Il y a dix ans, Marie-Claude Lorne se suicidait.

A quoi tient une vie ? Celle de Marie-Claude Lorne, maîtresse de conférence stagiaire en philosophie à l'Université de Bretagne occidentale, s'acheva il y a dix ans entre les piles de la passerelle Simone-de-Beauvoir face à la Bibliothèque nationale de France. Quelques jours plus tôt, la décision de la commission de spécialistes de cette université de recommander à la ministre de l'enseignement supérieur sa non-titularisation lui avait été notifiée. La résolution de mettre fin à ses jours révèle d'un bloc une rencontre insupportable avec l'absurde. Il se présenta à elle sous les traits d'un violent hiatus entre un parcours académique brillant reposant sur une exigence intérieure forte, un investissement philosophique constant, un esprit éperdu d'absolu et les avanies lancinantes du recrutement sinon du fonctionnement universitaires. Cette vie fauchée en plein vol, à 39 ans, emporte avec elle ce douloureux mystère, celui de perspectives mortes pour avoir succombées à la médiocrité sinon à la crudité d'un contexte délétère. Marie-Claude, je pense souvent à toi. Ton geste renvoie le monde des vivants aux périls du déni, de la dissonance cognitive et de l'agir communicationnel.

Quel gâchis...

Merci Condorcet.

Marie-Claude Lorne, philosophe, était partie prenante, depuis le début, de l’entreprise qui a abouti au présent volume, Les Mondes darwiniens. S’étant donné la mort le 22 septembre 2008, à 39 ans, elle n’en aura pas connu la conclusion.

Sa tragique disparition nous a laissés stupéfaits et effondrés. Pour les signataires du présent texte, Marie-Claude était une amie depuis les années d’étude ; par ses choix intellectuels, elle nous était devenue de plus en plus proche.
[...]
On évoquera sans doute encore longtemps la mémoire et l’œuvre de Marie-Claude Lorne, si prématurément disparue. Nous avons pensé qu’en ces pages où, de diverses manières, son empreinte se laisse deviner, nous nous devions de rendre hommage à notre amie.

https://www.cairn.info/les-mondes-darwiniens-volume-2--9782919694402-page-1391.htm

Merci de vos rappels, Condorcet et Ergo.

A la difficulté de mener à bien dans des conditions précaires une thèse de doctorat, s'est ajouté le chemin de croix pour décrocher un poste de maîtresse de conférences dans un contexte de resserrement budgétaire déjà sensible. Une fois ce tour de France harassant achevé (l'aspirant MCF enchaîne en général les auditions dans différentes universités), l'attendait une année de service sans décharge (à l'exception de quelques universités qui l'accordent). Le suicide de Marie-Claude Lorne aurait dû amener à une véritable refonte de l'entrée dans le métier d'enseignant-chercheur avec à la clé des moyens financiers pérennes et étendus, un service réduit à 150 h voire à 128 h la première année. Bien au contraire, les lois Pécresse et Fioraso ont conduit à une aggravation de la compétition entre chercheurs et entre laboratoires pour décrocher un financement, accroître sa visibilité, être mieux noté et à l'inflation des tâches administratives. En d'autres termes, non seulement, le décès précoce d'une jeune chercheuse brillante n'aura pas conduit l'institution universitaire à proposer à l'ensemble de ses membres de meilleures conditions d'exercice mais les aura assimilés à des variables d'ajustement pour les non-titulaires, à des ressources humaines pour les autres.

Malheureusement je ne suis pas étonné Condorcet. Il h'y a qu'à voir comment va être traité de Lycée professionnel après le suicide de Pierre Jacque. Il n'y a aucune humanité.

A l'époque comme aujourd'hui, je demeure stupéfait et scandalisé par l'attitude de l'université de Bretagne occidentale à l'encontre de Marie-Claude Lorne : sévérité sinon iniquité de la décision de recommander la non-titularisation, non-observance des règles administratives les plus élémentaires, absence d'empathie. Tout cela jette une lumière crue sur l'opacité universitaire.

Oui, opacité de façon générale et pas qu'à l'université de Bretagne occidentale.... Quand je vois le nom de certains jeunes maîtres de conf à Toulouse dont j'ai eu les parents comme enseignants à la fac de Pau, on peut se poser certaines questions... Quant aux concours de maître de conf.... je vais avoir la pudeur de me taire pour ne pas dire ce que j'en pense.

Je partage entièrement ton avis concernant les recrutements de MCF.

Yves Michaud qui fut avec son co-directeur de thèse, Jean Gayon, l'un des rares universitaires français à oeuvrer pour sa réhabilitation posthume, republiera dans les jours prochains les billets de blog qu'il avait rédigés à l'époque.

https://michaudphilo.blogspot.com/2018/09/un-triste-anniversaire-laffaire-marie.html?showComment=1537652813660#c7830216093411600276

On parle beaucoup de souffrance au travail et de harcèlement mais, apparemment, cela n'arrive jamais, jamais au grand jamais, dans les universités, où ne règne non plus aucune omertà.

Merci de nous y faire penser.

Condorcet a écrit:Je partage entièrement ton avis concernant les recrutements de MCF.

Yves Michaud qui fut avec son co-directeur de thèse, Jean Gayon, l'un des rares universitaires français à oeuvrer pour sa réhabilitation posthume, republiera dans les jours prochains les billets de blog qu'il avait rédigés à l'époque.

https://michaudphilo.blogspot.com/2018/09/un-triste-anniversaire-laffaire-marie.html?showComment=1537652813660#c7830216093411600276

On parle beaucoup de souffrance au travail et de harcèlement mais, apparemment, cela n'arrive jamais, jamais au grand jamais, dans les universités, où ne règne non plus aucune omertà.

Merci pour le lien, Condorcet. L'auteur remet sur le blog les articles écrits à l'époque (toujours disponibles sur le site de Libération).

Elle fait partie de ceux à qui je repense, souvent.
Merci pour le rappel.