- leyaNiveau 1
Chers collègues,
je cherche un texte support d'évaluation.
Nous travaillons conjointement avec le collègue d'histoire sur la figure féminine au XIXe siècle. Pour ce faire je me suis en partie appuyée sur le manuel Jardin des lettres 4e (2012) qui proposait un groupement de texte autour de Gervaise Lantier / Catherine Maheu / Nana (que nous n'avons pas étudié) et auquel j'ai ajouté l'étude d'un texte extrait du Bonheur des Dames. Nous nous sommes interrogés sur le renouvellement de la figure du héros dans les textes réalistes, à savoir le héros saisi dans une tâche quotidienne.
Maintenant, je suis bloquée car je ne trouve pas de textes similaires...
Quelqu'un aurait-il mené une séquence de ce type ? Quelqu'un pourrait-il m'éclairer ?
Merci d'avance pour vos contributions.
je cherche un texte support d'évaluation.
Nous travaillons conjointement avec le collègue d'histoire sur la figure féminine au XIXe siècle. Pour ce faire je me suis en partie appuyée sur le manuel Jardin des lettres 4e (2012) qui proposait un groupement de texte autour de Gervaise Lantier / Catherine Maheu / Nana (que nous n'avons pas étudié) et auquel j'ai ajouté l'étude d'un texte extrait du Bonheur des Dames. Nous nous sommes interrogés sur le renouvellement de la figure du héros dans les textes réalistes, à savoir le héros saisi dans une tâche quotidienne.
Maintenant, je suis bloquée car je ne trouve pas de textes similaires...
Quelqu'un aurait-il mené une séquence de ce type ? Quelqu'un pourrait-il m'éclairer ?
Merci d'avance pour vos contributions.
- FanchetteNiveau 5
Est-ce qu'il faut absolument que ce soit chez Zola ?
Si tu peux aller voir ailleurs, il devrait y avoir de quoi faire chez Flaubert (le portrait de Catherine Leroux dans Madame Bovary, même si le personnage n'est pas saisi en action ? Félicité dans "Un coeur simple" ?) ou Maupassant ("Boule de suif", "Histoire d'une fille de ferme", "L'Aveu"...).
Si tu peux aller voir ailleurs, il devrait y avoir de quoi faire chez Flaubert (le portrait de Catherine Leroux dans Madame Bovary, même si le personnage n'est pas saisi en action ? Félicité dans "Un coeur simple" ?) ou Maupassant ("Boule de suif", "Histoire d'une fille de ferme", "L'Aveu"...).
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21st Century Schizoid Woman - Chaos under construction
- leyaNiveau 1
Merci, je vais y jeter un oeil, entre temps j'ai pensé reprendre les mêmes oeuvres :
Dans Germinal, La Maheude
Dans Le Bonheur, Denise quand elle se fait renvoyer...
Dans Germinal, La Maheude
Dans Le Bonheur, Denise quand elle se fait renvoyer...
- BabaretteDoyen
Bonjour,
Il y a Miette, dans La Fortune des Rougon et Clotilde dans Le Docteur Pascal.
Il y a Miette, dans La Fortune des Rougon et Clotilde dans Le Docteur Pascal.
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“Google peut vous donner 100 000 réponses, un bibliothécaire vous donne la bonne.” Neil Gaiman.
:lecteur:
- tannatHabitué du forum
Peux-tu nous donner un exemple ?
Voici quelques extraits qui offrent le portrait de femmes dans l'oeuvre de Zola...
Adélaïde Fouque, ancêtre des Rougon-Macquart, responsable de la « fêlure » initiale et internée à l’asile car tombée dans la démence ?
Adélaïde en mère.
"Elle laissa croître ses enfants comme ces pruniers qui poussent le long des routes, au bon plaisir de la pluie et du soleil. Ils portèrent leurs fruits naturels, en sauvageons que la serpe n’a point greffés ni taillés. Jamais la nature ne fut moins contrariée, jamais petits êtres malfaisants ne grandirent plus franchement dans le sens de leurs instincts. En attendant, ils se roulaient dans les plants de légumes, passant leur vie en plein air, à jouer et à se battre comme des vauriens. Ils volaient les provisions du logis, ils dévastaient les quelques arbres fruitiers de l’enclos, ils étaient les démons familiers, pillards et criards, de cette étrange maison de la folie lucide. Quand leur mère disparaissait pendant des journées entières, leur vacarme devenait tel, ils trouvaient des inventions si diaboliques pour molester les gens, que les voisins devaient les menacer d’aller leur donner le fouet. Adélaïde, d’ailleurs, ne les effrayait guère ; lorsqu’elle était là, s’ils devenaient moins insupportables aux autres, c’est qu’ils la prenaient pour victime, manquant l’école régulièrement cinq ou six fois par semaine, faisant tout au monde pour s’attirer une correction qui leur eût permis de brailler à leur aise. Mais jamais elle ne les frappait, ni même ne s’emportait ; elle vivait très bien au milieu du bruit, molle, placide, l’esprit perdu. À la longue même, l’affreux tapage de ces garnements lui devint nécessaire pour emplir le vide de son cerveau. Elle souriait doucement, quand elle entendait dire : « Ses enfants la battront, et ce sera bien fait. » À toutes choses, son allure indifférente semblait répondre : Qu’importe ! Elle s’occupait de son bien encore moins que de ses enfants. "
La Fortune des Rougon, extrait du « Chapitre 2 »,
Emile Zola, 1871.
ou
Adélaïde, épouse et femme.
"Les Fouque étaient les plus riches maraîchers du pays ; ils fournissaient de légumes tout un quartier de Plassans. Le nom de cette famille s’éteignit quelques années avant la révolution. Une fille seule resta, Adélaïde, née en 1768, et qui se trouva orpheline à l’âge de dix-huit ans. Cette enfant, dont le père mourut fou, était une grande créature, mince, pâle, aux regards effarés, d’une singularité d’allures qu’on put prendre pour de la sauvagerie tant qu’elle resta petite fille. Mais, en grandissant, elle devint plus bizarre encore ; elle commit certaines actions que les plus fortes têtes du faubourg ne purent raisonnablement expliquer et, dès lors, le bruit courut qu’elle avait le cerveau fêlé comme son père. Elle se trouvait seule dans la vie, depuis six mois à peine, maîtresse d’un bien qui faisait d’elle une héritière recherchée, quand on apprit son mariage avec un garçon jardinier, un nommé Rougon, paysan mal dégrossi, venu des Basses-Alpes. Ce Rougon, après la mort du dernier des Fouque, qui l’avait loué pour une saison, était resté au service de la fille du défunt. De serviteur à gages, il passait brusquement au titre envié de mari. Ce mariage fut un premier étonnement pour l’opinion ; personne ne put comprendre pourquoi Adélaïde préférait ce pauvre diable, épais, lourd, commun, sachant à peine parler français, à tels et tels jeunes gens, fils de cultivateurs aisés, qu’on voyait rôder autour d’elle depuis longtemps. Et comme en province rien ne doit rester inexpliqué, on voulut voir un mystère quelconque au fond de cette affaire, on prétendit même que le mariage était devenu d’une absolue nécessité entre les jeunes gens. Mais les faits démentirent ces médisances. Adélaïde eut un fils au bout de douze grands mois. Le faubourg se fâcha ; il ne pouvait admettre qu’il se fût trompé, il entendait pénétrer le prétendu secret ; aussi toutes les commères se mirent-elles à espionner les Rougon."
La Fortune des Rougon, extrait du « Chapitre 2 »,
Emile Zola, 1871.
Félicité Puech, maîtresse des complots dans La Fortune des Rougon?
Félicité, épouse et femme.
"Félicité était une petite femme noire, comme on en voit en Provence. On eût dit une de ces cigales brunes, sèches, stridentes, aux vols brusques, qui se cognent la tête dans les amandiers. Maigre, la gorge plate, les épaules pointues, le visage en museau de fouine, singulièrement fouillé et accentué, elle n’avait pas d’âge ; on lui eût donné quinze ans ou trente ans, bien qu’elle en eût en réalité dix-neuf, quatre de moins que son mari. Il y avait une ruse de chatte au fond de ses yeux noirs, étroits, pareils à des trous de vrille. Son front bas et bombé ; son nez légèrement déprimé à la racine, et dont les narines s’évasaient ensuite, fines et frémissantes, comme pour mieux goûter les odeurs ; la mince ligne rouge de ses lèvres, la proéminence de son menton qui se rattachait aux joues par des creux étranges ; toute cette physionomie de naine futée était comme le masque vivant de l’intrigue, de l’ambition active et envieuse. Avec sa laideur, Félicité avait une grâce à elle, qui la rendait séduisante. On disait d’elle qu’elle était jolie ou laide à volonté. Cela devait dépendre de la façon dont elle nouait ses cheveux, qui étaient superbes ; mais cela dépendait plus encore du sourire triomphant qui illuminait son teint doré, lorsqu’elle croyait l’emporter sur quelqu’un. Née avec une sorte de mauvaise chance, se jugeant mal partagée par la fortune, elle consentait le plus souvent à n’être qu’un laideron. D’ailleurs, elle n’abandonnait pas la lutte, elle s’était promis de faire un jour crever d’envie la ville entière par l’étalage d’un bonheur et d’un luxe insolents. Et si elle avait pu jouer sa vie sur une scène plus vaste, où son esprit délié se fût développé à l’aise, elle aurait à coup sûr réalisé promptement son rêve. Elle était d’une intelligence fort supérieure à celle des filles de sa classe et de son instruction. Les méchantes langues prétendaient que sa mère, morte quelques années après sa naissance, avait, dans les premiers temps de son mariage, été intimement liée avec le marquis de Carnavant, un jeune noble du quartier Saint-Marc. La vérité était que Félicité avait des pieds et des mains de marquise, et qui semblaient ne pas devoir appartenir à la race de travailleurs dont elle descendait.
Le vieux quartier s’étonna, un mois durant, de lui voir épouser Pierre Rougon, ce paysan à peine dégrossi, cet homme du faubourg dont la famille n’était guère en odeur de sainteté. Elle laissa clabauder, accueillant par de singuliers sourires les félicitations contraintes de ses amies. Ses calculs étaient faits, elle choisissait Rougon en fille qui prend un mari comme on prend un complice."
La Fortune des Rougon, extrait du « Chapitre 2 »,
Emile Zola, 1871.
ou
Félicité, en mère.
"D’ailleurs, la jeune femme ne regarda pas cette marmaille comme une cause de ruine. Au contraire, elle reconstruisit sur la tête de ses fils l’édifice de sa fortune, qui s’écroulait entre ses mains. Ils n’avaient pas dix ans, qu’elle escomptait déjà en rêve leur avenir. Doutant de jamais réussir par elle-même, elle se mit à espérer en eux pour vaincre l’acharnement du sort. Ils satisferaient ses vanités déçues, ils lui donneraient cette position riche et enviée qu’elle poursuivait en vain. Dès lors, sans abandonner la lutte soutenue par la maison de commerce, elle eut une seconde tactique pour arriver à contenter ses instincts de domination. Il lui semblait impossible que, sur ses trois fils, il n’y eût pas un homme supérieur qui les enrichirait tous. Elle sentait cela, disait-elle. Aussi soigna-t-elle les marmots avec une ferveur où il y avait des sévérités de mère et des tendresses d’usurier. Elle se plut à les engraisser amoureusement comme un capital qui devait plus tard rapporter de gros intérêts."
La Fortune des Rougon, extrait du « Chapitre 2 »,
Emile Zola, 1871.
Miette (Marie Chantegreil) la figure emblématique de la révolte ?
Réminiscence de Lycaon...
"Certes, Miette était une enfant. Elle avait pâli à l’approche de la bande, elle avait pleuré ses tendresses envolées ; mais elle était une enfant de courage, une nature ardente que l’enthousiasme exaltait aisément. Aussi l’émotion qui l’avait peu à peu gagnée, la secouait-elle maintenant tout entière. Elle devenait un garçon. Volontiers elle eût pris une arme et suivi les insurgés. Ses dents
blanches, à mesure que défilaient les fusils et les faux, se montraient plus longues et plus aiguës, entre ses lèvres rouges, pareilles aux crocs d’un jeune loup qui aurait des envies de mordre. Et lorsqu’elle entendit Silvère dénombrer d’une voix de plus en plus pressée les contingents des campagnes, il lui sembla que l’élan de la colonne s’accélérait encore, à chaque parole du jeune
homme. Bientôt ce fut un emportement, une poussière d’hommes balayée par une tempête.Tout se mit à tourner devant elle. Elle ferma les yeux. De grosses larmes chaudes coulaient sur ses joues."
La Fortune des Rougon, extrait du « Chapitre 1 »,
Emile Zola, 1871.
Rose, cuisinière des Mouret qui accuse à tort François Mouret de battre sa femme, Marthe ?
L'irritation sourde...
"Un silence se fit de nouveau. Dans la salle à manger, dont la fenêtre était grande ouverte sur la terrasse, la vieille Rose, depuis un moment, mettait le couvert, avec des bruits irrités de vaisselle et d’argenterie. Elle paraissait de fort méchante humeur, bousculant les meubles, grommelant des paroles entrecoupées. Puis, elle alla se planter à la porte de la rue, allongeant le
cou, regardant au loin la place de la Sous-Préfecture. Après quelques minutes d’attente, elle vint sur le perron, criant :
« Alors, M. Mouret ne rentrera pas dîner ?
– Si, Rose, attendez, répondit Marthe paisiblement.
– C’est que tout brûle. Il n’y a pas de bon sens. Quand Monsieur fait de ces tours-là, il devrait bien prévenir... Moi, ça m’est égal, après tout. Le dîner ne sera pas mangeable.
– Tu crois, Rose ? dit derrière elle une voix tranquille. Nous le mangerons tout de même, ton dîner. »
C’était Mouret qui rentrait. Rose se tourna, regarda son maître en face, comme sur le point d’éclater ; mais, devant le calme absolu de ce visage où perçait une pointe de goguenarderie bourgeoise, elle ne trouva pas une parole, elle s’en alla."
La Conquête de Plassans, extrait du « Chapitre 1 »,
Emile Zola, 1874.
Voici quelques extraits qui offrent le portrait de femmes dans l'oeuvre de Zola...
Adélaïde Fouque, ancêtre des Rougon-Macquart, responsable de la « fêlure » initiale et internée à l’asile car tombée dans la démence ?
Adélaïde en mère.
"Elle laissa croître ses enfants comme ces pruniers qui poussent le long des routes, au bon plaisir de la pluie et du soleil. Ils portèrent leurs fruits naturels, en sauvageons que la serpe n’a point greffés ni taillés. Jamais la nature ne fut moins contrariée, jamais petits êtres malfaisants ne grandirent plus franchement dans le sens de leurs instincts. En attendant, ils se roulaient dans les plants de légumes, passant leur vie en plein air, à jouer et à se battre comme des vauriens. Ils volaient les provisions du logis, ils dévastaient les quelques arbres fruitiers de l’enclos, ils étaient les démons familiers, pillards et criards, de cette étrange maison de la folie lucide. Quand leur mère disparaissait pendant des journées entières, leur vacarme devenait tel, ils trouvaient des inventions si diaboliques pour molester les gens, que les voisins devaient les menacer d’aller leur donner le fouet. Adélaïde, d’ailleurs, ne les effrayait guère ; lorsqu’elle était là, s’ils devenaient moins insupportables aux autres, c’est qu’ils la prenaient pour victime, manquant l’école régulièrement cinq ou six fois par semaine, faisant tout au monde pour s’attirer une correction qui leur eût permis de brailler à leur aise. Mais jamais elle ne les frappait, ni même ne s’emportait ; elle vivait très bien au milieu du bruit, molle, placide, l’esprit perdu. À la longue même, l’affreux tapage de ces garnements lui devint nécessaire pour emplir le vide de son cerveau. Elle souriait doucement, quand elle entendait dire : « Ses enfants la battront, et ce sera bien fait. » À toutes choses, son allure indifférente semblait répondre : Qu’importe ! Elle s’occupait de son bien encore moins que de ses enfants. "
La Fortune des Rougon, extrait du « Chapitre 2 »,
Emile Zola, 1871.
ou
Adélaïde, épouse et femme.
"Les Fouque étaient les plus riches maraîchers du pays ; ils fournissaient de légumes tout un quartier de Plassans. Le nom de cette famille s’éteignit quelques années avant la révolution. Une fille seule resta, Adélaïde, née en 1768, et qui se trouva orpheline à l’âge de dix-huit ans. Cette enfant, dont le père mourut fou, était une grande créature, mince, pâle, aux regards effarés, d’une singularité d’allures qu’on put prendre pour de la sauvagerie tant qu’elle resta petite fille. Mais, en grandissant, elle devint plus bizarre encore ; elle commit certaines actions que les plus fortes têtes du faubourg ne purent raisonnablement expliquer et, dès lors, le bruit courut qu’elle avait le cerveau fêlé comme son père. Elle se trouvait seule dans la vie, depuis six mois à peine, maîtresse d’un bien qui faisait d’elle une héritière recherchée, quand on apprit son mariage avec un garçon jardinier, un nommé Rougon, paysan mal dégrossi, venu des Basses-Alpes. Ce Rougon, après la mort du dernier des Fouque, qui l’avait loué pour une saison, était resté au service de la fille du défunt. De serviteur à gages, il passait brusquement au titre envié de mari. Ce mariage fut un premier étonnement pour l’opinion ; personne ne put comprendre pourquoi Adélaïde préférait ce pauvre diable, épais, lourd, commun, sachant à peine parler français, à tels et tels jeunes gens, fils de cultivateurs aisés, qu’on voyait rôder autour d’elle depuis longtemps. Et comme en province rien ne doit rester inexpliqué, on voulut voir un mystère quelconque au fond de cette affaire, on prétendit même que le mariage était devenu d’une absolue nécessité entre les jeunes gens. Mais les faits démentirent ces médisances. Adélaïde eut un fils au bout de douze grands mois. Le faubourg se fâcha ; il ne pouvait admettre qu’il se fût trompé, il entendait pénétrer le prétendu secret ; aussi toutes les commères se mirent-elles à espionner les Rougon."
La Fortune des Rougon, extrait du « Chapitre 2 »,
Emile Zola, 1871.
Félicité Puech, maîtresse des complots dans La Fortune des Rougon?
Félicité, épouse et femme.
"Félicité était une petite femme noire, comme on en voit en Provence. On eût dit une de ces cigales brunes, sèches, stridentes, aux vols brusques, qui se cognent la tête dans les amandiers. Maigre, la gorge plate, les épaules pointues, le visage en museau de fouine, singulièrement fouillé et accentué, elle n’avait pas d’âge ; on lui eût donné quinze ans ou trente ans, bien qu’elle en eût en réalité dix-neuf, quatre de moins que son mari. Il y avait une ruse de chatte au fond de ses yeux noirs, étroits, pareils à des trous de vrille. Son front bas et bombé ; son nez légèrement déprimé à la racine, et dont les narines s’évasaient ensuite, fines et frémissantes, comme pour mieux goûter les odeurs ; la mince ligne rouge de ses lèvres, la proéminence de son menton qui se rattachait aux joues par des creux étranges ; toute cette physionomie de naine futée était comme le masque vivant de l’intrigue, de l’ambition active et envieuse. Avec sa laideur, Félicité avait une grâce à elle, qui la rendait séduisante. On disait d’elle qu’elle était jolie ou laide à volonté. Cela devait dépendre de la façon dont elle nouait ses cheveux, qui étaient superbes ; mais cela dépendait plus encore du sourire triomphant qui illuminait son teint doré, lorsqu’elle croyait l’emporter sur quelqu’un. Née avec une sorte de mauvaise chance, se jugeant mal partagée par la fortune, elle consentait le plus souvent à n’être qu’un laideron. D’ailleurs, elle n’abandonnait pas la lutte, elle s’était promis de faire un jour crever d’envie la ville entière par l’étalage d’un bonheur et d’un luxe insolents. Et si elle avait pu jouer sa vie sur une scène plus vaste, où son esprit délié se fût développé à l’aise, elle aurait à coup sûr réalisé promptement son rêve. Elle était d’une intelligence fort supérieure à celle des filles de sa classe et de son instruction. Les méchantes langues prétendaient que sa mère, morte quelques années après sa naissance, avait, dans les premiers temps de son mariage, été intimement liée avec le marquis de Carnavant, un jeune noble du quartier Saint-Marc. La vérité était que Félicité avait des pieds et des mains de marquise, et qui semblaient ne pas devoir appartenir à la race de travailleurs dont elle descendait.
Le vieux quartier s’étonna, un mois durant, de lui voir épouser Pierre Rougon, ce paysan à peine dégrossi, cet homme du faubourg dont la famille n’était guère en odeur de sainteté. Elle laissa clabauder, accueillant par de singuliers sourires les félicitations contraintes de ses amies. Ses calculs étaient faits, elle choisissait Rougon en fille qui prend un mari comme on prend un complice."
La Fortune des Rougon, extrait du « Chapitre 2 »,
Emile Zola, 1871.
ou
Félicité, en mère.
"D’ailleurs, la jeune femme ne regarda pas cette marmaille comme une cause de ruine. Au contraire, elle reconstruisit sur la tête de ses fils l’édifice de sa fortune, qui s’écroulait entre ses mains. Ils n’avaient pas dix ans, qu’elle escomptait déjà en rêve leur avenir. Doutant de jamais réussir par elle-même, elle se mit à espérer en eux pour vaincre l’acharnement du sort. Ils satisferaient ses vanités déçues, ils lui donneraient cette position riche et enviée qu’elle poursuivait en vain. Dès lors, sans abandonner la lutte soutenue par la maison de commerce, elle eut une seconde tactique pour arriver à contenter ses instincts de domination. Il lui semblait impossible que, sur ses trois fils, il n’y eût pas un homme supérieur qui les enrichirait tous. Elle sentait cela, disait-elle. Aussi soigna-t-elle les marmots avec une ferveur où il y avait des sévérités de mère et des tendresses d’usurier. Elle se plut à les engraisser amoureusement comme un capital qui devait plus tard rapporter de gros intérêts."
La Fortune des Rougon, extrait du « Chapitre 2 »,
Emile Zola, 1871.
Miette (Marie Chantegreil) la figure emblématique de la révolte ?
Réminiscence de Lycaon...
"Certes, Miette était une enfant. Elle avait pâli à l’approche de la bande, elle avait pleuré ses tendresses envolées ; mais elle était une enfant de courage, une nature ardente que l’enthousiasme exaltait aisément. Aussi l’émotion qui l’avait peu à peu gagnée, la secouait-elle maintenant tout entière. Elle devenait un garçon. Volontiers elle eût pris une arme et suivi les insurgés. Ses dents
blanches, à mesure que défilaient les fusils et les faux, se montraient plus longues et plus aiguës, entre ses lèvres rouges, pareilles aux crocs d’un jeune loup qui aurait des envies de mordre. Et lorsqu’elle entendit Silvère dénombrer d’une voix de plus en plus pressée les contingents des campagnes, il lui sembla que l’élan de la colonne s’accélérait encore, à chaque parole du jeune
homme. Bientôt ce fut un emportement, une poussière d’hommes balayée par une tempête.Tout se mit à tourner devant elle. Elle ferma les yeux. De grosses larmes chaudes coulaient sur ses joues."
La Fortune des Rougon, extrait du « Chapitre 1 »,
Emile Zola, 1871.
Rose, cuisinière des Mouret qui accuse à tort François Mouret de battre sa femme, Marthe ?
L'irritation sourde...
"Un silence se fit de nouveau. Dans la salle à manger, dont la fenêtre était grande ouverte sur la terrasse, la vieille Rose, depuis un moment, mettait le couvert, avec des bruits irrités de vaisselle et d’argenterie. Elle paraissait de fort méchante humeur, bousculant les meubles, grommelant des paroles entrecoupées. Puis, elle alla se planter à la porte de la rue, allongeant le
cou, regardant au loin la place de la Sous-Préfecture. Après quelques minutes d’attente, elle vint sur le perron, criant :
« Alors, M. Mouret ne rentrera pas dîner ?
– Si, Rose, attendez, répondit Marthe paisiblement.
– C’est que tout brûle. Il n’y a pas de bon sens. Quand Monsieur fait de ces tours-là, il devrait bien prévenir... Moi, ça m’est égal, après tout. Le dîner ne sera pas mangeable.
– Tu crois, Rose ? dit derrière elle une voix tranquille. Nous le mangerons tout de même, ton dîner. »
C’était Mouret qui rentrait. Rose se tourna, regarda son maître en face, comme sur le point d’éclater ; mais, devant le calme absolu de ce visage où perçait une pointe de goguenarderie bourgeoise, elle ne trouva pas une parole, elle s’en alla."
La Conquête de Plassans, extrait du « Chapitre 1 »,
Emile Zola, 1874.
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« Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent. » Samuel Beckett
« C'est un malheur que les hommes ne puissent d'ordinaire posséder aucun talent sans avoir quelque envie d'abaisser les autres.» Vauvenargues
- leyaNiveau 1
Oh merci je regarde ça de pres ce soir mais je sens que ce me sera d'une précieuse 😁
- leyaNiveau 1
Avant tout, Merci pour vos réponses.
Ensuite, après lecture, effectivement je suis à la recherche d'un portrait en action héroïne de texte réaliste, nouvelle et roman, de zola ou non. Précisément un texte où le personnage est saisi dans une activité qui fait de lui un héros.
En classe, nous avons découvert successivement Gervaise au lavoir, les débuts de Denise, Catherine à la mine.
Ensuite, après lecture, effectivement je suis à la recherche d'un portrait en action héroïne de texte réaliste, nouvelle et roman, de zola ou non. Précisément un texte où le personnage est saisi dans une activité qui fait de lui un héros.
En classe, nous avons découvert successivement Gervaise au lavoir, les débuts de Denise, Catherine à la mine.
- tannatHabitué du forum
C'est une illustration du "Le premier homme qui passe est un héros suffisant." de Zola que tu cherches ?
"Jamais Miette n’avait entendu dire du bien de son père. On le traitait ordinairement devant elle de gueux, de scélérat, et voilà qu’elle rencontrait de braves cœurs qui avaient pour lui des paroles de pardon et qui le déclaraient un honnête homme. Alors elle fondit en larmes, elle retrouva l’émotion que la Marseillaise avait fait monter à sa gorge, elle chercha comment elle pourrait
remercier ces hommes doux aux malheureux. Un moment, il lui vint l’idée de leur serrer la main à tous, comme un garçon. Mais son cœur trouva mieux. À côté d’elle se tenait debout l’insurgé qui portait le drapeau. Elle toucha la hampe du drapeau et, pour tout remerciement, elle dit d’une voix suppliante :
– Donnez-le-moi, je le porterai.
Les ouvriers, simples d’esprit, comprirent le côté naïvement sublime de ce remerciement.
– C’est cela, crièrent-ils, la Chantegreil portera le drapeau.
Un bûcheron fit remarquer qu’elle se fatiguerait vite, qu’elle ne pourrait aller loin.
– Oh ! je suis forte, dit-elle orgueilleusement en retroussant ses manches, et en montrant ses bras ronds, aussi gros déjà que ceux d’une femme faite.
Et comme on lui tendait le drapeau :
– Attendez, reprit-elle.
Elle retira vivement sa pelisse, qu’elle remit ensuite, après l’avoir tournée du côté de la doublure rouge. Alors elle apparut, dans la blanche clarté de la lune, drapée d’un large manteau de pourpre qui lui tombait jusqu’aux pieds. Le capuchon, arrêté sur le bord de son chignon, la coiffait d’une sorte de bonnet phrygien. Elle prit le drapeau, en serra la hampe contre sa poitrine, et se tint droite, dans les plis de cette bannière sanglante qui flottait derrière elle. Sa tête d’enfant exaltée, avec ses cheveux crépus, ses grands yeux humides, ses lèvres entrouvertes par un sourire, eut un élan d’énergique fierté, en se levant à demi vers le ciel. À ce moment, elle fut la vierge Liberté."
La Fortune des Rougon, extrait du « Chapitre 1 »,
Emile Zola, 1871.
"Jamais Miette n’avait entendu dire du bien de son père. On le traitait ordinairement devant elle de gueux, de scélérat, et voilà qu’elle rencontrait de braves cœurs qui avaient pour lui des paroles de pardon et qui le déclaraient un honnête homme. Alors elle fondit en larmes, elle retrouva l’émotion que la Marseillaise avait fait monter à sa gorge, elle chercha comment elle pourrait
remercier ces hommes doux aux malheureux. Un moment, il lui vint l’idée de leur serrer la main à tous, comme un garçon. Mais son cœur trouva mieux. À côté d’elle se tenait debout l’insurgé qui portait le drapeau. Elle toucha la hampe du drapeau et, pour tout remerciement, elle dit d’une voix suppliante :
– Donnez-le-moi, je le porterai.
Les ouvriers, simples d’esprit, comprirent le côté naïvement sublime de ce remerciement.
– C’est cela, crièrent-ils, la Chantegreil portera le drapeau.
Un bûcheron fit remarquer qu’elle se fatiguerait vite, qu’elle ne pourrait aller loin.
– Oh ! je suis forte, dit-elle orgueilleusement en retroussant ses manches, et en montrant ses bras ronds, aussi gros déjà que ceux d’une femme faite.
Et comme on lui tendait le drapeau :
– Attendez, reprit-elle.
Elle retira vivement sa pelisse, qu’elle remit ensuite, après l’avoir tournée du côté de la doublure rouge. Alors elle apparut, dans la blanche clarté de la lune, drapée d’un large manteau de pourpre qui lui tombait jusqu’aux pieds. Le capuchon, arrêté sur le bord de son chignon, la coiffait d’une sorte de bonnet phrygien. Elle prit le drapeau, en serra la hampe contre sa poitrine, et se tint droite, dans les plis de cette bannière sanglante qui flottait derrière elle. Sa tête d’enfant exaltée, avec ses cheveux crépus, ses grands yeux humides, ses lèvres entrouvertes par un sourire, eut un élan d’énergique fierté, en se levant à demi vers le ciel. À ce moment, elle fut la vierge Liberté."
La Fortune des Rougon, extrait du « Chapitre 1 »,
Emile Zola, 1871.
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« Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent. » Samuel Beckett
« C'est un malheur que les hommes ne puissent d'ordinaire posséder aucun talent sans avoir quelque envie d'abaisser les autres.» Vauvenargues
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