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- CondorcetOracle
Cher Archeboc, au risque de vous décevoir, je suis allé regarder le livre de Bainville cité avant de commencer à vous répondre.
Dimka, cet attrait de l'histoire est à la fois flatteur et parfois exigeant, profondément décourageant aussi. Les termes "leçon du passé, chargé d'histoire, devoir de mémoire" me hérissent.
Dimka, cet attrait de l'histoire est à la fois flatteur et parfois exigeant, profondément décourageant aussi. Les termes "leçon du passé, chargé d'histoire, devoir de mémoire" me hérissent.
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
Dimka a écrit:Un des gros soucis de l'histoire, c'est que tout le monde s'en mêle, se sent légitime à donner son avis, et la politise. Personne n'irait, parce qu'il aurait lu trois livres de physique dans sa vie, donner des leçons d'épistémologie à un physicien, et personne n'irait expliquer son job à un biologiste, ou discuter avec un mathématicien des objectifs de sa discipline. Par contre, l'histoire, pas de soucis, n'importe qui peut venir expliquer à un historien ce qu'est l'histoire.
Parce que c'est une science molle. On y entre comme dans du beurre. Les maths, c'est dur (et ça sert à rien), la biologie ça saigne.
- Ventre-Saint-GrisNiveau 10
Dimka a écrit:Un des gros soucis de l'histoire, c'est que tout le monde s'en mêle, se sent légitime à donner son avis, et la politise. Personne n'irait, parce qu'il aurait lu trois livres de physique dans sa vie, donner des leçons d'épistémologie à un physicien, et personne n'irait expliquer son job à un biologiste, ou discuter avec un mathématicien des objectifs de sa discipline. Par contre, l'histoire, pas de soucis, n'importe qui peut venir expliquer à un historien ce qu'est l'histoire.
Mais je ne suis pas bien sûr que ce soit un "souci", en réalité. L'histoire n'appartient sans doute pas plus à l'historien qu'une œuvre littéraire n'appartient au prof de lettres. Si, ignare comme je suis, il ne me viendrait pas à l'idée de faire la leçon à l'historien sur sa discipline, je ne me sens pas illégitime quand je jette un coup d’œil dans le rétroviseur, et que je me sers de cette observation, si lacunaire, orientée, faillible soit-elle, pour en tirer quelques enseignements des plus discutables et relatifs.
J'ai beaucoup aimé lire aussi certains intervenants de ce fil sur des sujets politiques. Si, effectivement, je ne me souviens pas de raccourcis historiques faciles, d'analogies bancales (sont trop malins pour ça), je ne saurais croire que leurs connaissances historiques ne déterminent pas un peu leurs prises de position citoyennes et électorales.
Tant que j'y suis, je vous livre mon petit plaisir de béotien. Quand je lis un monsieur tout mort depuis longtemps, je n'aime rien tant que de me retrouver moi-même dans ce qu'il écrit. Si je lis Sénèque ironisant sur le plaisir que peut trouver une partie de ses contemporains face aux spectacles de l'arène, je suis frappé par certains de ses mots dans ce qu'il semblent avoir, justement, d'atemporel. Bon, ça y est, je me rends compte que mon exemple doit être mal choisi, tant Sénèque a été "récupéré" par les chrétiens...
Quand Socrate, alors, sous la plume de Platon, harcèle son client à coups de questions, je trouve fascinant de voir que la mécanique intellectuelle continue de fonctionner aussi bien, alors que mes "déterminismes historiques" font pourtant de moi un individu bien différent du Grec classique.
Bref, les historiens, même si mes exemples sont tout pourris et si je comprends bien en quoi l'histoire est un discours fabriqué qui ne rend compte que très partiellement d'une réalité soumise à de multiples déterminismes impossibles à transposer, votre discipline accorde-t-elle une place à l'atemporel ? Ou cet atemporel reste-t-il l'affaire du philosophe ou, pire, du mauvais lecteur faisant de tout texte une bête lecture psychologisante pour avoir quelque chose à dire devant sa bière ?
- ZagaraGuide spirituel
On croit pouvoir y rentrer facilement.Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:Dimka a écrit:Un des gros soucis de l'histoire, c'est que tout le monde s'en mêle, se sent légitime à donner son avis, et la politise. Personne n'irait, parce qu'il aurait lu trois livres de physique dans sa vie, donner des leçons d'épistémologie à un physicien, et personne n'irait expliquer son job à un biologiste, ou discuter avec un mathématicien des objectifs de sa discipline. Par contre, l'histoire, pas de soucis, n'importe qui peut venir expliquer à un historien ce qu'est l'histoire.
Parce que c'est une science molle. On y entre comme dans du beurre. Les maths, c'est dur (et ça sert à rien), la biologie ça saigne.
Comme la philosophie, l'histoire reprend des termes de la langue commune mais les manie selon une méthodologie exigeante qui s'acquiert. Après, le premier bonhomme venu fait "wesh facile ton truc tu mets des mots ensemble et ça fait des histoires".
Je devrais faire comme un pote qui bourre d'équations ses articles de médiévale. Au moins comme ça, c'est clair.
- ElyasEsprit sacré
@Archeboc : Je trouve que ta dérobade en qualifiant ma comparaison entre Asimov et Bainville est assez de mauvaise foi. Il n'y avait aucune intention farcesque. Entre Bainville et Asimov, l'influence intellectuelle est clairement en faveur d'Asimov qui a vu ses idées devenir des principes dans la robotique et le développement de l'IA dans notre monde actuel. Asimov a émis une réflexion intuitive et géniale sur le développement de la robotique. Il a exploré les prédictibilités possibles au travers de la littérature de SF (je rappelle qu'il est l'un des maîtres de l'âge d'or de la SF des Etats-Unis et qu'il est lu partout de façon intemporelle). Bainville est extrêmement peu connu et son influence sort à peine de certaines sphères. Il n'y avait rien de farcesque dedans, bien au contraire. Le farcesque serait plutôt pour Asimov qui se voit comparé à Bainville et non le contraire.
- LeclochardEmpereur
Condorcet a écrit:Cher Archeboc, au risque de vous décevoir, je suis allé regarder le livre de Bainville cité avant de commencer à vous répondre.
Dimka, cet attrait de l'histoire est à la fois flatteur et parfois exigeant, profondément décourageant aussi. Les termes "leçon du passé, chargé d'histoire, devoir de mémoire" me hérissent.
Ce sont des expressions qui méritaient une véritable réflexion.
Y a-t-il des historiens qui les emploient ou s'agit-il d'expressions de journalistes ?
Je ne comprends pas le sens de "devoir de mémoire" autrement que comme la probité qui doit nous conduire à établir les faits, non à garder en tête ce qui s'est passé par compassion pour des victimes avec lesquelles nous n'avons aucun lien.
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Quelqu'un s'assoit à l'ombre aujourd'hui parce que quelqu'un d'autre a planté un arbre il y a longtemps. (W.B)
- DesolationRowEmpereur
Effectivement, entre Asimov et Bainville il n'y a pas photo, il y a clairement un grand écrivain et un auteur mineur.
- DesolationRowEmpereur
Ah pardon, j'ai raté la bonne grosse blague d'archeboc : remplacer discrètement et comme si de rien n'était Bainville par Thucydide. Jacqueline de Romilly se retourne dans sa tombe
Je suis en train de lire le bouquin de Bainville ; c'est intéressant. En gros, pour le moment il annonce que ça va être un bazar noir en Europe et que l'Allemagne ne va pas de gaîté de coeur supporter la situation qui lui est imposée. Je vous annonce que le PSG va jouer avec trois attaquants et presser haut le Real, qui va jouer contre nature et miser sur des contre-attaques.
Par ailleurs, par moments, on a quand même l'impression de lire du Pierre Dac : "Mais les événements ne suivent jamais la voie qu'on leur assigne, surtout quand on veut que les choses soient autrement qu'elles ne sont, ce qui, disait Bossuet, est « le plus grand dérèglement de l'esprit ». "
Je suis en train de lire le bouquin de Bainville ; c'est intéressant. En gros, pour le moment il annonce que ça va être un bazar noir en Europe et que l'Allemagne ne va pas de gaîté de coeur supporter la situation qui lui est imposée. Je vous annonce que le PSG va jouer avec trois attaquants et presser haut le Real, qui va jouer contre nature et miser sur des contre-attaques.
Par ailleurs, par moments, on a quand même l'impression de lire du Pierre Dac : "Mais les événements ne suivent jamais la voie qu'on leur assigne, surtout quand on veut que les choses soient autrement qu'elles ne sont, ce qui, disait Bossuet, est « le plus grand dérèglement de l'esprit ». "
- ZagaraGuide spirituel
Les deux premières sont vraiment des expressions de journalistes.Leclochard a écrit:Condorcet a écrit:Cher Archeboc, au risque de vous décevoir, je suis allé regarder le livre de Bainville cité avant de commencer à vous répondre.
Dimka, cet attrait de l'histoire est à la fois flatteur et parfois exigeant, profondément décourageant aussi. Les termes "leçon du passé, chargé d'histoire, devoir de mémoire" me hérissent.
Ce sont des expressions qui méritaient une véritable réflexion.
Y a-t-il des historiens qui les emploient ou s'agit-il d'expressions de journalistes ?
Je ne comprends pas le sens de "devoir de mémoire" autrement que comme la probité qui doit nous conduire à établir les faits, non à garder en tête ce qui s'est passé par compassion pour des victimes avec lesquelles nous n'avons aucun lien.
La troisième fait avant tout partie du vocabulaire politique.
Les historiens ont beaucoup réfléchi au concept de "mémoire" et à ses usages politiques. Par contre, je n'ai jamais vu un historien utiliser l'expression complète "devoir de mémoire", sinon pour l'analyser. Le "devoir de mémoire" est une invention récente (1980~ ?) et est un peu l'inverse de l'histoire : une sorte de contact affectif avec un souvenir fabriqué en commun. C'est un objet politique qui invite (oblige ?) chacun à réactualiser des événements anciens souvent fantasmés/réinventés par la mémoire collective.
- LeclochardEmpereur
Merci pour tes éclaircissements. Oui, très certainement que l'expression "devoir de mémoire" est politique car il me semble ne s'appliquer qu'à certains faits historiques précis (la Shoah, l'esclavage et la traite des nègres ?) et non, par exemple, à des faits plus lointains (massacres des Arméniens ou des populations par les Khmers). Je n'aime pas ce verbe mais ne s'agit-il pas souvent d'"instrumentaliser" l'Histoire ?
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Quelqu'un s'assoit à l'ombre aujourd'hui parce que quelqu'un d'autre a planté un arbre il y a longtemps. (W.B)
- ZagaraGuide spirituel
A mon sens, oui, le "devoir de mémoire" est un bel exemple de réappropriation de bouts d'histoire par le politique.Leclochard a écrit:Merci pour tes éclaircissements. Oui, très certainement que l'expression "devoir de mémoire" est politique car il me semble ne s'appliquer qu'à certains faits historiques précis (la Shoah, l'esclavage et la traite des nègres ?) et non, par exemple, à des faits plus lointains (massacres des Arméniens ou des populations par les Khmers). Je n'aime pas ce verbe mais ne s'agit-il pas souvent d'"instrumentaliser" l'Histoire ?
Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose, mais je n'ai pas envie de rentrer dans le débat des mérites comparés de la raison et des affects dans le champ politique.
- LaotziSage
Bainville a écrit des livres d'histoire (sur Louis II de Bavière, sur Napoléon...) mais pour le coup, Les conséquences politiques de la paix n'en sont pas un, donc je ne comprends pas du tout la démonstration d'archeboc à propos des historiens. Bainville fait une analyse géopolitique de la situation en 1919, analyse très lucide effectivement, mais qui n'a rien d'une oeuvre d'historien. L'ouvrage de Bainville fait écho à (et cherche à réfuter) celui de Keynes, Les conséquences économiques de la paix, qui a eu une influence nettement plus forte à court terme.
Surtout, dire que 1939 est contenu dans 1919 car Bainville en fait la démonstration, c'est s'enfermer dans la posture que tous les historiens veulent justement éviter (à savoir, comme l'on connaît déjà "la suite de l'histoire", ne pas considérer que l'enchainement des faits était nécessairement inévitable). L'arrivée au pouvoir d'Hitler, s'il est évidemment favorisé par les conséquences politiques et économiques de la 1GM, ne tient pas qu'à cela.
Il y a un champ un peu émergent de recherche actuellement qui est intéressant, c'est l'histoire contrefactuelle (voir le bouquin de Singaravélou/Deluermoz), qui justement permet de réfléchir aux autres futurs possibles, donc de casser le déterminisme.
Surtout, dire que 1939 est contenu dans 1919 car Bainville en fait la démonstration, c'est s'enfermer dans la posture que tous les historiens veulent justement éviter (à savoir, comme l'on connaît déjà "la suite de l'histoire", ne pas considérer que l'enchainement des faits était nécessairement inévitable). L'arrivée au pouvoir d'Hitler, s'il est évidemment favorisé par les conséquences politiques et économiques de la 1GM, ne tient pas qu'à cela.
Il y a un champ un peu émergent de recherche actuellement qui est intéressant, c'est l'histoire contrefactuelle (voir le bouquin de Singaravélou/Deluermoz), qui justement permet de réfléchir aux autres futurs possibles, donc de casser le déterminisme.
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"Trouvez donc bon qu'au lieu de vous dire aussi, adieu comme autrefois, je vous dise, adieu comme à présent."
- JPhMMDemi-dieu
Pourtant, un nombre considérable de gens extrapole après avoir lu un livre de vulgarisation de physique.Dimka a écrit:Un des gros soucis de l'histoire, c'est que tout le monde s'en mêle, se sent légitime à donner son avis, et la politise. Personne n'irait, parce qu'il aurait lu trois livres de physique dans sa vie, donner des leçons d'épistémologie à un physicien, et personne n'irait expliquer son job à un biologiste, ou discuter avec un mathématicien des objectifs de sa discipline. Par contre, l'histoire, pas de soucis, n'importe qui peut venir expliquer à un historien ce qu'est l'histoire.
SAUF QUE il y a la matière et il y a les sciences de la matière. Extrapoler sur ce que serait la matière n’a pas grand chose à voir avec le fait de dire ce que devraient être les sciences de la matière. La matière « appartient » à tout le monde.
Je crois avoir le droit de m’intéresser au passé, et même d’avoir un avis, sans qu’on vienne me reprocher de me mêler d’une science.
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- AnaxagoreGuide spirituel
Le même phénomène que celui que déplorent les historiens se produit avec les statistiques, on pioche dans les résultats et on en fait autre chose, de bon ou de mauvais. Je ne pense pas que le phénomène soit évitable ni que ce soit toujours malheureux. Les spécialistes du domaines doivent jouer leur rôle de spécialistes. Les philosophes doivent jouer leur rôle de philosophes.
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"De même que notre esprit devient plus fort grâce à la communication avec les esprits vigoureux et raisonnables, de même on ne peut pas dire combien il s'abâtardit par le commerce continuel et la fréquentation que nous avons des esprits bas et maladifs." Montaigne
"Woland fit un signe de la main, et Jérusalem s'éteignit."
"On déclame contre les passions sans songer que c'est à leur flambeau que la philosophie allume le sien." Sade
- JPhMMDemi-dieu
On pourrait aussi interdire aux gens d’avoir une opinion sur une œuvre littéraire s’ils ne sont pas professeurs de lettres, leur refuser d’avoir une opinion sur le choix d’une entreprise s’ils ne sont pas professeurs d’économie, ou de faire un calcul s’ils ne sont pas professeurs de comptabilité.
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- ZagaraGuide spirituel
Il y a une différence entre avoir une opinion sur l'objet étudié (le passé pour l'histoire), ou le produit fini (les livres d'histoire) et émettre un jugement épistémologique comme le fait Archeboc.
J'accepte les deux premiers venant de tout le monde, je refuse le troisième si il ne vient pas d'historiens. Tout comme je ne vais pas aller apprendre à un physicien ou un biologiste comment ils doivent mener leurs expériences.
J'accepte les deux premiers venant de tout le monde, je refuse le troisième si il ne vient pas d'historiens. Tout comme je ne vais pas aller apprendre à un physicien ou un biologiste comment ils doivent mener leurs expériences.
- JPhMMDemi-dieu
Nous sommes d'accord. Tu le refuses et tu as raison. Mais cela ne signifie pas qu'ils ont tort de contester, ou plus précisément de dire cette contestation qu'ils conçoivent. S'ils la disent, c'est qu'ils la partagent, la confrontent avec toi.
Je dois avouer que je trouve cette plainte un tantinet étonnante. Des enseignants s'efforcent pendant des années et des années à donner à leurs élèves une appétence pour l'histoire, et il faudrait regretter qu'une fois leur scolarité finie, les gens gardent cette appétence, et souvent cette passion. J'adorerais que ce soit le cas en mathématiques, sérieusement. Les enseignants d'histoire préfèreraient que les gens en aient plus rien à foutre de l'histoire une fois leur scolarité finie ? Sans parler du fait que les êtres humains ont besoin de repères pour exister, personne ne vit sur une tabula rasa (spatiale et temporelle), et les historiens sont bien placés pour le savoir. Que ces êtres humains questionnent, interrogent, s'engueulent sur les repères et les représentations qu'ils ont du passé, et même sur la façon d'étudier la passé et les représentations que nous en avons, eh bien je trouve cela très sain dans une société. Certains peuvent le regretter, et peuvent espérer que les "gens" leur foutent la paix, se désintéressent de tout cela et décident que ce n'est pas leur problème, que cela ne sert à rien dans la vie quotidienne, et qu'il faut laisser les interrogations aux spécialistes, je trouverais moi cela terrifiant sur ce que seraient devenus mes compatriotes. Les gens ont des opinions sur l'histoire, en parlent, sont d'accord ou pas, s'engueulent, lisent de l'histoire, prétendent faire de l'histoire, écoutent les historiens, les ignorent, parlent d'histoire avec leurs enfants, avec leurs vieux, en parlent à table, et les historiens devraient s'en plaindre ? Sérieusement ?
Je dois avouer que je trouve cette plainte un tantinet étonnante. Des enseignants s'efforcent pendant des années et des années à donner à leurs élèves une appétence pour l'histoire, et il faudrait regretter qu'une fois leur scolarité finie, les gens gardent cette appétence, et souvent cette passion. J'adorerais que ce soit le cas en mathématiques, sérieusement. Les enseignants d'histoire préfèreraient que les gens en aient plus rien à foutre de l'histoire une fois leur scolarité finie ? Sans parler du fait que les êtres humains ont besoin de repères pour exister, personne ne vit sur une tabula rasa (spatiale et temporelle), et les historiens sont bien placés pour le savoir. Que ces êtres humains questionnent, interrogent, s'engueulent sur les repères et les représentations qu'ils ont du passé, et même sur la façon d'étudier la passé et les représentations que nous en avons, eh bien je trouve cela très sain dans une société. Certains peuvent le regretter, et peuvent espérer que les "gens" leur foutent la paix, se désintéressent de tout cela et décident que ce n'est pas leur problème, que cela ne sert à rien dans la vie quotidienne, et qu'il faut laisser les interrogations aux spécialistes, je trouverais moi cela terrifiant sur ce que seraient devenus mes compatriotes. Les gens ont des opinions sur l'histoire, en parlent, sont d'accord ou pas, s'engueulent, lisent de l'histoire, prétendent faire de l'histoire, écoutent les historiens, les ignorent, parlent d'histoire avec leurs enfants, avec leurs vieux, en parlent à table, et les historiens devraient s'en plaindre ? Sérieusement ?
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- ElyasEsprit sacré
Personnellement, j'adore le fait que des tas de gens s'intéressent à l'histoire. Je milite même pour que ces mêmes gens développent des pratiques historiennes (en ce moment, je réfléchis à l'adaptation de l'histoire contrefactuelle développée par Simgaravélou dans mes classes afin de voir si cela a un intérêt dans l'accroissement de la compréhension du passé ou non chez des élèves).
Le problème qui est évoqué est différent : on a des gens qui viennent en disant faire de la vulgarisation ou en disant partager leur passion tout en cachant qu'ils ont une orientation historiographique, politique ou épistémologique bien précise qui ne permet pas aux profanes de comprendre qu'il faut les lire avec un esprit critique.
Or, en ce moment, c'est un peu le principal problème de la manipulation de la science historique dans la sphère publique.
Le problème qui est évoqué est différent : on a des gens qui viennent en disant faire de la vulgarisation ou en disant partager leur passion tout en cachant qu'ils ont une orientation historiographique, politique ou épistémologique bien précise qui ne permet pas aux profanes de comprendre qu'il faut les lire avec un esprit critique.
Or, en ce moment, c'est un peu le principal problème de la manipulation de la science historique dans la sphère publique.
- JPhMMDemi-dieu
La manipulation que tu décris est en effet insupportable.
Mais je ne crois pas qu'elle soit spécifique à l'histoire. Il suffit de voir ce qu'il se passe avec certains discours sur les vaccins, sur la Terre Plate, sur le Créationnisme, etc. Toute manipulation est insupportable parce qu'elle relève de la mauvaise foi. Et Internet favorise leurs propagations.
Je te conseille la lecture du site parodique de toutes ces manipulations : http://www.scienceinfo.fr/
Mais je ne crois pas qu'elle soit spécifique à l'histoire. Il suffit de voir ce qu'il se passe avec certains discours sur les vaccins, sur la Terre Plate, sur le Créationnisme, etc. Toute manipulation est insupportable parce qu'elle relève de la mauvaise foi. Et Internet favorise leurs propagations.
Je te conseille la lecture du site parodique de toutes ces manipulations : http://www.scienceinfo.fr/
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- ElyasEsprit sacré
On est bien d'accord.
Personnellement, dans mes classes, je travaille à édifier une culture historienne et historique suffisante pour que mes élèves comprennent les détournements très à la mode en ce moment et l'usage que la culture actuelle fait des références du passé pour garder la frontière entre la compréhension partielle et partiale que nous avons du passé humain et l'usage que la culture et la politique (et l'économique) font de ce passé (un exemple simple : les paysans médiévaux).
Personnellement, dans mes classes, je travaille à édifier une culture historienne et historique suffisante pour que mes élèves comprennent les détournements très à la mode en ce moment et l'usage que la culture actuelle fait des références du passé pour garder la frontière entre la compréhension partielle et partiale que nous avons du passé humain et l'usage que la culture et la politique (et l'économique) font de ce passé (un exemple simple : les paysans médiévaux).
- CondorcetOracle
Leclochard a écrit:Condorcet a écrit:Cher Archeboc, au risque de vous décevoir, je suis allé regarder le livre de Bainville cité avant de commencer à vous répondre.
Dimka, cet attrait de l'histoire est à la fois flatteur et parfois exigeant, profondément décourageant aussi. Les termes "leçon du passé, chargé d'histoire, devoir de mémoire" me hérissent.
Ce sont des expressions qui méritaient une véritable réflexion.
Y a-t-il des historiens qui les emploient ou s'agit-il d'expressions de journalistes ?
Je ne comprends pas le sens de "devoir de mémoire" autrement que comme la probité qui doit nous conduire à établir les faits, non à garder en tête ce qui s'est passé par compassion pour des victimes avec lesquelles nous n'avons aucun lien.
Je ne connais pas un historien sérieux qui reprendrait l'une des trois expressions sans en apporter les réserves de rigueur et la nuancer.
Mémoire et histoire différant radicalement - ce qu'on sait depuis Maurice Halbwachs au moins -, l'expression "devoir de mémoire" traduit plus une injonction à se souvenir qu'une invite à établir honnêtement ce qui s'est passé.
- archebocEsprit éclairé
Elyas a écrit:@Archeboc : Je trouve que ta dérobade en qualifiant ma comparaison entre Asimov et Bainville est assez de mauvaise foi. Il n'y avait aucune intention farcesque. Entre Bainville et Asimov, l'influence intellectuelle est clairement en faveur d'Asimov qui a vu ses idées devenir des principes dans la robotique et le développement de l'IA dans notre monde actuel.
Tu as introduit Asimov au sujet de la psycho-histoire. Je te propose de nous éclairer sur l'influence intellectuelle d'Asimov en psycho-histoire, et sur la mauvaise foi.
Dimka a écrit:Un des gros soucis de l'histoire, c'est que tout le monde s'en mêle, se sent légitime à donner son avis, et la politise. Personne n'irait, parce qu'il aurait lu trois livres de physique dans sa vie, donner des leçons d'épistémologie à un physicien, et personne n'irait expliquer son job à un biologiste, ou discuter avec un mathématicien des objectifs de sa discipline. Par contre, l'histoire, pas de soucis, n'importe qui peut venir expliquer à un historien ce qu'est l'histoire.
Cher Dimka, vous me répondez en faisant claquer le diplôme, mais c'est exactement la question que je pose depuis le début : comment un type comme Bainville, sans avoir reçu la formation de la profession, a-t-il pu, accomplissant le programme de Thucydide, dégager des lois qui éclaire l'avenir, et le faire avec des résultats suffisamment probant pour qu'on le réédite sept décennies plus tard ?
Notez que si vous me trouviez l'équivalent d'un Bainville en biologie, mathématiques ou physiques, nous aurions beaucoup avancé.
- JPhMMDemi-dieu
Le bombardement de Londres filmé en 1936, ça pose quand même un bonhomme.
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
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