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Dame Jouanne
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Loin des villes : une génération oubliée - Page 2 Empty Re: Loin des villes : une génération oubliée

par Dame Jouanne Sam 23 Nov 2019, 13:22
Tristana a écrit:
Rosanette a écrit:
Verdurette a écrit:Il y a d'ailleurs, dans le débat, une allusion à ce terme de France périphérique ...
ou la diagonale du vide, où j'habite aujourd'hui.
Celle des ploucs dont certains se demandent comment ils peuvent bien vivre là (j'exagère à peine) et celle des gilets jaunes, tiens, comme c'est curieux.
Celle où on n'a que le fioul faute de gaz de ville, et besoin de sa voiture. Celles des campagnards qui ne peuvent pas toujours s'offrir le luxe d'être écolos et à qui quelques bobos des villes font la leçon.

La vache, ça n'aura pas tardé ; évoquer la fracture socio-géographique pour ensuite gentiment dégoiser sur ces c*ns de citadins, sûr que ça aide à réfléchir sur la complexité de notre territoire, qui est loin de se résumer au gars des villes sur son vélo et et au gars de la brousse dans son diesel.

C'est quand même hallucinant, à croire qu'en ville on s'est débarrassé des bagnoles pour de bon (enfin bon, pour certains Alençon n'est pas une ville et vivre et travailler à Alençon intramuros condamne à un usage régulier d'une voiture personnelle).

Et au passage, on tape tranquilou sur tous ceux qui vivent dans les "métropoles" en feignant d'ignorer que le département français métropolitain le plus pauvre, c'est le 93 (la moitié des dealers français vivent en Seine Saint Denis, juste pour illustrer mon propos). Alors ils sont mignons les amoureux de Guilluy, ou ceux qui se plaignent à juste titre de la fermeture des services publics en campagne, mais il continue à faire meilleur vivre aujourd'hui dans certains territoires périurbains (les territoires ruraux n'existant plus vraiment) que dans certaines banlieues pourtant considérées comme les grandes gagnantes de la métropolisation.
C'est gentil pour eux...
Prezbo
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Loin des villes : une génération oubliée - Page 2 Empty Re: Loin des villes : une génération oubliée

par Prezbo Sam 23 Nov 2019, 13:27
amalricu a écrit:Et des bobos, qui font suer dans leurs résidences secondaires, parce que que la cloche ou le coq font du bruit.


Quand on étudie de près ces affaires, on constate qu'elle se réduise rarement à une affaire de parisiens ou citadin néo-ruraux qui s'installent à la campagne et en découvrent les bruits.

Si on prend par exemple l'affaire, très médiatisée de Maurice, ce coq de l'Ile d'Oléron qui était devenu le symbole de la ruralité menacé. Pour le Figaro ou la PQR, c'était entendu, il s'agissait d'un problème de parisiens qui avaient acheté une résidence secondaire dans un petit village sans supporter les bruits immémoriaux de la campagne.

Sauf que les plaignants n'étaient pas des parisiens mais un couple d'agriculteurs retraités de la Vienne (c'était les seuls agriculteurs de l'histoire, en fait), que le quartier n'était pas un village rural mais un lotissement d'une petite ville où le coq n'avait été introduit une première fois que bien après l'arrivée des plaignants, et que la propriétaire du coq était certes une figure locale connue, mais pas une native de l'Ile. On peut trouver une présentation des faits plus équilibrée ici :

https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/06/07/maurice-le-coq-chanteur-devenu-le-symbole-d-une-ruralite-menacee_5472718_3224.html

Mais bon, c'est plus facile de se faire un petit succès médiatique en faisant du bobo-bashing, bien relayé par des élus locaux qui se posent en champion de la défense de la ruralité par démagogie électorale, plutôt que de comprendre que les zones rurales (il faudrait voir ce qu'on désigne sous ce terme, d'ailleurs) ont évoluées, qu'elle ne correspondent plus aux images d'Epinal ou à l'image qu'aiment en avoir leurs propres résidents, que les néo-ruraux ne sont pas forcément des citoyens aisés, et que les relations entre les différentes populations des zones en question sont plus complexes.

Ou plus simplement de se rappeler que les conflits de voisinages et les procès pour des affaires dérisoires, ce n'est pas vraiment une nouveauté, à la campagne.
Dame Jouanne
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par Dame Jouanne Sam 23 Nov 2019, 13:37
Prezbo a écrit:
amalricu a écrit:Et des bobos, qui font suer dans leurs résidences secondaires, parce que que la cloche ou le coq font du bruit.


Quand on étudie de près ces affaires, on constate qu'elle se réduise rarement à une affaire de parisiens ou citadin néo-ruraux qui s'installent à la campagne et en découvrent les bruits.

Si on prend par exemple l'affaire, très médiatisée de Maurice, ce coq de l'Ile d'Oléron qui était devenu le symbole de la ruralité menacé. Pour le Figaro ou la PQR, c'était entendu, il s'agissait d'un problème de parisiens qui avaient acheté une résidence secondaire dans un petit village sans supporter les bruits immémoriaux de la campagne.

Sauf que les plaignants n'étaient pas des parisiens mais un couple d'agriculteurs retraités de la Vienne (c'était les seuls agriculteurs de l'histoire, en fait), que le quartier n'était pas un village rural mais un lotissement d'une petite ville où le coq n'avait été introduit une première fois que bien après l'arrivée des plaignants, et que la propriétaire du coq était certes une figure locale connue, mais pas une native de l'Ile. On peut trouver une présentation des faits plus équilibrée ici :

https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/06/07/maurice-le-coq-chanteur-devenu-le-symbole-d-une-ruralite-menacee_5472718_3224.html

Mais bon, c'est plus facile de se faire un petit succès médiatique en faisant du bobo-bashing, bien relayé par des élus locaux qui se posent en champion de la défense de la ruralité par démagogie électorale, plutôt que de comprendre que les zones rurales (il faudrait voir ce qu'on désigne sous ce terme, d'ailleurs) ont évoluées, qu'elle ne correspondent plus aux images d'Epinal ou à l'image qu'aiment en avoir leurs propres résidents, que les néo-ruraux ne sont pas forcément des citoyens aisés, et que les relations entre les différentes populations des zones en question sont plus complexes.

Ou plus simplement de se rappeler que les conflits de voisinages et les procès pour des affaires dérisoires, ce n'est pas vraiment une nouveauté, à la campagne.
Bien sûr, les conflits de voisinage ne sont pas nouveaux et souvent plus complexes que ce que les médias nous montrent. Mais ce genre d'affaire se multiplie et donc montre quand même de nouveaux antagonismes. Souvent ces affaires naissent d'un conflit entre ceux qui habitent mais sont soit retraités soit travaillent ailleurs, et ceux qui travaillent sur place. De même que les industries ont peu à peu été séparées des habitations pour des raisons légitimes souvent, voir Rouen, il y a aussi je pense cette même tendance qui est à l’œuvre dans les campagnes péri urbaines. Avec le problème que les surfaces agricoles et les pâturages ne sont pas extensibles.
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Rosanette
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par Rosanette Sam 23 Nov 2019, 13:49
Dame Jouanne a écrit:
Tristana a écrit:
Rosanette a écrit:
Verdurette a écrit:Il y a d'ailleurs, dans le débat, une allusion à ce terme de France périphérique ...
ou la diagonale du vide, où j'habite aujourd'hui.
Celle des ploucs dont certains se demandent comment ils peuvent bien vivre là (j'exagère à peine) et celle des gilets jaunes, tiens, comme c'est curieux.
Celle où on n'a que le fioul faute de gaz de ville, et besoin de sa voiture. Celles des campagnards qui ne peuvent pas toujours s'offrir le luxe d'être écolos et à qui quelques bobos des villes font la leçon.

La vache, ça n'aura pas tardé ; évoquer la fracture socio-géographique pour ensuite gentiment dégoiser sur ces c*ns de citadins, sûr que ça aide à réfléchir sur la complexité de notre territoire, qui est loin de se résumer au gars des villes sur son vélo et et au gars de la brousse dans son diesel.

C'est quand même hallucinant, à croire qu'en ville on s'est débarrassé des bagnoles pour de bon (enfin bon, pour certains Alençon n'est pas une ville et vivre et travailler à Alençon intramuros condamne à un usage régulier d'une voiture personnelle).

Et au passage, on tape tranquilou sur tous ceux qui vivent dans les "métropoles" en feignant d'ignorer que le département français métropolitain le plus pauvre, c'est le 93 (la moitié des dealers français vivent en Seine Saint Denis, juste pour illustrer mon propos). Alors ils sont mignons les amoureux de Guilluy, ou ceux qui se plaignent à juste titre de la fermeture des services publics en campagne, mais il continue à faire meilleur vivre aujourd'hui dans certains territoires périurbains (les territoires ruraux n'existant plus vraiment) que dans certaines banlieues pourtant considérées comme les grandes gagnantes de la métropolisation.
C'est gentil pour eux...

Statistiquement, ce n'est quand même pas faux, même si on a beaucoup de mal à s'accorder sur ce qu'est rigoureusement la ruralité. C'est ainsi que les conversations déraillent, chacun y allant d'un ressenti personnel (moi dans mon coin, on doit avoir une voiture, y a rien, etc).

EDIT
Article du toujours très bon Olivier Razemon sur la mobilité en zone rurale où il n'est pas question de mettre tout le monde sur une bicyclette pour chaque trajet

https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/15/une-association-pour-aider-a-la-mobilite-rurale_6015585_3234.html

Fin 2016, rentrant de l’hôpital après un malaise, M. Bertin se sent bien dépourvu. Il s’en est bien tiré, mais les médecins lui interdisent la conduite pendant six mois. « Je voulais continuer mes activités », raconte-t-il. Son voisin, Jacques Toulemonde, l’aide à réfléchir. « Nous avons rassemblé une trentaine d’adresses mail de personnes vivant dans le village et leur avons demandé si elles accepteraient de me dépanner de temps en temps », explique le villageois. La solidarité agit rapidement.
Dame Jouanne
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par Dame Jouanne Sam 23 Nov 2019, 14:16
Rosanette a écrit:
Dame Jouanne a écrit:
Tristana a écrit:
Rosanette a écrit:

La vache, ça n'aura pas tardé ; évoquer la fracture socio-géographique pour ensuite gentiment dégoiser sur ces c*ns de citadins, sûr que ça aide à réfléchir sur la complexité de notre territoire, qui est loin de se résumer au gars des villes sur son vélo et et au gars de la brousse dans son diesel.

C'est quand même hallucinant, à croire qu'en ville on s'est débarrassé des bagnoles pour de bon (enfin bon, pour certains Alençon n'est pas une ville et vivre et travailler à Alençon intramuros condamne à un usage régulier d'une voiture personnelle).

Et au passage, on tape tranquilou sur tous ceux qui vivent dans les "métropoles" en feignant d'ignorer que le département français métropolitain le plus pauvre, c'est le 93 (la moitié des dealers français vivent en Seine Saint Denis, juste pour illustrer mon propos). Alors ils sont mignons les amoureux de Guilluy, ou ceux qui se plaignent à juste titre de la fermeture des services publics en campagne, mais il continue à faire meilleur vivre aujourd'hui dans certains territoires périurbains (les territoires ruraux n'existant plus vraiment) que dans certaines banlieues pourtant considérées comme les grandes gagnantes de la métropolisation.
C'est gentil pour eux...

Statistiquement, ce n'est quand même pas faux, même si on a beaucoup de mal à s'accorder sur ce qu'est rigoureusement la ruralité. C'est ainsi que les conversations déraillent, chacun y allant d'un ressenti personnel (moi dans mon coin, on doit avoir une voiture, y a rien, etc).
Donc, comme ils sont de moins en moins nombreux et statistiquement inexistants, on peut les oublier ? Parce que c'est ce que j'ai l'impression de lire là...
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par Verdurette Sam 23 Nov 2019, 14:23
Rapidement parce que je dois faire 70 km pour aller en visite à la maison de retraite ...

J'invite Rosanette à étudier le sens du mot "quelques".
t pour moi Alençon n'est pas une métropole. C'est une petite ville qui connait précisément les difficultés que j'évoque.

Et pour Tristana, je n'ai pas parlé de pauvreté, mais d'isolement géographique. Les gamins du 93 ont leur lot de difficultés, que je ne nie absolument pas, mais ils ont des établissements scolaires à portée de bus. Dans les territoires ruraux, qui existent encore, précisément dans cette "diagonale du vide", certains jeunes renoncent à aller au lycée faute de transport. 

Enfin, je ne comprends absolument pas la nécessité, même si on n'est pas d'accord, ce qui est l'essence même d'un forum, de le faire toujours sur un mode agressif et virulent, laissant entendre au posteur à quel point il est débile, et qu'heureusement que vous êtes là pour restaurer la bonne parole.
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par bas-médiéviste Sam 23 Nov 2019, 14:28
La définition de la ruralité est un vrai problème épistémologique en géographie. L'INSEE la définit en creux : "la ruralité" désigne tout ce qui n'est pas urbain. Les géographes y ajoutent des critères paysagers : paysages forestiers et agricoles ; économiques : plus de 10 % des actifs dans l'agriculture ; culturels : un mode de vie moins dépendant de la ville...

Le problème est que les territoires qui répondent à cette définition représentent moins de 5 % de la population. L'INSEE en arrive à dire qu'il n'y a pratiquement plus de ruraux en France.

Jusque sur ce forum, on trouve fréquemment des collègues qui assimilent l'est de la Seine-et-Marne au "rural profond". Or, si l'on suit les définitions des géographes, ces territoires correspondent plus au périurbain... même si l'on est à 60-70 km de Paris.


Dernière édition par bas-médiéviste le Sam 23 Nov 2019, 14:44, édité 1 fois (Raison : vile coquille)

_________________
"Les instructions émanant des socio-pédagogues infestant les cabinets ministériels depuis plusieurs années sont un charabia dont le pathos infernal mériterait d'être traduit en français afin d'en saisir tout le sel lorsque l'on sait qu'il vise un enseignement destiné, je vous le rappelle, à des enfants." (Goubert, 1984)
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par bas-médiéviste Sam 23 Nov 2019, 14:34
Verdurette a écrit:Rapidement parce que je dois faire 70 km pour aller en visite à la maison de retraite ...

J'invite Rosanette à étudier le sens du mot "quelques".
t pour moi Alençon n'est pas une métropole. C'est une petite ville qui connait précisément les difficultés que j'évoque.

Et pour Tristana, je n'ai pas parlé de pauvreté, mais d'isolement géographique. Les gamins du 93 ont leur lot de difficultés, que je ne nie absolument pas, mais ils ont des établissements scolaires à portée de bus. Dans les territoires ruraux, qui existent encore, précisément dans cette "diagonale du vide", certains jeunes renoncent à aller au lycée faute de transport. 

Enfin, je ne comprends absolument pas la nécessité, même si on n'est pas d'accord, ce qui est l'essence même d'un forum, de le faire toujours sur un mode agressif et virulent, laissant entendre au posteur à quel point il est débile, et qu'heureusement que vous êtes là pour restaurer la bonne parole.

Sur le plan strictement géographique, je suis d'accord avec vous, Alençon n'a rien d'une métropole.
Le problème est qu'aujourd'hui des collectivités se saisissent de ce terme de "métropole" pour faire du marketing territorial. Prenez la communauté d'agglomération de Châteauroux, son site internet s'appelle "Châteauroux métropole". C'est un non sens.

On est de plus en plus victimes du détournement par des non-géographes de concepts géographiques déclinés à toutes les sauces hors de tout cadre épistémologique.

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"Les instructions émanant des socio-pédagogues infestant les cabinets ministériels depuis plusieurs années sont un charabia dont le pathos infernal mériterait d'être traduit en français afin d'en saisir tout le sel lorsque l'on sait qu'il vise un enseignement destiné, je vous le rappelle, à des enfants." (Goubert, 1984)
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par Tristana Sam 23 Nov 2019, 14:35
Dame Jouanne a écrit:
C'est gentil pour eux...

Ce n'est pas de la méchanceté ou du mépris, ça a été montré plus haut par Rosanette que c'est une réalité qui n'existe plus beaucoup et que la majorité de la population qui pense vivre en campagne vit en fait dans un environnement péri-urbain.
Et ce n'est pas "méchant" de le dire, et ce n'est pas pour les minimiser. C'est juste la réalité aujourd'hui.

Prezbo a écrit:Ou plus simplement de se rappeler que les conflits de voisinages et les procès pour des affaires dérisoires, ce n'est pas vraiment une nouveauté, à la campagne.

Les voisins de ma sœur (milieu qu'on pourrait qualifier de rural mais aussi périrubain, bref), dont la maison a 4 hectares de terrain, qui n'ont jamais vécu ailleurs qu'ici, se plaignent parce que son âne braie de temps en temps (je ne parle pas de l'âne qui gueule toute la nuit, ce qui peut arriver avec certains entiers ; non, juste une à deux fois par jour quand il est content). Ce ne sont pas de sales parisiens bobos pas habitués à la campagne, et pourtant...

Verdurette a écrit:Et pour Tristana, je n'ai pas parlé de pauvreté, mais d'isolement géographique. Les gamins du 93 ont leur lot de difficultés, que je ne nie absolument pas, mais ils ont des établissements scolaires à portée de bus. Dans les territoires ruraux, qui existent encore, précisément dans cette "diagonale du vide", certains jeunes renoncent à aller au lycée faute de transport.

Quand tu habites Montfermeil, crois-moi que la question des transports en commun n'est pas évidente, et pourtant, tu es un "métropolitain". Je ne t'apprendrai d'ailleurs rien en ajoutant que beaucoup de jeunes élevés en banlieue n'ont jamais mis les pieds à Paris, alors que c'est parfois à 20 min de chez eux en RER. La misère n'est pas qu'une question d'accessibilité — même si elle a son importance.

Verdurette a écrit:Enfin, je ne comprends absolument pas la nécessité, même si on n'est pas d'accord, ce qui est l'essence même d'un forum, de le faire toujours sur un mode agressif et virulent, laissant entendre au posteur à quel point il est débile, et qu'heureusement que vous êtes là pour restaurer la bonne parole.

Moi je suis parfois un peu saoulée d'entendre que vivre dans une métropole fait de nous des idiots qui ne connaissons pas la vie des "ruraux", que nous ne savons pas ce que c'est la galère (alors qu'on subit quand même tous un coût de la vie bien supérieur à celui des territoires ruraux ou périurbains), et surtout, chez certains illuminés comme Guilluy, on en arrive à la conclusion que l'Etat file trop de pognon aux banlieues au détriment de la "vraie France", celle des petites communes, des petits villages. Ce qui n'est pas vrai — et quand bien même ça l'aurait été, ça n'a certainement pas endigué le problème de la misère dans certaines zones proches des grandes métropoles. Personnellement, je vis en région parisienne parce que je suis sans enfants ; je préférerais mille fois élever mes enfants dans un cadre rural, même s'il faut aller loin pour trouver un bureau de poste ou une école, qu'à Montfermeil.

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par Prezbo Sam 23 Nov 2019, 14:36
bas-médiéviste a écrit:La définition de la ruralité est un vrai problème épistémologique en géographie. L'INSEE la définit en creux : "la ruralité" désigne tout ce qui n'est pas urbain. Les géographes y ajoutent des critères paysages : paysages forestiers et agricoles ; économiques : plus de 10 % des actifs dans l'agriculture ; culturels : un mode de vie moins dépendant de la ville...

Le problème est que les territoires qui répondent à cette définition représentent moins de 5 % de la population. L'INSEE en arrive à dire qu'il n'y a pratiquement plus de ruraux en France.

Jusque sur ce forum, on trouve fréquemment des collègues qui assimilent l'est de la Seine-et-Marne au "rural profond". Or, si l'on suit les définitions des géographes, ces territoires correspondent plus au périurbain... même si l'on est à 60-70 km de Paris.

Ce simple critère doit éliminer à lui seul la plupart des villages que leurs habitants définiraient comme "ruraux". Par exemple le village où vit ma mère (et d'où vient ça famille) : 700 habitants, paysages de pâtures et de forêts de moyenne montagne, 15 km de la (petite) ville la plus proche...mais plus que deux GAEC, alors que la majorité des actifs devaient encore être agriculteurs au lendemain de la guerre.
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par bas-médiéviste Sam 23 Nov 2019, 14:41
Prezbo a écrit:
bas-médiéviste a écrit:La définition de la ruralité est un vrai problème épistémologique en géographie. L'INSEE la définit en creux : "la ruralité" désigne tout ce qui n'est pas urbain. Les géographes y ajoutent des critères paysages : paysages forestiers et agricoles ; économiques : plus de 10 % des actifs dans l'agriculture ; culturels : un mode de vie moins dépendant de la ville...

Le problème est que les territoires qui répondent à cette définition représentent moins de 5 % de la population. L'INSEE en arrive à dire qu'il n'y a pratiquement plus de ruraux en France.

Jusque sur ce forum, on trouve fréquemment des collègues qui assimilent l'est de la Seine-et-Marne au "rural profond". Or, si l'on suit les définitions des géographes, ces territoires correspondent plus au périurbain... même si l'on est à 60-70 km de Paris.

Ce simple critère doit éliminer à lui seul la plupart des villages que leurs habitants définiraient comme "ruraux". Par exemple le village où vit ma mère (et d'où vient ça famille) : 700 habitants, paysages de pâtures et de forêts de moyenne montagne, 15 km de la (petite) ville la plus proche...mais plus que deux GAEC, alors que la majorité des actifs devaient encore être agriculteurs au lendemain de la guerre.

Oui c'est exactement cela.
La transformation des pratiques agricoles qui a conduit, depuis 60 ans, à une réduction des besoins en main d'oeuvre (sauf peut-être avec le retour au bio... mais ça reste minoritaire quoiqu'en fort développement), explique que la part des actifs salariés dans l'agriculture (élevage compris) soit aujourd'hui très faible dans des espaces qui conservent un cadre rural (là où les champs font le paysage, pour le dire simplement).

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"Les instructions émanant des socio-pédagogues infestant les cabinets ministériels depuis plusieurs années sont un charabia dont le pathos infernal mériterait d'être traduit en français afin d'en saisir tout le sel lorsque l'on sait qu'il vise un enseignement destiné, je vous le rappelle, à des enfants." (Goubert, 1984)
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par Orlanda Sam 23 Nov 2019, 14:48
Je regarderai avec intérêt.
Je viens de cette France-là, et si mon enfance rurale a été merveilleuse - tout le temps à cheval, dans les champs et les bois, au milieu des animaux; voir passer le bibliobus était alors un véritable bonheur -, mon adolescence a été prodigieuse d'ennui, encore plus pour une véritable intello comme moi. Mes camarades d'enfance dissipait leur spleen en bidouillant leurs mobylettes sur la place du village, puis ils avaient leur permis et pour certains de graves accidents en rentrant de boîte complètement ivres, et d'alcool et de leur liberté enfin acquise.
Ensuite, j'ai pu accéder au meilleur lycée de ce coin de France, puis à sa CPGE, puis à celles de Paris. J'ai eu l'impression de vivre enfin à hauteur de mes goûts.
Je retourne chez mes parents avec plaisir et un brin de nostalgie, mais pour rien au monde je ne pourrais vivre là-bas. Et je l'épargnerai  à un adolescent.

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Lefteris
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par Lefteris Sam 23 Nov 2019, 14:50
Verdurette a écrit:Je vous conseille de regarder cette émission sur les jeunes qui ne vivent pas dans les grandes villes, c'est extrêmement intéressant, et certainement utile pour ceux  qui ont toujours baigné dans un milieu urbain.  Je le dis sans acrimonie, car avant de déménager, la parisienne que je suis ne réalisait pas non plus l'ampleur de la fracture.

https://www.france.tv/france-3/pieces-a-conviction/1104537-loin-des-villes-generation-oubliee.html
Voilà, "pas dans les grandes villes". Ce qui ne veut pas forcément dire à la campagne. Moi qui vis (hélas) dans la plus grande ville de France, j'ai passé une partie de ma jeunesse dans une petite ville du sud-ouest (4000 habitants, plus les petites villes ou  villages campagnards autour) . Si la paradis existait, il se rapprocherait de ce que j'ai connu. Il y avait même un assez gros hôpital, une maternité, une poste, une gendarmerie,  un lycée de la 6e à la terminale, une ligne de train .Des clubs de sport renommés pour la taille de la ville, la pêche, une nature splendide.Des couples jeunes s'installaient, enseignants, postiers, fonctionnaires des impôts, des petites entreprises, des jeunes retraités. Mais aujourd'hui, c'est la ville la plus pauvre de son département, les services publics sont partis un par un, en commençant par la maternité, la ligne de train a été réduite et se trouve menacée, etc. Les jeunes ne s'installent plus, les commerces ferment  un par un et ne trouvent pas preneurs, le centre naguère si animé ressemble au far west. D'autant que deux centres commerciaux à foutre le bourdon ont ouvert sur les routes de chaque côté. La population vieillit, ceux qui restent survivent, les maisons sont invendables. Je vois aussi une partie de ma famille à trente kms de Rennes, ni ville , ni campagne. Pareil, il n'y a rien, c'est mortifère (et en plus pas le climat du sud-ouest) . Une heure de transports pour aller au lycée, si on ne rate pas le car. Oui, c'est une fracture ouverte.

_________________
"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)

Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.

Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
Choubidouh
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par Choubidouh Sam 23 Nov 2019, 15:54
Lefteris a écrit:
Verdurette a écrit:Je vous conseille de regarder cette émission sur les jeunes qui ne vivent pas dans les grandes villes, c'est extrêmement intéressant, et certainement utile pour ceux  qui ont toujours baigné dans un milieu urbain.  Je le dis sans acrimonie, car avant de déménager, la parisienne que je suis ne réalisait pas non plus l'ampleur de la fracture.

https://www.france.tv/france-3/pieces-a-conviction/1104537-loin-des-villes-generation-oubliee.html
Voilà, "pas dans les grandes villes". Ce qui ne veut pas forcément dire à la campagne. Moi qui vis (hélas) dans la plus grande ville de France, j'ai passé une partie de ma jeunesse dans une petite ville du sud-ouest (4000 habitants, plus les petites villes ou  villages campagnards autour) . Si la paradis existait, il se rapprocherait de ce que j'ai connu. Il y avait même un assez gros hôpital, une maternité, une poste, une gendarmerie,  un lycée de la 6e à la terminale, une ligne de train .Des clubs de sport renommés pour la taille de la ville, la pêche, une nature splendide.Des couples jeunes s'installaient, enseignants,  postiers, fonctionnaires des impôts, des petites entreprises, des jeunes retraités.   Mais aujourd'hui, c'est la ville la plus pauvre de son département, les services publics sont partis un par un, en commençant par la maternité, la ligne de train a été réduite et se trouve menacée, etc. Les jeunes ne s'installent plus, les commerces ferment  un par un et ne trouvent pas preneurs, le centre naguère si animé ressemble au far west. D'autant que deux centres commerciaux à foutre le bourdon ont ouvert sur les routes de chaque côté. La population vieillit, ceux qui restent survivent, les maisons sont invendables. Je vois aussi une partie de ma famille à trente kms de Rennes, ni ville , ni campagne. Pareil, il n'y a rien, c'est mortifère (et en plus pas le climat du sud-ouest) . Une heure de transports pour aller au lycée, si on ne rate pas le car. Oui, c'est une fracture ouverte.

Ce qui m'inquiète, c'est les conséquences de cette exode. On entasse les gens dans des toutes petites superficies, ce qui est particulièrement dangereux (pollution visuelle et atmosphérique, risque de transmission des germes, appauvrissement des ressources locales, diminution de la qualité de vie des classes populaires/intermédiaires...). A l'ère du télétravail et du numérique, on doit pouvoir sortir de cette logique centralisatrice...

D'un autre coté, pour habiter un petit village de 700 habitants (à 1h de mon lycée...), je pense qu'on ne se rend pas compte que la communauté, c'est nous... Personne ne se bouge pour créer de l'activité. Et mon empreinte carbone crève le plafond... à cause des transports.
Marie Laetitia
Marie Laetitia
Bon génie

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par Marie Laetitia Sam 23 Nov 2019, 16:31
bas-médiéviste a écrit:La définition de la ruralité est un vrai problème épistémologique en géographie. L'INSEE la définit en creux : "la ruralité" désigne tout ce qui n'est pas urbain. Les géographes y ajoutent des critères paysagers : paysages forestiers et agricoles ; économiques : plus de 10 % des actifs dans l'agriculture ; culturels : un mode de vie moins dépendant de la ville...

Le problème est que les territoires qui répondent à cette définition représentent moins de 5 % de la population. L'INSEE en arrive à dire qu'il n'y a pratiquement plus de ruraux en France.

Jusque sur ce forum, on trouve fréquemment des collègues qui assimilent l'est de la Seine-et-Marne au "rural profond". Or, si l'on suit les définitions des géographes, ces territoires correspondent plus au périurbain... même si l'on est à 60-70 km de Paris.

Avec comme critère "plus de de 10 % des actifs dans l'agriculture", la Corrèze n'est pas rurale Loin des villes : une génération oubliée - Page 2 437980826 Or quand on connaît, il y a de quoi rire (Oui, bon, je sais, Brive, ce n'est pas rural). Mais quand je vois le nombre de parents agriculteurs, lesdits parents qui entrent en bottes jusque dans le hall du collège, les concours de bestiaux à côté, les tracteurs et les bétaillères qui ralentissent la circulation matin et soir, les paysages tout autour, j'ai du mal à considérer que je ne suis pas en zone rurale.

On a surtout, comme tu le soulignes, un énorme problème de définition. Et à partir de là, on peut déclarer péremptoirement que la ruralité n'existe plus. Ce qui avive les mauvaises relations entre ceux qui y vivent quand même et les urbains.

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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)


Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...


Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
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par pseudo-intello Sam 23 Nov 2019, 16:50
Sauf qu'avant, en zone non-rurale, dès qu'on avait une petite ville moyenne, il y avait l'hosto avec maternité, les établissements scolaire, enfin tout. Un bourg, et il y avait de l'alimentation, des médecins du "quotidien", des boutiques diverses et variées. Il fallait peut-être de temps en temps se rendre dans une grande  ville, pour le lycée, un médecin plus spécialiste, l'hôtital, mais pour le quotidien, le bourg suffisait.

Maintenant, habiter une petite ville, c’est bien souvent faire face à des problèmes auparavant réservés à la ruralité.

A l'heure de la vente par correspondance, d'ailleurs, je me dis que ce genre de petites villes devrait être propices à l'implantation de boîtes : des bâtiments vides à se réapproprier, de la main d’œuvre, une ligne de train re-vivifiable ou ressuscitable (désolée pour les néologismes), bref. La main d’œuvre locale y est souvent peu qualifiée,g globalement, mais vu le prix du mètre carré, aucun problème pour convaincre les diplômés parisiens dont l'appart de 65 m2 pour quatre personne commence à être insupportable.

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par bas-médiéviste Sam 23 Nov 2019, 16:51
Un petit tour sur Géoclip pour voir la typologie en aires urbaines de la Corrèze... Verdict qui te donne raison, Marie Laetitia : hormis les espaces en bordure du département qui sont classés "communes isolées hors influence des pôles", c'est-à-dire "ruraux", une bonne partie du département entre dans la catégorie des communes multipolarisées ou dans celle des communes sises dans la couronne des pôles urbains.

Sur les mauvaises relations entre "ruraux" et "urbains",  le ressenti des premiers tient sans doute à un sentiment d'invisibilisation. Après la fracture, je la ressens aussi quand je prends le bus dans ma banlieue - très mixte - et quand je le prends à Paris intra-muros où je ne coudoie pas le même groupe social.

C'est le tri par la rente foncière qui est une machine à creuser ces inégalités. Ceux qui ont pu acheter un appartement à Paris il y a 20 ans se sont enrichis. Ceux qui ont acheté une bicoque dans le périurbain ou à la campagne ne peuvent pas en dire autant.

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"Les instructions émanant des socio-pédagogues infestant les cabinets ministériels depuis plusieurs années sont un charabia dont le pathos infernal mériterait d'être traduit en français afin d'en saisir tout le sel lorsque l'on sait qu'il vise un enseignement destiné, je vous le rappelle, à des enfants." (Goubert, 1984)
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par Moonchild Sam 23 Nov 2019, 17:37
Tristana a écrit:Et au passage, on tape tranquilou sur tous ceux qui vivent dans les "métropoles" en feignant d'ignorer que le département français métropolitain le plus pauvre, c'est le 93 (la moitié des dealers français vivent en Seine Saint Denis, juste pour illustrer mon propos). Alors ils sont mignons les amoureux de Guilluy, ou ceux qui se plaignent à juste titre de la fermeture des services publics en campagne, mais il continue à faire meilleur vivre aujourd'hui dans certains territoires périurbains (les territoires ruraux n'existant plus vraiment) que dans certaines banlieues pourtant considérées comme les grandes gagnantes de la métropolisation.

Tu as raison, on ne parle pas assez de la perte du pouvoir d'achat des dealers ; il est grand temps de revaloriser cette profession qui subit de plein fouet une paupérisation sans précédent !  professeur

Sérieusement, il est quand même assez étonnant de choisir le nombre de trafiquants de drogues comme indicateur probant de pauvreté ; on nage encore en plein dans une vision romantico-compasionnelle de la criminalité...


Tristana a écrit:Je ne t'apprendrai d'ailleurs rien en ajoutant que beaucoup de jeunes élevés en banlieue n'ont jamais mis les pieds à Paris, alors que c'est parfois à 20 min de chez eux en RER. La misère n'est pas qu'une question d'accessibilité — même si elle a son importance.

Mais ce n'est pas non plus la misère au sens matériel qui fait que ces jeunes de banlieue n'ont jamais mis les pieds à Paris alors que c'est à 20 min de chez eux en RER ; le problème est d'une autre nature.

En ce qui concerne la scolarité, surtout pour l'enseignement supérieur, l'accessibilité est tout même une question fondamentale et, de ce point de vue, les jeunes de la France périphérique se retrouvent structurellement plus désavantagés que ceux des banlieues des métropoles qui, en général, bénéficient comparativement d'une plus grande offre éducative à leur proximité. Bien que les jeunes des banlieues subissent sans doute plus fortement l'effet d'une forte dégradation de la qualité du climat scolaire dans le primaire et le secondaire (pour résumer, les meilleurs élèves sont avant tout victimes de leurs camarades perturbateurs qui bénéficient d'une impunité quasi-totale dans le système actuel), il commence à émerger quelques enquêtes qui montrent que la mobilité sociale est finalement plus importante dans les banlieues que dans les territoires éloignés des métropoles.

Peut-être serait-il temps d'ouvrir un peu les oeillères et de renoncer au dogme voulant que les nouveaux damnés de la terre soient uniquement les habitants du 93...
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par Tristana Sam 23 Nov 2019, 17:44
https://www.insee.fr/fr/statistiques/3291402

En Île-de-France, 15,6 % de la population vit sous le seuil de pauvreté en 2014, soit un point de plus qu’en France métropolitaine. Ces personnes pauvres ont un niveau de vie inférieur à 1 008 € par mois. Le taux de pauvreté masque d’importantes disparités au sein de la région : il varie du simple au triple selon les départements. Localiser finement la pauvreté et mesurer son évolution ces dernières années est un enjeu majeur pour mieux cibler les mesures en faveur de la lutte contre la pauvreté.

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par Moonchild Sam 23 Nov 2019, 18:09
Tristana a écrit:https://www.insee.fr/fr/statistiques/3291402

En Île-de-France, 15,6 % de la population vit sous le seuil de pauvreté en 2014, soit un point de plus qu’en France métropolitaine. Ces personnes pauvres ont un niveau de vie inférieur à 1 008 € par mois. Le taux de pauvreté masque d’importantes disparités au sein de la région : il varie du simple au triple selon les départements. Localiser finement la pauvreté et mesurer son évolution ces dernières années est un enjeu majeur pour mieux cibler les mesures en faveur de la lutte contre la pauvreté.

Mais un plus fort taux de pauvreté n'est pas incompatible avec une meilleure mobilité sociale ; c'est même assez simple à comprendre dans le cas de certaines banlieues où ceux qui bénéficient d'une ascension sociale partent pour être remplacés par de nouveaux pauvres généralement immigrés récents. La pauvreté s'enkyste sur ces territoires malgré - ou parfois à cause de - la mobilité de la population. La Seine-Saint-Denis étant une porte d'entrée de l'immigration, elle illustre parfaitement ce phénomène.

Dans la France périphérique, bien que le taux de pauvreté soit plus faible qu'en Seine-Saint-Denis, l'assignation résidentielle est plus forte et finit par peser sur la mobilité sociale.

Plus anecdotique, en parcourant ton lien, je n'ai vu nulle part que l'INSEE utilisait le nombre de dealers comme indicateur de pauvreté.
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par bas-médiéviste Sam 23 Nov 2019, 18:15
Sur l'absence de substitut à l'économie de la drogue dans le département de Seine-Saint-Denis, vous avez les travaux de Laurent Mucchielli, un sociologue critique vis-à-vis des politiques de sécurité déployées dans les banlieues car elles ne résolvent pas le problème de fond : le chômage endémique.

Sur le fond, les géographes distinguent 2 conséquences spatiales différentes de la précarité suivant le découpage ville/campagne.
_ en ville, la pauvreté est plus concentrée dans quelques villes ou quartiers (avec parfois des poches très étendues notamment celle qui part du nord de Paris jusqu'au nord-est du 93)
_ à la campagne, la pauvreté est plus diffuse ; ce qui tend à la rendre moins spectaculaire (loin des cités-ghettos emblématiques)

Mais la pauvreté à Clichy-sous-Bois n'en est pas moins aussi terrible qu'en Thiérache.

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"Les instructions émanant des socio-pédagogues infestant les cabinets ministériels depuis plusieurs années sont un charabia dont le pathos infernal mériterait d'être traduit en français afin d'en saisir tout le sel lorsque l'on sait qu'il vise un enseignement destiné, je vous le rappelle, à des enfants." (Goubert, 1984)
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par Daphné Sam 23 Nov 2019, 18:56
menerve a écrit:J'habite aussi le trou du Luc du monde.... Et c'est affolant car tous les magasins de ma petite ville de 4 000 habitants ferment. Quant à mes élèves... Se rendre à 15 km, c'est le bout du monde.

Même pas besoin d'aller si loin : dans mon collège de banlieue de capitale régionale et chef lieu d'académie, ville universitaire, l'horizon de la majorité des élèves était le collège, leur tour, le local poubelles, le terrain de basket au pied de la tour et le parking. Point final.
Aller acheter un livre dans une librairie du centre ville était mission impossible.
Un collègue d'histoire avait organisé une sortie à la Citadelle, je lui avais fait remarquer en plaisantant qu'il ne s'était pas foulé et c'est là qu'il m'a ouvert les yeux : c'est dans la ville oui mais nos élèves n'y vont jamais ! Et cela fait 2 ou 3 bornes en bus de ville et tram maintenant.
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par LemmyK Sam 23 Nov 2019, 19:12
Tristana a écrit:
Rosanette a écrit:
Verdurette a écrit:Il y a d'ailleurs, dans le débat, une allusion à ce terme de France périphérique ...
ou la diagonale du vide, où j'habite aujourd'hui.
Celle des ploucs dont certains se demandent comment ils peuvent bien vivre là (j'exagère à peine) et celle des gilets jaunes, tiens, comme c'est curieux.
Celle où on n'a que le fioul faute de gaz de ville, et besoin de sa voiture. Celles des campagnards qui ne peuvent pas toujours s'offrir le luxe d'être écolos et à qui quelques bobos des villes font la leçon.

La vache, ça n'aura pas tardé ; évoquer la fracture socio-géographique pour ensuite gentiment dégoiser sur ces c*ns de citadins, sûr que ça aide à réfléchir sur la complexité de notre territoire, qui est loin de se résumer au gars des villes sur son vélo et et au gars de la brousse dans son diesel.

C'est quand même hallucinant, à croire qu'en ville on s'est débarrassé des bagnoles pour de bon (enfin bon, pour certains Alençon n'est pas une ville et vivre et travailler à Alençon intramuros condamne à un usage régulier d'une voiture personnelle).

Et au passage, on tape tranquilou sur tous ceux qui vivent dans les "métropoles" en feignant d'ignorer que le département français métropolitain le plus pauvre, c'est le 93 (la moitié des dealers français vivent en Seine Saint Denis, juste pour illustrer mon propos). Alors ils sont mignons les amoureux de Guilluy, ou ceux qui se plaignent à juste titre de la fermeture des services publics en campagne, mais il continue à faire meilleur vivre aujourd'hui dans certains territoires périurbains (les territoires ruraux n'existant plus vraiment) que dans certaines banlieues pourtant considérées comme les grandes gagnantes de la métropolisation.
C'est la meilleure de la journée.
On dirait un.e technocrate.e macronien.ne. Razz
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par amalricu Sam 23 Nov 2019, 19:17
Les territoires ruraux n'existent plus vraiment....ouarff.

T'abuses pas de la start up nation ?

Va au Mont Mouchet ou à l'Aigle dans l'Orne...on en reparle.
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par ore Sam 23 Nov 2019, 19:25
amalricu a écrit:Les territoires ruraux n'existent plus vraiment....ouarff.

T'abuses pas de la start up nation ?

Va au Mont Mouchet ou à l'Aigle dans l'Orne...on en reparle.

+1

J'ajoute que dans ces territoires ruraux qui n'existent plus vraiment, les dealers prospèrent. Eh oui, chez nous aussi!
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par Une passante Sam 23 Nov 2019, 19:31
Je suis dans une ville moyenne, les grandes villes / pôles universitaires sont au plus près à deux heures de route. La plupart de mes élèves ne fera pas d'autres études que celles accessibles dans la ville (moins d'une dizaine de BTS et une seule licence dans un IUP ou IUT), je ne crois pas qu'on puisse considéré cet isolement géographique à celui des banlieues où tout est accessible.
Je me crois donc en zone rurale du fait de cet isolement non pas "intra muros" (un hôpital, une grande surface et même un cinéma) mais par rapport au reste de la France. Quand j'envisage les études de mes enfants, je panique déjà parce que je serai obligée de leur payer un logement, dans une grande ville, ou proche d'une grande ville, ils pourraient continuer à vivre à mon domicile...
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