- ElaïnaDevin
L'intention a été prouvée non ?
Quant à la première condition que tu cites, je ne crois pas qu'il en soit question dans la convention pour le génocide, il y est insisté sur l'intentionnalité et sur le ciblage d'un groupe, mais rien n'interdit, me semble-t-il, de considérer que les opposants politiques en forment un.
Bon enfin ça ne change pas grand chose au fond du problème.
Quant à la première condition que tu cites, je ne crois pas qu'il en soit question dans la convention pour le génocide, il y est insisté sur l'intentionnalité et sur le ciblage d'un groupe, mais rien n'interdit, me semble-t-il, de considérer que les opposants politiques en forment un.
Bon enfin ça ne change pas grand chose au fond du problème.
- EdithWGrand sage
Morgenröte a écrit:Marie Laetitia a écrit:
Bref, en delà de ces considérations relatives à de la basse politique, en effet ce n'est pas à une assemblée d'élus de trancher ce genre de question, encore moins celle-là d'une extrême complexité.
Je suis d'accord avec cette phrase.
Pour ceux que cela intéresse, un Que sais-je de Nicolas Werth publié en 2020 s'intitule Les grandes famines soviétiques. Il rappelle justement dans son introduction que le débat est loin d'être tranché parmi les historiens sur cette question.
Quant aux lois mémorielles, je citerai la célèbre pétition "Liberté pour l'histoire" (Veyne, Vidal-Naquet, Vernant, Becker, Azéma...) : "L'histoire n'est pas un objet juridique. Dans un Etat libre, il n'appartient ni au Parlement ni à l'autorité judiciaire de définir la vérité historique. La politique de l'Etat, même animée des meilleures intentions, n'est pas la politique de l'histoire".
ça me rappelle un sujet de philo : "un journaliste peut-il décider qu'un événement est historique?"... aucun souvenir du contenu de ma dissert. Question passionnante qui doit, en effet, ne pas être confiée aux politiques uniquement car nécessitant une réflexion sur le long terme, par définition incompatible avec le temps politique qui dure le temps d'une mandature.
- TailleventFidèle du forum
Il me semble effectivement qu'il y a des propos qu'on peut interpréter dans ce sens. (Il me semblait qu'il en avait été cité plus haut dans ce fil mais je n'arrive pas à les retrouver.) Mais tout le problème se niche dans ce terme: "interpréter".Elaïna a écrit:L'intention a été prouvée non ?
Si tu reprends la convention que j'ai cité ici, elle évoque "un groupe national, ethnique, racial ou religieux", donc à priori les opposants ne peuvent être inclus.Elaïna a écrit:Quant à la première condition que tu cites, je ne crois pas qu'il en soit question dans la convention pour le génocide, il y est insisté sur l'intentionnalité et sur le ciblage d'un groupe, mais rien n'interdit, me semble-t-il, de considérer que les opposants politiques en forment un.
En fait si. On ne peut pas faire de recherche précise sans concepts précis. On peut évidemment proposer une autre définition du génocide mais en général, surtout quand on parle de décisions à portée juridique, celle de la convention fait foi, elle est d'ailleurs reprises dans la plupart des pays qui ont codifié ce crime.Elaïna a écrit:Bon enfin ça ne change pas grand chose au fond du problème.
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Elaïna a écrit:L'intention a été prouvée non ?
Quant à la première condition que tu cites, je ne crois pas qu'il en soit question dans la convention pour le génocide, il y est insisté sur l'intentionnalité et sur le ciblage d'un groupe, mais rien n'interdit, me semble-t-il, de considérer que les opposants politiques en forment un.
Bon enfin ça ne change pas grand chose au fond du problème.
N.B. Je pense que tu as raison, mais qu'il existe néanmoins une (autre) discussion. Il me semble que la définition (juridique) du génocide (ne) mentionne (que) les groupes ethniques, nationaux ou religieux : il n'est pas du tout évident que la liste ait été voulue comme exhaustive, mais sans explicitation supplémentaire ou ajout, cela implique, si je comprends bien, que la condition nécessaire est de démontrer que l'action politique vise ou visait un groupe national en tant que tel. La définition du crime contre l'humanité désigne la violation de droits fondamentaux d'individus ou de groupes d'individus au nom de prétextes religieux, raciaux, idéologiques ou politiques : de ce point de vue, l'élimination d'une “classe” (ou réputée telle), de sa persécution à son extermination en passant par sa déportation ou son emprisonnement (etc.), paraît plus facilement qualifiable par cette définition. Ce ne sont pas nécessairement deux qualifications de deux ordres de crimes différents dans leur réalité (“un seul crime” pourrait relever des deux qualifications), mais deux définitions normatives permettant d'inculper certains crimes.
Mais, si l'on peut examiner ces différenciations, force est de reconnaître que l'on se demande alors s'il s'agit de l'un ou de l'autre — voire s'il vaut mieux, du point de vue d'une stratégie de type juridique, employer l'une ou l'autre des qualifications. Il me semble que la discussion n'existe alors que sur le plan juridique et sur la possibilité d'inculper, de juger et de rendre justice.
En revanche, prétexter de cette discussion (technique) pour révoquer en doute un crime, c'est une autre affaire. N'étant pas historien, je ne prétendrai certainement pas tranché. Mais, pour ce que j'en sais, j'avais le sentiment que l'existence du crime était tout de même très peu douteuse. Mais en tout cas, cette discussion est affaire d'une discipline qui possède ses méthodes et ses critères de vérité indépendamment du droit (et évidemment, que l'historien ne tienne pas un tribunal, cela n'implique pas qu'il n'y ait pas un tribunal, au sens strict, à tenir). Et je ne suis pas du tout certain que l'historien ait besoin, dans son propre travail et en tant que tels, de ces concepts pris au sens juridique.
_________________
Si tu vales valeo.
- TailleventFidèle du forum
@epekeina.tes.ousias Nos messages se sont croisés et se recoupent largement.
La difficulté ici, c'est que le concept de génocide a été créé par des juristes. Il est très délicat de commencer à redéfinir une notion, car si l'on ouvre la porte, d'autres ne s'en priveront pas.epekeina.tes.ousias a écrit:Et je ne suis pas du tout certain que l'historien ait besoin, dans son propre travail et en tant que tels, de ces concepts pris au sens juridique.
- EdithWGrand sage
Taillevent a écrit:Il me semble effectivement qu'il y a des propos qu'on peut interpréter dans ce sens. (Il me semblait qu'il en avait été cité plus haut dans ce fil mais je n'arrive pas à les retrouver.) Mais tout le problème se niche dans ce terme: "interpréter".Elaïna a écrit:L'intention a été prouvée non ?Si tu reprends la convention que j'ai cité ici, elle évoque "un groupe national, ethnique, racial ou religieux", donc à priori les opposants ne peuvent être inclus.Elaïna a écrit:Quant à la première condition que tu cites, je ne crois pas qu'il en soit question dans la convention pour le génocide, il y est insisté sur l'intentionnalité et sur le ciblage d'un groupe, mais rien n'interdit, me semble-t-il, de considérer que les opposants politiques en forment un.En fait si. On ne peut pas faire de recherche précise sans concepts précis. On peut évidemment proposer une autre définition du génocide mais en général, surtout quand on parle de décisions à portée juridique, celle de la convention fait foi, elle est d'ailleurs reprises dans la plupart des pays qui ont codifié ce crime.Elaïna a écrit:Bon enfin ça ne change pas grand chose au fond du problème.
Pas assez au courant sur la question, je me demande si la différence de religion (orthodoxes - pro-russes vs catholiques uniates), pourrait justifier le terme de génocide sur ce point que j'ai graissé ?
- Vieux_MongolFidèle du forum
Effectivement la définition de génocide s'applique à l'intention de faire disparaitre un groupe ethnique/national ou religieux. C'est un crime contre l'humanité particulier. Si on l'étend à la tentative de disparition de groupes politiques, la Vendée par exemple, on étend tellement le concept qu'il se dilue complètement et qu'il devient impossible d'isoler les crimes précédemment évoqués. Les crimes contre les groupes politiques relèvent donc de la notion plus générale de crimes contre l'humanité. On peut utiliser hors vocabulaire juridique la notion de politicide. Donc pour moi l'Holodomor c'est indiscutablement un crime contre l'humanité abominable et un politicide de manière également indiscutable. Mais pour le génocide on est vraiment dans le discutable.
- ElaïnaDevin
Pour la Vendée, il me semble que l'intentionnalité n'est pas démontrable, c'est pour cela qu'on ne parle pas de génocide.
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It took me forty years to realize this. But for guys like us... our lives aren't really our own. There's always someone new to help. Someone we need to protect. These past few years, I fought that fate with all I had. But I'm done fighting. It's time I accept the hand I was dealt. Too many people depend on us. Their dreams depend on us.
Kiryu Kazuma inYakuza 4 Remastered
Ma page Facebook https://www.facebook.com/Lire-le-Japon-106902051582639
- OudemiaBon génie
J'ai pourtant le souvenir de textes comportant des ordres très précisElaïna a écrit:Pour la Vendée, il me semble que l'intentionnalité n'est pas démontrable, c'est pour cela qu'on ne parle pas de génocide.
- ElaïnaDevin
Oudemia, je me permets de te renvoyer vers le texte de l'APHG
https://www.aphg.fr/Sur-la-guerre-de-Vendee-et-le-concept-de-genocide
qui reprend très bien la question.
https://www.aphg.fr/Sur-la-guerre-de-Vendee-et-le-concept-de-genocide
qui reprend très bien la question.
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- TailleventFidèle du forum
Hypothèse intéressante.EdithW a écrit:Taillevent a écrit:Il me semble effectivement qu'il y a des propos qu'on peut interpréter dans ce sens. (Il me semblait qu'il en avait été cité plus haut dans ce fil mais je n'arrive pas à les retrouver.) Mais tout le problème se niche dans ce terme: "interpréter".Elaïna a écrit:L'intention a été prouvée non ?Si tu reprends la convention que j'ai cité ici, elle évoque "un groupe national, ethnique, racial ou religieux", donc à priori les opposants ne peuvent être inclus.Elaïna a écrit:Quant à la première condition que tu cites, je ne crois pas qu'il en soit question dans la convention pour le génocide, il y est insisté sur l'intentionnalité et sur le ciblage d'un groupe, mais rien n'interdit, me semble-t-il, de considérer que les opposants politiques en forment un.En fait si. On ne peut pas faire de recherche précise sans concepts précis. On peut évidemment proposer une autre définition du génocide mais en général, surtout quand on parle de décisions à portée juridique, celle de la convention fait foi, elle est d'ailleurs reprises dans la plupart des pays qui ont codifié ce crime.Elaïna a écrit:Bon enfin ça ne change pas grand chose au fond du problème.
Pas assez au courant sur la question, je me demande si la différence de religion (orthodoxes - pro-russes vs catholiques uniates), pourrait justifier le terme de génocide sur ce point que j'ai graissé ?
Il faudrait arriver à démontrer que ce groupe a été plus spécifiquement visé. (Mais en regardant les statistiques (actuelles), c'est quand même un groupe très minoritaire (dans les 8%), donc ça peinerait à se qualifier comme génocide des Ukrainiens en général.)
- LouisBarthasExpert
En regard du droit international, l'Holodomor est difficilement qualifiable de génocide. Dans la convention de 1948 des Nations unies,Elaïna a écrit:Je dois être un peu bouchée mais j'ai un peu de mal à comprendre pourquoi on ne peut pas qualifier la famine en Ukraine de génocide.
« le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe;
b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. »
Nation Unies
Les quelques 5 millions de paysans ukrainiens morts de faim, en déportation ou victimes de meurtres ne constituent pas un « groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
C'est la même difficulté à laquelle on s'est heurté pour juger le régime du Kampuchéa démocratique (sic), celui des khmers rouges. Et le terme de "génocide" a seulement été employé au procès condamnant Khieu Samphan et Nuon Chea, respectivement chef d’Etat et idéologue du régime khmer rouge, à la prison à perpétuité pour le « génocide », non du « peuple cambodgien », mais de deux minorités : les Vietnamiens du Cambodge et l’ethnie musulmane Cham.
Et on a la même difficulté avec les millions de victimes en déportation du Goulag.
On pourrait vraisemblablement requalifier la politique stalinienne en Ukraine en "génocide" si l'on incluait la purge de 1932-1933, où cette fois, ce sont des groupes nationaux ukrainien, polonais et allemand en tant que tels qui furent victimes, et moururent pour la plupart en déportation. En l'espace de deux ans, la police soviétique allait arrêter près de 200 000 Ukrainiens, en tant qu'Ukrainiens, Polonais ou Allemands, et il y eut des exécutions. Au cours de ces deux années - qui préfiguraient la Grande Terreur de 1937-1938 -, l'extermination de la classe intellectuelle d'Ukraine, la fermeture des institutions, la destruction des monuments, le retrait des livres interdits, l'épuration de la langue pour la rendre « plus proche du russe », pourraient être qualifiés d'actes génocidaires, mais là-encore, pas pleinement, seulement au titre du point b de la Convention des Nations Unies.
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Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. - Albert Camus
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À quels enfants allons-nous laisser le monde ? - Jaime Semprun
Comme si, tous ceux qui n'approuvent pas les nouveaux abus étaient évidemment partisans des anciens. - Edmund Burke
Versaillais de droite et Versaillais de gauche doivent être égaux devant la haine du peuple. - Manifeste des proscrits de la Commune
- Vieux_MongolFidèle du forum
Oui la Vendée c'est compliquée. C'est totalement sûr qu'on est sur des crimes de guerre massifs. Le crime contre l'humanité ça se discute dans la mesure où il y a marge d'appréciation sur le niveau d'autorité qui décide et organise ces crimes. Il me semble que la responsabilité de la Convention est très générale et plus dans le laisser faire que dans des intentions clairement formulées. Ceci dit un pouvoir politique qui lâche la bride à ces généraux, autorités tout de même importantes, est responsable à mon avis. Sinon c'est un peu facile. Et un génocide pas du tout puisque qu'il n'y a pas de volonté de faire disparaitre un "peuple".
- TailleventFidèle du forum
Il ne me semble pas qu'il y ait besoin qu'ils constituent un groupe en tant que tel, seulement qu'ils aient été visés pour leur appartenance à un groupe, qui pourrait ici être celui des Ukrainiens (et j'insiste ici sur le "pourrait") mais il se pourrait aussi que ça soit leur classe sociale, leur comportement ou leurs opinions qui les aient fait viser, auquel cas on n'entrerait effectivement pas dans la définition du génocide.LouisBarthas a écrit:Les quelques 5 millions de paysans ukrainiens morts de faim, en déportation ou victimes de meurtres ne constituent pas un « groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
- EdithWGrand sage
Taillevent a écrit:Hypothèse intéressante.EdithW a écrit:Taillevent a écrit:Il me semble effectivement qu'il y a des propos qu'on peut interpréter dans ce sens. (Il me semblait qu'il en avait été cité plus haut dans ce fil mais je n'arrive pas à les retrouver.) Mais tout le problème se niche dans ce terme: "interpréter".Elaïna a écrit:L'intention a été prouvée non ?Si tu reprends la convention que j'ai cité ici, elle évoque "un groupe national, ethnique, racial ou religieux", donc à priori les opposants ne peuvent être inclus.Elaïna a écrit:Quant à la première condition que tu cites, je ne crois pas qu'il en soit question dans la convention pour le génocide, il y est insisté sur l'intentionnalité et sur le ciblage d'un groupe, mais rien n'interdit, me semble-t-il, de considérer que les opposants politiques en forment un.En fait si. On ne peut pas faire de recherche précise sans concepts précis. On peut évidemment proposer une autre définition du génocide mais en général, surtout quand on parle de décisions à portée juridique, celle de la convention fait foi, elle est d'ailleurs reprises dans la plupart des pays qui ont codifié ce crime.Elaïna a écrit:Bon enfin ça ne change pas grand chose au fond du problème.
Pas assez au courant sur la question, je me demande si la différence de religion (orthodoxes - pro-russes vs catholiques uniates), pourrait justifier le terme de génocide sur ce point que j'ai graissé ?
Il faudrait arriver à démontrer que ce groupe a été plus spécifiquement visé. (Mais en regardant les statistiques (actuelles), c'est quand même un groupe très minoritaire (dans les 8%), donc ça peinerait à se qualifier comme génocide des Ukrainiens en général.)
Etait-ce déjà le cas (pourcentage faible de catholiques) dans les années 30? C'est un peu tiré par les cheveux parce que Staline n'avait pas l'intention de favoriser une obédience religieuse plutôt qu'une autre...
- TailleventFidèle du forum
Là, honnêtement, je ne sais pas. Je vais me limiter à constater que cette présence est un héritage du rattachement à l'empire d'Autriche et qu'elle se concentre aujourd'hui encore dans les régions de l'ouest qui avaient été autrichiennes. Donc, je pense qu'on peut raisonnablement supposer qu'il n'y a pas eu une période de dispersion massive, qui se serait résorbée ensuite. (Mais je suis preneur de données plus précises.)EdithW a écrit:Etait-ce déjà le cas (pourcentage faible de catholiques) dans les années 30? C'est un peu tiré par les cheveux parce que Staline n'avait pas l'intention de favoriser une obédience religieuse plutôt qu'une autre...
- NLM76Grand Maître
Bon, en somme, quel que soit le nom qu'on leur donne, on atteint là les sommets de l'ignominie humaine dans l'assassinat de masse, qui peut prendre des formes innombrables, du fait de la grande inventivité qui peut s'emparer des humains quand il s'agit d'être inhumain.
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- http://instruire.fr
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Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Taillevent a écrit: @epekeina.tes.ousias Nos messages se sont croisés et se recoupent largement.La difficulté ici, c'est que le concept de génocide a été créé par des juristes. Il est très délicat de commencer à redéfinir une notion, car si l'on ouvre la porte, d'autres ne s'en priveront pas.epekeina.tes.ousias a écrit:Et je ne suis pas du tout certain que l'historien ait besoin, dans son propre travail et en tant que tels, de ces concepts pris au sens juridique.
Mais est-il réellement nécessaire d'employer ce concept au sens pleinement juridique et sur le plan heuristique pour établir des faits et leur interprétation ? Ce que je veux dire, c'est qu'un historien peut parfaitement étudier tel ou tel sujet sans jamais prétendre mener une enquête au sens juridique du terme : s'il se trouve que ce qu'il établit relève du pénal (au sens large du terme), il (n')apporte (qu')une contribution mais ne prétend nullement organiser un procès. Une expression plate ou une périphrase (un assassinat de masse commis par un État contre un groupe en vertu de fins et de mobiles politiques, par ex.) pourrait même amplement suffire nominalement, le travail se chargeant d'établir ce qu'il en est de chacun des termes. Cela n'interdit évidemment pas à tel ou tel historien de s'instruire sur le plan du droit international et/ou d'écrire un essai, mais sans se confondre avec un autre et sans avoir besoin de soumettre sa discipline à des exigences qui ne sont pas les siennes.
À tout le moins, mieux vaudrait éviter de confondre histoire et droit en imaginant, au moins implicitement, qu'à la première reviendrait la fonction de mener l'enquête et d'établir l'instruction des faits et des actes et au second d'en tirer la conséquence en matière de sanctions. D'une part, c'est une manipulation qui permet d'utiliser idéologiquement, dans l'opinion publique, les discussions entre spécialistes d'une discipline (discussions qui font partie du régime normal de tout travail de recherche), pour les faire passer pour des “controverses”, bref, des divergences idéologiques, donc une pure est simple “militance” : ce qui n'est qu'une méthode de propagande pour nier l'existence même des disciplines historique afin de mieux nier des crimes. D'autre part, dans l'autre sens, renvoyer la balle dans le camp des historiens peut aussi servir pour se dédouaner à bon compte : c'était il y a longtemps, et donc ce serait aux historiens d'établir ce qu'il y a à établir avant que l'on fasse quoi que ce soit. Et comme en l'occurrence on peut douter qu'il existe encore un seul criminel encore en vie vu la date des faits et la question d'un procès ne se posant pas (etc.), autant dire que l'usage de ces concepts n'offrira aucun intérêt, et qu'on pourra indéfiniment en discuter sans jamais aborder le fond de l'affaire, qu'il s'agisse du fond historique ou du fond politique.
Car en revanche, sur le plan politique de la responsabilité des États, on devrait s'interroger : et si le travail des historiens peut avoir une portée (et c'est bien évidemment le cas très souvent), on comprend mieux pourquoi le fait d'exiger d'eux l'emploi d'un concept juridique dans un contexte qui rend cette utilisation impossible et inutile peut avoir un intérêt sur le plan idéologique, tantôt en réduisant leur travail à de l'idéologie, tantôt en leur déniant le droit de travail sur tel ou tel objet.
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Si tu vales valeo.
- TailleventFidèle du forum
@epekeina.tes.ousias
Tu parles d'"établir des faits" mais le qualificatif de génocide n'est pas un fait. Si l'on veut "simplement" établir ce qui s'est passé à cette époque, on parlera du nombre de morts, de la cause des décès, des décisions et conditions ayant conduit à cela.
L'histoire emprunte des concepts à d'autres champs du savoir et essaie (en principe) de le faire correctement. Il peut parfois y avoir un raison, liée à la construction du raisonnement, de redéfinir certains de ces concepts. Dans ce cas, je ne comprends pas l'intérêt "historiographique" qu'il y aurait à le faire pour le concept de "génocide". Il y a sans doute un intérêt politique mais je me contentais d'expliquer la question sous un angle strictement historique.
Tu parles d'"établir des faits" mais le qualificatif de génocide n'est pas un fait. Si l'on veut "simplement" établir ce qui s'est passé à cette époque, on parlera du nombre de morts, de la cause des décès, des décisions et conditions ayant conduit à cela.
L'histoire emprunte des concepts à d'autres champs du savoir et essaie (en principe) de le faire correctement. Il peut parfois y avoir un raison, liée à la construction du raisonnement, de redéfinir certains de ces concepts. Dans ce cas, je ne comprends pas l'intérêt "historiographique" qu'il y aurait à le faire pour le concept de "génocide". Il y a sans doute un intérêt politique mais je me contentais d'expliquer la question sous un angle strictement historique.
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Taillevent a écrit: @epekeina.tes.ousias
Tu parles d'"établir des faits" mais le qualificatif de génocide n'est pas un fait. Si l'on veut "simplement" établir ce qui s'est passé à cette époque, on parlera du nombre de morts, de la cause des décès, des décisions et conditions ayant conduit à cela.
D'une part, il faut tout de même établir que, dans les faits, il y a bien eu des morts, la mise en place d'une certaine politique (etc.). D'autre part, c'est justement parce que le qualificatif de génocide est d'abord autre chose qu'un fait, c'est-à-dire une norme juridique, qu'il vaut mieux ne pas l'employer, sous peine de tomber dans les rets idéologiques dont j'ai parlé.
L'histoire emprunte des concepts à d'autres champs du savoir et essaie (en principe) de le faire correctement. Il peut parfois y avoir un raison, liée à la construction du raisonnement, de redéfinir certains de ces concepts. Dans ce cas, je ne comprends pas l'intérêt "historiographique" qu'il y aurait à le faire pour le concept de "génocide". Il y a sans doute un intérêt politique mais je me contentais d'expliquer la question sous un angle strictement historique.
Certes, mais ce n'est peut-être pas là le point essentiel. En un certain sens, le droit est un champ de savoir (et peut-être même de plusieurs types ou espèces de savoirs). Mais en un autre sens, le droit est un système d'actions et d'applications procédurales : dès lors que l'on emploie un terme qui sert à qualifier des actes pour procéder à une inculpation (etc.), il ne s'agit plus de savoir, mais de pouvoir. C'est à mon avis dans le lieu de cette frontière que se situent un grand nombre de querelles non pas scientifiques ou propres aux savants, mais idéologiques.
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Si tu vales valeo.
- LouisBarthasExpert
Voilà. Staline n'a pas cherché à éliminer tous les Ukrainiens, comme il fut cherché à éliminer tous les juifs, tous les Roms ou tous les Tutsis. Et des Ukrainiens collaborèrent, tant activement que passivement au projet soviétique.Taillevent a écrit:(...) mais il se pourrait aussi que ça soit leur classe sociale, leur comportement ou leurs opinions qui les aient fait viser, auquel cas on n'entrerait effectivement pas dans la définition du génocide.
On pourrait imaginer que les Nations unies rajoutent dans la Convention le terme « social » :
« le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, (social), ethnique, racial ou religieux »
Car c'est explicitement en tant que classe sociale que la paysannerie ukrainienne a été attaquée.
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- TailleventFidèle du forum
Là-dessus, je te rejoins totalement. Il m'avait semblé comprendre de tes précédents messages que tu ne proposais d'utiliser le concept dans un sens différent et non pas de ne pas l'utiliser du tout, d'où ma réponse. Là, il me semble qu'on dit à peu près la même chose.epekeina.tes.ousias a écrit:Taillevent a écrit: @epekeina.tes.ousias
Tu parles d'"établir des faits" mais le qualificatif de génocide n'est pas un fait. Si l'on veut "simplement" établir ce qui s'est passé à cette époque, on parlera du nombre de morts, de la cause des décès, des décisions et conditions ayant conduit à cela.
D'une part, il faut tout de même établir que, dans les faits, il y a bien eu des morts, la mise en place d'une certaine politique (etc.). D'autre part, c'est justement parce que le qualificatif de génocide est d'abord autre chose qu'un fait, c'est-à-dire une norme juridique, qu'il vaut mieux ne pas l'employer, sous peine de tomber dans les rets idéologiques dont j'ai parlé.
Le fait que Staline n'ait pas cherché à éliminer tous les Ukrainiens ne change rien : comme l'indique la partie de la définition que tu cites sans la modifier, elle parle bien de chercher à éliminer "tout ou partie" d'un groupe. Ce qui compte, c'est de viser des membres du groupe parce qu'ils le sont, pas de chercher à viser le groupe dans son intégralité.LouisBarthas a écrit:Voilà. Staline n'a pas cherché à éliminer tous les Ukrainiens, comme il fut cherché à éliminer tous les juifs, tous les Roms ou tous les Tutsis. Et des Ukrainiens collaborèrent, tant activement que passivement au projet soviétique.Taillevent a écrit:(...) mais il se pourrait aussi que ça soit leur classe sociale, leur comportement ou leurs opinions qui les aient fait viser, auquel cas on n'entrerait effectivement pas dans la définition du génocide.
- LouisBarthasExpert
Effectivement, ça ne change pas grand chose. Intuitivement, c'est un génocide. C'est d'ailleurs le terme employé par Nicolas Werth : « L’entreprise génocidaire est en marche. »Elaïna a écrit:Bon enfin ça ne change pas grand chose au fond du problème.
Nicolas Werth, Retour sur la grande famine ukrainienne de 1932-1933, Vingtième Siècle. Revue d'histoire 2014/1 (N° 121), pages 77 à 93
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Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. - Albert Camus
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Comme si, tous ceux qui n'approuvent pas les nouveaux abus étaient évidemment partisans des anciens. - Edmund Burke
Versaillais de droite et Versaillais de gauche doivent être égaux devant la haine du peuple. - Manifeste des proscrits de la Commune
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Taillevent a écrit:Là-dessus, je te rejoins totalement. Il m'avait semblé comprendre de tes précédents messages que tu ne proposais d'utiliser le concept dans un sens différent et non pas de ne pas l'utiliser du tout, d'où ma réponse. Là, il me semble qu'on dit à peu près la même chose.epekeina.tes.ousias a écrit:Taillevent a écrit: @epekeina.tes.ousias
Tu parles d'"établir des faits" mais le qualificatif de génocide n'est pas un fait. Si l'on veut "simplement" établir ce qui s'est passé à cette époque, on parlera du nombre de morts, de la cause des décès, des décisions et conditions ayant conduit à cela.
D'une part, il faut tout de même établir que, dans les faits, il y a bien eu des morts, la mise en place d'une certaine politique (etc.). D'autre part, c'est justement parce que le qualificatif de génocide est d'abord autre chose qu'un fait, c'est-à-dire une norme juridique, qu'il vaut mieux ne pas l'employer, sous peine de tomber dans les rets idéologiques dont j'ai parlé.
Oui, je pense qu'on est d'accord. Je pense qu'il ne faut du tout l'utiliser sur le plan méthodologique et scientifique, parce que c'est inutile et que cela engendre des inconvénients majeurs. Par ailleurs, je pense que les historiens peuvent tout à fait produire des travaux qui ont des conséquences, des effets et des perspectives politiques, morales ou philosophiques (c'est pourquoi j'en lis, d'ailleurs). De ce point de vue, il est évident qu'il ne s'agit pas d'interdire de faire cela.
En gros : s'ils utilisent ce concept, alors “ah ben oui, c'est de la militance, ils se prennent pour des juges” ; s'ils ne l'utilisent pas, alors “ça n'a rien à voir avec la politique, c'était il y a longtemps, ce n'est que de l'histoire” (ou encore : “quelle noble profession que celle qui produit du savoir pur et nous laisse les mains libres”). Alors qu'il y a d'une part faire de l'histoire en soumettant son travail, ses méthodes et ses résultats aux débats avec ses pairs, et d'autre, éclairer des questions et des enjeux d'une autre nature.
Dans le premier aspect, l'historien (j'en dirais autant du matheux, du philosophe, du physiciens, du linguiste, etc.) est un intellectuel spécifique, dont les travaux valent au regard des normes rationnelles d'une communauté de savants; dans le second il est un citoyen ou quelqu'un qui peut aussi prendre position sur des problèmes qui concernent tout le monde — à cette différence qu'il peut le faire aussi, dans certains cas, à partir de son champ de savoir. Refuser la valeur des disciplines spécifiques, c'est une forme d'anti-intellectualisme obscurantiste. Refuser à tout un chacun la possibilité de penser des problèmes généraux, c'est de l'expertocratie (je me demande si ce n'est pas Comte qui a le mieux élaboré ce sophisme). Refuser à l'historien de penser des problèmes généraux hors de l'histoire c'est à la fois une volonté de museler les intellectuels et une forme d'anti-intellectualisme aveugle.
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Si tu vales valeo.
- LouisBarthasExpert
Un film remarquable.Ha@_x a écrit:Archi-mauvais, .....A Tuin a écrit:L'Ombre de Staline
Basé sur le témoignage du faux diplomate - journaliste Gareth Jones. « un film-coup de poing, remarquablement construit et admirablement documenté », pour Nicolas Werth.
Nicolas Werth, dans L'Histoire n°470, avril 2020
À compléter par le documentaire Moissons sanglantes - 1933, la famine en Ukraine, de Guillaume Ribot, mais qui a le défaut de ne pas signaler au moment venu l'origine des extraits de films soviétiques mettant en scène vraisemblablement la famine de la guerre civile, pouvant laisser croire que ces images ont été tournées au moment de l'Holodomor. Évidemment, les Soviétiques n'ont voulu laisser aucune image des crimes qu'ils commettaient.
Moissons sanglantes
Guillaume Ribot
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Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. - Albert Camus
Aller apprendre l'ignorance à l'école, c'est une histoire qui ne s'invente pas ! - Alexandre Vialatte
À quels enfants allons-nous laisser le monde ? - Jaime Semprun
Comme si, tous ceux qui n'approuvent pas les nouveaux abus étaient évidemment partisans des anciens. - Edmund Burke
Versaillais de droite et Versaillais de gauche doivent être égaux devant la haine du peuple. - Manifeste des proscrits de la Commune
- HonchampDoyen
Le film "A l'ombre de Staline" a au moins le mérite d'exister. Et rien que pour cela, j'ai bien aimé. A voir, en attendant d'autres films.
Je pense que c'est un film à petits moyens.
L'intérêt est aussi de montrer l'aveuglement du journaliste états-unien Walter Duranty, prix Pulitzer pour ses reportages sur l'URSS.
Les romans, les polars, se sont emparés de l'histoire de la collectivisation, de la répression, de la famine, depuis quelques années déja.
Je pense au roman "Enfant 44", de Tom Rob Smith, basé sur l'histoire vraie d'un criminel en série. Tom Rob Smith ancre son histoire dans les Années 50 en URSS mais elle commence avec la grande famine et y est liée.
(J'ai bien aimé ce polar ; moins le second, Kolyma. Mais dans les 2 on apprend sur l'URSS).
Il a été adapté pour le cinéma, je ne l'ai pas vu. Les critiques n'étaient pas bonnes.
Plus récemment, en 10/18,de Dan Smith, "Le village". Contexte hiver 1930 en Ukraine.
Je pense que c'est un film à petits moyens.
L'intérêt est aussi de montrer l'aveuglement du journaliste états-unien Walter Duranty, prix Pulitzer pour ses reportages sur l'URSS.
Les romans, les polars, se sont emparés de l'histoire de la collectivisation, de la répression, de la famine, depuis quelques années déja.
Je pense au roman "Enfant 44", de Tom Rob Smith, basé sur l'histoire vraie d'un criminel en série. Tom Rob Smith ancre son histoire dans les Années 50 en URSS mais elle commence avec la grande famine et y est liée.
(J'ai bien aimé ce polar ; moins le second, Kolyma. Mais dans les 2 on apprend sur l'URSS).
Il a été adapté pour le cinéma, je ne l'ai pas vu. Les critiques n'étaient pas bonnes.
Plus récemment, en 10/18,de Dan Smith, "Le village". Contexte hiver 1930 en Ukraine.
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"Tu verras bien qu'il n'y aura pas que moi, assise par terre comme ça.."
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