Ras le bol de la bienveillance !

Herrelis a écrit:Elle est très bien ta fiche Gauvain ! Ça ressemble à ce que je donne à mes élèves (j'ai dû juste adapter au manque de vocabulaire des élèves et des parents). Est-ce que tu notes comme moi un gros problème de compréhension des consignes ? Les élèves ne savent plus "lire" au sens comprendre, c'est aussi une grosse composante de leur problème de mémorisation et d'apprentissage. Mais bon, quand un 4ème qui ne sait toujours pas repérer un pronom après 2h passées dessus me dit "ouais bon, ça va, pis ça sert à rien" je sais où on va. Dans le mur. Mais on ira avec complaisance (et pas bienveillance).

Oui Herrelis, je prends parfois des questions que je donnais il y a 10 ans lors de certains TP. Et beaucoup effectivement comprennent de moins en moins des consignes qui étaient comprises il y a ne serait-ce que 5-6 ans auparavant
Il y a je pense un problème de vocabulaire non acquis, mais pas que. Quand je pose la question par exemple à des secondes quelles sont les caractéristiques de l'atmosphère terrestre favorables à la vie, beaucoup me réponde: "la distance au soleil" , y compris des élèves moyens.....

Je pense qu'il y a un vrai travail à faire la dessus dès l'école primaire; c'est un phénomène résorbable en quelques années si tous les acteurs éducatifs ont consciences de ce problème. Mais on n'en prend pas clairement la direction. Pour les collègues de maths qui ont de la bouteille, l'évolution du niveau de compréhension doit être encore plus palpable

Je redis ce que m'a dit un collègue ...

Le collège va maintenant correspondre à l'école primaire, et le lycée au collège .. Tout ce que l'on dit va dans ce sens ...

Badiste75 a écrit:Une autre dérive de la surnotation : les élèves travaillent encore moins car pour eux tout va bien. Quant aux parents, leurrés à leur insu, ils ne peuvent prendre aucune disposition pour tenter de remédier aux lacunes (pas forcément des cours particuliers mais un cadrage d'un autre temps : plus de console, ordi, téléphone, voire dessert!) Mais ça aussi c'est sans doute vieux jeu et destructivo-traumatisant...

Ben oui, pourquoi travailler si on est récompensé à ne rien faire? Combien me disent en seconde lors de leur premières note en SVT, "mais monsieur, je ne comprends pas , je en foutais rien en 3ème et j'avais quand même la moyenne ....". je pense qu'en REP, la surnotation généralisée aboutit à des élèves réellement handicapés du bulbe qu'il faut rééduquer pour les mettre dans de bons rails . Les filles plus scolaires arrivent pour certaines à se hisser au niveau, mais bizarrement les garçons sont totalement réfractaires; et beaucoup d'ailleurs refusent d'apprendre leurs leçons; c'est comme si on leur annonçait que le Père Noël n'existe pas.... ils sont dans le déni et on prit de telle habitude de non travail (en apprenant à désapprendre) que la montagne est trop haute à gravir pour la plupart. Certains on enfin de telles lacunes à l'écrit de compréhension.. de rédaction qu'il leur sera impossible d'arriver au niveau. c'est ce que j'écris dans de rares bulletins d'élèves afin d'alerter les collègues, et surtout le CDE du collège qui a laissé passer ce type d'élève

Entretien percutant d'Antoine Desjardins dans le Figaro sur ce sujet. Il résume magnifiquement tout ce qui a été dit et explique bien le passage de la bienveillance dont parle Pluie d'étoiles à ce que nous sommes réduits de faire aujourd'hui.
http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2017/03/15/31003-20170315ARTFIG00294-ecole-quand-la-bienveillance-devient-complaisance.php
extrait :
FIGAROVOX/ENTRETIEN- La notion de bienveillance inspirée de la pédagogie Freinet a fait dans les dernières années une entrée en force à l'école. Pour Antoine Desjardins, la « bienveillance » permet surtout de tromper les parents des milieux modestes sur le niveau réel de leurs enfants.

Carioca a écrit:J'espère juste qu'on n'est pas bienveillant en fac de médecine.

En fac de médecine, on a cessé d'afficher les résultats aux examens intermédiaires il y a maintenant 4 ans (pour les 2è, 3è, 4è et 5è années) afin que les étudiants ne soient pas traumatisés et ne puissent pas se comparer ! Tout ça pour qu'en 6è année, ils passent l'ECN (examen CLASSANT national) où ils seront justement classés du 1er au dix millième !

datattt a écrit:Je redis ce que m'a dit un collègue ...

Le collège va maintenant correspondre à l'école primaire, et le lycée au collège .. Tout ce que l'on dit va dans ce sens ...

Ben c'est déjà le cas dans les faits. Quand on voit l'épreuve d'Histoire Géographie en STMG , ça n'a rien à envier aux anciennes épreuves du Brevet des collèges. Beaucoup d'élèves de STMG, et même pas mal d'élèves de 1ère L que j'ai cette année ont un niveau 3ème voire 4ème pour les plus faibles: incapable d'argumenter, de rédiger correctement. Le commentaire argumenté qu'elles ont fait au bac blanc en 1ère à l'épreuve anticipée de sciences ne dépasse pas 10 lignes; l'écriture et l'expression écrite sont celles d'élève de 5ème

gauvain31 a écrit:

Herrelis a écrit:Elle est très bien ta fiche Gauvain ! Ça ressemble à ce que je donne à mes élèves (j'ai dû juste adapter au manque de vocabulaire des élèves et des parents). Est-ce que tu notes comme moi un gros problème de compréhension des consignes ? Les élèves ne savent plus "lire" au sens comprendre, c'est aussi une grosse composante de leur problème de mémorisation et d'apprentissage. Mais bon, quand un 4ème qui ne sait toujours pas repérer un pronom après 2h passées dessus me dit "ouais bon, ça va, pis ça sert à rien" je sais où on va. Dans le mur. Mais on ira avec complaisance (et pas bienveillance).

Oui Herrelis, je prends parfois des questions que je donnais il y a 10 ans lors de certains TP. Et beaucoup effectivement comprennent de moins en moins des consignes qui étaient comprises il y a ne serait-ce que 5-6 ans auparavant
Il y a je pense un problème de vocabulaire non acquis, mais pas que. Quand je pose la question par exemple à des secondes quelles sont les caractéristiques de l'atmosphère terrestre favorables à la vie, beaucoup me réponde:  "la distance au soleil" , y compris des élèves moyens.....

Je pense qu'il y a un vrai travail à faire la dessus dès l'école primaire; c'est un phénomène résorbable en quelques années si tous les acteurs éducatifs ont consciences de ce problème. Mais on n'en prend pas clairement la direction. Pour les collègues de maths qui ont de la bouteille, l'évolution du niveau de compréhension doit être encore plus palpable

Je suis d'accord. J'essaye très fort, mais en un an c'est quasi impossible de combler parfois des années de lacunes et de manque de méthode. Quand je soulève le problème avec les collègues (et que je tire des sonnettes d'alarme) on me dit justement d'être plus "bienveillante".... le serpent qui se mord la queue. Notre projet d'établissement est sur la maîtrise français / maths, bah on en est loin vu qu'on ne s'en donne pas les moyens !

CNFA a écrit:

Carioca a écrit:J'espère juste qu'on n'est pas bienveillant en fac de médecine.

En fac de médecine, on a cessé d'afficher les résultats aux examens intermédiaires il y a maintenant 4 ans (pour les 2è, 3è, 4è et 5è années) afin que les étudiants ne soient pas traumatisés et ne puissent pas se comparer ! Tout ça pour qu'en 6è année, ils passent l'ECN (examen CLASSANT national) où ils seront justement classés du 1er au dix millième !

J'ai rendu cette semaine des sujets d'invention à mes secondes. J'ai été fort malveillante en disant que bcp de copies étaient de bonnes copies de 6e.

Le problème il est là Ysabel: ce qui est perçu comme malveillant est en fait de la bienveillance puisque tu leur dis la vérité. Dans l'EN, on confond exigence et malveillance. Ca fait vraiment des dégâts

Mentir sur le niveau réel des élèves pour s'acheter une paix sociale: ça c'est de la malveillance , en plus d'être irresponsable

Merci de ne pas rédiger des messages avec des abréviations. cf charte et mp.

Thalie a écrit:Entretien percutant d'Antoine Desjardins dans le Figaro sur ce sujet. Il résume magnifiquement tout ce qui a été dit et explique bien le passage de la bienveillance dont parle Pluie d'étoiles à ce que nous sommes réduits de faire aujourd'hui.
http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2017/03/15/31003-20170315ARTFIG00294-ecole-quand-la-bienveillance-devient-complaisance.php
extrait :
FIGAROVOX/ENTRETIEN- La notion de bienveillance inspirée de la pédagogie Freinet a fait dans les dernières années une entrée en force à l'école. Pour Antoine Desjardins, la « bienveillance » permet surtout de tromper les parents des milieux modestes sur le niveau réel de leurs enfants.

Merci, le document sera affiché en salle des profs demain.
Voici le fichier Word, texte formaté en 3 pages. http://dl.free.fr/krLvgg6Q0

"Oui mais c'est le Figaro."

Et alors ? On peut tout de même être d'accord avec ce qui se dit non?

Oui datatt, j'aurais rajouté sur le fichier Word la suite de l'introduction sur qui est Desjardin : cela a son importance, les collègues doivent voir que c'est un collègue de Lettres membre "Sauver les Lettres"
Sinon effectivement comme le sous-entend Sylvain, il sera pris pour article politique d'extrême droite ou pro Fillon

Yazilikaya a écrit:

CNFA a écrit:

Carioca a écrit:J'espère juste qu'on n'est pas bienveillant en fac de médecine.

En fac de médecine, on a cessé d'afficher les résultats aux examens intermédiaires il y a maintenant 4 ans (pour les 2è, 3è, 4è et 5è années) afin que les étudiants ne soient pas traumatisés et ne puissent pas se comparer ! Tout ça pour qu'en 6è année, ils passent l'ECN (examen CLASSANT national) où ils seront justement classés du 1er au dix millième !

Ca me rappelle certaines Espe (peut-être toutes, je ne sais pas), qui refusent d'afficher le classement des étudiants pour les concours blancs, pour ne pas décourager les moins bien classés

Il y a aussi un autre effet pervers de cette "bienveillance" exercée notamment pour les incivilités, c'est la souffrance engendrée chez les élèves qui viennent encore au collège-lycée pour travailler, apprendre et qui subissent les zozos. Vendredi: conseil d'un seconde. C'est une classe lambda comme il y a en d'autres , pas ingérable mais avec deux ou trois pénibles et quelques suiveurs qu'il faut recadrer régulièrement. Le conseil se finit, le pro dit qu'il semble difficile de travailler dans cette classe, les collègues répondent mollement, je profite pour demander à la déléguée, élève bosseuse malgré quelques difficultés comment elle le vit. Et elle répond très clairement :"C'est pénible, on perd du temps, on n'avance pas comme on devrait." Silence un peu gêné, et puis voilà, conseil fini, au revoir. Tu peux pas bosser, tant pis ma pauvre, nous on est bienveillant mais pas avec toi, non, tu n'es pas assez pénible.

gauvain31 a écrit:Oui datatt, j'aurais rajouté sur le fichier Word la suite de l'introduction sur qui est Desjardin : cela a son importance, les collègues doivent voir que c'est un collègue de Lettres membre "Sauver les Lettres"
Sinon effectivement comme le sous-entend Sylvain, il sera pris pour article politique d'extrême droite ou pro Fillon

TU as raison , voici le fichier complété. http://dl.free.fr/qUseNtF65

roxanne a écrit:Il y a aussi un autre effet pervers de cette "bienveillance" exercée notamment pour les incivilités, c'est la souffrance engendrée chez les élèves qui viennent encore au collège-lycée pour travailler, apprendre et qui subissent les zozos. Vendredi: conseil d'un seconde. C'est une classe lambda  comme il y a en d'autres , pas ingérable mais avec deux ou trois pénibles et quelques suiveurs qu'il faut recadrer régulièrement. Le conseil se finit, le pro dit qu'il semble difficile  de travailler dans cette classe, les collègues répondent mollement, je profite pour demander à la déléguée, élève bosseuse malgré quelques difficultés comment elle le vit. Et elle répond très clairement :"C'est pénible, on perd du temps, on n'avance pas comme on devrait." Silence un peu gêné, et puis voilà, conseil fini, au revoir. Tu peux pas bosser, tant pis ma pauvre, nous on est bienveillant mais pas avec toi, non, tu n'es pas assez pénible.

Une mise en garde comportement et le tour est joué

gauvain31 a écrit:Le problème il est là Ysabel: ce qui est perçu comme malveillant est en fait de la bienveillance puisque tu leur dis la vérité. Dans l'EN, on confond exigence et malveillance. Ca fait vraiment des dégâts

Mentir sur le niveau réel des élèves pour s'acheter une paix sociale: ça c'est de la malveillance , en plus d'être irresponsable

Oh que oui. Et la confusion règne aussi chez les parents. En dix ans de métier, cela fait 2 ans que je suis vraiment attaquée (jusqu'à des lettres à mon CDE) sur le fond de mon boulot : donner des livres à lire et du travail à la maison. Il se répand l'idée que je donne "trop" de travail, et que "encore heureux que dans les autres matières, les élèves n'en n'ont pas, ou pas autant". Bien entendu, quand on entame une discussion avec ces parents, on en arrive à la conclusion que leurs enfants ne s'avancent pas (et avec les nouveaux EDT post-réforme, ils en ont le temps), ou qu'ils passent des heures à faire semblant de bosser. Mais il n'empêche que ces critiques deviennent mon pain quotidien, jusqu'aux conseils de classe et au fait que j'ai des réflexions de la part des élèves dès que je leur fais ouvrir leur agenda...Mon chef part du principe qu'en 6e, ce doit être 1h de travail personnel le soir, les parents ne le voient pas du même oeil...

roxanne a écrit:Il y a aussi un autre effet pervers de cette "bienveillance" exercée notamment pour les incivilités, c'est la souffrance engendrée chez les élèves qui viennent encore au collège-lycée pour travailler, apprendre et qui subissent les zozos. Vendredi: conseil d'un seconde. C'est une classe lambda  comme il y a en d'autres , pas ingérable mais avec deux ou trois pénibles et quelques suiveurs qu'il faut recadrer régulièrement. Le conseil se finit, le pro dit qu'il semble difficile  de travailler dans cette classe, les collègues répondent mollement, je profite pour demander à la déléguée, élève bosseuse malgré quelques difficultés comment elle le vit. Et elle répond très clairement :"C'est pénible, on perd du temps, on n'avance pas comme on devrait." Silence un peu gêné, et puis voilà, conseil fini, au revoir. Tu peux pas bosser, tant pis ma pauvre, nous on est bienveillant mais pas avec toi, non, tu n'es pas assez pénible.

Les élèves dans certains établissements ont plus de hauteur et de jugeote que certains adultes.
Ça me fait penser à mes débuts dans un collège bourgeois laxiste où un père d'élève formateur IUFM en SVT avait demandé en conseil de classe aux professeurs de vérifier le cahier de texte de chaque élève.... Absence de réponse des professeurs et le délégué qui prend la parole "les professeurs ont autre chose à faire que de vérifier le cahier de texte des élèves" .
Sourire gêné du père. Sur le coup, j'ai eu honte, c'était au professeur et non à l'élève de remettre en place de père d'élève

Hermiony a écrit:

gauvain31 a écrit:Le problème il est là Ysabel: ce qui est perçu comme malveillant est en fait de la bienveillance puisque tu leur dis la vérité. Dans l'EN, on confond exigence et malveillance. Ca fait vraiment des dégâts

Mentir sur le niveau réel des élèves pour s'acheter une paix sociale: ça c'est de la malveillance , en plus d'être irresponsable

Oh que oui. Et la confusion règne aussi chez les parents. En dix ans de métier, cela fait 2 ans que je suis vraiment attaquée (jusqu'à des lettres à mon CDE) sur le fond de mon boulot : donner des livres à lire et du travail à la maison. Il se répand l'idée que je donne "trop" de travail, et que "encore heureux que dans les autres matières, les élèves n'en n'ont pas, ou pas autant". Bien entendu, quand on entame une discussion avec ces parents, on en arrive à la conclusion que leurs enfants ne s'avancent pas (et avec les nouveaux EDT post-réforme, ils en ont le temps), ou qu'ils passent des heures à faire semblant de bosser. Mais il n'empêche que ces critiques deviennent mon pain quotidien, jusqu'aux conseils de classe et au fait que j'ai des réflexions de la part des élèves dès que je leur fais ouvrir leur agenda...Mon chef part du principe qu'en 6e, ce doit être 1h de travail personnel le soir, les parents ne le voient pas du même oeil...

Et bien il va falloir l'inculquer aux parents et leur demander franchement s'ils souhaitent que leur enfant réussissent où est-ce qu'ils veulent la paix sociale à la maison

Antoine Desjardin dit exactement tout ce que je dis depuis le début sur ce topic alors que je n'avais pas lu son analyse. Ça me rassure dans mes convictions, ce n'est pas moi qui perds la tête!

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lene75 a écrit:J'ai déjà entendu un collègue nous expliquer en commission d'harmonisation de bac que si nous continuions à noter comme ça, il ne faudrait pas se plaindre ensuite que la philo disparaisse des classes de terminale :lol: Le pire c'est qu'il n'a pas tort : si on n'arrive pas à bidouiller le thermomètre, le mieux reste encore de le jeter.
Je me sens souvent seule en conseil de classe : "Madame X, comment expliquez-vous qu'on puisse avoir 18 en maths et 9 en philo ?"... je me demande bien, effectivement, comment un élève qui a 9 en philo parce qu'il fait des erreurs de logique grossières peut avoir 17 en maths :blague:

M'en parle pas... "madame moi la philo je m'en fiche, j'ai 18 de moyenne en math et je veux aller en prépa scientifique alors bon...les maths c'est logique pas comme la philo"
Vient la partie sur "la raison et le réel", ses résultats ne progressent pas. Un mois plus tard, il n'a toujours pas compris l'utilité d'un axiome et j'ai eu toutes les peines du monde à lui expliquer le 5e postulat d'Euclide...

Quand l'école n'était pas encore bienveillante, il y avait L'école des fans à la télé.
Maintenant que l'école est bienveillante, à la télé, il y a The Voice, où on élimine les moins forts pour ne garder que le meilleur. Cherchez l'erreur