Page 3 sur 4 • 1, 2, 3, 4
- DesolationRowEmpereur
Je lis peu de poésie contemporaine, assez peu de poésie classique, beaucoup de poésie antique - moins vite, tu m'as eu mais dans ma tête, jamais à voix haute. Et ça ne me manque pas du tout mais je comprends tout à fait qu'on ne partage pas cette manière de faire.
- roxanneOracle
En tout cas, je me suis aperçue que beaucoup d'élèves écrivent, et plutôt pas mal.Mes élèves de STI2D ont composé un slam qui reprenait toutes les références de l'année, c’était franchement bien écrit. Et je ne leur avais pas demandé, c'était un "hommage" qu'ils m'ont rendue. Et une jeune fille en G a chanté un très beau texte qu'elle avait composé.
- Spoiler:
- ce qui a fait dire à un de ses camarades qui venait d'entendre sa chanson plus le slam des STI que j'avais enregistré : "Et moi pendant ce temps, je joue à Fortnight !"
- DesolationRowEmpereur
J'aime beaucoup le spoiler
- IphigénieProphète
DesolationRow a écrit:Iphigénie a écrit:Je ne sais pas : je préfère de très loin lire Racine à le voir jouer. Mais le théâtre ne se résume pas à Racine évidemment: ça dépend quoi, veux-je dire ( je ne suis pas sure de ne pas penser la même chose pour Beckett par exemple : bon….DesolationRow a écrit:Je ne suis pas sûr que je "n'aime pas" à proprement parler, je n'y trouve pas de plaisir particulier et en conséquence c'est une perte de temps : je lis énormément et très vite, et je préfère aller à mon rythme . J'aime en revanche beaucoup le théâtre (mais je n'y vais plus guère, la faute aux enfants) - mais là, on n'a pas trop le choix, les textes sont faits pour être joués, non lus.
Full disclosure : cette dernière phrase était juste destinée à te faire réagir (j'avais noté que la réflexion de ton collègue t'avait énervée)
Évidemment, j'exagère ; pour vous dire ce qu'exactement je pense de Beckett, j'attends d'être invité par A. Trapenard.
Je suis très prévisible, à force….
J’attends avec impatience ton passage alors
- AscagneGrand sage
@Iridiane : C'est pour cela que je l'ai indiqué, mais il faut que je relise l'introduction et que je lise le reste pour voir. Ce que tu dis est sans doute vrai ; je suppose aussi que, comme souvent, sans polémique, il y a encore moins de possibilité de publication.
Pour faire une vraie explication ou un vrai commentaire, il faut déjà avoir un certain bagage culturel et littéraire, il faut déjà aussi avoir une certaine idée de la littérature. Cette année, j'ai organisé mon début d'année en seconde autour de l'idée de montrer ou remontrer ce qu'est le texte littéraire, ce qu'est une lecture proprement littéraire, puis une analyse... avant de buter évidemment sur le passage à des exercices scolaires qui posent des contraintes un peu complexes dans l'affaire.
À quoi penses-tu derrière l'expression de récompense ?
Concernant le reste, il y a bien sûr du travail à faire à partir des progymnasmata et de ce qui s'est fait aussi dans l'enseignement classique, que l'on aime ou non Chiron. L'idée essentielle se trouve en effet dans la progressivité, mais comme des élèves arrivent en seconde sans avoir les fondamentaux, ils se retrouvent devant bien des difficultés lorsqu'on leur demande en temps limité des exercices complexes et marqués par la rigidité scolaire, à plus forte raison dans le cadre d'un programme bien chargé et quelque peu contradictoire. (J'ai apprécié le retour de l'histoire littéraire et du cadrage, par exemple, mais d'un autre côté, les contraintes en surnombre et l'idée, en première, de limiter les textes hors-œuvres intégrales à un parcours, pfff.)
Cela étant dit le savoir littéraire ne se réduit pas non plus à la technicité ou aux matières les plus techniques des études littéraires.Dandelion a écrit:J’ai le sentiment qu’à un moment les humanités ont eu honte de leur statut de ‘non-sciences’ et on voulu aller vers la technicité pour justifier de leur existence.
Je ne comprends toujours pas comment on peut procéder sans faire référence à ce qu'on peut appeler tonalités/registres (d'une façon ou d'une autre)... Mais j'en ai parlé dans un autre sujet.gluche a écrit:Là, je me demandais si, finalement, je ne devrais pas en 2de revenir aux registres pour leur apprendre la tonalité des textes. Bon, voilà, j'ai déposé en vrac des réflexions un peu confuses.
Et puis on a aussi un aspect comptable et un programme lourd (en première surtout si on pense au lycée) qui fait dériver l'affaire.Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:D'où vient ce malaise ? On se lasse peut-être d'enseigner le commentaire à des élèves qui n'ont pas les prérequis pour cet exercice.
Pour faire une vraie explication ou un vrai commentaire, il faut déjà avoir un certain bagage culturel et littéraire, il faut déjà aussi avoir une certaine idée de la littérature. Cette année, j'ai organisé mon début d'année en seconde autour de l'idée de montrer ou remontrer ce qu'est le texte littéraire, ce qu'est une lecture proprement littéraire, puis une analyse... avant de buter évidemment sur le passage à des exercices scolaires qui posent des contraintes un peu complexes dans l'affaire.
En effet !Iphigénie a écrit:le problème c’est que nos élèves se sont déshabitués du travail: c’est le problème majeur à résoudre: mais tant qu’on poussera à ce que les enseignants travaillent de plus en plus selon des exigences absurdes et chronophages mal pensées et mal graduées avec des élèves qui travaillent de moins en moins puisqu’ils n’y ont plus de « récompense » le fossé ne peut que s’agrandir…
À quoi penses-tu derrière l'expression de récompense ?
Certes. Mais nous travaillons de plus en plus à contre-courant sur ce point et certains collègues dans d'autres disciplines haussent quelque peu les épaules face à ce combat...NLM76 a écrit:Je pense donc à autre chose, au-delà de la liste hétéroclite que j'ai donnée plus haut:
Acquérir du style. Donc faire apprendre à écrire avec du style.
Donc, commencer, en tant que professeur, par travailler à acquérir du style.
Concernant le reste, il y a bien sûr du travail à faire à partir des progymnasmata et de ce qui s'est fait aussi dans l'enseignement classique, que l'on aime ou non Chiron. L'idée essentielle se trouve en effet dans la progressivité, mais comme des élèves arrivent en seconde sans avoir les fondamentaux, ils se retrouvent devant bien des difficultés lorsqu'on leur demande en temps limité des exercices complexes et marqués par la rigidité scolaire, à plus forte raison dans le cadre d'un programme bien chargé et quelque peu contradictoire. (J'ai apprécié le retour de l'histoire littéraire et du cadrage, par exemple, mais d'un autre côté, les contraintes en surnombre et l'idée, en première, de limiter les textes hors-œuvres intégrales à un parcours, pfff.)
- TailleventFidèle du forum
Je teste depuis l'approche "classique" que tu évoques. Il faut clairement l'adapter au bagage des élèves mais les résultats sur leur qualité d'écriture me semblent prometteurs (même s'ils sont évidemment difficiles à mesurer précisément).Ascagne a écrit:Concernant le reste, il y a bien sûr du travail à faire à partir des progymnasmata et de ce qui s'est fait aussi dans l'enseignement classique, que l'on aime ou non Chiron. L'idée essentielle se trouve en effet dans la progressivité, mais comme des élèves arrivent en seconde sans avoir les fondamentaux, ils se retrouvent devant bien des difficultés lorsqu'on leur demande en temps limité des exercices complexes et marqués par la rigidité scolaire, à plus forte raison dans le cadre d'un programme bien chargé et quelque peu contradictoire.
- EntoNiveau 1
Réflexions intéressantes sur ce fil !
TZR, assez peu d’expérience au lycée, auquel j’aspire, que je ne cesse de réclamer, et que les algorithmes me refusent, mes quelques aventures pédagogiques avec des secondes et premières m’ont pour ainsi dire frustré. J’ai pensé et je pense encore qu’il y avait une part de dépit à devoir suivre des programmes de textes pour le plaisir desquels la maîtrise de la langue faisait défaut aux élèves, mais j’ai fini par me persuader que c’était davantage le caractère méthodique, procédural, presque mécanique du commentaire qui, à la longue, m’ennuyait dans son principe. Or, surtout en première, cet exercice prend toute la place ; on respire un peu avec la dissertation, mais l’on étouffe souvent sous trop d’analyses microtextuelles.
Pour faire court, j’y ai réfléchi, je me suis reconstitué un magasin d’illusions (appelées à être déçues ?), et l’an prochain (si le saint algorithme daigne me l’accorder !), je vise une méthode qui prendra plus ou moins cette forme hebdomadaire (seconde et première, si possible). L'idée générale est de réduire drastiquement le temps d'analyse textuelle en le prenant en charge de manière magistrale, pour dégager un temps pour la pratique de l'écriture d'invention :
1/ 1 heure de pratique de l'écriture, donc, c’est-à-dire rédaction de textes d’invention, poèmes, essais, courtes descriptions ou courts récits… en rapport direct avec le texte à l’étude (travailler les règles du vers alexandrin classique en vue d’une étude de Racine, un morceau d’argumentation personnelle sur un thème donné, à la manière de Montaigne, en obligeant à intégrer des citations préparées, etc.). Variation possible : pratique théâtrale, ce qui revient à une forme de création. Occasion d’aborder de manière active des outils aussi bien stylistiques que grammaticaux.
2/ 1 heure d’analyse de texte / commentaire composé (comme on analyserait un « modèle idéal », exemplaire) très partiellement préparés par les élèves pour nourrir un cours dialogué, mais essentiellement pris en charge par le professeur : question d’efficacité. On y intégrera des exposés également magistraux selon le besoin : biographie, exposés thématiques sur les mouvements littéraires ou plus largement des thèmes philosophiques pertinents (morale, rêve, justice…), histoire de l’art… Quand je vois ce que peut faire une chaîne youtube comme Mediaclasse, qui en vingt minutes brosse l’essentiel de ce qu’on peut exiger d’eux au bac sur des textes ciblés, je pense qu’une heure bien conduite peut suffire à délivrer la même chose pour satisfaire à l’institution en même temps qu’à leur curiosité.
3/ 1 heure partagée (avec souplesse et accommodement) entre reprise et amélioration du texte d’invention (à l’exemple et selon les procédés du texte étudié), & pratique des exercices d’argumentation institutionnels (dont la dissertation, souvent plus intéressante pour moi).
Inconvénients :
- On s’éloigne de la demande institutionnelle du « tout doit venir de l’élève ». Mais c’est à la fois assumé, et balancé par la partie créative.
- On va à rebours de l’esprit de la réforme, qui a fait litière de l’exercice d’invention (une grande perte…).
- Peu de chance de tenir les délais (3h…), mais rien n’interdit de déborder d’une semaine sur l’autre, pourvu que ça reste occasionnel, et de prolonger les exercices en guise de devoir à la maison. Soyons réaliste : on n’apprend pas à tourner du vers classique en une heure… La question demeure : a-t-on le temps de faire autant d'invention en première ? Sans doute, si on y sacrifie un peu d'interaction dans l'analyse des textes, et qu'on ne propose plus de temps de recherche écrite et individuelle en classe...
- Temps sans doute réduit pour la pratique des exercices d’argumentation. Mais on maintient, bien sûr, des commentaires ou analyses complets et évalués.
J’interromps là mes rêveries, déjà trop longues. Si j’ai la chance d’intégrer un lycée, je ferai mon rapport dans un an sur l'efficacité de ce schéma (qui aura sans doute évolué d'ici-là).
TZR, assez peu d’expérience au lycée, auquel j’aspire, que je ne cesse de réclamer, et que les algorithmes me refusent, mes quelques aventures pédagogiques avec des secondes et premières m’ont pour ainsi dire frustré. J’ai pensé et je pense encore qu’il y avait une part de dépit à devoir suivre des programmes de textes pour le plaisir desquels la maîtrise de la langue faisait défaut aux élèves, mais j’ai fini par me persuader que c’était davantage le caractère méthodique, procédural, presque mécanique du commentaire qui, à la longue, m’ennuyait dans son principe. Or, surtout en première, cet exercice prend toute la place ; on respire un peu avec la dissertation, mais l’on étouffe souvent sous trop d’analyses microtextuelles.
Pour faire court, j’y ai réfléchi, je me suis reconstitué un magasin d’illusions (appelées à être déçues ?), et l’an prochain (si le saint algorithme daigne me l’accorder !), je vise une méthode qui prendra plus ou moins cette forme hebdomadaire (seconde et première, si possible). L'idée générale est de réduire drastiquement le temps d'analyse textuelle en le prenant en charge de manière magistrale, pour dégager un temps pour la pratique de l'écriture d'invention :
1/ 1 heure de pratique de l'écriture, donc, c’est-à-dire rédaction de textes d’invention, poèmes, essais, courtes descriptions ou courts récits… en rapport direct avec le texte à l’étude (travailler les règles du vers alexandrin classique en vue d’une étude de Racine, un morceau d’argumentation personnelle sur un thème donné, à la manière de Montaigne, en obligeant à intégrer des citations préparées, etc.). Variation possible : pratique théâtrale, ce qui revient à une forme de création. Occasion d’aborder de manière active des outils aussi bien stylistiques que grammaticaux.
2/ 1 heure d’analyse de texte / commentaire composé (comme on analyserait un « modèle idéal », exemplaire) très partiellement préparés par les élèves pour nourrir un cours dialogué, mais essentiellement pris en charge par le professeur : question d’efficacité. On y intégrera des exposés également magistraux selon le besoin : biographie, exposés thématiques sur les mouvements littéraires ou plus largement des thèmes philosophiques pertinents (morale, rêve, justice…), histoire de l’art… Quand je vois ce que peut faire une chaîne youtube comme Mediaclasse, qui en vingt minutes brosse l’essentiel de ce qu’on peut exiger d’eux au bac sur des textes ciblés, je pense qu’une heure bien conduite peut suffire à délivrer la même chose pour satisfaire à l’institution en même temps qu’à leur curiosité.
3/ 1 heure partagée (avec souplesse et accommodement) entre reprise et amélioration du texte d’invention (à l’exemple et selon les procédés du texte étudié), & pratique des exercices d’argumentation institutionnels (dont la dissertation, souvent plus intéressante pour moi).
Inconvénients :
- On s’éloigne de la demande institutionnelle du « tout doit venir de l’élève ». Mais c’est à la fois assumé, et balancé par la partie créative.
- On va à rebours de l’esprit de la réforme, qui a fait litière de l’exercice d’invention (une grande perte…).
- Peu de chance de tenir les délais (3h…), mais rien n’interdit de déborder d’une semaine sur l’autre, pourvu que ça reste occasionnel, et de prolonger les exercices en guise de devoir à la maison. Soyons réaliste : on n’apprend pas à tourner du vers classique en une heure… La question demeure : a-t-on le temps de faire autant d'invention en première ? Sans doute, si on y sacrifie un peu d'interaction dans l'analyse des textes, et qu'on ne propose plus de temps de recherche écrite et individuelle en classe...
- Temps sans doute réduit pour la pratique des exercices d’argumentation. Mais on maintient, bien sûr, des commentaires ou analyses complets et évalués.
J’interromps là mes rêveries, déjà trop longues. Si j’ai la chance d’intégrer un lycée, je ferai mon rapport dans un an sur l'efficacité de ce schéma (qui aura sans doute évolué d'ici-là).
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
Puisqu'on parlait des choses qu'on n'aime pas trop (lire à haute voix, écouter...), voici ma confession :
Je ne suis pas causant, j'ai toujours eu du mal à converser, je ne sais pas parler de littérature façon Masque et la plume (et en ai-je envie ?...), s'il s'agit bien de cela. J'avoue par conséquent mettre de côté dans mon enseignement tout ce qui se rapproche de la critique de presse, du billet d'humeur, de l'expression d'un avis après première lecture, de la causerie. Pondre un petit texte sur un film que je viens de voir ou un livre dont j'achève la lecture me donne l'impression de n'avoir rien vu ni lu. Je crains donc de ne pas savoir donner l'exemple.
NLM76 a écrit:Apprendre à parler de littérature
Je ne suis pas causant, j'ai toujours eu du mal à converser, je ne sais pas parler de littérature façon Masque et la plume (et en ai-je envie ?...), s'il s'agit bien de cela. J'avoue par conséquent mettre de côté dans mon enseignement tout ce qui se rapproche de la critique de presse, du billet d'humeur, de l'expression d'un avis après première lecture, de la causerie. Pondre un petit texte sur un film que je viens de voir ou un livre dont j'achève la lecture me donne l'impression de n'avoir rien vu ni lu. Je crains donc de ne pas savoir donner l'exemple.
- AscagneGrand sage
En tant qu'épreuve de bac, en effet, mais pas pour le reste : cela fait partie des types d'exercice proposés dans le programme au moins en seconde.Ento a écrit:- On va à rebours de l’esprit de la réforme, qui a fait litière de l’exercice d’invention (une grande perte…).
En revanche il me semble que tu sous-estimes la dimension "travail à l'usine contre le temps" de l'année de première en français... Le temps manque, vu l'ampleur de ce qui est demandé ; et puis les élèves et leurs parents ont leurs propres demandes.
@Sylvain de Saint-Sylvain : J'ai du mal à aborder mes lectures sous ce format-là moi aussi, type Masque et la plume ou équivalent. J'arrive à faire ce genre de critique avec les films ou les séries, cependant. Cela étant dit à part en matière de poésie je ne lis pas grand chose du côté des parutions récentes en littérature à part par obligation. Je préfère mes classiques ou mes textes patrimoniaux, les essais universitaires, ou des ouvrages historiques et géopolitiques - je lis des romans, tournés vers l'imaginaire, mais en anglais. Je redirige mes élèves qui veulent des avis sur l'extrême-contemporain vers mes collègues.
@Taillevent : Je réfléchis à la manière de mieux m'organiser sur ce point pour l'an prochain, en seconde, en français mais aussi en LCA dans une perspective finalement où j'aurai plus de liberté...
- NLM76Grand Maître
Et ressens-tu la versification, le mètre, le rythme, en lisant dans ta tête ?DesolationRow a écrit:Je lis peu de poésie contemporaine, assez peu de poésie classique, beaucoup de poésie antique - moins vite, tu m'as eu mais dans ma tête, jamais à voix haute. Et ça ne me manque pas du tout mais je comprends tout à fait qu'on ne partage pas cette manière de faire.
D'autre part, à propos de "parler de littérature"... j'ai hésité avant d'écrire cela, parce que je savais que le caractère lapidaire de la formule prêterait encore davantage à confusion que celui de mes autres formules. Parler de littérature à la manière du Masque et la Plume m'intéresse assez peu moi aussi. En fait, je pense à quelque chose de beaucoup plus naturel, un peu comme ce que propose Boimare dans son Ces enfants empêchés de penser, et un peu comme ce que je me suis autorisé à faire en cours d'humanités cette année.
Ainsi, je leur ai donné quelques vers de Shakespeare, tirés de Macbethtraduits, et rapidement contextualisés ("La vie ? Une ombre en marche; un pauvre acteur / Qui gesticule et perd son temps sur scène / Et puis qu'on n'entend plus. Ce n'est qu'un conte / Conté par un idiot — bruyant, furieux / Qui ne signifie rien.") Et je leur ai demandé, en une heure : "Qu'en pensez-vous ?".
Eh bien, ce n'était pas génialissime, loin s'en faut; mais au moins j'ai lu de véritables amorces de réflexion, une parole humaine, au lieu du charabia sans queue ni tête à donner des envies de se pendre que je corrige généralement dans les commentaires.
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- EntoNiveau 1
Ascagne a écrit: En revanche il me semble que tu sous-estimes la dimension "travail à l'usine contre le temps" de l'année de première en français... Le temps manque, vu l'ampleur de ce qui est demandé ; et puis les élèves et leurs parents ont leurs propres demandes.
En effet, il est fort probable que je le sous-estime, hélas ! J'ai quand même pu noter, lors d'un remplacement, des différences de rythme stupéfiantes : un collègue à 8 textes début février, un autre qui avait déjà sa vingtaine peu après le retour des vacances d'hiver... Il y a vraiment des façons de procéder très diverses.
Dans tous les cas, même si ce que je détaille plus haut est difficilement envisageable à la semaine, ça vaudra tout de même le coup de tenter de réintroduire l'exercice d'invention tous les deux ou trois commentaires de textes, histoire d'aérer le programme et de ne pas laisser ce goût amer de littérature-prétexte à analyse qui restent à nos adolescents en sortant de leur année de français.
A ce sujet et pour la route, la remarque d'un Allemand :
“Par l’intermédiaire de l’artiste, les Allemands veulent parvenir à une sorte de passion rêvée ; les Italiens veulent, grâce à lui, se reposer de leurs passions véritables ; les Français veulent qu’il leur offre une occasion de prouver leur jugement et un prétexte à discourir. Soyons donc équitable!”
(Nietzsche, Aurore, 217)
- NLM76Grand Maître
Ce sont des questions importantes.Taillevent a écrit:Je partage les propos de @sensifer : cette méthode me semble excellente et porteuse de sens mais je ne pense pas qu'elle soit à la portée de grand-monde. De plus, elle me semble mobiliser beaucoup plus de cette "théorie littéraire" que n'en dispose un élève. Il faudra donc bien l'enseigner.
Pourquoi penses-tu qu'elle ne serait pas à la portée de tout le monde ? La quantité de culture littéraire qu'il faudrait acquérir te semble-t-elle trop importante ? Il me semble que d'une part on peut acquérir peu à peu de la culture, et d'autre part qu'on ne peut attendre la même culture d'un élève et d'un professeur. D'où l'importance, à mon avis, et comme le disait @Iphigénie, de bien répartir les rôles : c'est au professeur d'expliquer les textes.
Alors bien sûr, il faut de la théorie littéraire ; mais laquelle, en quelle quantité ? A quel moment ? Il me semble qu'elle doit s'accrocher derrière la connaissance des textes, plutôt que le contraire. Ainsi, j'ai le sentiment que la connaissance de la versification chez la plupart est beaucoup trop théorique et abstraite. Autrement dit, il ne sert pas à grand-chose de savoir ce que sont des heptasyllabes si on ne sait pas des heptasyllabes.
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- uneodysséeNeoprof expérimenté
Je suis vos réflexions avec intérêt, parce que j’aimerais bien, moi aussi, redonner sens et souffle à tout cela.
Je partage cette dernière idée, que je formule ainsi : la théorie hors textes n’a pas de sens (et cela rejoint un autre fil, sur la mémorisation et le sens). J’ai des collègues qui donnent à apprendre une fiche de figures de style, puis un contrôle sur la dite fiche : je m’y suis toujours refusée. Lorsque l’on recroise tel ou tel procédé, je dis : souvenez-vous, on l’avait vu dans tel texte, et parfois certain·es sont capables de citer le passage en question (et on en profite pour remarquer que les écrivains machin et bidule en font un usage très différent ).
Je suis aussi d’accord avec l’idée de faire beaucoup écrire. Ma pratique des ateliers d’écriture, pour lesquels je me suis formée très sérieusement, me pousse dans ce sens. Les programmes et le temps imparti, comme le souligne Ascagne, poussent dans l’autre. Je voudrais résister autant que possible.
Le paradoxe étant que mes inspections sur des séances d’écriture ont été très élogieuses. Il semble que je fasse ce qu’on attend de moi. Les inspecteurs aiment moins quand je leur dis que pour ce faire, je sacrifie la préparation aux exercices du bac, et que mes collègues à temps plein n’ont pas le temps de faire autant écrire et les retours qui vont avec. Mouarf.
Je partage cette dernière idée, que je formule ainsi : la théorie hors textes n’a pas de sens (et cela rejoint un autre fil, sur la mémorisation et le sens). J’ai des collègues qui donnent à apprendre une fiche de figures de style, puis un contrôle sur la dite fiche : je m’y suis toujours refusée. Lorsque l’on recroise tel ou tel procédé, je dis : souvenez-vous, on l’avait vu dans tel texte, et parfois certain·es sont capables de citer le passage en question (et on en profite pour remarquer que les écrivains machin et bidule en font un usage très différent ).
Je suis aussi d’accord avec l’idée de faire beaucoup écrire. Ma pratique des ateliers d’écriture, pour lesquels je me suis formée très sérieusement, me pousse dans ce sens. Les programmes et le temps imparti, comme le souligne Ascagne, poussent dans l’autre. Je voudrais résister autant que possible.
Le paradoxe étant que mes inspections sur des séances d’écriture ont été très élogieuses. Il semble que je fasse ce qu’on attend de moi. Les inspecteurs aiment moins quand je leur dis que pour ce faire, je sacrifie la préparation aux exercices du bac, et que mes collègues à temps plein n’ont pas le temps de faire autant écrire et les retours qui vont avec. Mouarf.
- TailleventFidèle du forum
@Ascagne Si jamais, concernant ces questions, nous avions eu une petite discussion ici : https://www.neoprofs.org/t132674-reintroduire-la-rhetorique
- SeiGrand Maître
J'ai fait une petite expérience en 1re. J'ai d'abord fait mémoriser un poème aux élèves en même temps que son analyse (pratique que j'avais déjà expérimentée plusieurs fois). Puis, quelques jours plus tard (et c'est là que j'ai essayé quelque chose de neuf), je les ai fait passer à l'oral (par deux, et le duo, la façon dont chaque élève se complétait, était intéressant), sans textes, ni notes. Ils devaient réciter le poème en l'expliquant en même temps. En somme, je testais quelque chose qui me paraît tourner autour de l'apprentissage "par coeur" de Nlm : que la mémorisation ait du sens, que ce qui permet au poème de s'ancrer soit adossé à sa singularité inouïe, à ce qui s'explique.
Que tirer de cette expérience ? je ne sais pas très bien encore (et fait-elle partie de l'enseignement de la littérature plutôt que sa théorie ? pas forcément), mais je pense que je chercherai à la creuser. La façon dont la mémoire des duos se formait, en acte, de manière non mécanique, la façon dont le sens apparaissait, c'était intéressant (et les élèves ont joué le jeu, malgré la sensation un peu vertigineuse et la croyance qu'avaient certains que les notes leur étaient absolument nécessaires).
Que tirer de cette expérience ? je ne sais pas très bien encore (et fait-elle partie de l'enseignement de la littérature plutôt que sa théorie ? pas forcément), mais je pense que je chercherai à la creuser. La façon dont la mémoire des duos se formait, en acte, de manière non mécanique, la façon dont le sens apparaissait, c'était intéressant (et les élèves ont joué le jeu, malgré la sensation un peu vertigineuse et la croyance qu'avaient certains que les notes leur étaient absolument nécessaires).
_________________
"Humanité, humanité, engeance de crocodile."
- NLM76Grand Maître
Je fais de plus en plus une chose qui s'y apparente : je fais apprendre quelques vers ou quelques lignes d'un texte par cœur pendant 10 minutes ou un quart d'heure, je m'interroge moi-même, j'interroge quelques élèves, et ensuite j'explique ces lignes. Je trouve le travail beaucoup plus efficace parce qu'ils ont vraiment en tête de quoi je parle.Sei a écrit:J'ai fait une petite expérience en 1re. J'ai d'abord fait mémoriser un poème aux élèves en même temps que son analyse (pratique que j'avais déjà expérimentée plusieurs fois). Puis, quelques jours plus tard (et c'est là que j'ai essayé quelque chose de neuf), je les ai fait passer à l'oral (par deux, et le duo, la façon dont chaque élève se complétait, était intéressant), sans textes, ni notes. Ils devaient réciter le poème en l'expliquant en même temps. En somme, je testais quelque chose qui me paraît tourner autour de l'apprentissage "par coeur" de Nlm : que la mémorisation ait du sens, que ce qui permet au poème de s'ancrer soit adossé à sa singularité inouïe, à ce qui s'explique.
Que tirer de cette expérience ? je ne sais pas très bien encore (et fait-elle partie de l'enseignement de la littérature plutôt que sa théorie ? pas forcément), mais je pense que je chercherai à la creuser. La façon dont la mémoire des duos se formait, en acte, de manière non mécanique, la façon dont le sens apparaissait, c'était intéressant (et les élèves ont joué le jeu, malgré la sensation un peu vertigineuse et la croyance qu'avaient certains que les notes leur étaient absolument nécessaires).
Souvent, les difficultés qui apparaissent à la récitation sont fort intéressantes, et sont l'occasion d'un élément d'explication, soit pour éclairer une difficulté, soit pour remarquer un fait particulièrement intéressant — que ces difficultés soient des difficultés de mémorisation ou de déclamation.
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- IphigénieProphète
Ce sont des expériences séduisantes en tout cas!
- NLM76Grand Maître
Je précise encore cette affaire de mémorisation. [En fait je vais redire pas mal de choses que je dis dans mon article sur "Langue orale, langue écrite"]. Après l'exemple de "Chantre", prenons deux exemples tout opposés : des poèmes longs, voire très longs : "Zone" (155 vers), et le chant VIII de L'Odyssée. J'ai commencé à apprendre le premier alors que j'étais en classe de première, et que nous avions Alcools dans notre programme d'étude ("Marie", "Mai", etc., mais pas "Zone"). J'ai appris l'intégralité du chant VIII, dans la traduction de Brunet, dans les mois qui viennent de s'écouler, afin de le dire devant un très petit et très vaillant auditoire. Avant d'apprendre ces longs poèmes, je ne savais pas que je serais capable de mener à bout l'entreprise. Evidemment ce truc-là vous transforme le bonhomme ; on n'est plus du tout le même avant qu'après.
Mais en deçà de la question anthropologique, soyons prosaïque, et voyons ce qu'il en est pour apprendre à analyser, à commenter un texte littéraire. La première chose, c'est que nous sommes fort peu d'êtres humains à posséder ainsi, dans l'enceinte de notre poitrine, ces poèmes-là. Et, nous qui les savons, nous avons aussi que les autres, ceux qui ne les savent pas ainsi "par coeur" ne les comprennent pas aussi bien que nous, et que leurs analyses seront inévitablement, d'une certaine façon, plus faibles que les nôtres. Nous le savons, parce que nous savons la différence entre les poèmes que nous connaissons par coeur, et les poèmes que nous ne savons pas par coeur.
Mais la question n'est pas encore là. Il ne s'agit pas de comparer deux méthodes. Il s'agit d'observer ce que peut apporter à l'analyse, par nature, la mémorisation de longs poèmes. Je vais y revenir, parce que le temps me manque tout de suite ; mais vous imaginez bien que pour ce qui est d'un poème qu'on ressasse depuis 35 ans, il est des éléments inaperçus qui apparaissent d'une façon différente. Je parlerai, la prochaine fois de "Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs".
Mais en deçà de la question anthropologique, soyons prosaïque, et voyons ce qu'il en est pour apprendre à analyser, à commenter un texte littéraire. La première chose, c'est que nous sommes fort peu d'êtres humains à posséder ainsi, dans l'enceinte de notre poitrine, ces poèmes-là. Et, nous qui les savons, nous avons aussi que les autres, ceux qui ne les savent pas ainsi "par coeur" ne les comprennent pas aussi bien que nous, et que leurs analyses seront inévitablement, d'une certaine façon, plus faibles que les nôtres. Nous le savons, parce que nous savons la différence entre les poèmes que nous connaissons par coeur, et les poèmes que nous ne savons pas par coeur.
Mais la question n'est pas encore là. Il ne s'agit pas de comparer deux méthodes. Il s'agit d'observer ce que peut apporter à l'analyse, par nature, la mémorisation de longs poèmes. Je vais y revenir, parce que le temps me manque tout de suite ; mais vous imaginez bien que pour ce qui est d'un poème qu'on ressasse depuis 35 ans, il est des éléments inaperçus qui apparaissent d'une façon différente. Je parlerai, la prochaine fois de "Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs".
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- DesolationRowEmpereur
Je ne crois pas du tout que ce que tu dis soit vrai
Je prends mes analyses de l’Énéide sur à peu près celles de n’importe qui qui connaîtrait le texte par cœur
Je prends mes analyses de l’Énéide sur à peu près celles de n’importe qui qui connaîtrait le texte par cœur
- NLM76Grand Maître
Comparons ce qui est comparable.DesolationRow a écrit:Je ne crois pas du tout que ce que tu dis soit vrai
Je prends mes analyses de l’Énéide sur à peu près celles de n’importe qui qui connaîtrait le texte par cœur
Nos deux mauvaises fois, pour commencer, se valent assez bien !
Ensuite, je pense que tu connais au moins autant par cœur L'Énéide que les n'importe qui que tu évoques.
Ça permet de développer encore cette affaire du sens de la locution "par cœur". Le deuxième synonyme du CNRTL est lui aussi assez inexact. Savoir par cœur, en effet, ce n'est pas seulement savoir à la lettre. Par exemple, savoir que chant I raconte l'arrivée à Carthage, le chant II raconte la chute de Troie avec la fuite d'Énée, etc. , c'est une façon de savoir par cœur L'Énéide.
- IphigénieProphète
En fait nous avons tous la bonne méthode pour enseigner la littérature mais nous donnons tous des sens différents aux mots: et on voudrait que notre enseignement soit scientifique
- BaldredSage
Je me demande encore si on n'a pas bazardé Charles Mauron un peu trop vite. Un lecteur, un prof de lettres aveugle qui connait les textes par coeur, par ouïe, par ce qui peut se passer quand on ne voit pas, a sans doute un accès particulier au sens. La psychocritique fait sans doute sourire, pas sa connaissance des textes.
- TailleventFidèle du forum
Navré d'insister mais tant le Larousse que Le Robert donnent des définitions assez ambiguës, ne reprenant que la notion de mémoire, pas celle de compréhension. Poussé par tes commentaires, je me suis lancé dans une rapide revue de ce que me renvoyait Google à propos de l'expression "apprentissage par cœur". Il y a une certaine diversité mais il me semble que le sens qui domine est tout de même celui qui détache cette forme d'apprentissage de la compréhension, y compris dans des textes universitaires.NLM76 a écrit:Le deuxième synonyme du CNRTL est lui aussi assez inexact. Savoir par cœur, en effet, ce n'est pas seulement savoir à la lettre.
Je suis totalement d'accord que la notion que tu proposes est beaucoup plus intéressante mais je peine à comprendre sur quoi tu te bases pour décréter que ton usage de cet expression serait plus correct.
- DesolationRowEmpereur
NLM76 a écrit:
Nos deux mauvaises fois, pour commencer, se valent assez bien !
Je le reconnais volontiers
- NLM76Grand Maître
DesolationRow a écrit:NLM76 a écrit:
Nos deux mauvaises fois, pour commencer, se valent assez bien !
Je le reconnais volontiers
D'ailleurs, tu pourrais corriger ton charabia...
"Je prends mes analyses de l’Énéide sur à peu près celles de n’importe qui qui connaîtrait le texte par cœur"
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- NLM76Grand Maître
Ne sois pas navré : la discussion est intéressante !Taillevent a écrit:Navré d'insister mais tant le Larousse que Le Robert donnent des définitions assez ambiguës, ne reprenant que la notion de mémoire, pas celle de compréhension. Poussé par tes commentaires, je me suis lancé dans une rapide revue de ce que me renvoyait Google à propos de l'expression "apprentissage par cœur". Il y a une certaine diversité mais il me semble que le sens qui domine est tout de même celui qui détache cette forme d'apprentissage de la compréhension, y compris dans des textes universitaires.NLM76 a écrit:Le deuxième synonyme du CNRTL est lui aussi assez inexact. Savoir par cœur, en effet, ce n'est pas seulement savoir à la lettre.
Je suis totalement d'accord que la notion que tu proposes est beaucoup plus intéressante mais je peine à comprendre sur quoi tu te bases pour décréter que ton usage de cet expression serait plus correct.
Tout d'abord, il est sans doute bon d'articuler précisément ce qui relève du linguistique et ce qui relève du philosophique au sens large. D'un côté, il y a le sens qu'on peut constater dans l'usage, et de l'autre il y a celui vers lequel j'aimerais faire pencher mes interlocuteurs. Et dans ma mauvaise foi, je leur dis que cette direction a quelque chose de plus vrai qu'un usage trop courant. Autrement dit, quand j'affirme "les gens pensent que tel mot signifie telle chose, mais ils ont tort", j'ai forcément, au plan linguistique, en grande partie tort.
Cependant, dire qu'un mot, une expression a un sens est un raccourci, surtout si derrière "sens", on met un seul synonyme. Autrement dit, dans "par cœur", il y a : littéralement, mécaniquement, de mémoire, parfaitement, sans faute, aveuglément, intelligemment, stupidement, jusque dans le moindre détail, de façon claire, clairvoyante, intimement, entièrement...
Et l'on voit bien qu'il y a un côté obscur et côté lumineux de la force "mémoire", selon qu'on envisage le "par cœur" d'un côté ou de l'autre. Il y a, évidemment, un bon et un mauvais "par cœur". Et je vous dis que la nature même de l'expression devrait nous inviter à explorer son bon côté, parce que le cœur, dans notre langue, c'est à la fois l'organe central qui nous permet d'être vivant, c'est notre pulsation, notre centre, et aussi le siège des émotions, du désir, de la bonne volonté, le bien-vouloir, des passions, des sentiments amoureux, de l'altruisme, de la générosité; c'est l'âme, le caractère, la vie intérieure, la pensée intime. Dans "par cœur", il y a cœur, et quand on y pense, on peut se dire que ça pourrait être intéressant de considérer l'apprentissage par cœur comme quelque chose de vraiment utile.
J'en avais parlé naguère à propos de Gargantua, dans cet article. D'ailleurs on pourrait noter que Rabelais dit ici quelque chose de central pour la Renaissance, en ce qui concerne la théologie : ce qu'il faut connaître, ce qu'il faut apprendre par cœur, c'est le texte, plutôt que ses commentaires. On voit bien dans quelle mesure on peut transposer cela à l'étude de la littérature.
D'autre part, il faut bien reconnaître que je suis très très déformé par mon intérêt pour l'épopée : qu'elle soit grecque, française, fang, mandingue, sanskrite, kirghize, persane, serbo-croate, albanaise ou yakoute, elle prétend associer une immense mémoire, "par cœur", à la vraie connaissance du monde et des hommes, à la vraie pensée.
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
Page 3 sur 4 • 1, 2, 3, 4
- 2013-2014 : Les Mains libres de Paul Éluard et Man Ray + Lorenzacio de Musset au programme de littérature (terminale littéraire)
- Le programme de Terminale Littéraire en littérature 2015-2016 : Oedipe-Roi (Sophocle, Pasolini) ; Madame Bovary (Flaubert).
- quelles oeuvres pour les premières littéraire en Littérature ??
- Où trouver des cours de littérature niveau prépa littéraire ?
- Classe terminale de la série littéraire : Programme de littérature pour l'année scolaire 2018-2019
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum