- Virgile23Je viens de m'inscrire !
Bonjour à tous,
Je vais bientôt commencer comme contractuel (il était temps) et je prépare également le CAPES de lettres. J'ignore si je peux avoir le concours - l'épreuve de composition française m'effraie un peu- et j'ignore a fortiori où je serai affecté mais je me posais quelques questions sur le niveau général des collégiens et des lycéens et sur les textes du programme qui vous semblent les plus accessibles, les plus porteurs. Quelles sont vos expériences, en somme ? (j'ai fait un master disciplinaire donc aucune expérience pédagogique, pas même théorique).
A titre personnel je considère les auteurs du XVIIe siècle (surtout les trois grands Corneille Racine Molière) comme assez accessibles une fois qu'on s'est habitué à la très belle langue classique et je trouve les thèmes porteurs. Quel lycéen ne peut frémir en lisant le Cid, pleurer sur Phèdre ou Bérénice; être impressionné par le caractère subversif et libertin de Dom Juan ou rire des Fourberies de Scapin ?
Au niveau du réalisme, si je trouve Maupassant accessible (Bel-Ami ne peut pas déplaire à mon avis, mais je parle sous votre contrôle), je m'inquiète pour l'incontournable Madame Bovary. Ils ne peuvent qu'être sensibles au tempérament d'Emma (et ça peut être l'occasion de chouettes débats : éprouvent-ils de l'empathie pour Emma ? La trouvent-ils injuste vis à vis de Charles ?) mais cet effet de réel et ces descriptions interminables de fermes, d'intérieurs normands, de casquettes, de gâteaux de mariage, de vêtements : je crains que tout cela ne soit de trop pour des lycéens. Et j'ai remarqué que le lexique était vraiment difficile. Malheureusement, les éditions sur le marché - même celles qui sont destinées à des collégiens ou lycéens - ont des appareils de notes lexicales très chiches et beaucoup de termes qui gagneraient à être expliqués ne le sont pas. On a droit dans ces éditions à des dossiers pédagogiques qui disent souvent des banalités, des généralités convenues sur les courants littéraires ou sur les topoi (relations maîtres-valets, lyrisme, écriture du "moi",...) mais aucun appareil de notes digne de ce nom pour éclairer de jeunes lecteurs sur le sens de tel ou tel mot compliqué.
Il en va de même pour Notre-Dame de Paris, s'agissant du romantisme : si les personnages et l'histoire sont porteurs et si la couleur locale est plaisante et nous plonge directement dans le Paris médiéval, c'est aussi un obstacle : le lexique est excessivement compliqué (je butais parfois sur plusieurs mots dans une seule page) et les appareils de notes bien pauvres, même dans les éditions destinées à des lycéens.
Toujours dans le romantisme, j'imagine que Musset est trop égotique, exalté ou échevelé pour leur plaire ?
Pour le naturalisme, j'imagine qu'on préfèrera "Nana" ou "Au bonheur des dames" à Germinal ?
Quant à la poésie, si la poésie romantique de Lamartine ne pose a priori guère de problème, si Baudelaire semble abordable et si les fameuses poésies du XVIe ("Heureux qui comme Ulysse", "Mignonne, allons-voir si la rose",...) ne semblent pas poser de difficulté, j'aurais très peur de me confronter avec des collégiens ou lycéens à de la poésie moderne : moi-même je la trouve difficile (Rimbaud, Apollinaire,...). Par exemple, des poèmes comme "Le bateau ivre" (magnifique au niveau des images qu'il suggère et de la langue, mais je ne suis toujours pas vraiment parvenu à en épuiser le sens) ou "Zone" semblent risqués. "Les colchiques" sont sans doute plus accessibles, j'imagine ?
Enfin, le Nouveau Roman et le théâtre de l'absurde qu'imposent les programmes ne me parlent pas. Cette obsession de la déconstruction, des intrigues dépouillées, minimalistes ou inexistantes,..., je ne vois pas comment en donner le goût aux lycéens/collégiens sans moi-même les apprécier, mais c'est la tarte à la crème par excellence.
Concernant les lettres anciennes (j'imagine que trouver un poste en grec ancien est compromis, mais il y a encore pas mal de latin), j'ai un peu peur de passer mon temps à faire de la mythologie et de la morphologie (si il faut attendre la Terminale pour se confronter aux textes, on n'est pas rendu). D'autant que la littérature latine est très porteuse (les récits sur Messaline et Néron de Tacite, les racontards de Suétone sur Caligula, l'Enéide, les Métamorphoses, l'Art d'aimer, les Héroides, les Odes d'Horace, les pièces de Sénèque, tout cela ne peut que plaire à des jeunes collégiens ou lycéens).
Bref, que faites-vous lire à vos élèves ? Comment réagissent-ils ? Il va de soi que je suivrai pour cette année le programme de leur titulaire, et que l'année prochaine, si j'ai la chance d'avoir le CAPES je me conformerai aux traditions en vigueur dans l'établissement où je serai affecté et je me calerai sur mes collègues professeurs de Lettres. Mais je suis curieux d'avoir vos retours de toute manière.
Je vais bientôt commencer comme contractuel (il était temps) et je prépare également le CAPES de lettres. J'ignore si je peux avoir le concours - l'épreuve de composition française m'effraie un peu- et j'ignore a fortiori où je serai affecté mais je me posais quelques questions sur le niveau général des collégiens et des lycéens et sur les textes du programme qui vous semblent les plus accessibles, les plus porteurs. Quelles sont vos expériences, en somme ? (j'ai fait un master disciplinaire donc aucune expérience pédagogique, pas même théorique).
A titre personnel je considère les auteurs du XVIIe siècle (surtout les trois grands Corneille Racine Molière) comme assez accessibles une fois qu'on s'est habitué à la très belle langue classique et je trouve les thèmes porteurs. Quel lycéen ne peut frémir en lisant le Cid, pleurer sur Phèdre ou Bérénice; être impressionné par le caractère subversif et libertin de Dom Juan ou rire des Fourberies de Scapin ?
Au niveau du réalisme, si je trouve Maupassant accessible (Bel-Ami ne peut pas déplaire à mon avis, mais je parle sous votre contrôle), je m'inquiète pour l'incontournable Madame Bovary. Ils ne peuvent qu'être sensibles au tempérament d'Emma (et ça peut être l'occasion de chouettes débats : éprouvent-ils de l'empathie pour Emma ? La trouvent-ils injuste vis à vis de Charles ?) mais cet effet de réel et ces descriptions interminables de fermes, d'intérieurs normands, de casquettes, de gâteaux de mariage, de vêtements : je crains que tout cela ne soit de trop pour des lycéens. Et j'ai remarqué que le lexique était vraiment difficile. Malheureusement, les éditions sur le marché - même celles qui sont destinées à des collégiens ou lycéens - ont des appareils de notes lexicales très chiches et beaucoup de termes qui gagneraient à être expliqués ne le sont pas. On a droit dans ces éditions à des dossiers pédagogiques qui disent souvent des banalités, des généralités convenues sur les courants littéraires ou sur les topoi (relations maîtres-valets, lyrisme, écriture du "moi",...) mais aucun appareil de notes digne de ce nom pour éclairer de jeunes lecteurs sur le sens de tel ou tel mot compliqué.
Il en va de même pour Notre-Dame de Paris, s'agissant du romantisme : si les personnages et l'histoire sont porteurs et si la couleur locale est plaisante et nous plonge directement dans le Paris médiéval, c'est aussi un obstacle : le lexique est excessivement compliqué (je butais parfois sur plusieurs mots dans une seule page) et les appareils de notes bien pauvres, même dans les éditions destinées à des lycéens.
Toujours dans le romantisme, j'imagine que Musset est trop égotique, exalté ou échevelé pour leur plaire ?
Pour le naturalisme, j'imagine qu'on préfèrera "Nana" ou "Au bonheur des dames" à Germinal ?
Quant à la poésie, si la poésie romantique de Lamartine ne pose a priori guère de problème, si Baudelaire semble abordable et si les fameuses poésies du XVIe ("Heureux qui comme Ulysse", "Mignonne, allons-voir si la rose",...) ne semblent pas poser de difficulté, j'aurais très peur de me confronter avec des collégiens ou lycéens à de la poésie moderne : moi-même je la trouve difficile (Rimbaud, Apollinaire,...). Par exemple, des poèmes comme "Le bateau ivre" (magnifique au niveau des images qu'il suggère et de la langue, mais je ne suis toujours pas vraiment parvenu à en épuiser le sens) ou "Zone" semblent risqués. "Les colchiques" sont sans doute plus accessibles, j'imagine ?
Enfin, le Nouveau Roman et le théâtre de l'absurde qu'imposent les programmes ne me parlent pas. Cette obsession de la déconstruction, des intrigues dépouillées, minimalistes ou inexistantes,..., je ne vois pas comment en donner le goût aux lycéens/collégiens sans moi-même les apprécier, mais c'est la tarte à la crème par excellence.
Concernant les lettres anciennes (j'imagine que trouver un poste en grec ancien est compromis, mais il y a encore pas mal de latin), j'ai un peu peur de passer mon temps à faire de la mythologie et de la morphologie (si il faut attendre la Terminale pour se confronter aux textes, on n'est pas rendu). D'autant que la littérature latine est très porteuse (les récits sur Messaline et Néron de Tacite, les racontards de Suétone sur Caligula, l'Enéide, les Métamorphoses, l'Art d'aimer, les Héroides, les Odes d'Horace, les pièces de Sénèque, tout cela ne peut que plaire à des jeunes collégiens ou lycéens).
Bref, que faites-vous lire à vos élèves ? Comment réagissent-ils ? Il va de soi que je suivrai pour cette année le programme de leur titulaire, et que l'année prochaine, si j'ai la chance d'avoir le CAPES je me conformerai aux traditions en vigueur dans l'établissement où je serai affecté et je me calerai sur mes collègues professeurs de Lettres. Mais je suis curieux d'avoir vos retours de toute manière.
- IllianeExpert
Bonjour Virgile et bienvenue sur le forum ! Je préfère que tu ne te fasses pas trop d'illusions (on sent en toi l'exaltation du futur prof pas encore confronté à la difficulté du métier, c'est beau et touchant, mais tu risques de tomber de haut) : globalement, les élèves n'aiment pas lire. Quoi que ce soit. Bien sûr, tu en trouveras toujours quelques-uns qui s'exalteront devant La Princesse de Clèves ou trouveront un peu de beauté chez Baudelaire (actuellement au programme de première), mais dis-toi que pour une bonne partie d'entre eux lire fait juste partie de leur travail scolaire (travail qu'ils ne font pas forcément d'ailleurs ). Non seulement les oeuvres du XVIIe que tu apprécies tant (et moi aussi ) ne leur "parlent" pas ou peu, mais la langue classique est quasiment étrangère pour eux (si tu savais le nombre d'âneries que j'ai pu lire sur Britannicus !). Même les oeuvres qui peuvent nous sembler plus accessibles ne le sont pas nécessairement. La question la plus souvent posée à propos d'un livre à lire ? "Combien de pages ça fait, madame/monsieur ?" Du coup... tu feras au mieux avec les indications du programme et les conseils des collègues, mais ne compte pas trop sur un enthousiasme débordant de la part des élèves !
Bon courage en tout cas pour tes débuts de contractuel et pour le concours !
Bon courage en tout cas pour tes débuts de contractuel et pour le concours !
- Virgile23Je viens de m'inscrire !
Illiane a écrit:Bonjour Virgile et bienvenue sur le forum ! Je préfère que tu ne te fasses pas trop d'illusions (on sent en toi l'exaltation du futur prof pas encore confronté à la difficulté du métier, c'est beau et touchant, mais tu risques de tomber de haut) : globalement, les élèves n'aiment pas lire. Quoi que ce soit. Bien sûr, tu en trouveras toujours quelques-uns qui s'exalteront devant La Princesse de Clèves ou trouveront un peu de beauté chez Baudelaire (actuellement au programme de première), mais dis-toi que pour une bonne partie d'entre eux lire fait juste partie de leur travail scolaire (travail qu'ils ne font pas forcément d'ailleurs ). Non seulement les oeuvres du XVIIe que tu apprécies tant (et moi aussi ) ne leur "parlent" pas ou peu, mais la langue classique est quasiment étrangère pour eux (si tu savais le nombre d'âneries que j'ai pu lire sur Britannicus !). Même les oeuvres qui peuvent nous sembler plus accessibles ne le sont pas nécessairement. La question la plus souvent posée à propos d'un livre à lire ? "Combien de pages ça fait, madame/monsieur ?" Du coup... tu feras au mieux avec les indications du programme et les conseils des collègues, mais ne compte pas trop sur un enthousiasme débordant de la part des élèves !
Bon courage en tout cas pour tes débuts de contractuel et pour le concours !
Merci beaucoup pour ta réponse (si je peux me permettre le tutoiement) En tout cas, j'ai hâte de rencontrer des élèves et de me confronter à une classe pour la première fois pour un peu apprécier tout ça. J'ai pu lire il est vrai le désarroi de beaucoup de professeurs qui se plaignent de classes ingérables, d'élèves indisciplinés ou, à l'inverse, endormis et peu réactifs, d'une hiérarchie qui est sur la ligne "pas de vague", de parents qui pratiquent l'ingérence, de formateurs qui imposent des pratiques pédagogistes un peu neuneu... lire tout ça et m'y préparer mentalement m'évitera d'idéaliser le métier et d'aller au devant de sévères déconvenues Quoi qu'il en soit, j'ai hâte de pouvoir à mon tour faire part de mon retour quand j'aurai un peu d'expériences et venir prendre ici conseil sur des problèmes concrets que je serai immanquablement amené à rencontrer.
- LadyOlennaModérateur
Mêmes remarques qu'Illiane : gare aux désillusions ! La plupart du temps tu seras confronté à la fameuse phrase "j'ai rien compris", et encore, ça c'est quand ils auront fait l'effort de lire. Maupassant est déjà pour beaucoup d'entre eux assez compliqué.
Des 1ères S avec lesquels j'ai travaillé il y a deux ans ont mis près d'une heure à saisir le sens de L' Ode à Cassandre.
Mes élèves de 2nde ont tué dans l'œuf toute tentative de comprendre la psyché de Mme Bovary au motif que c'était juste une grosse nympho (ce n'est pas le terme qu'ils avaient employé !) qui avait trompé son mari et négligé sa fille, et que donc c'était bien fait pour elle. J'étais dans un lycée tranquille en zone rurale.
Par ailleurs tu demandes des infos sur le collège et le lycée puisque tu ne sais pas encore où tu seras affecté : les œuvres que tu cites me semblent pour la plupart infaisables en collège.
Des 1ères S avec lesquels j'ai travaillé il y a deux ans ont mis près d'une heure à saisir le sens de L' Ode à Cassandre.
Mes élèves de 2nde ont tué dans l'œuf toute tentative de comprendre la psyché de Mme Bovary au motif que c'était juste une grosse nympho (ce n'est pas le terme qu'ils avaient employé !) qui avait trompé son mari et négligé sa fille, et que donc c'était bien fait pour elle. J'étais dans un lycée tranquille en zone rurale.
Par ailleurs tu demandes des infos sur le collège et le lycée puisque tu ne sais pas encore où tu seras affecté : les œuvres que tu cites me semblent pour la plupart infaisables en collège.
- PointàlaligneExpert
Virgile23 a écrit:
Il va de soi que je suivrai pour cette année le programme de leur titulaire, et que l'année prochaine, si j'ai la chance d'avoir le CAPES je me conformerai aux traditions en vogue dans l'établissement où je serai affecté et je me calerai sur mes collègues professeurs de Lettres. Mais je suis curieux d'avoir vos retours de toute manière.
Avant les traditions, avant les collègues, pour le choix des œuvres il y a... les programmes.
Tu les trouveras sur eduscol .
Pour avoir une première idée de leur application, tu peux feuilleter des manuels. Tu as peut être accès à la bibliothèque du CNDP ? On y trouve des trésors...
Bon courage.
- Hardy-LaclosNiveau 9
Je suis en collège. Comme l'a souligné Pointàlaligne, Eduscol offre de précieuses ressources. Certaines oeuvres sont devenues canoniques depuis un certain nombre d'années, voire des décennies.. L'Odyssée en 6è, Scapin en 5è, Le Cid en 4è ou Antigone en 3è.
Je pense qu'il y a trois éléments à prendre en compte :
1)Tes propres goûts : tu ne peux pas enseigner une oeuvre avec laquelle tu as du mal..
2)La réalité du terrain et la diversité des classes : en 3è euro, je propose des OI ambitieuses (du Charlotte Delbo, du Sartre). Si j'avais eu une 3è classique, j'aurais sans doute changé mon fusil d'épaule.
3)La littérarité du texte : il faut sélectionner des oeuvres un peu résistantes, qui nécessitent un accompagnement. Je ne donnerai pas La Vague en OI en 3è par exemple car je trouve que c'est écrit avec les pieds. En revanche, c'est tout à fait pertinent en cursive et cela peut entrainer des débats fructueux.
Les conseils donnés par les collègues sont judicieux. Il faut user d'astuces pour faire lire les élèves, le nombre de pages les rebute (mais l'exemple de Harry Potter fait souvent mouche).. Il s'agit surtout d'un problème générationnel je pense : les élèves sont réfractaires au moindre effort, ils veulent tout tout de suite. La lecture demande un engagement et du temps.
Autrement, on peut décider de livre pratiquement toute l'oeuvre avec les élèves. C'est ce que je fais avec mes 6è pour L'Odyssée par exemple. On lit ensemble, on commente et je vérifie la compréhension avec demande de résumés ou questions à l'oral. Et ça fonctionne bien.
J'ai remarqué aussi que les élèves tendent beaucoup à la psychologisation des personnages. Par exemple, ils sont horrifiés qu'Ulysse trempe son biscuit à tout va et trompe Pénélope entre autres.
Je pense qu'il y a trois éléments à prendre en compte :
1)Tes propres goûts : tu ne peux pas enseigner une oeuvre avec laquelle tu as du mal..
2)La réalité du terrain et la diversité des classes : en 3è euro, je propose des OI ambitieuses (du Charlotte Delbo, du Sartre). Si j'avais eu une 3è classique, j'aurais sans doute changé mon fusil d'épaule.
3)La littérarité du texte : il faut sélectionner des oeuvres un peu résistantes, qui nécessitent un accompagnement. Je ne donnerai pas La Vague en OI en 3è par exemple car je trouve que c'est écrit avec les pieds. En revanche, c'est tout à fait pertinent en cursive et cela peut entrainer des débats fructueux.
Les conseils donnés par les collègues sont judicieux. Il faut user d'astuces pour faire lire les élèves, le nombre de pages les rebute (mais l'exemple de Harry Potter fait souvent mouche).. Il s'agit surtout d'un problème générationnel je pense : les élèves sont réfractaires au moindre effort, ils veulent tout tout de suite. La lecture demande un engagement et du temps.
Autrement, on peut décider de livre pratiquement toute l'oeuvre avec les élèves. C'est ce que je fais avec mes 6è pour L'Odyssée par exemple. On lit ensemble, on commente et je vérifie la compréhension avec demande de résumés ou questions à l'oral. Et ça fonctionne bien.
J'ai remarqué aussi que les élèves tendent beaucoup à la psychologisation des personnages. Par exemple, ils sont horrifiés qu'Ulysse trempe son biscuit à tout va et trompe Pénélope entre autres.
_________________
- Spoiler:
- 2018-2019 : T2 (deux 6è ; une 5è ; une 3ème + PP 3ème)
2017-2018 : T1 (trois 6è ; 1 3è)
2016-2017 : stagiaire (deux 5è)
« - Alors, tu t'es bien amusée ?
- Comme ça.
- T'as vu le métro ?
- Non.
- Alors, que'est ce que t'as fait ?
- J'ai vieilli. »
Raymond Queneau, Zazie dans le métro
- IllianeExpert
Virgile23 a écrit:Illiane a écrit:Bonjour Virgile et bienvenue sur le forum ! Je préfère que tu ne te fasses pas trop d'illusions (on sent en toi l'exaltation du futur prof pas encore confronté à la difficulté du métier, c'est beau et touchant, mais tu risques de tomber de haut) : globalement, les élèves n'aiment pas lire. Quoi que ce soit. Bien sûr, tu en trouveras toujours quelques-uns qui s'exalteront devant La Princesse de Clèves ou trouveront un peu de beauté chez Baudelaire (actuellement au programme de première), mais dis-toi que pour une bonne partie d'entre eux lire fait juste partie de leur travail scolaire (travail qu'ils ne font pas forcément d'ailleurs ). Non seulement les oeuvres du XVIIe que tu apprécies tant (et moi aussi ) ne leur "parlent" pas ou peu, mais la langue classique est quasiment étrangère pour eux (si tu savais le nombre d'âneries que j'ai pu lire sur Britannicus !). Même les oeuvres qui peuvent nous sembler plus accessibles ne le sont pas nécessairement. La question la plus souvent posée à propos d'un livre à lire ? "Combien de pages ça fait, madame/monsieur ?" Du coup... tu feras au mieux avec les indications du programme et les conseils des collègues, mais ne compte pas trop sur un enthousiasme débordant de la part des élèves !
Bon courage en tout cas pour tes débuts de contractuel et pour le concours !
Merci beaucoup pour ta réponse (si je peux me permettre le tutoiement) En tout cas, j'ai hâte de rencontrer des élèves et de me confronter à une classe pour la première fois pour un peu apprécier tout ça. J'ai pu lire il est vrai le désarroi de beaucoup de professeurs qui se plaignent de classes ingérables, d'élèves indisciplinés ou, à l'inverse, endormis et peu réactifs, d'une hiérarchie qui est sur la ligne "pas de vague", de parents qui pratiquent l'ingérence, de formateurs qui imposent des pratiques pédagogistes un peu neuneu... lire tout ça et m'y préparer mentalement m'évitera d'idéaliser le métier et d'aller au devant de sévères déconvenues Quoi qu'il en soit, j'ai hâte de pouvoir à mon tour faire part de mon retour quand j'aurai un peu d'expériences et venir prendre ici conseil sur des problèmes concrets que je serai immanquablement amené à rencontrer.
Tu peux bien évidemment me tutoyer : comme l'a dit Lady Olenna sur un autre fil, Neoprofs est une sorte de salle des profs géante, et généralement (en tout cas dans tous les établissements que j'ai fréquentés), le tutoiement est de mise. Le tableau de l'EN est effectivement sombre (et s'assombrit année après année comme tu pourras le constater), mais l'enseignement reste un beau métier, l'important est effectivement que tu n'aies pas d'attentes démesurées concernant les élèves, leurs capacités... et leur plus ou moins bonne volonté. Thom Carver est également de bon conseil quand il dit que tu transmettras mieux une oeuvre que tu apprécies. A toi donc de concilier exigences du programme, niveau de la classe et affinités personnelles : pas toujours évident ! Il est également important de faire étudier quelques oeuvres patrimoniales histoire de contribuer à la construction d'une culture commune : oui, L'Odyssée en 6e, c'est quand même un must !
- lene75Prophète
Virgile23 a écrit:Quel lycéen ne peut frémir en lisant le Cid, pleurer sur Phèdre ou Bérénice; être impressionné par le caractère subversif et libertin de Dom Juan ou rire des Fourberies de Scapin ?
La plupart.
Quant à l'appareil de notes, si tu as un élève dans une bonne classe qui le lit, tu pourras t'estimer heureux. S'ils ne comprennent pas le mot, ils passent, ils ne vont quand même pas aller lire la petite note !
Même si je n'enseigne pas la même discipline que toi, je me permets d'aller dans le sens des autres et de te mettre en garde contre la violente désillusion que tu risques d'avoir.
Cela dit, ton enthousiasme a un côté positif, c'est que, à mon sens, il faut leur montrer que toi, tu es passionné par ce que tu fais. Même s'ils te considèrent comme un animal bizarre, un type pas comme les autres pour t'intéresser à des trucs pareils, c'est important qu'ils voient qu'on peut être passionné par la littérature.
Illiane a écrit:l'important est effectivement que tu n'aies pas d'attentes démesurées concernant les élèves, leurs capacités... et leur plus ou moins bonne volonté.
+1000
J'irais même plus loin : il ne faut avoir aucune attente. Ça m'a beaucoup aidée dans ma pratique de prendre les choses de cette manière-là. On ne peut pas tout anticiper, on peut encore avoir des surprises (je me suis encore laissée surprendre cette année), mais se dire que les élèves sont susceptibles d'ignorer n'importe quoi, y compris et notamment des mots d'un usage extrêmement courant, et pas forcément ce à quoi on s'attend, aide beaucoup. J'ai compris ça le jour où je me suis aperçue que des élèves de TL d'un lycée tout à fait correct pouvaient ne pas être en mesure d'identifier le sujet et l'objet de la phrase dans la phrase "Je vois une table", je veux dire par là que j'avais déjà intégré que les notions grammaticales de sujet et de complément d'objet pouvaient leur être étrangères, mais je n'avais pas encore intégré qu'ils pouvaient ne pas être capables d'identifier qui fait l'action dans la phrase. Pour situer un peu les choses, il fallait que je leur explique le concept d'objectivation de la conscience, alors forcément, ça a demandé quelques détours, dont une bonne heure de cours de grammaire préalable, mais on y est arrivé. Le secret étant de ne pas s'offusquer ni se décourager, parce qu'évidemment, le jour où tu t'aperçois pour la 1re fois que tu vas devoir expliquer l'objectivation de la conscience à des élèves qui ne savent identifier le sujet d'une phrase simple, ça fait un choc et ça donne le vertige. Mais quand tu ne présupposes ni n'attends plus rien de tes élèves, alors tu peux les prendre là où ils sont pour les emmener là où ils peuvent.
C'est plus compliqué pour ce qui est de la discipline dans les classes difficiles, mais pour des élèves isolés, c'est aussi assez fructueux de passer de la sidération devant ce qu'ils se permettent à l'absence d'attente = OK, il n'a pas du tout les codes ni les cadres, il va falloir que j'essaie de les lui inculquer. Enfin moi, bien qu'ayant une mère prof, j'étais très naïve de ce point de vue quand j'ai commencé. Quand, après quelques minutes de cours, j'ai demandé à un élève de changer de place, et qu'il m'a juste répondu "non", j'ai été totalement désemparée parce que je ne savais même pas qu'il était possible de refuser d'obéir de manière aussi directe à un professeur, alors autant dire que quand son voisin a ajouté à son intention : "Si tu obéis à une femme, t'es pas un homme", ça m'a fait tout bizarre. Mais pas autant que quand j'ai ordonné à l'élève de sortir, qu'il a refusé, que j'ai demandé aux délégués d'aller chercher un surveillant et qu'ils ont refusé aussi. C'était ma 1re heure de cours : bienvenue dans le métier.
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Une classe, c'est comme une boîte de chocolats, on sait jamais sur quoi on va tomber...
- Theriakos96Habitué du forum
lene75 a écrit:J'irais même plus loin : il ne faut avoir aucune attente. Ça m'a beaucoup aidée dans ma pratique de prendre les choses de cette manière-là. On ne peut pas tout anticiper, on peut encore avoir des surprises (je me suis encore laissée surprendre cette année), mais se dire que les élèves sont susceptibles d'ignorer n'importe quoi, y compris et notamment des mots d'un usage extrêmement courant, et pas forcément ce à quoi on s'attend, aide beaucoup. J'ai compris ça le jour où je me suis aperçue que des élèves de TL d'un lycée tout à fait correct pouvaient ne pas être en mesure d'identifier le sujet et l'objet de la phrase dans la phrase "Je vois une table", je veux dire par là que j'avais déjà intégré que les notions grammaticales de sujet et de complément d'objet pouvaient leur être étrangères, mais je n'avais pas encore intégré qu'ils pouvaient ne pas être capables d'identifier qui fait l'action dans la phrase. Pour situer un peu les choses, il fallait que je leur explique le concept d'objectivation de la conscience, alors forcément, ça a demandé quelques détours, dont une bonne heure de cours de grammaire préalable, mais on y est arrivé. Le secret étant de ne pas s'offusquer ni se décourager, parce qu'évidemment, le jour où tu t'aperçois pour la 1re fois que tu vas devoir expliquer l'objectivation de la conscience à des élèves qui ne savent identifier le sujet d'une phrase simple, ça fait un choc et ça donne le vertige. Mais quand tu ne présupposes ni n'attends plus rien de tes élèves, alors tu peux les prendre là où ils sont pour les emmener là où ils peuvent.
C'est tellement choquant, anormal, injuste, impensable, absurde et rocambolesque...et pourtant c'est vrai, en L1 d'ailleurs la donne ne change pas forcément!
_________________
Dicebat Bernardus Carnotensis nos esse quasi nanos, gigantium humeris insidentes, ut possimus plura eis et remotiora videre, non utique proprii visus acumine, aut eminentia corporis, sed quia in altum subvenimur et extollimur magnitudine gigantea.
– Jean de Salisbury, Metalogicon, III, 4
- HannibalHabitué du forum
Bonjour Virgile. Tu écris bien, et je te souhaite bon succès au concours.
En attendant, pour ce qui est des lectures, diverses limitations peuvent jouer.
Mais j'ai vu des lycéens s'emparer de propositions de lectures facultatives parfois très exigeantes, dont je pensais qu'elles n'éveilleraient la curiosité de personne.
Pour dire que tout peut arriver, vraiment tout.
Ne s'attendre à rien est le conseil de lene; s'attendre à tout sera le mien, qui n'en est qu'une reformulation.
Car selon les cas, tout peut arriver - le pire bien sûr, ou le plus décevant, qui n'est pas rare - et le meilleur aussi.
Il y a de mon point de vue une sorte de drame de grande ampleur qui est en train de se jouer concernant la lecture, et celle-ci devrait être une sorte de cause nationale tant une proportion effrayante de la population semble se destiner à une vie sans livres.
Partant de là, le réel objectif devrait être d'essayer de donner le goût et surtout l'habitude de lire. Et pour cela, toutes les lectures sont bonnes à encourager : genres mineurs, romans de gare, bibliothèque bleue...n'importe quel livre vaut mieux que rien.
Mais évidemment, notre affaire à nous, ce sont les œuvres littéraires. Le problème n'est pas que les élèves les apprécient ou non au premier contact. Il est des élèves à qui tout paraît fastidieux et qui ne feront presque pas de différence entre Bel Ami et Madame Bovary... Le problème consiste à faire en sorte que premier contact il y ait, donc qu'ils lisent autre chose qu'un résumé sur internet. Pour être précis, reconnaissons que ce n'est pas même un problème... qui supposerait qu'existent des solutions satisfaisantes.
- D'un côté, donc, tout est possible, parce que quelqu'un qui peut lire un roman de SF en entier peut aussi bien lire Bel Ami, et qui peut lire Bel Ami est aussi capable de lire Madame Bovary etc. Certains élèves se rendent compte qu'ils peuvent tout lire et ne se rebutent plus d'avance face à un titre. Ce sont ceux - trop rares, mais ils existent - qui sont déjà ou qui deviennent sous nos yeux des lecteurs autonomes.
- De l'autre rien n'est possible, parce que tout fait problème et que rien, absolument rien ne peut être supposé acquis : capacité de concentration et de patience, vocabulaire, syntaxe, confiance dans le fait que le livre nous fournira lui-même les clefs de son déchiffrement, valorisation du fait de lire, importance du fait d'être "bon en français"... rien de tout cela ne va de soi.
Voilà, quels que soient tes choix, ce sera de toute façon à toi de faire en sorte qu'ils deviennent les bons.
Je me souviens d'avoir passé des heures de classe en seconde à faire lire un conte de Voltaire aussi facile qu'on peut le souhaiter, qui n'avait pourtant pas été lu correctement à la maison. Le choix de départ n'était pas plus mauvais qu'un autre, mais il a fallu se donner les moyens d'en faire un bon choix, et cette fois-là, cela ne put se faire qu'en décidant de ne pas céder, et de revenir à la charge. (J'en retiens qu'il faudrait au fond disposer de 2h par semaine de plus, qui seraient consacrées à la lecture silencieuse de quelques œuvres au cours de l'année...)
En attendant, pour ce qui est des lectures, diverses limitations peuvent jouer.
Mais j'ai vu des lycéens s'emparer de propositions de lectures facultatives parfois très exigeantes, dont je pensais qu'elles n'éveilleraient la curiosité de personne.
Pour dire que tout peut arriver, vraiment tout.
Ne s'attendre à rien est le conseil de lene; s'attendre à tout sera le mien, qui n'en est qu'une reformulation.
Car selon les cas, tout peut arriver - le pire bien sûr, ou le plus décevant, qui n'est pas rare - et le meilleur aussi.
Il y a de mon point de vue une sorte de drame de grande ampleur qui est en train de se jouer concernant la lecture, et celle-ci devrait être une sorte de cause nationale tant une proportion effrayante de la population semble se destiner à une vie sans livres.
Partant de là, le réel objectif devrait être d'essayer de donner le goût et surtout l'habitude de lire. Et pour cela, toutes les lectures sont bonnes à encourager : genres mineurs, romans de gare, bibliothèque bleue...n'importe quel livre vaut mieux que rien.
Mais évidemment, notre affaire à nous, ce sont les œuvres littéraires. Le problème n'est pas que les élèves les apprécient ou non au premier contact. Il est des élèves à qui tout paraît fastidieux et qui ne feront presque pas de différence entre Bel Ami et Madame Bovary... Le problème consiste à faire en sorte que premier contact il y ait, donc qu'ils lisent autre chose qu'un résumé sur internet. Pour être précis, reconnaissons que ce n'est pas même un problème... qui supposerait qu'existent des solutions satisfaisantes.
- D'un côté, donc, tout est possible, parce que quelqu'un qui peut lire un roman de SF en entier peut aussi bien lire Bel Ami, et qui peut lire Bel Ami est aussi capable de lire Madame Bovary etc. Certains élèves se rendent compte qu'ils peuvent tout lire et ne se rebutent plus d'avance face à un titre. Ce sont ceux - trop rares, mais ils existent - qui sont déjà ou qui deviennent sous nos yeux des lecteurs autonomes.
- De l'autre rien n'est possible, parce que tout fait problème et que rien, absolument rien ne peut être supposé acquis : capacité de concentration et de patience, vocabulaire, syntaxe, confiance dans le fait que le livre nous fournira lui-même les clefs de son déchiffrement, valorisation du fait de lire, importance du fait d'être "bon en français"... rien de tout cela ne va de soi.
Voilà, quels que soient tes choix, ce sera de toute façon à toi de faire en sorte qu'ils deviennent les bons.
Je me souviens d'avoir passé des heures de classe en seconde à faire lire un conte de Voltaire aussi facile qu'on peut le souhaiter, qui n'avait pourtant pas été lu correctement à la maison. Le choix de départ n'était pas plus mauvais qu'un autre, mais il a fallu se donner les moyens d'en faire un bon choix, et cette fois-là, cela ne put se faire qu'en décidant de ne pas céder, et de revenir à la charge. (J'en retiens qu'il faudrait au fond disposer de 2h par semaine de plus, qui seraient consacrées à la lecture silencieuse de quelques œuvres au cours de l'année...)
_________________
"Quand la pierre tombe sur l'oeuf, malheur à l'oeuf.
Quand l'oeuf tombe sur la pierre, malheur à l'oeuf." (proverbe)
- uneodysséeNeoprof expérimenté
Bienvenue à toi… et je partage les conseils de mes collègues.
Parfois lire avec eux n'est vraiment pas du temps perdu…
J'ajoute une chose : souviens-toi toujours que tu ne verras pas forcément fleurir les graines que tu sèmes… mais rien ne dit qu'elles ne germeront pas !
Quand j'avais 25 ans, jeune prof, j'ai côtoyé beaucoup de jeunes entre 20 et 30 ans qui m'ont dit qu'ils s'étaient mis à lire… après le lycée.
L'anecdote du jour, pour appuyer le propos : mon beau-fils de 20 ans a toujours été réfractaire à la lecture, il a toujours prétendu que pour apprendre il y avait des tutos sur Internet, que le livre n'était pas un medium qui l'intéressait (je vous laisse imaginer les innombrables discussions à ce sujet pendant toute son adolescence). Cet automne, il s'est mis à lire : des essais, de la philo (il est étudiant en physique), mais pour ce qui est de la fiction, non, vraiment, les livres, bof, Monsieur préfère les séries (pas les films, c'est trop long)… Bref. Comme il joue aux échecs, son père lui a conseillé le livre de Zweig… il l'a emporté quand il est reparti ce week-end, et a appelé ce soir pour dire qu'il avait beaucoup aimé !
Parfois lire avec eux n'est vraiment pas du temps perdu…
J'ajoute une chose : souviens-toi toujours que tu ne verras pas forcément fleurir les graines que tu sèmes… mais rien ne dit qu'elles ne germeront pas !
Quand j'avais 25 ans, jeune prof, j'ai côtoyé beaucoup de jeunes entre 20 et 30 ans qui m'ont dit qu'ils s'étaient mis à lire… après le lycée.
L'anecdote du jour, pour appuyer le propos : mon beau-fils de 20 ans a toujours été réfractaire à la lecture, il a toujours prétendu que pour apprendre il y avait des tutos sur Internet, que le livre n'était pas un medium qui l'intéressait (je vous laisse imaginer les innombrables discussions à ce sujet pendant toute son adolescence). Cet automne, il s'est mis à lire : des essais, de la philo (il est étudiant en physique), mais pour ce qui est de la fiction, non, vraiment, les livres, bof, Monsieur préfère les séries (pas les films, c'est trop long)… Bref. Comme il joue aux échecs, son père lui a conseillé le livre de Zweig… il l'a emporté quand il est reparti ce week-end, et a appelé ce soir pour dire qu'il avait beaucoup aimé !
- PurpleBannerNiveau 7
Bien qu'enseignant en CM2, j'ose intervenir sur ce sujet de la lecture car c'est un des éléments capital, pour moi, de notre enseignement (en primaire).
C'est avec désespoir que j'ai entendu ma fille, cette année en 1ère me dire: "Non, je ne vais pas lire Le Rouge et le Noir... inutile... je lirai les résumés sur internet et ça suffira"
Pourtant, elle est lectrice, dévore certains romans de son choix (copieux mais très actuels).
Pendant les vacances, elle devait lire "Des cannibales" et "Des coches" de Montaigne. C'est court. C'est fort. Mais impossible, pour elle et (si je l'en crois) pour pas mal d'élèves de sa classe (lycée du centre parisien) d'accepter se confronter réellement et seuls au texte.
Je ne connaissais pas ces 2 textes. On les a lu ces ensemble, à haute voix. Elle était sidérée de me voir me bidonner à certains passages. Elle-même a fait durer le temps d'un week-end le fou rire provoqué par le passage du roi qui dit à son seigneur agonisant sous la torture: "Et moi, je suis dans mon bain? Suis-je vraiment plus à l'aise que toi?"
Ceci pour abonder dans le sens des collègues qui insistent sur le pouvoir puissant de lire avec les élèves, de les accompagner dans la découverte de ces textes classiques ajd mais subversifs à l'époque. Seuls les élèves très littéraires, je crois, peuvent s'y frotter seuls sans être rebutés; les autres, je le pense, doivent être accompagnés.
En élémentaire aussi, on a beaucoup de mal à faire lire les élèves. Les seuls devoirs: "Pour mercredi, lire le chapitre 3 de tel roman", ne suffit plus. En CM2, seule la moitié de la classe aura fait la lecture.
Du coup, la seule solution que j'ai trouvée à ce jour pour les obliger à lire et pouvoir mener une discussion chaque matin sur la lecture de la veille, c'est de donner aux élèves un questionnaire de 10 questions, noté sur 10. Questions sur l'explicite du texte au début de l'année et de plus en plus de questions sur l'implicite au fur et à mesure que les semaines défilent. Tous les jours. Toute l'année. Je me désole souvent du temps de correction que cela exige mais je ne vois pas, pour l'instant, comment faire autrement.
Apprendre à lire, ce n'est pas qu'au CP. C'est toutes les années qui suivent que cela se poursuit. Et cela prend du temps. Un temps qu'au collège ou lycée, vous n'avez pas toujours...mais en élémentaire non plus si on veut "faire" tout le programme. Il y a des matières que je travaille peu...par choix...
C'est avec désespoir que j'ai entendu ma fille, cette année en 1ère me dire: "Non, je ne vais pas lire Le Rouge et le Noir... inutile... je lirai les résumés sur internet et ça suffira"
Pourtant, elle est lectrice, dévore certains romans de son choix (copieux mais très actuels).
Pendant les vacances, elle devait lire "Des cannibales" et "Des coches" de Montaigne. C'est court. C'est fort. Mais impossible, pour elle et (si je l'en crois) pour pas mal d'élèves de sa classe (lycée du centre parisien) d'accepter se confronter réellement et seuls au texte.
Je ne connaissais pas ces 2 textes. On les a lu ces ensemble, à haute voix. Elle était sidérée de me voir me bidonner à certains passages. Elle-même a fait durer le temps d'un week-end le fou rire provoqué par le passage du roi qui dit à son seigneur agonisant sous la torture: "Et moi, je suis dans mon bain? Suis-je vraiment plus à l'aise que toi?"
Ceci pour abonder dans le sens des collègues qui insistent sur le pouvoir puissant de lire avec les élèves, de les accompagner dans la découverte de ces textes classiques ajd mais subversifs à l'époque. Seuls les élèves très littéraires, je crois, peuvent s'y frotter seuls sans être rebutés; les autres, je le pense, doivent être accompagnés.
En élémentaire aussi, on a beaucoup de mal à faire lire les élèves. Les seuls devoirs: "Pour mercredi, lire le chapitre 3 de tel roman", ne suffit plus. En CM2, seule la moitié de la classe aura fait la lecture.
Du coup, la seule solution que j'ai trouvée à ce jour pour les obliger à lire et pouvoir mener une discussion chaque matin sur la lecture de la veille, c'est de donner aux élèves un questionnaire de 10 questions, noté sur 10. Questions sur l'explicite du texte au début de l'année et de plus en plus de questions sur l'implicite au fur et à mesure que les semaines défilent. Tous les jours. Toute l'année. Je me désole souvent du temps de correction que cela exige mais je ne vois pas, pour l'instant, comment faire autrement.
Apprendre à lire, ce n'est pas qu'au CP. C'est toutes les années qui suivent que cela se poursuit. Et cela prend du temps. Un temps qu'au collège ou lycée, vous n'avez pas toujours...mais en élémentaire non plus si on veut "faire" tout le programme. Il y a des matières que je travaille peu...par choix...
- RubikNiveau 10
Je peux donner mon expérience d'élève : j'ai toujours dévoré les livres depuis que j'ai appris à lire (à 4 ans). Durant tout le primaire et le collège, je lisais en moyenne un livre tous les deux jours (bibliothèque rose ou verte, beaucoup de romans policiers ou historiques). J'adore lire. Je peux passer la nuit pour finir mon roman. Mais ce sont des livres que j'ai choisis.
En tant que "bonne élève", j'ai toujours lu les livres demandés par les enseignants. Mais je ne suis vraiment pas une littéraire. Je me suis ennuyée à périr avec le Rouge et le Noir, Les confessions de Rousseau, La chartreuse de Parme, les Mémoires d'outre-tombe et j'en passe. Et ce n'était pas un problème de compréhension. C'est juste que ça ne m'intéresse pas et que je suis complètement insensible à la beauté de la tournure d'une phrase. Je demande juste que la syntaxe et l'orthographe soient correctes et le vocabulaire pas trop familier.
Et là, je vois la même chose pour ma fille de 9 ans en CM2 : elle peut lire un Fantômette en une soirée, dévore les Elisabeth d'Annie Jay, mais a eu du mal à finir 35kg d'espoir d'Anna Gavalda demandé par la maîtresse.
Je comprends l'objectif des collègues de lettres modernes, mais je comprends aussi que les élèves n'adhèrent pas. Et c'est dur de lire en entier un livre qui ne vous intéresse pas du tout.
PS : de la même façon, la très grande majorité des élèves est totalement insensible à la beauté d'une démonstration mathématique...
En tant que "bonne élève", j'ai toujours lu les livres demandés par les enseignants. Mais je ne suis vraiment pas une littéraire. Je me suis ennuyée à périr avec le Rouge et le Noir, Les confessions de Rousseau, La chartreuse de Parme, les Mémoires d'outre-tombe et j'en passe. Et ce n'était pas un problème de compréhension. C'est juste que ça ne m'intéresse pas et que je suis complètement insensible à la beauté de la tournure d'une phrase. Je demande juste que la syntaxe et l'orthographe soient correctes et le vocabulaire pas trop familier.
Et là, je vois la même chose pour ma fille de 9 ans en CM2 : elle peut lire un Fantômette en une soirée, dévore les Elisabeth d'Annie Jay, mais a eu du mal à finir 35kg d'espoir d'Anna Gavalda demandé par la maîtresse.
Je comprends l'objectif des collègues de lettres modernes, mais je comprends aussi que les élèves n'adhèrent pas. Et c'est dur de lire en entier un livre qui ne vous intéresse pas du tout.
PS : de la même façon, la très grande majorité des élèves est totalement insensible à la beauté d'une démonstration mathématique...
- lene75Prophète
Hannibal a écrit:(J'en retiens qu'il faudrait au fond disposer de 2h par semaine de plus, qui seraient consacrées à la lecture silencieuse de quelques œuvres au cours de l'année...)
La "lecture offerte", qui m'avait été conseillée par mon IPR, a particulièrement bien fonctionné, mais j'en tire la même conclusion que toi : j'ai pu le faire avec des TL que j'avais 8h, je ne peux pas décemment le faire dans mes autres classes, et ne peux donc plus le faire avec la réforme. Qu'on s'entende, il ne faut pas croire que les TL soient des littéraires portés sur la lecture, sauf exception, au contraire, la hiérarchie des filières fait qu'alors qu'on trouvait dans les classes de S des élèves ayant des qualités littéraires, les TL étaient souvent éloignés de la lecture. J'ai eu des réactions assez incroyables, avec des textes courts bien choisis, des : "J'ai rien compris mais c'était beau". C'est un très bon premier pas, je trouve, quand on n'a pas l'intention d'expliquer le texte dans le détail.
PurpleBanner a écrit:Apprendre à lire, ce n'est pas qu'au CP. C'est toutes les années qui suivent que cela se poursuit. Et cela prend du temps. Un temps qu'au collège ou lycée, vous n'avez pas toujours...mais en élémentaire non plus si on veut "faire" tout le programme. Il y a des matières que je travaille peu...par choix...
Je suis assez persuadée que l'apprentissage de la lecture, au sens non pas du déchiffrage mais de l'attirance pour les livres, se joue essentiellement avant le CP. C'est le pari que j'ai fait avec mes filles, et dans lequel j'ai été confortée par le bibliothécaire que nous avons eu l'immense chance d'avoir là où nous habitions, qui s'occupait d'une bibliothèque exclusivement réservée aux enfants (avec une salle réservée aux bébés) et adolescents, et qui pour l'instant fonctionne merveilleusement bien : mon aînée, en CM2, et qui a des facilités, lit en moyenne 1000 pages par semaine de livres niveau collège, ma 2e, en CE1, qui a des difficultés majeures de langage liées à son handicap, lit pourtant énormément aussi, je ne sais pas ce qu'elle comprend de ses lectures, mais elle se confronte à des livres type Élisabeth princesse à Versailles alors qu'elle a encore des difficultés de déchiffrage, son secret étant de lire plusieurs fois le même livre ou de relire des livres que je lui ai déjà lus et dont elle connaît donc déjà bien l'histoire. Quant à ma 3e qui a 4 ans et ne sait pas du tout lire, elle n'en "lit" pas moins, pour ne pas être en reste, des pavés de plusieurs centaines de pages sans aucune image et de façon très scrupuleuse : elle met son marque-page à un nouveau chapitre et reprend là où elle en était le lendemain. Quand je m'inquiétais, au départ, que mon aînée ne lise que des livres prévus pour des tranches d'âge inférieures à la sienne, il m'avait rassurée en me disant, comme ça a été dit plus haut, que peu importait le livre, que l'essentiel était même, pour les petits ne sachant pas encore lire, qu'ils manipulent l'objet-livre, et que c'était de là que viendrait l'appétence pour la lecture. Que si un tout-petit était familiarisé avec les livres, physiquement parlant, alors c'était gagné. Autant dire que dans cette bibliothèque, les enfants étaient autorisés à se servir sur les étagères, à prendre, reposer, manipuler, avec des étiquetages simples (couleur pour les plus petits et livres posés dans des bacs au sol, une seule lettre pour les un peu plus grands, véritables cotes ensuite) pour leur permettre d'être autonomes tout en ne mettant pas trop le bazar dans la bibliothèque. Et, astuce involontaire mais redoublement efficace : cette bibliothèque est située... au milieu d'un square, de sorte que les enfants qui viennent faire de la balançoire sont naturellement portés à pousser les portes de la bibliothèque... ne serait-ce que pour aller aux toilettes !
Évidemment quand on récupère les élèves au lycée, on ne peut plus jouer sur ce tableau-là, mais pour la population générale, c'est à mon avis là qu'est le levier.
Bon, en lycée, on peut moins sacrifier le programme : les élèves passent des examens portant sur les programmes officiels, et les pressions pour que le programme soit fait sont énormes de partout, élèves, parents, hiérarchie. Ça laisse à mon sens beaucoup moins de marge de manoeuvre que quand on n'a pas des classes à examen.
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Une classe, c'est comme une boîte de chocolats, on sait jamais sur quoi on va tomber...
- SeiGrand Maître
Il y a des joies formidables dans le métier d'enseignant, et je te souhaite de les connaître, Virgile... Entendre les élèves débattre avec passion à l'interclasse sur Mathilde de la Mole et Mme de Rênal, les voir se transformer sous nos yeux en lecteurs sensibles, capables d'interpréter au-delà de l'explicite, se demander à la volée s'ils ont déjà lu Montaigne (prévu pour la fin de l'année), les entendre dire leur trouble après une séance sur Pascal et le divertissement, écouter un élève prendre la parole devant la classe pour défendre l'intérêt d'étudier la littérature face à une autre élève qui se questionne sur l'inutilité de la discipline... oui, beaucoup de joies.
Mais quelle tristesse, aussi... car pour ces quelques élèves, qui ne constituent pas une majorité (et encore, j'estime avoir de la chance dans mon établissement actuel) j'en entends tant d'autres affirmer leur désintérêt complet, leur incompréhension totale, leurs difficultés... et voir que l'option HLP se vide... les entendre râler en constatant le nombre de pages...
Les nouveaux programmes de lycée demandent beaucoup de lecture, et le niveau est exigeant (parce que faire lire Montaigne ou Stendhal, ce n'est pas l'objectif des collègues de lettres modernes, c'est celui des programmes officiels et nous n'avons pas le choix). C'est un pensum pour beaucoup d'entre eux, et c'est extrêmement triste. Et quand je lis que des CM2 ne lisent pas non plus, ça me rend encore plus triste.
Je disais à ma belle-mère que je n'étais pas dupe et que nombre de mes élèves n'auront pas lu entièrement Le Rouge et le Noir. Elle était sidérée en entendant ça et m'expliquait que c'était pour elle inconcevable, qu'à son époque, la classe aurait pu peiner, râler, mais aurait lu l'œuvre demandée.
Et sinon, L'Odyssée fonctionne en effet du tonnerre. J'adore les 6e, en règle générale, beaucoup d'œuvres les emportent, je trouve.
J'ai aussi eu un grand succès avec Les Misérables (abrégé), même avec des élèves faibles. Je l'ai beaucoup lu à voix haute, comme certains le préconisent (mais si c'est possible en 4e, c'est beaucoup plus difficile à faire en 1re où le temps est diabolique).
Après, on a des surprises : j'étais sûre avoir fait un bide avec le chapitre sur la poésie du XVIe, et un élève m'a dit qu'il avait aimé ce chapitre tandis que celui sur la nature, beaucoup plus actuel, le faisait suer.
Mais quelle tristesse, aussi... car pour ces quelques élèves, qui ne constituent pas une majorité (et encore, j'estime avoir de la chance dans mon établissement actuel) j'en entends tant d'autres affirmer leur désintérêt complet, leur incompréhension totale, leurs difficultés... et voir que l'option HLP se vide... les entendre râler en constatant le nombre de pages...
Les nouveaux programmes de lycée demandent beaucoup de lecture, et le niveau est exigeant (parce que faire lire Montaigne ou Stendhal, ce n'est pas l'objectif des collègues de lettres modernes, c'est celui des programmes officiels et nous n'avons pas le choix). C'est un pensum pour beaucoup d'entre eux, et c'est extrêmement triste. Et quand je lis que des CM2 ne lisent pas non plus, ça me rend encore plus triste.
Je disais à ma belle-mère que je n'étais pas dupe et que nombre de mes élèves n'auront pas lu entièrement Le Rouge et le Noir. Elle était sidérée en entendant ça et m'expliquait que c'était pour elle inconcevable, qu'à son époque, la classe aurait pu peiner, râler, mais aurait lu l'œuvre demandée.
Et sinon, L'Odyssée fonctionne en effet du tonnerre. J'adore les 6e, en règle générale, beaucoup d'œuvres les emportent, je trouve.
J'ai aussi eu un grand succès avec Les Misérables (abrégé), même avec des élèves faibles. Je l'ai beaucoup lu à voix haute, comme certains le préconisent (mais si c'est possible en 4e, c'est beaucoup plus difficile à faire en 1re où le temps est diabolique).
Après, on a des surprises : j'étais sûre avoir fait un bide avec le chapitre sur la poésie du XVIe, et un élève m'a dit qu'il avait aimé ce chapitre tandis que celui sur la nature, beaucoup plus actuel, le faisait suer.
- StrikingNiveau 6
Bonjour Virgile !
C'est ma 4e année en collège REP. La plupart de mes élèves sont en délicatesse avec la langue et peinent à lire les œuvres que nous travaillons en classe. Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne lisent pas : ils sont très friands de « chroniques » sur l'application Wattpad. La qualité des récits y est très variable, mais je pense qu'ils apprécient le côté feuilleton.
J'ai fait le choix de ne travailler que des œuvres patrimoniales en classe, ce qui me donne une réputation de vieille prof de français qui parle comme au Moyen Âge ! Il faut néanmoins que je sois très énergique en classe pour lire les textes afin qu'ils les comprennent bien, car, même si les élèves doivent d'abord lire seul à la maison, je relis avec eux. Je commence donc finalement souvent par contourner la lecture, car nombre d'élèves n'ont pas fait leurs devoirs et/ou posent leur livre et m'écoutent. C'est le cours « audiobook »
Quand l'œuvre leur plaît, il arrive qu'ils la finissent tout seul pour « savoir la suite ». Mais c'est plutôt rare, en général ils attendent le prochainépisode cours.
Lorsqu'il y a un grand écart entre les textes que j'ai choisi pour les lectures analytiques, ils doivent lire à la maison. Ce qui est souvent problématique car l'achat du livre est rarement effectué en temps et en heure...
Mes élèves adorent les livres sur lesquels ils peuvent donner leur avis, dans lesquels il y a des conflits : Roméo et Juliette, Le Cid, Antigone...
D'ailleurs, leur première question de l'année est souvent : « on va faire du théâtre, cette année ? »
Les fins cruelles ou morales leur plaisent beaucoup : le Bisclavret, Le porcher d'Andersen (« cheh la princesse ! »), La Parure (Mathilde, « michto » ou « miskine », telle est la question)...
Les succès les plus marquants, à ce jour : Roméo et Juliette, Les Misérables (en stage, je passais parfois l'heure à lire le roman à haute voix), La Promesse de l'aube...
En écrivant ces titres, je me rends compte que c'est aussi parce que je passais moi-même un bon moment que ça a « marché » !
C'est ma 4e année en collège REP. La plupart de mes élèves sont en délicatesse avec la langue et peinent à lire les œuvres que nous travaillons en classe. Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne lisent pas : ils sont très friands de « chroniques » sur l'application Wattpad. La qualité des récits y est très variable, mais je pense qu'ils apprécient le côté feuilleton.
J'ai fait le choix de ne travailler que des œuvres patrimoniales en classe, ce qui me donne une réputation de vieille prof de français qui parle comme au Moyen Âge ! Il faut néanmoins que je sois très énergique en classe pour lire les textes afin qu'ils les comprennent bien, car, même si les élèves doivent d'abord lire seul à la maison, je relis avec eux. Je commence donc finalement souvent par contourner la lecture, car nombre d'élèves n'ont pas fait leurs devoirs et/ou posent leur livre et m'écoutent. C'est le cours « audiobook »
Quand l'œuvre leur plaît, il arrive qu'ils la finissent tout seul pour « savoir la suite ». Mais c'est plutôt rare, en général ils attendent le prochain
Lorsqu'il y a un grand écart entre les textes que j'ai choisi pour les lectures analytiques, ils doivent lire à la maison. Ce qui est souvent problématique car l'achat du livre est rarement effectué en temps et en heure...
Mes élèves adorent les livres sur lesquels ils peuvent donner leur avis, dans lesquels il y a des conflits : Roméo et Juliette, Le Cid, Antigone...
D'ailleurs, leur première question de l'année est souvent : « on va faire du théâtre, cette année ? »
Les fins cruelles ou morales leur plaisent beaucoup : le Bisclavret, Le porcher d'Andersen (« cheh la princesse ! »), La Parure (Mathilde, « michto » ou « miskine », telle est la question)...
Les succès les plus marquants, à ce jour : Roméo et Juliette, Les Misérables (en stage, je passais parfois l'heure à lire le roman à haute voix), La Promesse de l'aube...
En écrivant ces titres, je me rends compte que c'est aussi parce que je passais moi-même un bon moment que ça a « marché » !
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2023 / 2024 : T6 en collège REP (poste fixe) - 6e, 5e et 4e + atelier théâtre
- PurpleBannerNiveau 7
Rubik a écrit:... Et là, je vois la même chose pour ma fille de 9 ans en CM2 : elle peut lire un Fantômette en une soirée, dévore les Elisabeth d'Annie Jay, mais a eu du mal à finir 35kg d'espoir d'Anna Gavalda demandé par la maîtresse.
Je comprends l'objectif des collègues de lettres modernes, mais je comprends aussi que les élèves n'adhèrent pas. Et c'est dur de lire en entier un livre qui ne vous intéresse pas du tout.
Très clairement. C'est aussi, en primaire, selon moi, notre rôle (et notre liberté) de pouvoir proposer des textes très divers. Du "patrimonial" comme des oeuvres plus modernes de sorte que chaque élève puisse "savoir" ce qui va lui plaire mais aussi être conscient que même si un livre l'endort, il peut et doit (à l'école) en venir à bout.
lene75 a écrit:...
Je suis assez persuadée que l'apprentissage de la lecture, au sens non pas du déchiffrage mais de l'attirance pour les livres, se joue essentiellement avant le CP (...)
Évidemment quand on récupère les élèves au lycée, on ne peut plus jouer sur ce tableau-là, mais pour la population générale, c'est à mon avis là qu'est le levier.(...)
Certainement et en entrant au CP, les différences selon le milieu sont déjà bien creusées.
En sortant de l'école élémentaire, un élève devrait (selon les programmes) avoir lu, dans le cadre scolaire, entre 29 et 44 livres (5 à 10 chaque année du CP au CE2, 7 en CM1 et 7 en CM2). On pourrait se poser la question de savoir combien de bibliothèques d'écoles sont assez dotées pour parvenir à ce résultat qui pourrait permettre à certains, je crois, d'être un peu plus familiers des livres et de la lecture longue en entrant au collège.
- ElaïnaDevin
Il y a peu de temps, une vidéo de Brut disait peu ou prou la même chose : les adolescents aiment bien qu'on leur lise des choses, et ça peut les aider à développer le goût de la lecture. Elle disait qu'on lisait volontiers (enfin, pas tout le monde, mais bon) aux enfants mais plus jamais une fois qu'ils savaient lire, et que c'était dommage. Elle n'a pas tort. Mes enfants de sept et neuf ans sont parfaitement autonomes en lecture mais ils apprécient encore beaucoup que je leur lise un album.
Après, pour répondre au postant : comme Lene, je te confirme que la plupart des élèves n'en ont strictement rien à carrer de Scapin, de Julien Sorel ou je ne sais qui. Mais ce n'est pas neuf.
Après, pour répondre au postant : comme Lene, je te confirme que la plupart des élèves n'en ont strictement rien à carrer de Scapin, de Julien Sorel ou je ne sais qui. Mais ce n'est pas neuf.
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It took me forty years to realize this. But for guys like us... our lives aren't really our own. There's always someone new to help. Someone we need to protect. These past few years, I fought that fate with all I had. But I'm done fighting. It's time I accept the hand I was dealt. Too many people depend on us. Their dreams depend on us.
Kiryu Kazuma inYakuza 4 Remastered
Ma page Facebook https://www.facebook.com/Lire-le-Japon-106902051582639
- uneodysséeNeoprof expérimenté
Je crois que c'est ce que disait Pennac dans Comme un roman : on leur lit des histoires, mais dès qu'ils apprennent à lire, bien souvent, on les abandonne seuls face à leur livre… alors qu'il faudrait continuer, continuer, lire avec eux tout le long de l'apprentissage (qui en effet ne se limite pas au CP).
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
lene75 a écrit:Cela dit, ton enthousiasme a un côté positif, c'est que, à mon sens, il faut leur montrer que toi, tu es passionné par ce que tu fais. Même s'ils te considèrent comme un animal bizarre, un type pas comme les autres pour t'intéresser à des trucs pareils, c'est important qu'ils voient qu'on peut être passionné par la littérature.
Ce point est très important pour moi. Aussi parce que l'enthousiasme est communicatif - en tout cas, parfois communiqué. Par des voies mystérieuses, certes, mais c'est ainsi.
- SeiferÉrudit
C'est par ailleurs assez perceptible dans la pratique : j'ai déjà proposé deux fois un texte que je n'appréciais pas, ça a été deux heures vraiment ennuyeuses, pour moi comme pour les élèves. Je n'ai plus recommencé l'expérience depuis. Cela ne veut pas dire que je suis extasié de chaque texte que je propose, mais il faut au moins y voir un intérêt attrayant de son côté pour que ça puisse rejaillir en cours.
_________________
De tout cimetière naît un champ de fleurs.
- uneodysséeNeoprof expérimenté
Et c'est bien le problème des programmes où les œuvres sont imposées : comme j'ai souffert parfois en TL !
- gregforeverGrand sage
Bien d'accord! Je souffre cette année en première!uneodyssée a écrit:Et c'est bien le problème des programmes où les œuvres sont imposées : comme j'ai souffert parfois en TL !
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