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A rebours
Esprit éclairé

Je m'ennuie dans mes propres cours...  - Page 4 Empty Re: Je m'ennuie dans mes propres cours...

par A rebours Ven 15 Mar 2024 - 17:00
Evidemment je n'ai extrait que les propos qui m'ont choquée, c'est donc un résumé extrêmement partial Wink

Enfin bon, notre collègue trouve malgré tout les élèves soit immatures, soit ignares (c'est un fait qu'ils sont loin d'être tous brillants, bien sûr), quasiment sans nuance, s'ennuie alors qu'il a des performances exceptionnelles, qualifie le métier d'ingrat, et on lui conseille d'être "plus médiocre" et de faire quelque chose de "naze" (ce qui est beaucoup plus connoté que ta manière à toi de le formuler). Il me semble que professionnellement parlant, ce ne sont pas des propos admissibles. Ce sont des collègues de lettres qui écrivent cela, le choix de leurs mots n'est pas anodin, ils savent pertinemment ce qu'ils écrivent.
Certes, nous ne l'ignorons pas, le métier est difficile, parfois désespérant, certes il faut savoir lever le pied, mais c'est ici la teneur du discours dans son ensemble qui me choque profondément. Comme si le système EN n'était pas assez difficile au quotidien, il faut lire ici qu'être médiocre et naze est un bon conseil pour bien enseigner.

Je vais donc m'en tenir là, je ne suis certainement pas intellectuellement à la hauteur de notre collègue et de son camarade d'études (oui, ça sent le complexe).
NLM76
NLM76
Grand Maître

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par NLM76 Ven 15 Mar 2024 - 18:56
Kant a écrit:
-la méthodologie est le plus important, mais le plus ennuyant. Tout ce que tu peux attendre, c'est que l'élève puisse te ressortir la structure d'une lecture/analytique /d'un commentaire / d'une dissertation. Après s'il réussit remplir les éléments de la structure, c'est pas mal. S'il peut s'exprimer fluidement en faisant un lien entre les différentes informations, c'est encore mieux.
Non. Ce n'est pas le plus important. Apprendre à faire des coquilles creuses. Aucun intérêt ; Chatgpt peut très bien le faire !

Fixe des paliers et apprécie le progrès, il faut que tu puisses le voir, et surtout que l'élève progresse.
-J'ai torché les itinéraires littéraires (les vieilles éditions d'il y a 30ans), le bouquin sur les mouvements littéraires, des bouquins d'histoire et un peu de philosophie pour mieux saisir la littérature. Ce sont des clés qui permettent de rentrer dans l'oeuvre et de captiver l'élève autrement que par la seule matière littéraire, s'ils apprennent et comprennent le contexte, ils comprendront plus facilement. Je n'ai que deux ambitions, qu'ils puissent comprendre le texte selon le mouvement littéraire de l'auteur et selon les considérations historiques/philosophiques implicites ou explicites. Ils ont une culture faible, je pense qu'il faut la renforcer en priorité.
Pour renforcer la culture, la priorité, c'est de lire des textes littéraires et des livres en entier. Et les mouvements littéraires sont davantage des œillères qui empêchent de lire les textes que des moyens de les comprendre.

_________________
Sites du grip :
  • http://instruire.fr
  • http://grip-editions.fr

Mon site : www.lettresclassiques.fr

«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
CarmenLR
CarmenLR
Neoprof expérimenté

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par CarmenLR Ven 15 Mar 2024 - 19:40
[quote="Panta Rhei"]
Marcelle Duchamp a écrit:
Tivinou a écrit:
Lowpow29 a écrit:Marcelle Duchamp en te lisant j'aurais envie que tu sois ma prof d'arts plastiques.....!!! J'ai l'impression de ne jamais avoir eu de cours dans cette matière malheureusement.
C'est dommage. J'ai adoré les deux professeurs d'arts plastiques que j'ai eu au collège. J'ai encore des souvenirs très précis de sujets qu'ils nous donnaient. Cela remonte pourtant au millénaire dernier ! abi

C'est gentil.

Les arts plastiques débutent au début des années 1970 au collège mais j'ai l'impression que ça a commencé à vraiment être considéré comme une véritable discipline à partir de 1996.
J'étais en 6ème en 1996 et mon prof était aussi un prof de maths... il n'était pas très doué pour enseigner les arts plastiques. Par contre, en 5ème, j'ai rencontré celle qui m'a donné envie d'en faire mon métier et là, on était sur un bon niveau!!
J'ai juste eu la chance de faire cette rencontre qui a été déterminante.

J'étais en 3ème en 1986. J'ai le souvenir d'avoir fait du "lavis" et une autre chose qui m'a marquée: on avait dû poser la feuille de canson sur différences surfaces et colorier pour voir le rendu. Peut-être aussi travailler la perspective. Notre professeur (PEGC) faisait Maths - Dessin. On cuisinait en EMT (!!!).

Sinon pour revenir au fil, il faudrait définir se que recouvre "s'ennuyer tandis que l'on fait cours".

Est-ce que un médecin généraliste s'ennuie pendant ses consultations (Est-ce qu'il se dit vivement la fin en arrivant à son cabinet et jetant un oeil aux patients dans la salle d'attente ?) Même chose pour un coiffeur ? Peut-il s'ennuyer pendant une coupe / coloration ? [/quote]

Je trouve aussi qu'il faudrait définir ce que veut dire "s'ennuyer en faisant cours". En théorie, la dimension humaine et la latitude dans la manière d'aborder les programmes, notamment, peuvent rendre l'enseignement non répétitif et prémunir ainsi contre l'ennui.

J'aime beaucoup les exemples donnés. Est-ce que mon banquier s'ennuie ? Est-ce qu'un debtiste s'ennuie ? Est-ce qu'un avocat s'ennuie (on ne plaide pas aux assises tous les jours)?



Qu'est-ce qui fait vibrer dans une aventure professionnelle ? Peut-être aussi qu'on se pose aussi la question très différemment à 30, 40 ou 50 ans.
Jenny
Jenny
Médiateur

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par Jenny Ven 15 Mar 2024 - 20:16
A rebours a écrit:
NLM76 a écrit:L'injonction à la médiocrité est un conseil philosophique assez classique, non ?

Cela me dérange vraiment beaucoup de lire sur un forum d'enseignants que, pour supporter ce métier ingrat, il faut jouer à la grosse feignasse et être médiocre face à des ignares ou des immatures (je ne fais que résumer deux ou trois propos tenus dans ce fil).

Même gêne.
Ascagne
Ascagne
Grand sage

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par Ascagne Ven 15 Mar 2024 - 20:34
rhianos-cretensis a écrit:je n'ai plus aucune énergie ni concentration pour lire de grands textes ! Faire du latin, du grec ancien... Depuis un an, c'est oublié. Comment faire, après une semaine d'enseignement, pour trouver encore l'énergie de faire ça ? Je ne comprends vraiment pas comment c'est possible.
1) Les premières années dans ce métier sont particulièrement difficiles parce que le travail arrive de tous les côtés : préparation, restitution, progression, modifications à la volée, découverte du suivi des élèves, etc. Cela peut être obnubilant. Il est possible que ça diminue ensuite évidemment parce qu'on acquiert des automatismes et de l'expérience.
2) Plus de recul permet de savoir si le problème continue d'être présent ou non. J'en suis à ma cinquième année dans le secondaire et je trouve que ça ne change pas assez : c'est parce que les séances elles-mêmes me fatiguent trop, parce que je sens que je ne veux plus être devant un public d'adolescents. Je pressentais depuis le début que ça ne s'améliorerait pas vraiment, mais j'ai commencé face à des classes très difficiles pour moi (comme pour d'autres), donc l'erreur de diagnostic était possible.
3) L'idée (qu'on peut souvent avoir quand on est jeune) selon laquelle ce métier permet facilement ou organiquement de se combiner avec une activité de recherche/d'écriture/d'approfondissement des lectures à côté (au-delà de l'aspect strictement scolaire) ne correspond pas à la réalité pour une partie des collègues. C'est partiellement lié à l'accroissement des difficultés dans ce métier et aux difficultés du public en face.

rhianos-cretensis a écrit:Donc quand je me dis que je sacrifie tout mon temps, pour ne pas en voir le résultat ni m'en réjouir, c'est frustrant.
C'est un point généralement assez peu considéré par rapport à ce métier alors qu'il est très important. On travaille sur de la matière humaine, qu'on retrouve en face pendant au moins un an ; le progrès existe, mais la stagnation et la régression aussi, du côté des élèves (en groupe et individuellement), sur les différents plans. Un professeur peut d'ailleurs ne jamais voir directement (s'il y en a) les sources de satisfaction possible sur la part d'influence positive qu'il peut avoir eu sur telle classe, lorsque c'est différé. On me dit que certains de mes anciens petits monstres de l'an dernier sont devenus les plus sages des Terminales STMG : tant mieux pour eux et pour les collègues, mais bon sang, quand je repense aux heures de temps libres ou sans cours volées par leur faute pour essayer de les gérer ! Et là je parle clairement de surplus de travail indu et excessif, avec des conséquences personnelles (pourquoi n'ai-je pas écrit tel article universitaire qu'on me proposait de faire ? Eh bien parce que j'étais occupé par ce genre de surplus indu, et qu'une fois les congés scolaires arrivés, j'avais besoin de me reposer, pas de me lancer dans une recherche à nouveaux frais.).
En revanche, si on est du genre à avoir besoin, comment dire, de pouvoir constater sous une forme tangible et quelque peu solide le produit de son travail, forcément, on a du mal dans ce métier. C'est même un métier où il y a particulièrement matière à être frustré, à ne pas se sentir reconnu, à être troublé par tout cela.
Cela peut susciter un mécanisme d'autodéfense de l'égo, pour le dire vite et mal (mais sans doute en étant passé par là !), notamment quand on débute et qu'on n'a pas pu effectuer de travail réflexif poussé sur l'affaire.


Dernière édition par Ascagne le Ven 15 Mar 2024 - 20:40, édité 1 fois (Raison : ajout)
Iridiane
Iridiane
Fidèle du forum

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par Iridiane Ven 15 Mar 2024 - 20:44
A rebours a écrit:Evidemment je n'ai extrait que les propos qui m'ont choquée, c'est donc un résumé extrêmement partial Wink

Enfin bon, notre collègue trouve malgré tout les élèves soit immatures, soit ignares (c'est un fait qu'ils sont loin d'être tous brillants, bien sûr), quasiment sans nuance, s'ennuie alors qu'il a des performances exceptionnelles, qualifie le métier d'ingrat, et on lui conseille d'être "plus médiocre" et de faire quelque chose de "naze" (ce qui est beaucoup plus connoté que ta manière à toi de le formuler). Il me semble que professionnellement parlant, ce ne sont pas des propos admissibles. Ce sont des collègues de lettres qui écrivent cela, le choix de leurs mots n'est pas anodin, ils savent pertinemment ce qu'ils écrivent.
Certes, nous ne l'ignorons pas, le métier est difficile, parfois désespérant, certes il faut savoir lever le pied, mais c'est ici la teneur du discours dans son ensemble qui me choque profondément. Comme si le système EN n'était pas assez difficile au quotidien, il faut lire ici qu'être médiocre et naze est un bon conseil pour bien enseigner.

Je vais donc m'en tenir là, je ne suis certainement pas intellectuellement à la hauteur de notre collègue et de son camarade d'études (oui, ça sent le complexe).

Je trouve en effet que les termes de « kant » sont tout à la fois maladroits et pompeux. Pour ce qui est du problème relevé par le posteur du sujet, en revanche, je suis désolée, mais ce n’est pas du mépris que de constater que les élèves sont d’un niveau extrêmement bas (sinon 90% des fils de ce forum sont méprisants) et que de venir exprimer son mal-être sous la forme d’un ennui profond. Il parle de « performances » en traduction : je ne vois pas bien le problème, on a encore le droit d’être bon dans un domaine, de le dire, et de souffrir de la déconnection entre cette appétence et ce talent et son inutilité totale dans le métier, sans vexer quiconque ?
Comme je le disais à propos de ma propre expérience dans un message plus haut, je me suis horriblement ennuyée dans le secondaire au bout de quelques années et j’ai eu une impression pour moi terrifiante de perdre mes facultés intellectuelles: est ce que ça fait de moi quelqu’un de prétentieux ou de méprisant envers les élèves et les autres collègues ? Absolument pas, simplement peut être que je n’étais juste pas faite pour ce métier, contrairement à ce que je pensais au départ, et que j’avais besoin d’une autre stimulation intellectuelle, que je trouve dans mon métier actuel. Et justement je n’ai pas réussi à considérer le secondaire comme un job alimentaire parce que, je suis d’accord, ça ne devrait pas en être un. Donc j’ai changé mes plans. Mais je ne jette pas non plus la pierre aux personnes qui conseillent de se désinvestir, d’ailleurs là encore on trouve régulièrement ce conseil sur le forum (exprimé de façon sans doute plus consensuelle, mais le résultat est le même).
lene75
lene75
Prophète

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par lene75 Ven 15 Mar 2024 - 21:08
Prezbo a écrit:
A rebours a écrit:
NLM76 a écrit:L'injonction à la médiocrité est un conseil philosophique assez classique, non ?

Cela me dérange vraiment beaucoup de lire sur un forum d'enseignants que, pour supporter ce métier ingrat, il faut jouer à la grosse feignasse et être médiocre face à des ignares ou des immatures (je ne fais que résumer deux ou trois propos tenus dans ce fil).

Ça me semble très mal résumé (et mettre en garde contre un degré de perfectionnisme ou d'exigence trop élevé, même si c'est plus ou moins adroitement exprimé, est un conseil classique pour enseignants débutants).

C'est marrant, en lisant le fil, j'en arrivais exactement à la même conclusion.

Pour que ça fonctionne avec les classes difficiles, il faut se désinvestir. Je ne vois pas d'autre solution.

Quand je lis ça :


rhianos-cretensis a écrit:profdoctoujours L'analogie avec le marathon est très intéressante ! J'aime bien l'idée et l'image qui va avec. Je ne suis pas motivé que par ma matière, en réalité j'aime bien aussi voir le point de vue des élèves sur différentes questions et les choses parfois drôles qu'ils ont à dire. Le problème est quand ils n'ont rien envie de dire.

Marcelle Duchamp Et finalement en prenant le temps de revoir ces bases, c'était plus simple d'avancer par la suite sur le programme qu'en l'attaquant directement ? J'hésite parfois à faire des activités moins scolaires, comme des concours d'éloquence, des conceptions d'affiches sur des notions, etc. Mais je me dis toujours "oh, je vais perdre du temps sur le programme". Peut-être que je fais mal de m'intéresser de trop près à ce que dit Eduscol ? Que ça ne fonctionne pas aussi bien que des activités pratiques ?
J'aurais bien aimé avoir ce genre d'introduction à l'art plastique aussi.

C'est moi au début avec mes STMG. Pourtant notre formateur nous avait bien prévenus que nous perdions du temps à vouloir en gagner et que nous gagnerions du temps à en perdre. Mais quand on veut trop bien faire, le programme représente une pression énorme. Depuis que je n'ai plus aucun objectif pour une séance donnée et que je ne cherche plus à finir à toute force le programme, ça se passe beaucoup mieux et on en fait beaucoup plus. Enfin j'en fais moins, dans tous les sens du terme (il y a moins de contenu de cours et je passe moins de temps à le préparer) mais mes élèves en apprennent plus.

C'est un grand saut dans le vide, surtout en terminale avec le bac à la fin de l'année, les parents, les élèves, qui vous demandent "combien on a fait de notions ? Il en reste combien encore à faire". C'est évidemment plus facile à assumer quand on a de la bouteille et qu'on peut dire aux élèves, aux parents : "Faites-moi confiance. Je sais ce que je fais. Ça fait 15 ans que j'enseigne, ça s'est toujours bien passé. Mes élèves s'en sortent généralement bien au bac. Ça se passera bien cette année aussi."

Il faut renoncer à être perfectionniste, faire ce qui est faisable. Se contenter de ce qu'on obtient. Lundi mes STI ont mis 2h à répondre à 4 questions. J'avais prévu de faire autre chose la 2e heure, ça nous met en retard pour ce que j'avais prévu pour le bac blanc. Tant pis, je changerai, j'irai plus vite (c'est-à-dire que je supprimerai du contenu, tant pis) sur d'autres cours ou je ne ferai pas certains cours. Ça n'est pas grave. J'ai par exemple un élève que j'ai aidé à exprimer un peu plus clairement ses idées (mais vraiment un tout petit peu). Il n'aura peut-être appris que ça alors que je suis censée enseigner la philo. Tant pis, c'est ça de pris. Peut-être même qu'il n'aura rien appris d'autre que le fait que je m'intéresse à lui et que ce n'est pas parce qu'on ne sait pas exprimer ses idées par écrit que c'est la fin du monde et qu'on est une sous-merde. Il fera autre chose de sa vie, et ce sera très bien. J'aurai fait ce que j'aurai pu. Il faut renoncer à être le bon élève qui réussit tout. Il y en a même à qui je n'apporte rien du tout. C'est la vie. Mes collègues ne font pas mieux. De toute façon on sème et on ne sait pas ce qu'on récolte, sauf quand on a des retours d'anciens, et parfois de sacrées surprises à cette occasion !

rhianos-cretensis a écrit:Kant : L'otium, si seulement... Il est là aussi le problème, je suis tellement débordé en ce début de carrière, que je peine à trouver du temps libre, et quand j'en ai, je n'ai plus aucune énergie ni concentration pour lire de grands textes ! Faire du latin, du grec ancien... Depuis un an, c'est oublié. Comment faire, après une semaine d'enseignement, pour trouver encore l'énergie de faire ça ? Je ne comprends vraiment pas comment c'est possible.
Et je crois que ma frustration est nourrie par ça, aussi. Les cours face aux Seconde et celui de spécialité occupent tout mon espace mental de la semaine, même du week-end souvent. Donc quand je me dis que je sacrifie tout mon temps, pour ne pas en voir le résultat ni m'en réjouir, c'est frustrant.
Je trouvais l'otium vraiment plus simple à trouver, ménager, dans les années d'études.

Et donc même chose pour ça. Quand on passe trop de temps à préparer ses cours, on veut les faire rentrer au chausse-pied même si les élèves ne sont pas prêts à les recevoir, et on ressent de la rancœur contre les élèves qui ont piétiné notre travail et comme tu le dis, sacrifié notre temps libre pour rien. Et ça c'est pire que tout, parce que ça crispe les relations. Ce sont aussi des choses que j'ai pu ressentir en voulant trop bien faire. Plus jamais. Il faut que, si les élèves me sabotent complètement un cours, ça n'ait que peu d'importance. Comme ça, on est plus reposé, plus en forme, donc plus dynamique et plus réactif, et plus disposé à écouter les élèves et à s'adapter à eux. Je ne crois pas que ça puisse se faire d'un coup de baguette magique en tout début de carrière, parce qu'il faut pas mal de maîtrise du contenu et des méthodes pédagogiques pour pouvoir improviser, mais c'est essentiel.

Je m'inscris en faux avec ce qui a été dit plus haut : je ne vois pas comment on peut faire un bon cours sans y prendre un certain plaisir. Je ne dis pas que je m'éclate tout le temps, hein, mais si je m'ennuie, les élèves aussi, donc le cours est nul, quel qu'en soit le contenu, parce que clairement, les élèves ne vont pas retenir durablement un cours auquel ils n'accrochent pas. Peut-être assez pour l'interro ou pour le bac, mais sur le long terme, je n'y crois pas. Donc je ne sers à rien, donc c'est une perte de temps pour tout le monde. Alors oui, en tout dernier recours, je peux me dire que je gagne ma croûte, mais mes élèves, eux, ils gagnent quoi ? Pour faire un bon cours, il faut que je m'amuse, quitte à me forcer un peu à faire le clown si je n'arrive pas à prendre mon pied avec le contenu. Parce qu'il y a aussi un truc essentiel : comment pourrait-on les intéresser si soi-même on a l'air blasé ? Même si eux n'accrochent pas, il faut qu'ils gardent le souvenir que moi au moins j'aimais ma matière, comme ça peut-être qu'un jour ils se diront que s'il y a des gens qui aiment, c'est peut-être parce que c'est intéressant.

Et si ça rate, que ça ne prend pas, bah... tant pis. Enfin je dis tant pis, mais ça c'est l'objectif à atteindre : n'en avoir rien à faire. Parce qu'en réalité, ça me déprime encore.

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par Aperçu par hasard Ven 15 Mar 2024 - 21:18
lene75 a écrit:Quand on passe trop de temps à préparer ses cours, on veut les faire rentrer au chausse-pied même si les élèves ne sont pas prêts à les recevoir, et on ressent de la rancœur contre les élèves qui ont piétiné notre travail et comme tu le dis, sacrifié notre temps libre pour rien. Et ça c'est pire que tout, parce que ça crispe les relations. Ce sont aussi des choses que j'ai pu ressentir en voulant trop bien faire. Plus jamais. Il faut que, si les élèves me sabotent complètement un cours, ça n'ait que peu d'importance. Comme ça, on est plus reposé, plus en forme, donc plus dynamique et plus réactif, et plus disposé à écouter les élèves et à s'adapter à eux.

C'est une sorte de paradoxe intéressant - et tout à fait vrai - je trouve, dans ce métier: trouver le degré de détachement adéquat pour parvenir à rester suffisamment investi.

D'accord aussi avec ton dernier paragraphe. Dans la recette d'un bon cours, il y a aussi un peu de Si vis me flere dolendum est primum ipsi tibi (j'essaie modestement de me mettre au niveau du fil question citations latines...), mais à l'envers.
Ascagne
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par Ascagne Sam 16 Mar 2024 - 13:57
@Iridiane : Je te rejoins dans ton propos. Je ressens moi aussi cette impression de perte de mes facultés intellectuelles, mais c'est parce que je suis idiot et pas taillé pour effectuer une bonne part de ce métier : mon cerveau se tend excessivement pour essayer de faire le job dans cette partie essentielle qui ne correspond ni à mon mode de fonctionnement ni à mes compétences. Concernant l'"ennui" général, au fond, si on ne trouve pas son compte dans la sorte d'ingénierie didactico-pédagogique à mettre en place, dans les séances elles-mêmes, et dans une bonne partie des tâches à accomplir, il est plutôt logique de le ressentir.

Concernant l'investissement, la difficulté, c'est que les extrêmes sont diablement attractifs dans ce cadre et qu'ils peuvent porter la frustration à son maximum. Mais même quand on essaie d'échapper aux deux pôles du sur- et du "sous-investissement" (avec des guillemets, peut-être par rapport à certains modèles de travail) on peut finalement ne pas trouver de modus vivendi dans ce métier.

lene75 a écrit:Enfin j'en fais moins, dans tous les sens du terme (il y a moins de contenu de cours et je passe moins de temps à le préparer) mais mes élèves en apprennent plus.
Cependant, il me semble que sur ce point, tu évoquais la question de la préparation des cours.
Mon rapport à ma STMG difficile de l'an dernier, par exemple, si je mets de côté les problèmes de gestion de classe et de comportements inadmissibles (etc.), c'est qu'une heure de cours avec eux, même en demi-groupe, ça me pompait toute l'énergie socio-émotionnelle de la journée - parfois pour pas grand chose sinon rien. Ainsi, le surinvestissement peut aussi passer sur d'autres plans.

Je ne vais pas remuer le couteau dans la plaie car au fond, la fin du message même de @lene75 rappelle pourquoi c'est particulièrement difficile, tout ça. Mais je remarque qu'il existe des métiers où on peut sans doute plus facilement trouver autre chose qu'une forme d'épochè ou de désengagement pour se dire qu'on a produit quelque chose, effectivement, professionnellement parlant.
Adri
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Je m'ennuie dans mes propres cours...  - Page 4 Empty Re: Je m'ennuie dans mes propres cours...

par Adri Sam 16 Mar 2024 - 15:14
Aperçu par hasard a écrit:
lene75 a écrit:Quand on passe trop de temps à préparer ses cours, on veut les faire rentrer au chausse-pied même si les élèves ne sont pas prêts à les recevoir, et on ressent de la rancœur contre les élèves qui ont piétiné notre travail et comme tu le dis, sacrifié notre temps libre pour rien. Et ça c'est pire que tout, parce que ça crispe les relations. Ce sont aussi des choses que j'ai pu ressentir en voulant trop bien faire. Plus jamais. Il faut que, si les élèves me sabotent complètement un cours, ça n'ait que peu d'importance. Comme ça, on est plus reposé, plus en forme, donc plus dynamique et plus réactif, et plus disposé à écouter les élèves et à s'adapter à eux.

C'est une sorte de paradoxe intéressant - et tout à fait vrai - je trouve, dans ce métier: trouver le degré de détachement adéquat pour parvenir à rester suffisamment investi.

D'accord aussi avec ton dernier paragraphe. Dans la recette d'un bon cours, il y a aussi un peu de Si vis me flere dolendum est primum ipsi tibi (j'essaie modestement de me mettre au niveau du fil question citations latines...), mais à l'envers.

Je trouve que c'est un raisonnement sain, et le rappelle, attention, parallèle osé... La période de diversification alimentaire de mes enfants, et l'application d'un conseil de bon sens de notre médecin d'alors. Utilisez des purées de légumes natures et toutes faites, pour dédramatiser les refus de l'enfant, ne pas ajouter une dimension affective qui complique tout...
Aperçu par hasard
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Je m'ennuie dans mes propres cours...  - Page 4 Empty Re: Je m'ennuie dans mes propres cours...

par Aperçu par hasard Sam 16 Mar 2024 - 21:36
Adri a écrit:
Aperçu par hasard a écrit:
lene75 a écrit:Quand on passe trop de temps à préparer ses cours, on veut les faire rentrer au chausse-pied même si les élèves ne sont pas prêts à les recevoir, et on ressent de la rancœur contre les élèves qui ont piétiné notre travail et comme tu le dis, sacrifié notre temps libre pour rien. Et ça c'est pire que tout, parce que ça crispe les relations. Ce sont aussi des choses que j'ai pu ressentir en voulant trop bien faire. Plus jamais. Il faut que, si les élèves me sabotent complètement un cours, ça n'ait que peu d'importance. Comme ça, on est plus reposé, plus en forme, donc plus dynamique et plus réactif, et plus disposé à écouter les élèves et à s'adapter à eux.

C'est une sorte de paradoxe intéressant - et tout à fait vrai - je trouve, dans ce métier: trouver le degré de détachement adéquat pour parvenir à rester suffisamment investi.

D'accord aussi avec ton dernier paragraphe. Dans la recette d'un bon cours, il y a aussi un peu de Si vis me flere dolendum est primum ipsi tibi (j'essaie modestement de me mettre au niveau du fil question citations latines...), mais à l'envers.

Je trouve que c'est un raisonnement sain, et le rappelle, attention, parallèle osé... La période de diversification alimentaire de mes enfants, et l'application d'un conseil de bon sens de notre médecin d'alors. Utilisez des purées de légumes natures et toutes faites, pour dédramatiser les refus de l'enfant, ne pas ajouter une dimension affective qui complique tout...

Un parallèle sensé. Je pourrais dire qu'il m'arrive souvent d'avoir l'impression de servir une sorte de purée aux élèves. Cela dit je la trouve rarement toute faite (mais je ne leur en veux pas s'ils en jettent une ou deux cuillerées par terre ou s'il s'en mettent un peu partout au lieu de l'apprécier bien proprement).
rhianos-cretensis
rhianos-cretensis
Niveau 2

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par rhianos-cretensis Dim 17 Mar 2024 - 13:10
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Dernière édition par rhianos-cretensis le Sam 8 Juin 2024 - 13:17, édité 1 fois
rhianos-cretensis
rhianos-cretensis
Niveau 2

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par rhianos-cretensis Dim 17 Mar 2024 - 13:19
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Dernière édition par rhianos-cretensis le Sam 8 Juin 2024 - 13:18, édité 1 fois
Philomène87
Philomène87
Grand sage

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par Philomène87 Dim 17 Mar 2024 - 13:30
Je pense que quand on a été un "bon" élève, aimant les bonnes notes, aimant lire et apprendre, et que l'on devient professeur, on peut tomber de haut. C'était la même chose pour moi lorsque j'ai débuté, j'aurais peut-être pu écrire le même message que toi. Et pourtant, j'étais dans un collège très favorisé.
Le fait que tu aies l'impression que les élèves n'aiment pas lire, est lié selon moi à l'addiction qu'ils ont pour les écrans, et la paresse intellectuelle qu'ils induisent. Un exemple remontant à 3 jours pour moi : au CDI avec les élèves, pour qu'ils fassent des recherches pour un exposé, je leur ai dans un premier temps interdit d'utiliser internet. Ils avaient plein de revues et de livres à disposition, que la prof doc avait même sortis (donc ils n'avaient même pas à les chercher eux-mêmes). Eh bien "ouais mais madame, c'est trop long de lire tout ça... ça ira plus vite de chercher sur internet". Là j'étais un peu sidérée.

Pour tes compétences en traduction, ne dis pas qu'elles ne te servent pas. Pour l'exercice de ton métier, peut-être. Mais les connaissances qu'on a doivent-elles uniquement servir dans la vie quotidienne, ou ne se suffisent-elles pas à elles-mêmes ?
zigmag17
zigmag17
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par zigmag17 Dim 17 Mar 2024 - 13:41
Avec le temps j'ai appris le détachement ( pour ma santé mentale et mon bien-être émotionnel ) et l'efficacité (vers laquelle je tends et à laquelle je ne parviens pas nécessairement eu égard au lamentable volume horaire auxquelles nos matières ont droit en LP).
Grossièrement voici ce que j'ai compris, qui me permet de me préserver relativement ( je dis bien : relativement):
- je ne propose aux élèves que des supports qui pour moi ne sont pas trop chargés affectivement, sauf si je sens en face de moi des élèves réceptifs. Par exemple , hors programme obligatoire évidemment ( œuvre intégrale ou textes patrimoniaux), je n'étudie pas des œuvres que j'adore et qui seraient susceptibles de recueillir indifférence ou ricanements.  Cela m'est arrivé en début de carrière, je le prenais pour une offense personnelle ( ce qu'il ne faut pas faire) et je sortais  du cours laminée,  déçue et emplie de rancœur. Désastreux. Désormais je suis prudente.  Je propose en classe des supports variés pour lesquels je ressens de l'intérêt, un intérêt intellectuel disons, qui ne sont pas nécessairement inscrits dans mon Panthéon personnel et me permettent de  bâtir des cours dans lesquels mon investissement affectif n'est pas trop engagé.  Si j'ai envie ( et cela m'est arrivé dernièrement) de partager avec les élèves un enthousiasme ou une passion pour tel ou tel domaine artistique ( mon grand truc c'est l 'hyperréalisme que j'adore littéralement et que je peux avec joie caser à peu près dans tous les objets d'étude possibles en CAP ou en bac pro), j'y vais avec précaution, en ayant toujours derrière un plan B au cas où.  J'ai montré peintures et sculptures il y a peu à une classe de CAP, ils ont bien accroché et là franchement j'étais contente. Mais s'ils s'étaient montrés désagréables, j'aurais remballé et serais passée à autre chose sans insister.
- Ensuite pour la préparation des cours, mon investissement vise au pragmatique.  Je m'y suis quasiment tuée quand j'ai débuté ( 9 classes en tant que néo titulaire, tous les niveaux de l'époque en LP des 4e techno aux term bac pro, toutes les matières, bivalence oblige + législation du travail, c'était juste l'enfer, avec des classes épouvantables en plus). Les trois premières années je bossais jusqu'à 1h du mat pour préparer mes cours qu'il fallait ensuite proposer à des élèves qui n'en voulaient pas et cherchaient la bagarre, au sens figuré et ( entre eux) au sens propre . C'etait épuisant et l'organisme et le mental ne se reposaient jamais. Après ce régime forcé, une dépression sévère, un mot de démission posé sur le bureau du CdE mais pas validé, j'ai pris beaucoup de recul.
Les cours doivent être en adéquation avec les programmes officiels et visent à assurer à nos élèves la  culture, la réussite aux examens et une ouverture sur le monde qui soit à la fois citoyenne, éclairée et utile pour les aider à construire leur personnalité.
Ces cours ne doivent pas nous mener jusqu'à l'épuisement.  
Je pars du principe que si des manuels sont édités c'est qu'on peut s'en servir, sinon ça n'a pas de sens. On nous bassine avec "Le cours doit être construit par vos soins de A à Z". Très bien..C'est possible parfois c'est plaisant d'inventer, d'anticiper, de bâtir, après tout nous exerçons une profession intellectuelle et trouver son compte dans la conception des cours est logique.  Mais pas toujours, pas tout le temps.
L'efficacité dont je parlais réside aussi là-dedans: pouvoir s'éclater à trouver des entrées dans certains thèmes, à chercher des documents exploitables en classe et intéressants pour les élèves, mais pas au point de tout sacrifier pour ça.  
Après, le cours qu'il soit hyper préparé ou fait à la volée ( par exemple exercices de grammaire ou de conjugaison proposés dans le feu de l'action sans préparation parce que le besoin s'en fait sentir là tout de suite), peut très bien fonctionner comme lamentablement échouer et ça on ne peut jamais le prévoir, c'est lié à l'alchimie déconcertante et imprévisible qui peut s'opérer ou non entre les humains que nous sommes, professeurs et élèves.

Edit: et bien sûr selon les élèves que l'on a en face de soi, il peut exister une distorsion énorme entre ce que l'on sait et ce que l'on voudrait transmettre, et la capacité des élèves à intégrer ces connaissances.
Il faut faire le deuil je crois de l'"élévation" au sens premier du terme.
Exemple tout frais: travail très littéraire en 1ère bac pro avec des extraits de romans du XIXe siècle, entre autres. J'ai reçu quelques copies d'une qualité ++++. J'ai été très claire: vu leur profil ils ne sont pas voués  à poursuivre des études littéraires.  Je peux toujours leur parler de mise en abyme, ça leur passe au-dessus de la tête. Mais ils en comprennent le sens, sont capables de " sentir " cela dans un texte et ça me suffit.  Pour ceux qui ont reçu des notes épouvantables, je les ai reçus pour comprendre: indifférence? Manque d'efforts? Problèmes de compréhension? A partir de là ça devient constructif.  Mais je ne pourrai pas aider des élèves qui nous arrivent à 17 ans illettrés et censés passer un bac pro l'année prochaine.
Là est ma limite.
Je suis "littéraire ", pas eux. Ceci étant posé, je fais au mieux dans la mesure de leurs capacités et de ma pédagogie .
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par profdoctoujours Dim 17 Mar 2024 - 17:48
rhianos-cretensis a écrit:A rebours Tu n'es pas la seule à te dire choquée par les points de vue exprimés dans ce fil, en fait j'ai vraiment l'impression qu'il y a ici les gens qui comprennent mon point de vue désabusé, et d'autres qui me trouvent visiblement élitiste et méprisant.

Mais en fait, il y a quelque chose que je ne comprends pas ce que tu dis.
N'as-tu pas été désespérée en te confrontant au réel de l'enseignement ?
En voyant que les élèves s'en moquent du français, bien plus que ce que tu l'aurais cru, qu'ils n'ont pas ou très peu de références culturelles ou historiques, bien pire que ce que tu aurais cru ?
Ne t'es-tu pas sentie exilée, abandonnée, délaissée après des études stimulantes, dans un environnement fade qui n'a, finalement, pas grand chose d'intellectuel ?

Je ne ressens pas de mépris pour les élèves.
Je trouve que ce sont des êtres humains comme les autres, parfois gentils, parfois non. Il y en a que j'apprécie bien, d'autres pas. Certains sont intelligents, d'autres moins.
Mais je remarque que j'ai appris beaucoup de choses, et que je n'arrive pas à les leur transmettre.
Je me rends compte (je m'en doutais, OUI, mais avec la confrontation au réel ça devient tout de suite plus concret), que j'ai appris à traduire des textes antiques pendant 6 ans pour finalement juste tenter péniblement d'enseigner le commentaire de texte sur des extraits de classiques français que les élèves ne comprennent pas.

Et puis, j'en veux peut-être un peu (injustement ? sans doute) aux élèves de ne pas du tout aimer lire.
Mais au fond, je suis choqué aussi de l'écart incroyable entre les exigences du programme et le niveau des élèves !
Je ne sais pas si tu enseignes au collège ou au lycée, mais le programme du bac de français est quand même bien trop exigeant par rapport au niveau des élèves en français. Ne trouves-tu pas ?

Tu n'as donc jamais été désespérée par le métier ?
Comment faire face à un vrai désespoir, oui, désespoir, comme tu dis, sans en vouloir aux autres, au monde, au système ?

Je suis vraiment curieux !

Et désolé d'avoir rappelé mes bons résultats en traduction antique, à vrai dire je ne m'en souviens, en ce moment, que de façon bien amère : ils ne me servent à rien au quotidien. Je ne suis pas là pour me la péter mais parce que je craque.

Je pense que si tu veux sortir de ce désespoir, il faut que tu prennes du recul, analyses la situation et vois sur quel levier tu peux jouer pour l'améliorer. Je sais bien que c'est difficile quand on est en plein dedans et que ça semble inextricable, mais ruminer sur ce qui est hors de notre contrôle ne mène nulle part.
De ce que tu dis sur ce fil, je dirais que ce qui provoque ton ennui c'est :
-tu te trouves face à des classes mutiques qui ne connaissent pas la littérature et ne s'y intéressent pas
-tu as d'ailleurs choisi ce métier car ta matière te passionne, or tu t'aperçois que cette passion ne se transmets pas à tes élèves et ça te blesse et désespère
-le côté intellectuel de tes études te manque et ça te frustre de ne pas remobiliser des connaissances que tu as mis des années à apprendre
-tu estimes les programmes trop complexes ou trop denses pour des élèves qui accumulent des lacunes
-tu passes beaucoup de temps à préparer des cours qui ne fonctionnent pas pour les élèves que tu as.

Ca, c'est le constat. Maintenant : qu'est-ce qui peut changer dans cette situation et comment ? Parmi les choses que tu ne peux pas changer, il y a bien sûr les programmes inadaptés. Difficiles à changer également le désamour pour ta matière au lycée également. Il faut composer avec. Ils ne sont pas obligés d'aimer ta matière, par contre, il va falloir qu'ils la bossent.
Pour le reste, je pense que si le côté intellectuel te manque, tu peux le retrouver différemment. Il faut beaucoup réfléchir pour didactiser. Alors c'est sûr que ce n'est pas la même chose que de rédiger un mémoire ou de traduire les textes latins, il n'empêche qu'il faut faire fonctionner son intellect. Donc focalises-toi sur les compétences que tu mobilises pour construire les cours, et tu verras qu'il y en a plein, tout n'es pas perdu.
Analyse ce qui ne va pas dans tes cours. Tu dis que tu tentes de rendre tes cours intéressants, et je te crois bien sûr. Mais qu'as-tu fait exactement ? Ce qui est intéressant pour toi ne l'est pas forcément pour tes élèves; néanmoins, il y a sûrement des endroits où vos intérêts se rejoignent et sur lesquels tu peux t'appuyer pour construire le cours. Il faut trouver où.
-revois ton temps de travail. Si tu t'épuises, donne-moi de contrôles par exemple.

Après ce ne sont que des pistes donnés au débauché par une personne qui ne te connaît pas. Ce que je veux dire c'est : focalises-toi sur ce que tu peux contrôler, pas sur ce que tu ne peux pas changer, sinon tu ne t'en sortiras jamais.
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par Fesseur Pro Dim 17 Mar 2024 - 17:57
profdoctoujours a écrit:Après ce ne sont que des pistes données au débauché
C'est du propre ! Razz

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par profdoctoujours Dim 17 Mar 2024 - 18:02
Toujours !
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par Jenny Dim 17 Mar 2024 - 18:04
Le truc, c'est que si tu continues à voir les choses comme ça, tu vas être malheureux.
De plus, il ne faut pas délaisser la plupart de tes élèves pour t'intéresser uniquement aux 2-3 plus à l'aise.

Evidemment que ça arrive d'être désespéré par le niveau d'une classe, ce qui m'inquiète dans ton discours, c'est que ça semble être permanent.
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par rhianos-cretensis Dim 17 Mar 2024 - 18:12
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par Iridiane Dim 17 Mar 2024 - 18:12
Après si vraiment ce que tu aimes c’est le côté intellectuel de tes études qui te manque, clairement tu ne seras jamais satisfait dans le secondaire, il faut dire les choses. Il n’y a pas de honte à l’acter, tout le monde n’est pas fait pour ça, et même si je suis d’accord avec celles et ceux qui parlent de désinvestissement relatif (question de survie), eh bien ça reste quand même un métier, qui représente donc une partie importante de ta vie même si tu arrives à lui donner une place moins grande.
Dans ta situation, tu pourrais je pense réfléchir à faire une thèse pour renouer avec la dimension intellectuelle qui te manque, et pour tourner la page quelques années (si tu peux obtenir un contrat doctoral). Ça ne résoudra pas tout sur le long terme parce que les postes dans le supérieur ne se trouvent pas sous le sabot d’un cheval, ça n’est rien de le dire, mais ça te laisse aussi le temps et plus de disponibilité mentale pour réfléchir à ce que tu veux vraiment faire - pourquoi pas en termes de reconversion. Et malgré tout, avec un doctorat, on a un peu plus de portes que sortie que sans.
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par nono Dim 17 Mar 2024 - 18:20
zigmag17 a écrit:Avec le temps j'ai appris le détachement ( pour ma santé mentale et mon bien-être émotionnel ) et l'efficacité (vers laquelle je tends et à laquelle je ne parviens pas nécessairement eu égard au lamentable volume horaire auxquelles nos matières ont droit en LP).
Grossièrement voici ce que j'ai compris, qui me permet de me préserver relativement ( je dis bien : relativement):
- je ne propose aux élèves que des supports qui pour moi ne sont pas trop chargés affectivement, sauf si je sens en face de moi des élèves réceptifs. Par exemple , hors programme obligatoire évidemment ( œuvre intégrale ou textes patrimoniaux), je n'étudie pas des œuvres que j'adore et qui seraient susceptibles de recueillir indifférence ou ricanements.  Cela m'est arrivé en début de carrière, je le prenais pour une offense personnelle ( ce qu'il ne faut pas faire) et je sortais  du cours laminée,  déçue et emplie de rancœur. Désastreux. Désormais je suis prudente.  Je propose en classe des supports variés pour lesquels je ressens de l'intérêt, un intérêt intellectuel disons, qui ne sont pas nécessairement inscrits dans mon Panthéon personnel et me permettent de  bâtir des cours dans lesquels mon investissement affectif n'est pas trop engagé.  Si j'ai envie ( et cela m'est arrivé dernièrement) de partager avec les élèves un enthousiasme ou une passion pour tel ou tel domaine artistique ( mon grand truc c'est l 'hyperréalisme que j'adore littéralement et que je peux avec joie caser à peu près dans tous les objets d'étude possibles en CAP ou en bac pro), j'y vais avec précaution, en ayant toujours derrière un plan B au cas où.  J'ai montré peintures et sculptures il y a peu à une classe de CAP, ils ont bien accroché et là franchement j'étais contente. Mais s'ils s'étaient montrés désagréables, j'aurais remballé et serais passée à autre chose sans insister.
- Ensuite pour la préparation des cours, mon investissement vise au pragmatique.  Je m'y suis quasiment tuée quand j'ai débuté ( 9 classes en tant que néo titulaire, tous les niveaux de l'époque en LP des 4e techno aux term bac pro, toutes les matières, bivalence oblige + législation du travail, c'était juste l'enfer, avec des classes épouvantables en plus). Les trois premières années je bossais jusqu'à 1h du mat pour préparer mes cours qu'il fallait ensuite proposer à des élèves qui n'en voulaient pas et cherchaient la bagarre, au sens figuré et ( entre eux) au sens propre . C'etait épuisant et l'organisme et le mental ne se reposaient jamais. Après ce régime forcé, une dépression sévère, un mot de démission posé sur le bureau du CdE mais pas validé, j'ai pris beaucoup de recul.
Les cours doivent être en adéquation avec les programmes officiels et visent à assurer à nos élèves la  culture, la réussite aux examens et une ouverture sur le monde qui soit à la fois citoyenne, éclairée et utile pour les aider à construire leur personnalité.
Ces cours ne doivent pas nous mener jusqu'à l'épuisement.  
Je pars du principe que si des manuels sont édités c'est qu'on peut s'en servir, sinon ça n'a pas de sens. On nous bassine avec "Le cours doit être construit par vos soins de A à Z". Très bien..C'est possible parfois c'est plaisant d'inventer, d'anticiper, de bâtir, après tout nous exerçons une profession intellectuelle et trouver son compte dans la conception des cours est logique.  Mais pas toujours, pas tout le temps.
L'efficacité dont je parlais réside aussi là-dedans: pouvoir s'éclater à trouver des entrées dans certains thèmes, à chercher des documents exploitables en classe et intéressants pour les élèves, mais pas au point de tout sacrifier pour ça.  
Après, le cours qu'il soit hyper préparé ou fait à la volée ( par exemple exercices de grammaire ou de conjugaison proposés dans le feu de l'action sans préparation parce que le besoin s'en fait sentir là tout de suite), peut très bien fonctionner comme lamentablement échouer et ça on ne peut jamais le prévoir, c'est lié à l'alchimie déconcertante et imprévisible qui peut s'opérer ou non entre les humains que nous sommes, professeurs et élèves.

Edit: et bien sûr selon les élèves que l'on a en face de soi, il peut exister une distorsion énorme entre ce que l'on sait et ce que l'on voudrait transmettre, et la capacité des élèves à intégrer ces connaissances.
Il faut faire le deuil je crois de l'"élévation" au sens premier du terme.
Exemple tout frais: travail très littéraire en 1ère bac pro avec des extraits de romans du XIXe siècle, entre autres. J'ai reçu quelques copies d'une qualité ++++. J'ai été très claire: vu leur profil ils ne sont pas voués  à poursuivre des études littéraires.  Je peux toujours leur parler de mise en abyme, ça leur passe au-dessus de la tête. Mais ils en comprennent le sens, sont capables de " sentir " cela dans un texte et ça me suffit.  Pour ceux qui ont reçu des notes épouvantables, je les ai reçus pour comprendre: indifférence? Manque d'efforts? Problèmes de compréhension? A partir de là ça devient constructif.  Mais je ne pourrai pas aider des élèves qui nous arrivent à 17 ans illettrés et censés passer un bac pro l'année prochaine.
Là est ma limite.
Je suis "littéraire ", pas eux. Ceci étant posé, je fais au mieux dans la mesure de leurs capacités et de ma pédagogie .
Merci pour ce partage Zigmak17. Je rejoins ton analyse et ton constat sur de nombreux points.
Ces dernières années, comme toi, j'ai de plus en plus d'élèves illettrés, dyslexiques, dysorthographiques. J'ai essayé de corriger la copie d'un élève de terminale ce matin (bac blanc), mais elle est absolument incompréhensible, illisible. C'est un élève vraiment gentil, bon en atelier et très apprécié des collègues pro. Impossible pour moi de lui mettre un zéro. Je vais faire la correction en classe et mettrai une note sur le corrigé qu'il aura réussi à retranscrire en classe et sur quelques questions à l'oral...Je crains la catastrophe dans les matières générales à l'examen. Mais je me sens impuissante et ne peux rien faire de plus.

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par rhianos-cretensis Dim 17 Mar 2024 - 18:20
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par nono Dim 17 Mar 2024 - 18:24
rhianos-cretensis a écrit:profdoctoujours Merci pour ce message plein de philosophie. J'aimerais bien m'intéresser à la didactique, aussi. Ce n'est pas mon intérêt premier et je n'en ai entendu parler qu'à l'Inspé en année de stage (me rendant compte que je venais de réussir un concours pour un métier dont j'ignorais tout, je ne sais pas si je suis insensé ou si le recrutement est hors-sol). Mais l'année dernière je tentais des choses en stage pour changer le mode des cours, et c'était parfois intéressant et utile. Je vais essayer de m'y pencher quand ça ira mieux. Et oui, donner moins de contrôles. Je ne pense pas que ça va peiner les élèves s'ils ont moins de contrôles. Peut-être qu'avec le temps j'arriverai mieux à accepter ce que je ne peux pas changer. Et tordre ce programme pour en faire quelque chose d'adapter aux élèves que j'ai en face de moi.

Jenny Je sens bien en effet que je ne vais pas pouvoir continuer de faire cours pour 3 élèves. D'ailleurs, j'essaie régulièrement d'adapter le cours à tous les autres. Mais j'ai encore du mal à faire des cours qui prennent en compte tout le monde, ce qui est sans doute plus dur au début. Je passe une semaine à préparer ma séquence, puis je déroule le tout, je me rends compte que peu d'élèves la comprennent, alors j'essaie d'adapter au fil du chemin, mais c'est un peu trop tard : j'avais conçu la séquence pour des 2de imaginaires idéaux d'Eduscol, maintenant il faut tout refaire mais je n'ai plus le temps car je suis pris dans la course de la semaine, et c'est toujours le même crash à chaque nouvelle séquence. Peut-être un tout petit peu moins violent à chaque fois car je commence à mieux voir ce qui ne marche pas, mais comme à côté je m'épuise je n'en tire pas, maintenant, les bénéfices.

Ce sont de bons signes, tu es peu à peu en train de construire ton expérience.

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par Reine Margot Dim 17 Mar 2024 - 18:32
Je ne suis pas sûre de voir du mépris dans les propos de Rhinocretensis. Il y a effectivement un fossé disons entre ce qu'on apprend pour le concours à la fac et ce qu'on fait en pratique en classe, surtout au collège. Ma tutrice, agrégée et prof chevronnée, sans aucun mépris disait qu'au collège il fallait "faire le deuil de la littérature", ce qui pour elle voulait dire qu'on ne pouvait pas faire de commentaires de texte comme en fac ou au lycée, et qu'il fallait se mettre à la portée des élèves. J'ai compris que je n'étais pas faite pour ça quand, étant très malheureuse de l'indifférence des classes, m'ennuyant en cours à reprendre Machin ou Machine qui bavarde, j'ai trouvé une certaine paix dans un poste administratif. J'avais passé l'après-midi à faire de la mise sous pli, et ça m'ennuyait moins que d'être en classe à crier ou tenter de reprendre Untel ou Untelle. Et vers 17h, totalement libre, pas de préparation de cours ni de copies, pouvoir me consacrer entièrement à ce qui me plaisait...
Certains y arrivent et s'y sentent bien, y trouvent un sens, d'autres y sont malheureux. Dans ce cas effectivement, si ce sentiment persiste, je pense qu'il faut réfléchir à son orientation professionnelle.

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par rhianos-cretensis Dim 17 Mar 2024 - 18:38
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