanterie du rappel
- AlérionNiveau 5
C'est pourquoi je dis que c'est déstabilisant si l'on songe au thème.
Mais vous avez raison, ce qui compte, c'est la construction d'un sens et son évaluation à chaque étape, en faisant appel à la logique. Et en cela, la grammaire n'aide pas toujours, mais l'intuition née de la pratique.
Mais vous avez raison, ce qui compte, c'est la construction d'un sens et son évaluation à chaque étape, en faisant appel à la logique. Et en cela, la grammaire n'aide pas toujours, mais l'intuition née de la pratique.
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