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- NLM76Grand Maître
Ce que tu as cité, ce n'est académique que dans la mesure où c'est du français de version. C'est juste mauvais.beaverforever a écrit:Je suis bien d'accord sur la difficulté de la traduction. Mais est-ce que mon intuition "Les traducteurs de textes de l'Antiquité ont souvent un biais vers le style académique voire pompeux." est partiellement valide ou s'agit-il d'un préjugé de béotien ?
- beaverforeverNeoprof expérimenté
Je reformule pour vérifier que j'ai bien compris.
Ce que j'appelle traduction académique est une version du texte où le but est de coller au texte grec pour le traduire exactement, quitte à être lourd comme une enclume car le destinataire est un évaluateur qui note la fidélité au texte. Alors qu'une traduction chercherait à donner accès au texte à un public plus large, elle peut alors s'éloigner de la stricte exactitude pour favoriser la transparence de la phrase et/ou évoquer le style du texte.
Ce que j'appelle traduction académique est une version du texte où le but est de coller au texte grec pour le traduire exactement, quitte à être lourd comme une enclume car le destinataire est un évaluateur qui note la fidélité au texte. Alors qu'une traduction chercherait à donner accès au texte à un public plus large, elle peut alors s'éloigner de la stricte exactitude pour favoriser la transparence de la phrase et/ou évoquer le style du texte.
- IphigénieProphète
Le probleme des traductions antiques est à mon avis ailleurs: il est que nous ne délimitons pas le sens des mots de la même façon: il y a bien un problème de culture derrière les mots: c'est d'ailleurs ce qui est passionnant et ce qui impose le recours au texte original pour un travail scientifiquement satisfaisant.beaverforever a écrit:Je reformule pour vérifier que j'ai bien compris.
Ce que j'appelle traduction académique est une version du texte où le but est de coller au texte grec pour le traduire exactement, quitte à être lourd comme une enclume car le destinataire est un évaluateur qui note la fidélité au texte. Alors qu'une traduction chercherait à donner accès au texte à un public plus large, elle peut alors s'éloigner de la stricte exactitude pour favoriser la transparence de la phrase et/ou évoquer le style du texte.
- valleExpert spécialisé
beaverforever a écrit:Je reformule pour vérifier que j'ai bien compris.
Ce que j'appelle traduction académique est une version du texte où le but est de coller au texte grec pour le traduire exactement, quitte à être lourd comme une enclume car le destinataire est un évaluateur qui note la fidélité au texte. Alors qu'une traduction chercherait à donner accès au texte à un public plus large, elle peut alors s'éloigner de la stricte exactitude pour favoriser la transparence de la phrase et/ou évoquer le style du texte.
Je me mêle un peu du sujet pour signaler que cette opposition entre "traduction" tout court (sous-entendu : la vraie) et "traduction académique" (sous-entendu : une déviation) me semble stérile, ce qui n'aide en rien à savoir si les traductions à l'usage des Grecs sont plutôt des traductions "de concours" ou "universitaires".
- beaverforeverNeoprof expérimenté
C'est parce que je suis béotien.
En fait, je constate que mes élèves ont du mal à lire des traductions de textes antiques pour plusieurs raisons :
- le texte parle de choses très lointaines et ayant disparues depuis longtemps (comme l'Ecclésia, la Boulée ou l'Héliée), ce qui fait que les élèves ne comprennent pas de quoi il est question;
- le texte parle de sujet de grandes personnes (typiquement le pouvoir politique) que les élèves connaissent peu ou avec beaucoup de naïveté;
- le texte est écrit dans un style ampoulé/pompeux/lourd qui embrouille la lecture pour des élèves peu habitués à ce jargon.
Je n'ai pas le temps, pour un document de 200 mots et qui sera utilisé une heure dans l'année, de parcourir les différentes traductions disponibles pour trouver celle qui met en avant la transparence et la simplicité. La solution pragmatique est de réécrire la traduction en un quart d'heure.
D'où ma question, sans doute trop implicite : est-ce qu'une traduction lourde comme une enclume est le signe d'une traduction de concours ? Si c'est le cas, alors je serais légitime à brutalement éditer le texte en faveur de la lisibilité. Si la lourdeur du style renvoie au texte initial ou si c'est un impératif pour accéder au texte, ma légitimité serait bien moindre.
En fait, je constate que mes élèves ont du mal à lire des traductions de textes antiques pour plusieurs raisons :
- le texte parle de choses très lointaines et ayant disparues depuis longtemps (comme l'Ecclésia, la Boulée ou l'Héliée), ce qui fait que les élèves ne comprennent pas de quoi il est question;
- le texte parle de sujet de grandes personnes (typiquement le pouvoir politique) que les élèves connaissent peu ou avec beaucoup de naïveté;
- le texte est écrit dans un style ampoulé/pompeux/lourd qui embrouille la lecture pour des élèves peu habitués à ce jargon.
Je n'ai pas le temps, pour un document de 200 mots et qui sera utilisé une heure dans l'année, de parcourir les différentes traductions disponibles pour trouver celle qui met en avant la transparence et la simplicité. La solution pragmatique est de réécrire la traduction en un quart d'heure.
D'où ma question, sans doute trop implicite : est-ce qu'une traduction lourde comme une enclume est le signe d'une traduction de concours ? Si c'est le cas, alors je serais légitime à brutalement éditer le texte en faveur de la lisibilité. Si la lourdeur du style renvoie au texte initial ou si c'est un impératif pour accéder au texte, ma légitimité serait bien moindre.
- beaverforeverNeoprof expérimenté
Merci pour ta réponse. Je suppose que cela oblige le traducteur à des reformulations qui peuvent alourdir le texte. Ainsi les deux mots de οἴνοπα πόντον, se traduisent en "mer semblable au vin" (4 mots), "mer vineuse" (2 mots, mais le lecteur va se demander de quoi il s'agit), "mer aux couleurs de vin" (5 mots) ou "mer aux teintes lie-de-vin" (4 mots), voire "mer enivrée" (2 mots mais avec une interprétation). Dans tous les cas, le traducteur est obligé d'interpréter et d'expliquer son interprétation au lecteur, il doit, en quelque sorte transmettre deux sens en une phrase : l'idée d'Homère et l'interprétation actuelle de l'idée d'Homère.Iphigénie a écrit:Le problème des traductions antiques est à mon avis ailleurs: il est que nous ne délimitons pas le sens des mots de la même façon: il y a bien un problème de culture derrière les mots: c'est d'ailleurs ce qui est passionnant et ce qui impose le recours au texte original pour un travail scientifiquement satisfaisant.beaverforever a écrit:Je reformule pour vérifier que j'ai bien compris.
Ce que j'appelle traduction académique est une version du texte où le but est de coller au texte grec pour le traduire exactement, quitte à être lourd comme une enclume car le destinataire est un évaluateur qui note la fidélité au texte. Alors qu'une traduction chercherait à donner accès au texte à un public plus large, elle peut alors s'éloigner de la stricte exactitude pour favoriser la transparence de la phrase et/ou évoquer le style du texte.
- IphigénieProphète
« L’idée d’Homère » c’est bien le plus dur, dur, dur à trouver…quand je parle de mots ce sont surtout les mots- concepts auxquels je pense (« travail », « famille » « patrie »-comme dirait l’autre: rien qui change plus- en fait- que les traditions…)
- Spoiler:
Et sinon c’est très probablement ça, la mer vineuse : je viens de le découvrir grâce à des copains: une mer réellement vineuse, violette: c’est le murex qui en est cause. Parfois on va chercher très loin une évidence, pour l’observateur de la nature… (j'édite la photo car on me l'a envoyée,elle n'est pas de moi)
- NLM76Grand Maître
Je suis relativement d'accord avec ce que tu as dit, @beaverforever. Globalement. Maintenant, il reste que la question de la clarté. Elle est essentielle comme tu le dis; mais elle n'est pas seule.
Je connais mal le style de Thucydide — seulement pour avoir fait deux ou trois versions il y a fort longtemps, et avoir lu un ou deux articles de Bakker à son sujet — mais il me semble que c'est un style dense et complexe, un peu comme Tacite. Mais complexe ne veut pas dire compliqué et lourd.
Si on veut rendre Thucydide, il y a un véritable travail d'écrivain à faire. Et à mon avis, si tu veux quelque chose de cet ordre, il vaut mieux aller regarder du côté des humanistes (en l'occurrence Seyssel). Cela dit, je n'ai pas consulté ce qui a pu être fait très récemment. Donc, si tu veux rendre Thucydide, il ne s'agit pas seulement d'être clair.
Maintenant, il y a un autre point de vue. Je ne vois pas pourquoi tu ne pourrais pas t'autoriser à paraphraser Thucydide, en fonction de ton objectif. Tu racontes ce que raconte Thucydide, à ta façon, pour tes élèves. C'est une excellente chose.
Maintenant, s'il s'agit de littérature, il faut faire un travail littéraire. Et ça ne se fait pas en deux coups de cuillère à pot. C'est une affaire extrêmement importante, qui m'a valu personnellement, et me vaut, au plan universitaire, quelques déconvenues. En effet, comme tu l'as compris, les traductions universitaires ne m'intéressent que fort peu... surtout depuis que je suis à peu près capable de lire le latin et le grec par moi-même : la traduction d'un texte littéraire ne m'intéresse qu'à partir du moment où elle me permet d'entendre tant soit peu la voix et le souffle de l'auteur. Ainsi, je n'ai pas proposé de traduction personnelle d'un grand nombre des extraits que j'ai analysés dans ma thèse, et cela m'a été vivement reproché, en particulier par la section de langues anciennes du CNU... l'air de dire que j'étais incapable de traduire par moi-même. Or traduire comme je le souhaite tous ces textes m'aurait demandé un temps dont je ne dispose pas. Il m'a fallu environ vingt-cinq ans pour traduire à peu près convenablement 2000 vers du Roland; il me faut une dizaine d'heures pour traduire convenablement une trentaine de vers de Virgile... mais une heure pour les traduire en français de version. Donc: c'est un travail faisable, mais énorme, qui demande que s'y attellent les humanistes du XXIe siècle.
Quant à οἴνοπα πόντον, je pense que "mer vineuse" est la meilleure des traductions que tu as proposées; elle ne me semble pas plus obscure que l'expression d'Homère en grec : on voit bien que cela veut dire qu'elle a quelque chose à voir avec le vin. Mais encore faudrait-il envisager que l'expression est allitérante (sur o, n, p), de sorte que peut-être quelque chose comme "les vagues vineuses" ne serait pas forcément mauvais, ou que, dans tel ou tel contexte, il ne serait peut-être pas malvenu d'écrire "l'enivrante vague"; et dans tel autre contexte, peut-être plus comique, "l'imbuvable vague". Etc. Autrement dit, tu as raison : il faut tenir compte du style, des sons, du nombre de syllabes, et de mille autre choses si l'on veut vraiment traduire un texte littéraire. Les mauvaises traductions que tu as évoquées ne sont pas mauvaises parce qu'elles seraient trop pompeuses, mais parce qu'elles manquent d'ambition littéraire. Ou alors ont-elles une ambition littéraire, mais leurs auteurs manquent de talent... et surtout ne travaillent pas assez.
Je connais mal le style de Thucydide — seulement pour avoir fait deux ou trois versions il y a fort longtemps, et avoir lu un ou deux articles de Bakker à son sujet — mais il me semble que c'est un style dense et complexe, un peu comme Tacite. Mais complexe ne veut pas dire compliqué et lourd.
Si on veut rendre Thucydide, il y a un véritable travail d'écrivain à faire. Et à mon avis, si tu veux quelque chose de cet ordre, il vaut mieux aller regarder du côté des humanistes (en l'occurrence Seyssel). Cela dit, je n'ai pas consulté ce qui a pu être fait très récemment. Donc, si tu veux rendre Thucydide, il ne s'agit pas seulement d'être clair.
Maintenant, il y a un autre point de vue. Je ne vois pas pourquoi tu ne pourrais pas t'autoriser à paraphraser Thucydide, en fonction de ton objectif. Tu racontes ce que raconte Thucydide, à ta façon, pour tes élèves. C'est une excellente chose.
Maintenant, s'il s'agit de littérature, il faut faire un travail littéraire. Et ça ne se fait pas en deux coups de cuillère à pot. C'est une affaire extrêmement importante, qui m'a valu personnellement, et me vaut, au plan universitaire, quelques déconvenues. En effet, comme tu l'as compris, les traductions universitaires ne m'intéressent que fort peu... surtout depuis que je suis à peu près capable de lire le latin et le grec par moi-même : la traduction d'un texte littéraire ne m'intéresse qu'à partir du moment où elle me permet d'entendre tant soit peu la voix et le souffle de l'auteur. Ainsi, je n'ai pas proposé de traduction personnelle d'un grand nombre des extraits que j'ai analysés dans ma thèse, et cela m'a été vivement reproché, en particulier par la section de langues anciennes du CNU... l'air de dire que j'étais incapable de traduire par moi-même. Or traduire comme je le souhaite tous ces textes m'aurait demandé un temps dont je ne dispose pas. Il m'a fallu environ vingt-cinq ans pour traduire à peu près convenablement 2000 vers du Roland; il me faut une dizaine d'heures pour traduire convenablement une trentaine de vers de Virgile... mais une heure pour les traduire en français de version. Donc: c'est un travail faisable, mais énorme, qui demande que s'y attellent les humanistes du XXIe siècle.
Quant à οἴνοπα πόντον, je pense que "mer vineuse" est la meilleure des traductions que tu as proposées; elle ne me semble pas plus obscure que l'expression d'Homère en grec : on voit bien que cela veut dire qu'elle a quelque chose à voir avec le vin. Mais encore faudrait-il envisager que l'expression est allitérante (sur o, n, p), de sorte que peut-être quelque chose comme "les vagues vineuses" ne serait pas forcément mauvais, ou que, dans tel ou tel contexte, il ne serait peut-être pas malvenu d'écrire "l'enivrante vague"; et dans tel autre contexte, peut-être plus comique, "l'imbuvable vague". Etc. Autrement dit, tu as raison : il faut tenir compte du style, des sons, du nombre de syllabes, et de mille autre choses si l'on veut vraiment traduire un texte littéraire. Les mauvaises traductions que tu as évoquées ne sont pas mauvaises parce qu'elles seraient trop pompeuses, mais parce qu'elles manquent d'ambition littéraire. Ou alors ont-elles une ambition littéraire, mais leurs auteurs manquent de talent... et surtout ne travaillent pas assez.
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- beaverforeverNeoprof expérimenté
Merci beaucoup pour vos réponses.
NLM76, je trouve tes idées de traduction d'Homère intéressantes car autant basées sur la force littéraire du texte que sur une enquête du sens originel du texte.
Mon problème pédagogique est l'accès au sens du texte par les élèves. Je n'ai pas le temps, ni les compétences, ni les objectifs de mener une analyse littéraire des textes, même si parfois cela éclaire l'analyse historique.
Je pense mieux saisir les conditions de production des traductions universitaires et j'aurai moins de scrupules à éditer une traduction pour des motifs pédagogiques. Peut-être ajouterais-je "d'après la traduction d'untel" en source pour calmer mes angoisses.
Par contre, Seyssel, c'est dur. Autant prendre une traduction du XIXe et la réécrire pour la rendre accessible aux élèves, c'est plus simple.
NLM76, je trouve tes idées de traduction d'Homère intéressantes car autant basées sur la force littéraire du texte que sur une enquête du sens originel du texte.
Mon problème pédagogique est l'accès au sens du texte par les élèves. Je n'ai pas le temps, ni les compétences, ni les objectifs de mener une analyse littéraire des textes, même si parfois cela éclaire l'analyse historique.
Je pense mieux saisir les conditions de production des traductions universitaires et j'aurai moins de scrupules à éditer une traduction pour des motifs pédagogiques. Peut-être ajouterais-je "d'après la traduction d'untel" en source pour calmer mes angoisses.
Par contre, Seyssel, c'est dur. Autant prendre une traduction du XIXe et la réécrire pour la rendre accessible aux élèves, c'est plus simple.
Seyssel a écrit:Et la cause de ce désordre fut pour ce que durant le temps que icelui Périclès était en autorité il avait la réputation, les sens, et la prudhommie aussi sans point de faute, il était très sage, prudent et incorruptible. À cette cause, il réfrénait aisément le peuple. Car aussi se montrait-il envers eux plus compagnon que duc et gouverneur. Davantage, n’ayant pas acquis l’autorité par des moyens illicites, il ne disait aucune chose pour complaire mais, en gardant sa gravité, quand on proposait quelque chose inutile et déraisonnable, il contredisait franchement : encore que, en ce faisant, il encourut l’indignation du peuple. Et toutes les fois qu’il entendait qu’ils machinaient de faire quelque chose avant qu’il en fût temps ou par félonie plus que par raison, il les reprenait et réfrénait par son parler grave et par son autorité.
- NLM76Grand Maître
Ah, oui, Seyssel, ça n'est pas pour rendre "plus clair"; c'est pour avoir quelque chose de littéraire. Cela peut donner des idées pour une traduction littéraire moderne.
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- IphigénieProphète
en fait on ne discute pas tous de la même chose: aborder un texte en histoire, sans contresens sur les termes, lire une oeuvre littéraire traduite, permettre l'accès à un texte ancien à des enfants... ce sont des choses différentes. Pour ce qui est de saisir réellement ce que dit l'auteur, c'est aussi difficile (mais pas plus, pas moins) sur un texte antique que sur un texte contemporain en fait...
- LeclochardEmpereur
petit caillou a écrit:pseudo-intello a écrit:Bonjour,
Les difficultés de mes élèves face aux textes classiques sont les suivantes :
- lecture parfois encore difficile, et en tout cas, manquant souvent de fluidité
- méconnaissance absolue d’éléments de base de la vie quotidienne (dans leurs rédactions, la duchesse -friquée - passe au supermarché en rentrant du travail, puis, de retour chez elle, trouve son mari, donc le duc, en train de préparer le dîner du soir, tranquillou bilou)
- manque de vocabulaire, donc a fortiori, méconnaissance de tout le vocabulaire des objets ou de la vie d’avant.
- peur du gros livre, liée au manque d’aisance en lecture.
- rien que le passé simple leur semble lunaire et dissuasif, tant ils y sont peu habitués.
Par contraste, mes gosses, actuellement en CP et CE1 sont de gros lecteurs. Ils lisent avec aisance des livres dont la taille ou le style effraierait une partie non-négligeable de me élèves de quatrième.
La différence ? Le temps d’écran, maman prof, bien sûr, mais pas seulement. En vrac :
- j’achète souvent de la littérature jeunesse d’occasion, de livres qui ne sont souvent plus réédités, ou dans uns insipide version simplifiée (et je me procure donc l’édition originale). En librairies, je trouve encore quelques livres bien écrits, mais souvent, ce que l’on propose aux enfants est mal écrit : pauvreté lexicale, phrase simplettes, niveau de langage très bas-de-plafond (les personnages donnent du « trop bien », du « trop cool », , de phrases tronquées, non-verbales…). Rien à voir avec les Jojo Lapin encore édités il y a 20 ans, encore moins avec les Bibliothèque rose des années 70 et leurs mots rares - mon fils en a lu, en CP, et avec plaisir.
- parmi les livres mis au rebut par le CDI de mon collège, j’ai trouvé un nombre hallucinant de romans jeunesse qui se passent au Moyen-Âge, au XIXe siècle, sous la seconde guerre mondiale, pendant la Préhistoire, etc. J’en ai trouvé une palanquée qui se passe chez les Inuits, chez les Indiens d’Amérique, dans des tas d’autres pays. Alors que sur les rayonnages, presque tous les romans pour ados se passent à notre époque (sauf les dystopies et la fantasy) et, souvent, dans le monde occidentale, dans la classe moyenne ou riche (la pauvreté, ce n’est apparemment pas vendeur, sauf encore une fois dans les dystopies et la fantaisie).
- j’ai arrêté de prendre les abonnements Ecole des Loisirs pour mes enfants car je les trouvais souvent décevants dans l’écriture, je ne les ai pas non plus abonnés à J’aime Lire, dont les histoires sont souvent mal écrites, avec un vocabulaire limité et jamais au passé simple. Rares sont mes élèves qui lisent pour leur plaisir, mais ils sont un peup plus nombreux à avoir aimé lire dans leurs jeunes années, donc l’âge des J’aime lire et compagnie. Forcément, le gouffre est conséquent.
Alors moi non plus, à l’âge de mes élèves, quand le prof de français dégainait un gros classique, je n’étais pas souvent si jouasse que ça au premier abord, parce que je préférais la littérature jeunesse. Ceci étant, le plus souvent, une fois entrée dans cette lecture imposée, j’appréciais ce que je lisais. Parce que je disposais des outils lexicaux, syntaxiques pour comprendre ce que je lisais, et que je lisais avec aisance. Quand lire une phrase ne coût pas d’effort, peu importe la longueur du livre. La longueur rebute le lectorat pour qui la lecture est fatigante ou difficile.
Ma conclusion serait celle-ci : si on veut permettre à nos élèves d’accéder aux classiques, de les comprendre et si possible d’apprécier leur lecture, il faut construire des ponts, produire de la bonne littérature jeunesse, pourquoi pas des nouvelles, en langue relativement soutenue, qui leur permettront d’entrer dans l’univers de l’œuvre classique. Parce que pour un jeune lecteur, passer de but en blanc de « Soirée d’enfer au club de foot » / Fortnite de la Biliothèque verte écrit avec les pieds au Lion de Kessel ou à Vipère au Poing, ça pique. Même la Vénus d’Ille, malgré son intrigue attirante, et une épreuve pour mes élèves de quatrième, trop peu armés.
Si j reprends les questions une par une :
• Comment lire des classiques sans s'ennuyer en classe ?
En leur donnant le vocabulaire qui leur permettra de comprendre ce qu’ils lisent.
• Comment lire de vieux textes avec de jeunes élèves ?
En les plongeant préalablement dans l’époque et les realia, ce qui leur permettra de comprendre ce qu’ils lisent.
• Comment lire de gros livres avec les élèves ?
Un bon lecteur et/ou un lecteur intéressé par l’intrigue n’est pas rebuté par la longueur du livre.
• Comment se mettre dans la peau d'un auteur ?
Je ne pense pas que ce soit nécessaire.
• Comment enseigner l'autonomie ?
Un élève qui disposera d’un lexique personnel suffisant pour comprendre le livre, comprendre les consignes et exprimer ce qu’il perçoit sera déjà plus autonome que ses camarades qui n’ont pas ce bagage.
Pseudo-intello, je suis d'accord avec tout ce que tu dis. Je nuance un point cependant. Comme les tiens, mes enfants ont été de grands lecteurs. Petits, je leur ai lu des histoires tous les soirs, et ils ont gardé l’habitude. Ils ont toujours eu beaucoup de livres. De bons livres. L’un des deux était même carrément mordu. Il fallait parfois le forcer à aller dehors ! Et puis, ils ont grandi. Ils sont tous les deux au lycée. Les devoirs, le sport, les amis, la petite copine, le téléphone ( hélas) ont remplacé les livres. C'est peut-être normal, mais ça interroge.... pourquoi est-ce la lecture qui est passée au second plan?
Je n’ai pas de réponse simple à ton interrogation. Je constate que cette érosion du temps de lecture s’amorce dès le collège. Les emprunts au CDI vont en diminuant au fur et à mesure que les années passent (demande au documentaliste). Les stats sont les mêmes partout.
Par ailleurs, on sait (étude du ministère de la Culture publiée il y a trois ans, je crois) qu’il y a moins de grands lecteurs dans la population générale aujourd’hui que dans les années 70. En vieillissant, on lit moins aussi. Les grands lecteurs n’ont pas en moyenne 70 ans. Or la population vieillit. Par ailleurs, les écrans détournent de la lecture (les jeunes et les autres) en accaparant le temps disponible. Finalement, le fait de lire beaucoup dans son jeune âge ne signifie pas qu’on poursuivra cette activité plus tard avec la même intensité. Il faut sans doute être capable de résister aux écrans. Ce n’est pas si facile.
_________________
Quelqu'un s'assoit à l'ombre aujourd'hui parce que quelqu'un d'autre a planté un arbre il y a longtemps. (W.B)
- PoméeNiveau 9
J'ai bien reçu mon exemplaire également, merci !
La présentation du livre est très belle, il donne envie d'être lu !
Je vais le lire plus attentivement et vous tiendrai au courant des idées que je pourrais tester en classe.
La présentation du livre est très belle, il donne envie d'être lu !
Je vais le lire plus attentivement et vous tiendrai au courant des idées que je pourrais tester en classe.
- beaverforeverNeoprof expérimenté
Tu as parfaitement raison. Je vous remercie pour cette discussion qui m'a éclairé sur cette question de la traduction des textes antiques.Iphigénie a écrit:en fait on ne discute pas tous de la même chose: aborder un texte en histoire, sans contresens sur les termes, lire une œuvre littéraire traduite, permettre l'accès à un texte ancien à des enfants... ce sont des choses différentes. Pour ce qui est de saisir réellement ce que dit l'auteur, c'est aussi difficile (mais pas plus, pas moins) sur un texte antique que sur un texte contemporain en fait...
- TangledingGrand Maître
J'ai bien l'intention de vous écrire. J'ai commencé à le feuilleter un peu déjà et j'aime beaucoup. J'ai quelques critiques formelles à formuler (très secondaires, même si de mon point de vue motivées), mais franchement je suis plutôt séduit. Bravo à l'autrice. Et à toute l'équipe pour la réalisation.Nina Blanchot a écrit:Tangleding a écrit:Bien reçu l'exemplaire commandé récemment, avec votre petit mot, merci.
Ca a l'air très intéressant, il me faudra sortir de la zone "trou noir" pré-conseils de classes, pour parcourir plus en détail et voir comment m'en inspirer pour continuer à sévir en collège (où je ne fais lire que de vieux textes, ah ah...).
PS : J'ai découvert une connaissance dans les crédits, ah ah...
N'hésitez pas à nous écrire pour nous dire ce que vous en aurez pensé, nous sommes friandes de retours sur ce premier livre !
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"Never complain, just fight."
- Plutôt que de se battre pour des miettes et des contraintes:
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