Assassinat de notre collègue Samuel Paty

mamieprof a écrit:

Darxa a écrit:Reportage très émouvant. J’ai l’impression que la collègue professeur de lettres est très « seule ». Je ne m’étais pas rendue compte de l’implication des élèves  dans ce qui s’est passé.

Moi non plus, je pensais qu'une minorité d'élèves était impliquée, la petite menteuse et ceux qui ont désigné le professeur, je n'imaginais pas l'ampleur de la cabale.

Je viens de regarder le documentaire, très émouvant en effet. Il m'a permis de lâcher des larmes salutaires après une semaine de colère rentrée... Comme d'autres l'ont souligné avant moi, l'absence de témoignage émanant de la hiérarchie est édifiante...

Pour en revenir à la responsabilité des élèves dans cette affaire, je trouve que l'influence néfaste des réseaux sociaux est insuffisamment pointée du doigt. On sait pourtant désormais à quel point ils encouragent et renforcent les comportement humains les plus méprisables ! On a pu l'observer encore récemment, lors des violences qui ont suivi la mort du jeune Nahel... À quel moment va-t-on enfin s'attaquer à ce problème ? À quel moment va-t-on enfin protéger nos enfants de ce fléau ? Vraiment, ça m'exaspère de ne voir personne soulever davantage ce problème dans les média mainstream.

Clecle78 a écrit:

Marcelle Duchamp a écrit:Avez-vous écouté le Grand Bien vous Fasse de mercredi matin? Je l'ai trouvé très intéressant. Je vous le conseille.

J'ai commencé à écouter l'intervention de Mickaelle Paty au Sénat. Quelle dignité.
Je trouve que chacun de ses mots est très juste et sensé.
Je trouve très intéressant le passage où elle parle de l'entrisme de l'islamisme radical dans les écoles. Perso, je ne le vis pas et ne l'ai jamais vécu mais je connais quelqu'un qui le subit chaque jour dans son collège avec la consigne de jeter un voile pudique dessus en minimisant les faits et je trouve ça révoltant. Certains faits racontés sont hallucinants et je ne comprends pas qu'on accepte ça.

J'ai connu dans les années 90 à Lille. Et on n'a rien fait, bien au contraire. Ma chef avait peur des grands frères qui venaient menacer à  l'entrée du collège. On se taisait et on subissait. Certains approuvaient au nom de l'antiracisme. Et nous étions lâchés au plus haut niveau avec un Jospin Ponce Pilate.

Je trouve ça très bien qu'on en parle enfin avec ces mots-là, qui sont ceux qui recouvrent notre quotidien dans nos pratiques professionnelles (enfin je parle évidemment pour ceux d'entre nous qui sont confrontés à cet entrisme-là) mots qui sont crus, et entendus, sans qu'on crie à l'intolérance ou au "Enfin tu exagères ne dis pas ça, tu dis ça parce que tu es - au choix- intolérante, raciste, anti -musulmans, anti-islam etc-", voire "Tu exagères ça n'existe pas".
Je trouve malheureux que la parole de Mickaëlle Paty trouve ce fort écho parce qu'aux yeux de pas mal de gens elle semble , de part la tragédie qu'elle a vécue à travers l'assassinat de son frère, légitime à s'exprimer tandis que notre parole à nous de terrain n'aurait que peu de poids car ne serait porteuse que de mensonges.
Je l'ai écoutée, ses mots sont d'une force et d'une vérité inouïes et en plus de tout le reste je suis tellement d'accord quand elle dit qu'au lieu de la "bienveillance" on devrait chercher à créer chez les êtres de l'"empathie", ce qui éviterait sans doute de se cacher derrière son petit doigt pour énoncer des vérités sans complaisance.
Parce que le terrorisme lui n'est pas complaisant.

zigmag17 a écrit:

chmarmottine a écrit:Je vous lis depuis ce matin ... je ne sais pas comment vous faites .... je n'arrive pas à regarder tout ça ...

J'ai regardé Public Sénat. La soeur de Samuel Paty est remarquable et son allocution puis ses réponses aux questions font enfin entendre le vrai. Pour ma part , si le contexte n'est pas rassurant ( ça on le sait déjà), cela m'a réconfortée de sentir qu'une parole est entendue et crue.
Et puis j'ai mieux compris soudain la distorsion qu'il peut y avoir entre les discours des "anciens" profs et ceux des "jeunes" qui défendent une laïcité qu'elle qualifie d'"ouverte".
J'ai enfin eu l'impression qu'un voile se déchirait et que c'était la fin d'une certaine omerta.
Maintenant je vais tâcher de trouver le lien relatif à ce qui est évoqué à la fin du document, à savoir l'audition des enseignants.  Ca m'intéresse.
Merci Nicole pour le lien

J'ai regardé cette vidéo également. J'ignorais totalement que les collègues étaient formés dans les INSPE à une laïcité dite "ouverte". Cela m'a beaucoup surprise.
Je n'ai pas trouvé l'audition des enseignants. Je pense qu'elle n'est pas publique.

Untitled a écrit:

mamieprof a écrit:

Darxa a écrit:Reportage très émouvant. J’ai l’impression que la collègue professeur de lettres est très « seule ». Je ne m’étais pas rendue compte de l’implication des élèves  dans ce qui s’est passé.

Moi non plus, je pensais qu'une minorité d'élèves était impliquée, la petite menteuse et ceux qui ont désigné le professeur, je n'imaginais pas l'ampleur de la cabale.

Je viens de regarder le documentaire, très émouvant en effet. Il m'a permis de lâcher des larmes salutaires après une semaine de colère rentrée... Comme d'autres l'ont souligné avant moi, l'absence de témoignage émanant de la hiérarchie est édifiante...

Pour en revenir à la responsabilité des élèves dans cette affaire, je trouve que l'influence néfaste des réseaux sociaux est insuffisamment pointée du doigt. On sait pourtant désormais à quel point ils encouragent et renforcent les comportement humains les plus méprisables ! On a pu l'observer encore récemment, lors des violences qui ont suivi la mort du jeune Nahel... À quel moment va-t-on enfin s'attaquer à ce problème ? À quel moment va-t-on enfin protéger nos enfants de ce fléau ? Vraiment, ça m'exaspère de ne voir personne soulever davantage ce problème dans les média mainstream.

Je vais faire une remarque égocentrique, veuillez m’en excuser par avance.
Je participe à de nombreux médias et j’ai reçu quelques commentaires extrêmement désobligeants d’adultes à mon encontre alors que le sujet que je traite n’est absolument pas polémique. Il suffit d’un commentaire agressif pour rameuter une meute.
De même, je suis très active sur les RS et des fois, je me prends des scuds (juste par principe j’imagine! Ça doit être fun de cracher sur des inconnus!). Et ce sont des adultes!!

Je n’ose imaginer ce que peuvent commenter des adolescents qui sont moins réfléchis. Il suffit d’un pour entraîner la meute mais une meute immense, de la taille d’un établissement scolaire et d’un quartier!
Je plains ces gamins car ils sont dans une société de l’automatisme, où on ne réfléchit pas, où on ne tourne pas 7 fois sa langue dans sa bouche, où on ne va pas vérifier une info et on va se ranger à l’avis de celui qui fait le plus de bruit sur internet et les RS.

Voltaire a écrit:Si l'école suffisait à éradiquer le problème, le grand frère de l'assassin d'Arras, qui a été un (bon) élève de Dominique Bernard, ne serait pas radicalisé ...
Je croyais naïvement que ma discipline (mathématiques) était à l'abri des préjugés religieux, mais même pas : en probabilités, on est classiquement amené à parler de jeux qui font intervenir des mises, et les jeux d'argent, c'est maaaal. Je n'ai jamais cédé, mais j'ai des collègues qui se sont convertis (euh ... est ce le bon terme ?) aux mises en haricots secs.

Les jeux tout court c'est mal...

Marcelle Duchamp a écrit:
Je vais faire une remarque égocentrique, veuillez m’en excuser par avance.
Je participe à de nombreux médias et j’ai reçu quelques commentaires extrêmement désobligeants d’adultes à mon encontre alors que le sujet que je traite n’est absolument pas polémique. Il suffit d’un commentaire agressif pour rameuter une meute.
De même, je suis très active sur les RS et des fois, je me prends des scuds (juste par principe j’imagine! Ça doit être fun de cracher sur des inconnus!). Et ce sont des adultes!!

Je n’ose imaginer ce que peuvent commenter des adolescents qui sont moins réfléchis. Il suffit d’un pour entraîner la meute mais une meute immense, de la taille d’un établissement scolaire et d’un quartier!
Je plains ces gamins car ils sont dans une société de l’automatisme, où on ne réfléchit pas, où on ne tourne pas 7 fois sa langue dans sa bouche, où on ne va pas vérifier une info et on va se ranger à l’avis de celui qui fait le plus de bruit sur internet et les RS.

"Meute". C'est le bon terme. D'ailleurs il est prononcé dans le documentaire. Donc oui, la responsabilité des RS dans cette affaire est clairement sous-considérée. Et en ce qui nous concerne, au sein de l'EN, on aurait tout intérêt à instaurer d'urgence une VRAIE HEURE d'enseignement aux pratiques numériques, depuis la 6e jusqu'au bac, voire au-delà. Compter sur Pix pour effectuer ce travail monumental est une folie.

Fesseur Pro a écrit:

Voltaire a écrit:Si l'école suffisait à éradiquer le problème, le grand frère de l'assassin d'Arras, qui a été un (bon) élève de Dominique Bernard, ne serait pas radicalisé ...
Je croyais naïvement que ma discipline (mathématiques) était à l'abri des préjugés religieux, mais même pas : en probabilités, on est classiquement amené à parler de jeux qui font intervenir des mises, et les jeux d'argent, c'est maaaal. Je n'ai jamais cédé, mais j'ai des collègues qui se sont convertis (euh ... est ce le bon terme ?) aux mises en haricots secs.

Les jeux tout court c'est mal...

Oui, le problème n’est pas les mises en argent mais l’utilisation du jeu de hasard.

Et pourtant, étymologiquement, hasard comme algorithme viennent de l'arabe. Autres temps ... plus éclairés ?

Un peu plus éclairés: il y avait effectivement une Maison de la sagesse à Bagdad dont Al-Khwarizmi, le mathématicien perse qui a donné son nom aux algorithmes, a fait partie, mais cela n'implique pas forcément que tout le savoir qui s'y partageait fût le bienvenu dans le reste du califat.

Voltaire a écrit:Et pourtant, étymologiquement, hasard comme algorithme viennent de l'arabe. Autres temps ... plus éclairés ?

Un peu limite quand même cette remarque.

Je regarde infrarouge, c'est terrible cet enchaînement.

J'ai fini par le regarder. J'ai pleuré tout le long. C'est insupportable de se plonger dans ce qu'il a vécu.

Dans infrarouge, il y a des témoignages édifiants sur le déni même quand le pire est arrivé et qu'à un degré ou un autre, on en est responsables. La mère de la menteuse qui ose dire que l'école est importante pour eux et qu'elle ne voulait pas tout ça (mais le mensonge a été réitéré notamment devant l'assassin de Samuel Paty). Et le collègue qui a envoyé ce mail tellement nul qui reste campé dans ses bottes. A l'inverse, le maire (qui lui a vu le corps pour de vrai) qui a alerté et qui regrette de ne pas avoir insisté plus, les quelques collègues qui n'étaient pas là ce jour-là..

Roxanne, tu parles du documentaire "Le collège de Monsieur Paty" ? Je ne me souviens pas d'y avoir vu tout ça.

Je me demande si ce n’est pas plutôt le documentaire diffusé par BFM hier.

Oui, sans doute, c'est "Ligne rouge" : https://www.bfmtv.com/replay-emissions/ligne-rouge/samuel-paty-recit-d-un-assassinat-qui-aurait-du-etre-evite_GN-202310200843.html

Ah d'accord, merci. J'ai prévu de le regarder quand j'aurai fini les autres.

Oui, j'ai confondu. J'ai vu les deux en deux jours, ce n'est pas rassurant sur la nature humaine et je ne parle pas que du terroriste.

J’ai vu le ligne rouge hier et c’est vraiment glaçant. Les collègues qui se désolidarisent, l’élève qui ment à de multiples reprises, ceux qui désignent Samuel Paty à son tueur…

Je l'ai regardé avec mon compagnon qui ne connaissait l'affaire que de loin et il était stupéfait. L'éducation nationale n'en sort pas grandie.

Et comment pourrait-elle l'être ?  

Quel gâchis, cette machine qui s'est mis à broyer celui qui avait besoin de protection.

Quand on lie les deux documentaires et l'allocution de la soeur de Samuel Paty, ça laisse une impression très étrange et particulièrement angoissante.
Le documentaire de France 2 donne l'impression d'une forte solidarité, ce qui tranche avec les rares allusions évoquées par la soeur de Samuel Paty au sujet des collègues.

Effectivement, la nature humaine ne semble pas très prometteuse.

C'est plombant. Surtout quand se surprend à analyser le réel (le comportement de ses propres collègues prêts à presque tout pour se faire bien voir ...) au regard de cet enchaînement qui a abouti à une décapitation ... On se dit que si ça arrivait chez nous, cette assassinat ignoble n'aurait même pas servi de leçon et que les même phénomènes se produiraient encore ...
On réalise aussi qu'on n'est pas à l'abri de ce genre de rumeur et que le moindre de nos gestes ou paroles peut être déformés et qu'on n'a pas grand moyen de lutter si la machine s'emballe ...

Ce n'est pas très surprenant, les situations de crise exaspèrent les tensions et nous sommes toutes et tous bien placés pour connaître les dysfonctionnements qui irriguent notre institution à tous les niveaux. Pourquoi un établissement lambda, confronté au pire, devrait-il être meilleur que ce que sont tous les établissements par temps calme ? Les journalistes qui se posent en procureur de circonstance n'ont pas une grande légitimité.

Il y a beaucoup à dire y compris sur le beau documentaire "le collège de Monsieur Paty" qui essaie au moins d'éviter ce type de regard de surplomb. L'autre documentaire, je ne l'ai pas vu et ne le regarderai pas, ceux qui se posent en justiciers par sensationnalisme sans s'être jamais préoccupé de l'école, très peu pour moi.

Tu ne l'as pas vu mais tu as un avis. Moi, je l'ai vu et trouve très factuel justement notamment pour des non initiés.

Si tu le dis. J'ai un avis sur l'hypocrisie de cette posture de la part d'une chaîne d'info que j'ai suffisamment vue à l'œuvre au sujet de l'école (et d'autres sujets). J'ai déjà une connaissance des faits. Et aussi de ce qu'est un établissement scolaire. Contrairement à cette chaîne d'information.

chmarmottine a écrit:Quand on lie les deux documentaires et l'allocution de la soeur de Samuel Paty, ça laisse une impression très étrange et particulièrement angoissante.
Le documentaire de France 2 donne l'impression d'une forte solidarité, ce qui tranche avec les rares allusions évoquées par la soeur de Samuel Paty au sujet des collègues.

Effectivement, la nature humaine ne semble pas très prometteuse.

C'est plombant. Surtout quand se surprend à analyser le réel (le comportement de ses propres collègues prêts à presque tout pour se faire bien voir ...) au regard de cet enchaînement qui a abouti à une décapitation ... On se dit que si ça arrivait chez nous, cette assassinat ignoble n'aurait même pas servi de leçon et que les même phénomènes se produiraient encore ...
On réalise aussi qu'on n'est pas à l'abri de ce genre de rumeur et que le moindre de nos gestes ou paroles peut être déformés et qu'on n'a pas grand moyen de lutter si la machine s'emballe ...

J'ai pris la mesure de tout cela au travers de ces traumatismes  débutés pour moi le 11 septembre 2001 puis malheureusement reconduits avec les attentats contre Charlie-Hebdo qui ont marqué une rupture avec mon mode de fonctionnement.
L'assassinat de Samuel Samuel Paty m'a également ouvert les yeux sur beaucoup de choses.
Je me suis énormément documentée sur les modes opératoires et les organisations terroristes et leurs exactions. J'ai suivi quand je le pouvais encore ( car non inscrite sur twitter) les interventions des résistants à Raqqa. J'ai lu les documents sur le déroulement des procès du Bataclan, j'ai écouté Richard Malka.
Je sais comment agissent ceux qui sèment la terreur.
Je sais aussi que pour 50 euros un élève peut désigner un professeur à un prédateur.
Je sais que certaines classes peuvent se retourner complètement et nous souhaiter le pire parce que nous sommes désignés comme le Mal.
Je sais que nous sommes très seuls, et que la compromission, la lâcheté, l'indifférence, peuvent engendrer le chaos .
Je suis devenue équilibriste dans certaines classes où le moindre mot , le moindre texte, peuvent devenir des terrains minés.
Je suis devenus parano parce qu 'à chaque mot que je prononce je me demande s'il n'est pas enregistré par un élève qui le coupera de son contexte puis me désignera à la vindicte puis à la mort.
Alors pour ces aspects-là je suis très alarmiste et j'ai une vision mortifère de cette société et de mon métier.
Heureusement il y a des classes légères où l'on peut enseigner sans peser chaque mot en toute décontraction et en route simplicité, des collègues dont on se dit que non, eux ne nous laisseraient pas tomber si menace il y avait.
La vie continue, et la peur n'évite pas le danger.
Il n'empêche que ce qui est arrivé à Samuel Samuel Paty, ce que l'on a fait peser sur lui en plus des menaces qu'il subissait, de la part de l'institution c'est dégueulasse, c'est abject et ça ne devrait jamais exister.
J'admire sa sœur de tout mon cœur avec le discours vrai qu'elle porte, et ses mots vrais et forts.
Je regarderai ces reportages, même si je pense en savoir déjà trop hélas.