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- The PaperHabitué du forum
Je reviens sur l'affirmation qu'il s'agit d'une jeune fille en âge d'être mariée, avec laquelle je ne suis pas d'accord.
Le début du conte parle de "petite fille" et montre que la mère et la grand-mère ont agi déraisonnablement ("folle") en lui faisant faire un habit qui attire l'attention sur elle et qui n'est pas adapté à son âge (je ne sais plus dans quelle édition j'ai lu que le chaperon était porté par les jeunes femmes, pas par les petites filles).Perrault a écrit:Il était une fois une petite fille de Village, la plus jolie qu’on eût su voir ; sa mère en était folle, et sa mère-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge, qui lui seyait si bien, que partout on l’appelait le Petit Chaperon rouge.
- DesolationRowEmpereur
The Paper a écrit:Je reviens sur l'affirmation qu'il s'agit d'une jeune fille en âge d'être mariée, avec laquelle je ne suis pas d'accord.Le début du conte parle de "petite fille" et montre que la mère et la grand-mère ont agi déraisonnablement ("folle") en lui faisant faire un habit qui attire l'attention sur elle et qui n'est pas adapté à son âge (je ne sais plus dans quelle édition j'ai lu que le chaperon était porté par les jeunes femmes, pas par les petites filles).Perrault a écrit:Il était une fois une petite fille de Village, la plus jolie qu’on eût su voir ; sa mère en était folle, et sa mère-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge, qui lui seyait si bien, que partout on l’appelait le Petit Chaperon rouge.
Ce n'est pas ce que veut dire folle ici.
- CarabasVénérable
Une piste de Michel Pastoureau, historien des couleurs :
http://expositions.bnf.fr/rouge/gp/01.htm
http://expositions.bnf.fr/rouge/gp/01.htm
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Les chances uniques sur un million se réalisent neuf fois sur dix.
Terry Pratchett
- Mélusine2Niveau 10
The Paper a écrit:Je reviens sur l'affirmation qu'il s'agit d'une jeune fille en âge d'être mariée, avec laquelle je ne suis pas d'accord.Le début du conte parle de "petite fille" et montre que la mère et la grand-mère ont agi déraisonnablement ("folle") en lui faisant faire un habit qui attire l'attention sur elle et qui n'est pas adapté à son âge (je ne sais plus dans quelle édition j'ai lu que le chaperon était porté par les jeunes femmes, pas par les petites filles).Perrault a écrit:Il était une fois une petite fille de Village, la plus jolie qu’on eût su voir ; sa mère en était folle, et sa mère-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge, qui lui seyait si bien, que partout on l’appelait le Petit Chaperon rouge.
Elles en sont "folles", c'est seulement qu'elles l'adorent, pas de déraison particulière à cela ; et comme une "fille", c'est d'abord celle qui n'est pas "femme" (qui n'a pas vu le loup, pour reprendre ce qui précède, et/ou n'est pas mariée), on ne peut pas du tout en déduire qu'il s'agit d'une fillette impubère.
Pour en revenir au débat initial, je crois aussi qu'avec des sixièmes (même si je n'en ai plus eu depuis des lustres) je n'imposerais pas la lecture "sexuelle" du conte : confirmer qu'elle est possible, et plutôt cohérente, si les élèves y pensent, oui ; la plaquer s'ils n'y pensent pas, je réserverais cela à des lycéens, plutôt.
- CathEnchanteur
Et la couleur rouge, sur laquelle on attire l'attention, renvoie à la couleur des règles et peut indiquer qu'il s'agit non plus dune petite fille, mais d'une jeune fille.
Voir également le fait qu'elle s'arrête pour cueillir des fleurs.
Voir également le fait qu'elle s'arrête pour cueillir des fleurs.
- IphigénieProphète
Cath a écrit:Et la couleur rouge, sur laquelle on attire l'attention, renvoie à la couleur des règles et peut indiquer qu'il s'agit non plus dune petite fille, mais d'une jeune fille.
Voir également le fait qu'elle s'arrête pour cueillir des fleurs.
Je pense (mais ça n'engage que moi) qu'on exagère un poil les symboliques asteure...
En tout cas merci à Carabas pour son lien très passionnant.
- lene75Prophète
Iphigénie a écrit:Cath a écrit:Et la couleur rouge, sur laquelle on attire l'attention, renvoie à la couleur des règles et peut indiquer qu'il s'agit non plus dune petite fille, mais d'une jeune fille.
Voir également le fait qu'elle s'arrête pour cueillir des fleurs.
Je pense (mais ça n'engage que moi) qu'on exagère un poil les symboliques asteure...
J'ai eu un prof en prépa qui voyait des allusions sexuelles partout. Des larmes, ça symbolisait le sperme, un "y", c'est un "v" avec une queue, donc symbole sexuel, etc. L'avantage, c'est que ça fait une grille de lecture unique qui fonctionne pour tous les textes.
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Une classe, c'est comme une boîte de chocolats, on sait jamais sur quoi on va tomber...
- ProvenceEnchanteur
Tiens, moi aussi… Tu étais à Nantes ?
- lene75Prophète
Provence a écrit:Tiens, moi aussi… Tu étais à Nantes ?
Non, à Paris.
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- ElaïnaDevin
Ah oui, j'en ai connu un comme ça mais au lycée, qui voyait des interprétations de ce style partout. Son truc favori, c'était de décréter que tel personnage était en fait homosexuel (Don Juan bien sûr, mais plein d'autres également) et que les femmes victimes de violence en littérature ou dans les arts ne demandaient en fait que ça (le fameux non qui veut dire oui) : la femme du Verrou de Fragonard, donna Anna dans Don Giovanni, etc.
Le coup du rouge qui rappelle les règles c'est un peu du délire quand même...
Au passage, "fille" au XVIIe siècle ne signifie pas forcément "gamine", c'est une femme non mariée. Je trouve dans mes contrats notariés des "filles" qui ont la cinquantaine largement passée...
Le coup du rouge qui rappelle les règles c'est un peu du délire quand même...
Au passage, "fille" au XVIIe siècle ne signifie pas forcément "gamine", c'est une femme non mariée. Je trouve dans mes contrats notariés des "filles" qui ont la cinquantaine largement passée...
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It took me forty years to realize this. But for guys like us... our lives aren't really our own. There's always someone new to help. Someone we need to protect. These past few years, I fought that fate with all I had. But I'm done fighting. It's time I accept the hand I was dealt. Too many people depend on us. Their dreams depend on us.
Kiryu Kazuma inYakuza 4 Remastered
Ma page Facebook https://www.facebook.com/Lire-le-Japon-106902051582639
- CathEnchanteur
Il ne s'agit pas de tout surinterpréter, mais comme l'écrit Elaïna, "fille" peut parfaitement signifier "jeune fille".
Et je renvoie, comme Mafalda l'a déjà indiqué, à la version nivernaise du conte, beaucoup plus explicite.
Et je renvoie, comme Mafalda l'a déjà indiqué, à la version nivernaise du conte, beaucoup plus explicite.
- eliamEsprit éclairé
Ça me rappelle une publication d'un colloque de psychologie qui avait analysé L a Princesse de Cleves où on finissait par dire que la plupart des personnages principaux étaient homosexuels.Elaïna a écrit:Ah oui, j'en ai connu un comme ça mais au lycée, qui voyait des interprétations de ce style partout. Son truc favori, c'était de décréter que tel personnage était en fait homosexuel (Don Juan bien sûr, mais plein d'autres également) et que les femmes victimes de violence en littérature ou dans les arts ne demandaient en fait que ça (le fameux non qui veut dire oui) : la femme du Verrou de Fragonard, donna Anna dans Don Giovanni, etc.
Le coup du rouge qui rappelle les règles c'est un peu du délire quand même...
Au passage, "fille" au XVIIe siècle ne signifie pas forcément "gamine", c'est une femme non mariée. Je trouve dans mes contrats notariés des "filles" qui ont la cinquantaine largement passée...
- IphigénieProphète
Tout cela rappelle furieusement l'histoire du kiosque à journaux évoqué par Umberto Eco dans le Pendule de Foucault : si on y met un peu de bonne volonté, ses dimensions finiront par ouvrir sur autant d'interprétations mystiques que la pyramide de Kheops...
- *Ombre*Grand sage
Voui, ces interprétations ont été très en vogue, à une époque. Je me rappelle un professeur nous expliquant que, foin de Dona Sol, en fait Hernani brûle pour don Gomez et réciproquement.
Comme quoi, les grilles de lecture précédant les textes...
Comme quoi, les grilles de lecture précédant les textes...
- MalavitaÉrudit
The Paper a écrit:Je reviens sur l'affirmation qu'il s'agit d'une jeune fille en âge d'être mariée, avec laquelle je ne suis pas d'accord.
Il ne faut pas oublier qu'il existe des dizaines de versions du Petit Chaperon rouge et que la version de Perrault, n'est pas la plus explicite, contrairement aux versions plus "oralisées" et populaires. Perrault a d'une certaine manière rendu plus "littéraire" le conte (comme les frères Grimm) et donc il est devenu un objet de littérature.
Il existe une exposition virtuelle sur les contes de fées avec un point particulier sur le Petit chaperon rouge. On trouve notamment, ceci :
"Je m’en vais par ce chemin ici et toi par ce chemin-là, et nous verrons qui plus tôt y sera" (Perrault).
La question du chemin à prendre, qu’il soit entendu au sens propre ou figuré, occupe une place centrale dans la plupart des versions, orales ou littéraires, du Petit Chaperon rouge.
"Quel chemin prends-tu ? dit le Bzou (Loup-Garou), celui des Aiguilles ou celui des Epingles ?"
Fonctionnant sur le modèle de la devinette avec des objets voisins aux termes quasiment interchangeables, la question se charge d’un double sens lorsque l’on connaît la valeur symbolique des épingles et des aiguilles dans la société française de l’Ancien Régime : symboles du passage de l’adolescence à la maturité féminine, ces instruments piquants et perforants étaient réservés aux filles en âge de se marier et de procréer.
La page : http://expositions.bnf.fr/contes/gros/chaperon/index.htm
- BaldredSage
lene75 a écrit:Provence a écrit:Tiens, moi aussi… Tu étais à Nantes ?
Non, à Paris.
A la Sorbonne ? Il y avait un prof de stylistique très inspiré auteur d'un traité allant chercher ses exemples chez Matznef et qui dès huit heures pouvait partir trrrrrrrrès loin sur une touffe innocente, et ce qu'il voyait au bout de la nuit était surtout sa ***quête. Oui, il a osé
- IrulanHabitué du forum
Je suis étonnée par cette histoire de "ruelle" qui signifierait avant tout "salon", les premiers sens du Littré sont très clairs et il est évident que Perrault joue sur les différents sens du mot :
https://www.littre.org/definition/ruelle
Petite, j'ai tout de suite compris qu'il était question d'un prédateur (le loup) qui "dévorait" une fillette (pas une femme en âge d'être mariée, ou alors qui vient tout juste d'entrer dans l'adolescence). La dimension sexuelle de ce conte crève les yeux, en particulier lorsque le petit chaperon rouge se déshabille pour entrer dans le lit du loup grimé en mère-grand.
Un prédateur qui se grime pour attirer un enfant innocent (et un peu concon, peut-être parce puisqu’on ne lui a jamais expliqué de se méfier du loup)...c'est quand même assez clair. Et courant de nos jours sur les réseaux sociaux (beaucoup d'hommes se font passer en ligne pour des adolescents pour piéger nos élèves).
La chanson de Renaud : beurk. Les interprétations psychanalytiques forcées, c'est également niet de mon côté.
Après, je n'ose pas faire étudier ce conte, pour éviter les réactions négatives de parents justement, et ce fil confirme que je dois faire attention.
Donc, si je comprends bien, il ne faut surtout pas aller plus loin que l'étude du conte ; aucune mise en garde n'est à faire (même dans le cadre du "parcours santé") suite à ou pendant la lecture ? Même si l'on ne parle pas explicitement de "viol" ou de "pédophilie" ?
https://www.littre.org/definition/ruelle
Petite, j'ai tout de suite compris qu'il était question d'un prédateur (le loup) qui "dévorait" une fillette (pas une femme en âge d'être mariée, ou alors qui vient tout juste d'entrer dans l'adolescence). La dimension sexuelle de ce conte crève les yeux, en particulier lorsque le petit chaperon rouge se déshabille pour entrer dans le lit du loup grimé en mère-grand.
Un prédateur qui se grime pour attirer un enfant innocent (et un peu concon, peut-être parce puisqu’on ne lui a jamais expliqué de se méfier du loup)...c'est quand même assez clair. Et courant de nos jours sur les réseaux sociaux (beaucoup d'hommes se font passer en ligne pour des adolescents pour piéger nos élèves).
La chanson de Renaud : beurk. Les interprétations psychanalytiques forcées, c'est également niet de mon côté.
Après, je n'ose pas faire étudier ce conte, pour éviter les réactions négatives de parents justement, et ce fil confirme que je dois faire attention.
Donc, si je comprends bien, il ne faut surtout pas aller plus loin que l'étude du conte ; aucune mise en garde n'est à faire (même dans le cadre du "parcours santé") suite à ou pendant la lecture ? Même si l'on ne parle pas explicitement de "viol" ou de "pédophilie" ?
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Ad augusta per angusta.
- PonocratesExpert spécialisé
Juste sur ce pointMara-Jade a écrit:
Petite, j'ai tout de suite compris qu'il était question d'un prédateur (le loup) qui "dévorait" une fillette (pas une femme en âge d'être mariée, ou alors qui vient tout juste d'entrer dans l'adolescence
À l'époque de Perrault on ne parle que rarement de "jeune fille",( pour ceux que cela intéresse https://journals.openedition.org/clio/430) l'adolescence n'a pas le sens actuel (
. L'âge minimum ( minimum, l'âge moyen étant fort heureusement plus élevé) auquel on peut marier une fille sous l'Ancien Régime c'est 12 ans - la révolution le fera passer à 15 ans.Le dictionnaire de l'Académie de 1694 a écrit:L’âge qui est entre la puberté & la majorité, c’est à dire, depuis quatorze ans jusqu’à vingt-cinq. Dans son adolescence. Il ne se dit que des garçons.
Alors autant "Peau d'Âne" évoque clairement une situation incestueuse à laquelle échappe l'héroïne, autant je pense que c'est forcer le texte et le lire avec nos lunettes actuelles que de voir dans le Petit Chaperon Rouge une mise en garde contre les pédophiles. Si cette lecture est faite par des élèves - ce qui n'est pas impossible, même si des sixièmes me semblent jeunes-, il nous appartient alors de remettre en contexte et éventuellement de faire une digression sur "les dangers de parler à des inconnus irl ou en ligne qui se font passer pour ce qu'ils ne sont pas", mais sans embrigader ce malheureux Perrault.
Comme le rappelle Elaïna, Perrault écrit pour les adultes et même sous l'Ancien Régime qui place la frontière de la disponibilité sexuelle différemment de nous, je doute fort que l'on puisse "goûter" un conte où un enfant non pubère se fait, même de façon allusive, violer, surtout que le récit se termine sur cette dévoration - mutatis mutandis comme " le Loup et l'agneau" de La Fontaine d'ailleurs, fable à laquelle le conte en choisissant cette fin-là, propose peut-être une variation. La moralité replace dans un cadre urbain, policé et mondain, l'enjeu du conte: aucun adulte n'y suit un enfant dans son lit, en revanche un séducteur peut s'insinuer dans cet entre-deux qu'est la ruelle. D'ailleurs, toutes les autres héroïnes féminines des contes de Perrault se marient à un moment du conte et l'importance du mariage déborde le simple enjeu d'une fin nuptiale puisqu'il peut être suivi de désillusions ( belle-mère jalouse, ex "dans le placard" et pulsions homicides inside).Et s'il fallait vraiment chercher une allusion à la pédophilie, je la trouverais davantage dans l'obsession pour la "Chair fraiche" de l'ogre du Petit Poucet que dans la dévoration allant de la grand-mère au petit Chaperon rouge, mais je n'en soufflerais pas mot à des élèves, quoi qu'il en soit.
Un dernier point est que, outre l'évolution du vocabulaire, notre lecture est peut-être également influencée par les illustrations, en particulier celles de Gustave Doré, qui sont bien postérieures( plus de 160 ans) au conte. Vous pouvez consulter l'édition originale du "Petit Chaperon rouge" ici https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10545223/f65.item et vous verrez alors, page 47, que la personne qui partage le lit du loup - il est déjà sous la couverture, donc ce n'est pas la grand-mère- ne fait pas penser à un enfant.
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"If you think education is too expensive, try ignorance ! "
"As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? "
- IrulanHabitué du forum
D'accord, cependant la moralité semble explicite :
MORALITÉ
On voit ici que de jeunes enfants,
Surtout de jeunes filles Belles, bien faites, et gentilles,
Font très mal d'écouter toute sorte de gens,
Et que ce n'est pas chose étrange,
S'il en est tant que le Loup mange.
Je dis le Loup, car tous les Loups ne sont pas de la même sorte ;
Il en est d'une humeur accorte, Sans bruit, sans fiel et sans courroux,
Qui privés, complaisants et doux, Suivent les jeunes Demoiselles jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles ;
Mais hélas ! qui ne sait que ces loups doucereux,
De tous les loups sont les plus dangereux.
Ne peut-on y voir différentes significations ? Et pourquoi ne peut-on pas lire le conte avec nos lunettes actuelles ? C'est aussi pour cela qu'il est passé à la postérité. L'on voit que chez Tex Avery par exemple, la référence est sexualisée. Après, je suis bien consciente qu'il n'est pas question de pédophilie dans la tête de Perrault.
Un texte est "vivant" et dépasse ce que l'auteur veut en dire, il existe indépendamment de son auteur et de sa signification première.
Je trouve que si l'on en reste à la "ruelle" dans le sens de "salon", le conte n'a plus aucun intérêt puisqu'il ne s'adresse pas à nous, mais aux nobles du XVIIe en référant à une réalité précise de l’époque et sans importance pour nous (qu'il y reste, alors).
De toute façon, bien d'autres contes sont intéressants à étudier.
MORALITÉ
On voit ici que de jeunes enfants,
Surtout de jeunes filles Belles, bien faites, et gentilles,
Font très mal d'écouter toute sorte de gens,
Et que ce n'est pas chose étrange,
S'il en est tant que le Loup mange.
Je dis le Loup, car tous les Loups ne sont pas de la même sorte ;
Il en est d'une humeur accorte, Sans bruit, sans fiel et sans courroux,
Qui privés, complaisants et doux, Suivent les jeunes Demoiselles jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles ;
Mais hélas ! qui ne sait que ces loups doucereux,
De tous les loups sont les plus dangereux.
Ne peut-on y voir différentes significations ? Et pourquoi ne peut-on pas lire le conte avec nos lunettes actuelles ? C'est aussi pour cela qu'il est passé à la postérité. L'on voit que chez Tex Avery par exemple, la référence est sexualisée. Après, je suis bien consciente qu'il n'est pas question de pédophilie dans la tête de Perrault.
Un texte est "vivant" et dépasse ce que l'auteur veut en dire, il existe indépendamment de son auteur et de sa signification première.
Je trouve que si l'on en reste à la "ruelle" dans le sens de "salon", le conte n'a plus aucun intérêt puisqu'il ne s'adresse pas à nous, mais aux nobles du XVIIe en référant à une réalité précise de l’époque et sans importance pour nous (qu'il y reste, alors).
De toute façon, bien d'autres contes sont intéressants à étudier.
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Ad augusta per angusta.
- PurpleBannerNiveau 7
Je me souviens très bien de cette autre discussion sur le sujet il y a quelques années.
J'ai l'impression que les avis sont plus nuancés depuis. Je trouve ça bien.
J'ai l'impression que les avis sont plus nuancés depuis. Je trouve ça bien.
- Spoiler:
- Concernant les élèves de 6ème "qui seraient trop jeunes": j'enseigne en CM2, nous lisons "les feuilletons" de Muriel Szac qui racontent la mythologie grecque. Sur Zeus et ses stratagèmes divers pour "séduire" (transformations et duperies diverses), des élèves utilisent, spontanément, le terme de "viol". Il ne me viendrait pas à l'esprit de leur dire qu'ils font un anachronisme...
- IrulanHabitué du forum
Oui, moi aussi je trouve cela très bien .
Reprenons le conte de Perrault si vous le voulez bien : il parle bien dès le début d'une "petite fille de village". Le fait qu'elle soit envoyée par sa mère voir sa grand-mère montre également qu'il s'agit bien d'une fillette (que cela peut, en tout cas, être compris ainsi). Bon, elle est censée être "éveillée". Cependant, elle ignore qu’il "[est] dangereux de s’arrêter à écouter un loup". Le prédateur trompe la fillette et la grand-mère, d'abord en lançant un défi au petit chaperon rouge ("je m’y en vais par ce chemin-ci, et toi par ce chemin-là ; et nous verrons à qui plus tôt y sera"), qui n'en a que faire d'ailleurs, ensuite en contrefaisant sa voix, enfin en prenant l'apparence de la grand-mère. C'est une simple histoire de dévoration par un prédateur rusé, extrêmement bien écrite certes.
Mais...est-il anodin que la grand-mère se trouve au lit, que le loup prenne sa place et y attire le petit chaperon rouge ? Il dévore tout de suite la grand-mère, alors pourquoi ne se jette-t-il pas tout de suite sur la petite fille ? Non, il la fait venir à elle ("viens te coucher avec moi"). La phrase qui suit est sujette à interprétation : "Le petit Chaperon rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa mère-grand était faite en son déshabillé." Le jeu de questions-réponses, si célèbre, débouche sur la dévoration, mais puisque ce jeu a lieu dans un lit avec un loup/homme grimé et une fillette qui s'est déshabillée, l'on peut imaginer autre chose de nos jours, et peut-être même à l'époque (je ne suis pas spécialiste du XVIIe et il est possible (?) que Perrault ait innocemment écrit tout cela sans penser une seconde à la sexualité...). Effectivement, parler de pédophilie est non seulement extrêmement délicat, mais aussi anachronique. Cependant, les viols d'enfant et les mariages forcés/arrangés de filles pubères devaient être bien plus nombreux à l'époque classique qu'aujourd'hui.
La fin tragique, extrêmement abrupte, ainsi que la moralité, expriment au moins clairement la chose suivante : que les filles doivent faire attention aux beaux parleurs. Mais cette morale est-elle intéressante, quand on la retrouve dans bien d'autres apologues ? Bref, ce conte ne me paraît pas très intéressant si l'on s'en tient à une analyse académique, pourtant plus proche de la vérité de l'auteur que notre lecture actuelle.
Reprenons le conte de Perrault si vous le voulez bien : il parle bien dès le début d'une "petite fille de village". Le fait qu'elle soit envoyée par sa mère voir sa grand-mère montre également qu'il s'agit bien d'une fillette (que cela peut, en tout cas, être compris ainsi). Bon, elle est censée être "éveillée". Cependant, elle ignore qu’il "[est] dangereux de s’arrêter à écouter un loup". Le prédateur trompe la fillette et la grand-mère, d'abord en lançant un défi au petit chaperon rouge ("je m’y en vais par ce chemin-ci, et toi par ce chemin-là ; et nous verrons à qui plus tôt y sera"), qui n'en a que faire d'ailleurs, ensuite en contrefaisant sa voix, enfin en prenant l'apparence de la grand-mère. C'est une simple histoire de dévoration par un prédateur rusé, extrêmement bien écrite certes.
Mais...est-il anodin que la grand-mère se trouve au lit, que le loup prenne sa place et y attire le petit chaperon rouge ? Il dévore tout de suite la grand-mère, alors pourquoi ne se jette-t-il pas tout de suite sur la petite fille ? Non, il la fait venir à elle ("viens te coucher avec moi"). La phrase qui suit est sujette à interprétation : "Le petit Chaperon rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa mère-grand était faite en son déshabillé." Le jeu de questions-réponses, si célèbre, débouche sur la dévoration, mais puisque ce jeu a lieu dans un lit avec un loup/homme grimé et une fillette qui s'est déshabillée, l'on peut imaginer autre chose de nos jours, et peut-être même à l'époque (je ne suis pas spécialiste du XVIIe et il est possible (?) que Perrault ait innocemment écrit tout cela sans penser une seconde à la sexualité...). Effectivement, parler de pédophilie est non seulement extrêmement délicat, mais aussi anachronique. Cependant, les viols d'enfant et les mariages forcés/arrangés de filles pubères devaient être bien plus nombreux à l'époque classique qu'aujourd'hui.
La fin tragique, extrêmement abrupte, ainsi que la moralité, expriment au moins clairement la chose suivante : que les filles doivent faire attention aux beaux parleurs. Mais cette morale est-elle intéressante, quand on la retrouve dans bien d'autres apologues ? Bref, ce conte ne me paraît pas très intéressant si l'on s'en tient à une analyse académique, pourtant plus proche de la vérité de l'auteur que notre lecture actuelle.
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Ad augusta per angusta.
- ElaïnaDevin
Mara-Jade a écrit:Oui, moi aussi je trouve cela très bien .
"Le petit Chaperon rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa mère-grand était faite en son déshabillé." Le jeu de questions-réponses, si célèbre, débouche sur la dévoration, mais puisque ce jeu a lieu dans un lit avec un loup/homme grimé et une fillette qui s'est déshabillée, l'on peut imaginer autre chose de nos jours, et peut-être même à l'époque (je ne suis pas spécialiste du XVIIe et il est possible (?) que Perrault ait innocemment écrit tout cela sans penser une seconde à la sexualité...). Effectivement, parler de pédophilie est non seulement extrêmement délicat, mais aussi anachronique. Cependant, les viols d'enfant et les mariages forcés/arrangés de filles pubères devaient être bien plus nombreux à l'époque classique qu'aujourd'hui.
La fin tragique, extrêmement abrupte, ainsi que la moralité, expriment au moins clairement la chose suivante : que les filles doivent faire attention aux beaux parleurs. Mais cette morale est-elle intéressante, quand on la retrouve dans bien d'autres apologues ? Bref, ce conte ne me paraît pas très intéressant si l'on s'en tient à une analyse académique, pourtant plus proche de la vérité de l'auteur que notre lecture actuelle.
Sauf que les mariages arrangés de l'époque moderne en Europe n'ont rien à voir avec une histoire de pédophilie, il faut arrêter de raconter n'importe quoi sur le XVIIe siècle quand même. Par ailleurs les statistiques sont formelles : à l'époque moderne, l'âge au mariage tourne autour de 25 ans, les mariages de très jeunes femmes sont extrêmement rares et limités à la haute noblesse (qui n'est pas le coeur de cible de Perrault), et plus on avance vers le XVIIIe siècle, plus l'âge au mariage tend à reculer.
Sur la question du lit, il y aurait aussi des choses à dire, notamment qu'on y voit sûrement des choses qui n'étaient pas une évidence aux yeux des gens de l'Ancien régime. Par exemple, on a beaucoup glosé sur la sexualité (et l'homosexualité) des rois de France qui dorment dans le même lit que leurs favoris (Henri II et Montmorency par exemple), alors qu'il ne s'agit que d'une pratique de courtoisie qui n'a rien à voir avec la sexualité. Donc je me garderais bien de dire "ouh la la y'a une histoire de plumard ergo c'est une histoire de sexe derrière".
Bien sûr qu'il y a une connotation sexuelle, difficile de le nier. En revanche la morale est claire, il s'agit de faire attention aux beaux parleurs, coureurs de dots et de jupons (ça va avec), arnaqueurs divers, que l'on retrouve tout aussi bien chez Molière (pensez à Tartuffe, à Trissotin... : que veulent-ils, sinon épouser la jeune fille de bonne famille afin de récupérer un maximum de thunes ?).
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- PonocratesExpert spécialisé
Peut-être parce qu'il y a une différence entre la lecture plaisir pour soi, où, si l'on veut on peut torturer le texte et lui faire dire n'importe quoi en mode "test de Rorschach", mais que, lorsque nous travaillons un texte avec les élèves, l'idée est de leur permettre d'accéder au sens premier du texte et d'essayer de les faire accéder à la réception visée ( que l'on s'efforce de reconstituer en recontextualisant le texte dans son époque, son genre et la production de l'auteur) et programmée - plus ou moins efficacement- par son auteur. Dans un deuxième temps que l'on examine les différentes lectures, voire les contre-sens qui se sont succédé à propos d'un texte, c'est en effet intéressant, mais précisément dans un deuxième temps.Mara-Jade a écrit:
Ne peut-on y voir différentes significations ? Et pourquoi ne peut-on pas lire le conte avec nos lunettes actuelles ?
Dans ce cas inutile de présenter le conte comme s'il traitait ce point, non ? Inutile de parler de "mariage forcé": le loup est un imposteur.Mara-Jade a écrit: Après, je suis bien consciente qu'il n'est pas question de pédophilie dans la tête de Perrault.
Mais n'est-ce pas le travail de l'enseignant de français de distinguer les différentes strates d'interprétation et de faire accéder à cette "signification première" ? Parce que sinon, qu'est-ce qui permettra aux élèves de comprendre que l'on a pu avoir des représentations, des valeurs différentes au fil des siècles. Jacqueline de Romilly a écrit un texte très intéressant où elle expliquait précisément que le texte littéraire est une voie d'accès au passé, http://seance-cinq-academies-2010.institut-de-france.fr/discours/2008/romilly.pdfMara-Jade a écrit:
Un texte est "vivant" et dépasse ce que l'auteur veut en dire, il existe indépendamment de son auteur et de sa signification première.
Que la ruelle soit lieu de réception ou simple espace entre le lit et le mur, les beaux-parleurs n'appartiennent-ils qu'à l'époque du 17e siècle ? Le frisson qu'éprouve tout enfant en écoutant ce conte, avec sa litanie de questions rapprochant le Petit Chaperon rouge de sa fin, la terreur finale font au contraire pour moi l'intérêt d'un conte singulier parce qu'il se termine mal - sans jeu de mot. Même d'un point de vue narratif il est intéressant parce qu'il vaut par sa relecture, son itération lancinante, allant à chaque fois vers la mort. Il n'y a pas ce côté doucereux et apaisant des fins des autres récits du recueils, d'une édification où, à la fin, le sadisme ne s'applique qu'aux méchants. C'est un conte cruel, qui, si l'on tient à faire des rapprochements actuels, tient plus du film d'horreur - avec ses personnages qui disparaissent les uns après les autres-, sauf qu'encore une fois ici point de happy-end. Même si le genre est différent, la pulsion qu'il satisfait est du même ordre. C'est probablement cet aspect-là qui lui a permis de survivre - quand "Grisélidis" et sa vertu chrétienne sont, par comparaison, tombées dans l'oubli.Mara-Jade a écrit:
Je trouve que si l'on en reste à la "ruelle" dans le sens de "salon", le conte n'a plus aucun intérêt puisqu'il ne s'adresse pas à nous, mais aux nobles du XVIIe en référant à une réalité précise de l’époque et sans importance pour nous (qu'il y reste, alors).
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"If you think education is too expensive, try ignorance ! "
"As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? "
- roxanneOracle
Non.non non. Franchement même cette chanson elle est marrante. Mais bon ce n'est pas le sujet.Elaïna a écrit:DesolationRow a écrit:Je viens d’aller lire la chanson de Renaud. Elle est consternante sur la forme autant que sur le fond, quand même.
Comme assez souvent chez le bonhomme non ?
- lene75Prophète
roxanne a écrit:Non.non non. Franchement même cette chanson elle est marrante. Mais bon ce n'est pas le sujet.Elaïna a écrit:DesolationRow a écrit:Je viens d’aller lire la chanson de Renaud. Elle est consternante sur la forme autant que sur le fond, quand même.
Comme assez souvent chez le bonhomme non ?
Nan mais moi j'ai rien contre les chansons de Renaud en soi, si on les prend pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire pas des monuments de la littérature à faire étudier en classe. Elles font le job pour le positionnement qu'il a choisi à l'époque où il l'a choisi, la preuve en est qu'elles ont eu du succès.
Sinon je ne comprends pas bien l'idée selon laquelle un texte littéraire ne pourrait avoir d'intérêt que s'il parlait de ou à notre nombril. L'une des fonctions de la littérature, et plus généralement de la culture n'est-elle pas justement de sortir du moi-moi-moi-moi-je pour s'ouvrir à d'autres façons de penser et de vivre ?
- PonocratesExpert spécialisé
Comme un rayon spécial, où des lunettes qui nous feraient voir un monde inconnu ?lene75 a écrit:L'une des fonctions de la littérature, et plus généralement de la culture n'est-elle pas justement de sortir du moi-moi-moi-moi-je pour s'ouvrir à d'autres façons de penser et de vivre ?
- Marcel forever:
- La grandeur de l'art véritable, au contraire, de celui que M. de Norpois eût appelé un jeu de dilettante, c'était de retrouver, de ressaisir, de nous faire connaître cette réalité loin de laquelle nous vivons, de laquelle nous nous écartons de plus en plus au fur et à mesure que prend plus d'épaisseur et d'imperméabilité la connaissance conventionnelle que nous lui substituons, cette réalité que nous risquerions fort de mourir sans avoir connue, et qui est tout simplement notre vie. La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature ; cette vie qui, en un sens, habite à chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l'artiste. Mais ils ne la voient pas, parce qu'ils ne cherchent pas à l'éclaircir. Et ainsi leur passé est encombré d'innombrables clichés qui restent inutiles parce que l'intelligence ne les a pas “ développés ”. Notre vie, et aussi la vie des autres ; car le style pour l'écrivain, aussi bien que la couleur pour le peintre, est une question non de technique mais de vision. Il est la révélation, qui serait impossible par des moyens directs et conscients, de la différence qualitative qu'il y a dans la façon dont nous apparaît le monde, différence qui, s'il n'y avait pas l'art, resterait le secret éternel de chacun. Par l'art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n'est pas le même que le nôtre, et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu'il peut y avoir danso la lune. Grâce à l'art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et, autant qu'il y a d'artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l'infini et, bien des siècles après qu'est éteint le foyer dont il émanait, qu'il s'appelât Rembrandt ou Ver Meer, nous envoient encore leur rayon spécial.
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