- slynopHabitué du forum
Bonjour à tous,
À la fin de la nouvelle, le curé pleure "le front sur l'oreiller où reposait la tête de l'enfant".
Comment comprennez- vous cette fin ?
Il pleure car il sait qu'il ne pourra jamais avoir d'enfant ? Ou parce qu'il a tué l'enfant, comme le verbe reposer semble peut-être l'indiquer ?
Merci à vous d'avance pour vos réponses.
À la fin de la nouvelle, le curé pleure "le front sur l'oreiller où reposait la tête de l'enfant".
Comment comprennez- vous cette fin ?
Il pleure car il sait qu'il ne pourra jamais avoir d'enfant ? Ou parce qu'il a tué l'enfant, comme le verbe reposer semble peut-être l'indiquer ?
Merci à vous d'avance pour vos réponses.
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"C'est pas moi qu'explique mal, c'est les autres qui sont cons !", Perceval dans Kaamelot.
- PonocratesExpert spécialisé
Pour moi l'enfant est vivant. L'explication est ici
D'une certaine façon le même procédé est à l'oeuvre dans "la Parure" par exemple ou dans Aux Champs: la représentation que le personnage se faisait de son existence est abolie. "La Parure" se termine sur la révélation, "Aux champs" par le rejet de la famille et le départ, ici le curé n'est plus qu'émotion primaire. Quelque chose s'effondre à chaque fois dans le personnage.
C'est quelque chose que l'on rencontre souvent dans les nouvelles de Maupassant: le nouvelle montre un personnage confronté à une situation qui lui fait prendre conscience que les choix qu'il a faits étaient le fruit d'une erreur.Il relit son passé de façon différente, et s'en suit une séparation avec ce qu'il était, un divorce intérieur. La révélation - une "épiphanie" laïque, ici- de l'importance de la chair, du corps et de la génération, frappe ici le curé, non sous l'angle érotique - ce serait trop facile- mais par cette rencontre avec l'enfant. Les larmes viennent de ce qu'il s'est engagé dans une voie sans issue autre que la mort, se coupant à jamais de l'Humanité. C'est naturellement l'expression de la vision contre-nature pour Maupassant du célibat des prêtres.Maupassant a écrit:Le curé, habitué à ces débauches paysannes, restait tranquille, assis à côté de la garde, agaçant du doigt la petite bouche de son neveu pour le faire rire. Il semblait surpris par la vue de cet enfant, comme s’il n’en avait jamais aperçu. Il le considérait avec une attention réfléchie, avec une gravité songeuse, avec une tendresse éveillée au fond de lui, une tendresse inconnue, singulière, vive et un peu triste, pour ce petit être fragile qui était le fils de son frère.
Il n’entendait rien, il ne voyait rien, il contemplait l’enfant. Il avait envie de le prendre encore sur ses genoux, car il gardait, sur sa poitrine et dans son cœur, la sensation douce de l’avoir porté tout à l’heure, en revenant de l’église. Il restait ému devant cette larve d’homme comme devant un mystère ineffable auquel il n’avait jamais pensé, un mystère auguste et saint, l’incarnation d’une âme nouvelle, le grand mystère de la vie qui commence, de l’amour qui s’éveille, de la race qui se continue, de l’humanité qui marche toujours.
La garde mangeait, la face rouge, les yeux luisants, gênée par le petit qui l’écartait de la table.
L’abbé lui dit :
— Donnez-le-moi. Je n’ai pas faim.
Et il reprit l’enfant. Alors tout disparut autour de lui, tout s’effaça ; et il restait les yeux fixés sur cette figure rose et bouffie ; et peu à peu, la chaleur du petit corps, à travers les langes et le drap de la soutane, lui gagnait les jambes, le pénétrait comme une caresse très légère, très bonne, très chaste, une caresse délicieuse qui lui mettait des larmes aux yeux.
D'une certaine façon le même procédé est à l'oeuvre dans "la Parure" par exemple ou dans Aux Champs: la représentation que le personnage se faisait de son existence est abolie. "La Parure" se termine sur la révélation, "Aux champs" par le rejet de la famille et le départ, ici le curé n'est plus qu'émotion primaire. Quelque chose s'effondre à chaque fois dans le personnage.
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"If you think education is too expensive, try ignorance ! "
"As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? "
- slynopHabitué du forum
Merci Ponocrates.
La réponse d'un élève m'a fait douter, d'où ma question.
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- PonocratesExpert spécialisé
Avec plaisir: j'aime beaucoup Maupassant !
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- pseudo-intelloSage
Je pense la même chose : le curé, en se retrouvant dans un cadre plus familial, dans une proximité plus grande avec son neveu, prend subitement confiance de tout ce qu'est ou peut représenter un enfant, et à cet instant, prend réellement conscience du sacrifice qu'il a commis en prenant la soutane, et c'est extrêmement douloureux.
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- NeronismaterNiveau 7
Très belle scène, à mettre peut-être en parallèle avec la fin d' Une Vie, où c' est le contact de sa petite fille qui ranime Jeanne quand elle la prend sur ses genoux...
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Oderint, dum metuant!
- OudemiaBon génie
Il me semble qu'une question semblable, à propos de ce texte, avait déjà été posée ici il y a quelque temps
- Fires of PompeiiGuide spirituel
Oudemia a écrit:Il me semble qu'une question semblable, à propos de ce texte, avait déjà été posée ici il y a quelque temps
Je me suis dit la même chose !
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Je ne dirai qu'une chose : stulo plyme.
- PonocratesExpert spécialisé
Il y a eu un sujet sur "La Mère aux monstres" et un autre sur "La Parure"...Fires of Pompeii a écrit:Oudemia a écrit:Il me semble qu'une question semblable, à propos de ce texte, avait déjà été posée ici il y a quelque temps
Je me suis dit la même chose !
Je vous ai déjà dit que j'aimais Maupassant ?
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- DalvaVénérable
C'était moi qui vous avais posé la question, FoP et Oudemia, mais pas sur le forum, et pas tout à fait sous cette forme. Je craignais de donner la nouvelle à lire et étudier en autonomie aux élèves à cause du passage cité par Ponocrates et de la fin (crainte qu'ils comprennent l'évocation d'un abus, car c'est de cela qu'on parle partout aujourd'hui, et non pas du célibat des prêtres). Enfin, je ne me souviens même plus si j'avais effectivement soulevé tout ça, ou juste évoqué la nouvelle.
Je n'avais pas imaginé une seconde qu'on pourrait conclure à la mort de l'enfant !
Comme quoi, les interprétations que l'on peut faire d'un texte sont vraiment terriblement influencées par l'époque à laquelle on vit, et le contexte dans lequel on vit.
Je sais, j'enfonce des portes ouvertes.
Je n'avais pas imaginé une seconde qu'on pourrait conclure à la mort de l'enfant !
Comme quoi, les interprétations que l'on peut faire d'un texte sont vraiment terriblement influencées par l'époque à laquelle on vit, et le contexte dans lequel on vit.
Je sais, j'enfonce des portes ouvertes.
- slynopHabitué du forum
C'est un très bon élève qui a compris ainsi la fin, tout en modalisant et en disant qu'il n'était pas certain que c'était ça. Cela fait des années que je donne cette nouvelle, en alternance avec d'autres, et c'est la première fois qu'un élève comprend la chute ainsi.
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- pseudo-intelloSage
Neronismater a écrit:Très belle scène, à mettre peut-être en parallèle avec la fin d' Une Vie, où c' est le contact de sa petite fille qui ranime Jeanne quand elle la prend sur ses genoux...
Sauf que Jeanne n'est pas si vieille, et que pour elle, c'est effectivement un nouveau chapitre joyeux qui est susceptible de débuter. Alors que le prêtre souffre de comprendre que pour lui, c'est râpé. D’ailleurs, l'ironie réside aussi dans le fait que les curés étaient appelés "mon père" aprce qu'ils étaient considérés peu ou prou comme le père des paroissiens, qui étaient plus ou mions leurs enfants (au sens figuré, hein). Sauf que quand le curé, éprouve un vif aperçu de la beauté et la force du lien qui unit des parents à leurs enfants, il comprend à) quel point le parallèle entre paternité et paternité spirituelle était du vent.
- PonocratesExpert spécialisé
Je peux me tromper, mais j'ai le sentiment que Maupassant veut surtout mettre l'accent sur l'humanité. Cet enfant lui fait voir "un mystère ineffable auquel il n’avait jamais pensé, un mystère auguste et saint, l’incarnation d’une âme nouvelle, le grand mystère de la vie qui commence, de l’amour qui s’éveille, de la race qui se continue, de l’humanité qui marche toujours." c'est-à-dire quelque chose de très matériel, de corporel.
À l'incarnation qu'est censé être Jésus de la divinité, est opposée ici une incarnation faite de chair, de sang qui lui procure dans un deuxième temps un bien-être presque animal: "la chaleur du petit corps, à travers les langes et le drap de la soutane, lui gagnait les jambes, le pénétrait comme une caresse très légère, très bonne, très chaste, une caresse délicieuse ".
Je ne suis pas sûre que cela s'arrête à la "paternité" - le père à l'époque ce n'est pas quelqu'un présenté comme éprouvant "une caresse délicieuse" quand il tient - quand d'ailleurs ?- son fils. Le bébé est dans les bras de la garde, ni de la mère, ni du père, ce qui est tout à fait normal à l'époque. L'impression que j'ai, c'est qu'il prend conscience de ce que c'est qu"être humain" - avec une dimension corporelle que sa fonction exige qu'il mette au second plan.
Mais encore une fois, je me trompe peut-être.
À l'incarnation qu'est censé être Jésus de la divinité, est opposée ici une incarnation faite de chair, de sang qui lui procure dans un deuxième temps un bien-être presque animal: "la chaleur du petit corps, à travers les langes et le drap de la soutane, lui gagnait les jambes, le pénétrait comme une caresse très légère, très bonne, très chaste, une caresse délicieuse ".
Je ne suis pas sûre que cela s'arrête à la "paternité" - le père à l'époque ce n'est pas quelqu'un présenté comme éprouvant "une caresse délicieuse" quand il tient - quand d'ailleurs ?- son fils. Le bébé est dans les bras de la garde, ni de la mère, ni du père, ce qui est tout à fait normal à l'époque. L'impression que j'ai, c'est qu'il prend conscience de ce que c'est qu"être humain" - avec une dimension corporelle que sa fonction exige qu'il mette au second plan.
Mais encore une fois, je me trompe peut-être.
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C'est le livre ? "
- pseudo-intelloSage
Je le pense aussi, et c'est manifestement le cas pour le cortège de retour de l'église et pour le temps du repas.
Mais au d'un moment, ça se meut clairement en tristesse, et mes interventions concernent davantage les sanglots de l'abbé à la fin du repas.
Mais au d'un moment, ça se meut clairement en tristesse, et mes interventions concernent davantage les sanglots de l'abbé à la fin du repas.
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