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- PonocratesExpert spécialisé
Je ne parle pas de vous, je parle des gens cités dans le deuxième lien, ceux qui, alors qu'ils ont eu affaire au texte original qui était sans ambiguïté, ont fait circuler le texte avec la mention d'Huxley. Vous vous êtes tombée sur une présentation mensongère, ce n'est pas la même chose.Rabelais a écrit:Très class, merci.Ponocrates a écrit:En même temps si vous aviez suivi le lien et lu le texte, cela vous éviterait de vous mettre la rate au court-bouillon pour rien. L'auteur après avoir fait l'éloge du Meilleur des Mondes introduit le texte incriminé par ces motsDesolationRow a écrit:Je ne parlais pas de toi, Rabelais, mais du sinistre sire qui a fabriqué ce texte et l'a attribué à Huxley. Qu'on se laisse prendre à son vilain tour, ma foi, n'a rien de scandaleux, et je me serais sans doute laissé prendre si je n'étais pas déjà tombé dessus une fois.
Pour le reste, je trouve effectivement le texte très médiocre et racoleur..Serge Carfant a écrit:Si nous devions formuler dans le prolongement une prosopopée du cynisme politique cela donnerait quoi ? Petit essai
Si des imbéciles ont lu trop vite et ont cru qu'Huxley était l'auteur, je ne vois pas pourquoi il faudrait faire porter le chapeau à ce dernier. Quant au racolage
- New ZealandNiveau 9
Rabelais a écrit:
Deuxièmement, est-ce que cela signifie finalement, mettons, en matière d'Education, qu'on ne pourra jamais avoir de modèles prédictifs ? Parce que les effets, même si on essayait de bien cerner l'ensemble des paramètres ou leur majorité, seraient trop éloignés du début de l'expérience et que l'Histoire étant en marche, on ne pourrait reproduire ce modèle puisque les paramètres auraient changé ?
Par exemple :
On ne pouvait prédire l'échec de la réforme du collège en France à l'aide de l'échec de cette exacte réforme au Québec ( reproduction d'un modèle )car 1/ ce n'est pas le même pays ni la même population etc
2/ il ne peut pas être tiré de leçons des modèles éducatifs dans l'absolu, DONC, il faut les reflechir sur le papier et les tester à un moment de l'Histoire
3/ aucun des modeles anciens sur une population du même pays ne peut être appliqué sauf à l'aveugle puisqu'ils ne sont pas prédictifs ( qu'ils aient échoué ou réussi ) d'un échec ou d'une reussite, les conditions historiques ayant changé.
4/ On ne doit donc pas essayer de reflechir l'éducation en tenant compte des autres modeles appliqués ?
J'ai pensé à la même chose (mais sans développer comme tu l'as fait par la suite). Je ne comprends toujours pas pourquoi, ponctuellement, l'histoire ne pourrait pas nous éclairer sur ce type de sujet. Idem pour la science militaire, qui s'appuie en partie sur des expériences passées. Les sujets techniques ne feraient-ils pas partie de l'Histoire ?
- ZagaraGuide spirituel
Connaître la Shoah ne transforme pas un néonazi en militant des droits de l'homme. Au contraire, dans certains milieux, la connaissance précise de cet événement apporte joie et contentement. Parce qu'il est lu différemment. Un événement n'a pas de sens moral en lui-même. C'est le discours moral qu'on greffe par dessus, à des fins de politiques présentes, qui lui donne sa teneur morale. Le passé sert d'illustration à la morale. On dira "je pense que telle chose est bonne ou mauvaise, et en voici la preuve dans le passé". Plus insidieux, on inversera la phrase : "voici la preuve dans le passé que telle chose est bonne ou mauvaise". Mais c'est exactement la même mécanique de pensée : une confirmation de ses propres valeurs et non un discours d'analyse du passé pour ce qu'il est.JPhMM a écrit:C'est-à-dire ?Zagara a écrit:Non on ne peut pas tirer de "morale" de l'histoire.
On ne peut tirer aucun corollaire moral de la survenue de la Shoah ? Ou alors je n'ai pas compris ce que tu veux dire.
Qu'on note bien que je ne dénonce pas ce mécanisme, je ne fais que le présenter. C'est très bien que les gens prennent des parcelles du passé, se les réapproprient et en tirent des interdits moraux forts (pour ton exemple : "le génocide c'est mal"). Et c'est normal que les gens aient des valeurs morales (différentes selon les personnes). Mais il faut avoir la lucidité de voir que la contemplation du passé n'insuffle pas, en elle-même, de valeur morale.
Faut aussi être capable de se décentrer pour voir que des gens trouvent géniaux des événements que nous trouvons atroces. Comme on dit : "les Anglais sont cons, ils nomment toutes leurs gares d'après des défaites".
Par contre je crois que les événements du présent peuvent avoir un effet sur les croyances morales des gens. Justement parce qu'ils sont chauds et non froids. Ils sont chargés d'un spectre émotionnel bien plus important, parce qu'ils sont issus du même système de valeurs, de la même société, parce qu'ils touchent physiquement et concrètement les gens (membres de famille disparus, etc). La Shoah a eu un effet certain sur le positionnement moral de nombre de personnes tant qu'elle était récente. De nos jours, son "refroidissement" relatif contribue certainement à la remontée de l'antisémitisme.
- CeladonDemi-dieu
Quand on reconnaît le fond, on peut se laisser berner par la forme. :facepalm1:
Je parle des deux textes.
Je parle des deux textes.
- HimpyExpert spécialisé
Merci Lefteiris pour le lien sur le tittytainement.
Sinon dans le genre j'aime bien Naomi Klein, notamment la stratégie du choc.
Sinon dans le genre j'aime bien Naomi Klein, notamment la stratégie du choc.
- CasparProphète
Rabelais a écrit:Totalement d'accord en ce cas.DesolationRow a écrit:Je n'avais aucune intention de te blesser, en tout cas mais j'ai été maladroit.
Ce texte me paraît assez détestable justement parce que c'est une imposture. Je n'aime pas trop les faux prophètes
Et très déçue 1/ qu'il ne soit pas de Huxley ( côté pratique de la construction de la séquence..) 2/ de ne pas avoir vérifié les sources AVANT de poster. Désolée.
Même si le texte que tu as cité n'est pas de Huxley, ce qui est décrit ressemble beaucoup à la société imaginée par Huxley dans Le Meilleur des Mondes.
- Iron_ManNiveau 4
On peut lire aussi, un pavé scientifique un peu indigeste quand même, datant des années 30, et censuré en 1940 par un certain Georges Bonnet, ministre de l'intérieur du gouvernement de Vichy, "Le viol des foules par la propagande politique" de Serge Tchakhotine, qui a travaillé sur Pavlov et qui prend en exemple les conflits entre les communistes et les nazis dans l’Allemagne de l'entre-deux guerres... édifiant. Comme quoi, ça ne date pas d'hier...
- archebocEsprit éclairé
Zagara a écrit:Non on ne peut pas tirer de "morale" de l'histoire.
D'abord parce que l'histoire est un discours fabriqué et non une réalité matérielle. Ceux qui voient une morale ou des leçons dans l'histoire ne voient souvent, en réalité, que la réflexion distordue de leur propre morale dans une lecture (parmi d'autres) d'événements passés eux-mêmes fabriqués (l'événement est un produit du discours historique et non une donnée du réel).
Force est de constater que le passé a un attrait magnétique pour tout le monde. La personne sans méthode (c'est normal hein, je ne dis pas que ce soit mal) croit qu'elle va regarder le passé pour trouver le futur, mais n'y trouve qu'un reflet de son propre présent paradant sous les traits de ce qu'elle croit être le passé.
Les historiens ne regardent le passé que pour le comprendre pour lui-même. On ne peut pas le faire parler à propos de ce qu'il n'est pas.
L'instrumentalisation du passé existe, c'est de la politique ; mais ce n'est pas de l'histoire.
Cet aveu d'impuissance de l'Histoire en tant que discipline investiguant le passé pour éclairer l'avenir me semble profondément problématique. Même en l'enrobant des précautions atténuatrices des messages qui ont suivi, je ne saurais y souscrire, et je le prends dans toute la force de sa première expression dans ce message de Zagara pour essayer de le réfuter.
Le réfuter, en fait, ce n'est pas difficile. Lorsqu'on lit les conséquences politiques de la paix, de Jacques Bainville, on est frappé de la précision des prémonitions. En 1920, Bainville a raconté la politique d'annexion du IIIe Reich de manière stupéfiante. Comment Bainville a-t-il procédé ? Plusieurs réponses sont possibles, mais il est évident, au lecteur de bonne foi, que sa méthode principale est la méthode historique, que c'est en regardant le passé qu'il a deviné dans quel sens allait pencher l'Histoire.
Il ne suffit pas de réfuter le message de Zagara. Il faut aussi le comprendre. D'où vient que les historiens, enseignants en université d'abord, et par imitation leurs collègues du secondaire, aient abandonné l'ambition de faire de l'Histoire une science, c'est-à-dire un domaine du savoir où l'accumulation de connaissance permet de faire des prédictions ?
L'une des premières raisons qui viennent à l'esprit, c'est que l'Histoire s'est vacciné contre la tentation de faire des prévisions : depuis les Lumières, de nombreuses doctrines matérialistes, se prétendant historiques, n'ont pas hésité à multiplier les prédictions, pour des résultats généralement décevants. Les historiens, échaudés par le crédit en lequel certains d'entre eux ont pu tenir ces doctrines, préfèrent aujourd'hui renoncer à sonder l'avenir. Ce serait bien là jeter le bébé avec l'eau du bain.
Mais une autre explication est possible : souvenons-nous que Bainville est un militant de l'Action Française, mouvement royaliste, généralement classé à l'extrême droite. Peut-être la réussite d'une ou deux prédictions historiques ne peut-elle se faire qu'à condition d'avoir sur l'humanité une anthropologie pessimiste, politiquement incorrecte, et que symétriquement le camp progressisme soit condamné à vivre perpétuellement sous une dose minimale de rousseauisme qui lui brouille la vision et lui obscurcisse le troisième oeil.
De l'extraordinaire performance de Bainville, je ne sais pas comment les historiens de profession ont rendu compte sur le moment, mais on sent leur gêne aujourd'hui, leur besoin de minimiser l'exploit. On sent cette gêne même dans l'Etrange Défaite, dans ce passage où Marc Bloch confesse l'aveuglement de la corporation, mais dénonce, sans citer son nom, les rêveries géopolitiques de Bainville.
Quoiqu'il en soit, la revendication de Zagara que "l'Histoire est un discours fabriqué et non une réalité matérielle" me semble extrêmement dangereuse : on glisse trop facilement de cette vérité évidente à un aveu que l'histoire n'est qu'idéologique, et que tous les points de vue sont valides, pourvu que d'être défendus. Les successeurs d'Henri-Irénée Marrou méritent mieux que ce relativisme de mauvais aloi.
PS :
- Spoiler:
- Tamerlan a écrit:Pour le texte, je suis quand même étonné qu'on puisse engager une discussion suite à quelque chose qu'on a identifié comme étant un faux. Un faux on le fiche à la poubelle et si on veut discuter du thème, on va cherche une autre source ou point de départ. Même si elle dit la même chose.
Lorsque les agrégatifs ont eu au concours, présenté comme un texte du 15e siècle, un pastiche de cinq siècles plus jeune, il ne me semble pas qu'on ait jeté les copies à l'incinérateur, du moins pas avant de les avoir affublés d'une note. Et des agrégés d'Histoire ont été reçus sur la base de cette farce.
- CondorcetOracle
archeboc a écrit:Zagara a écrit:Non on ne peut pas tirer de "morale" de l'histoire.
D'abord parce que l'histoire est un discours fabriqué et non une réalité matérielle. Ceux qui voient une morale ou des leçons dans l'histoire ne voient souvent, en réalité, que la réflexion distordue de leur propre morale dans une lecture (parmi d'autres) d'événements passés eux-mêmes fabriqués (l'événement est un produit du discours historique et non une donnée du réel).
Force est de constater que le passé a un attrait magnétique pour tout le monde. La personne sans méthode (c'est normal hein, je ne dis pas que ce soit mal) croit qu'elle va regarder le passé pour trouver le futur, mais n'y trouve qu'un reflet de son propre présent paradant sous les traits de ce qu'elle croit être le passé.
Les historiens ne regardent le passé que pour le comprendre pour lui-même. On ne peut pas le faire parler à propos de ce qu'il n'est pas.
L'instrumentalisation du passé existe, c'est de la politique ; mais ce n'est pas de l'histoire.
Cet aveu d'impuissance de l'Histoire en tant que discipline investiguant le passé pour éclairer l'avenir me semble profondément problématique. Même en l'enrobant des précautions atténuatrices des messages qui ont suivi, je ne saurais y souscrire, et je le prends dans toute la force de sa première expression dans ce message de Zagara pour essayer de le réfuter.
Le réfuter, en fait, ce n'est pas difficile. Lorsqu'on lit les conséquences politiques de la paix, de Jacques Bainville, on est frappé de la précision des prémonitions. En 1920, Bainville a raconté la politique d'annexion du IIIe Reich de manière stupéfiante. Comment Bainville a-t-il procédé ? Plusieurs réponses sont possibles, mais il est évident, au lecteur de bonne foi, que sa méthode principale est la méthode historique, que c'est en regardant le passé qu'il a deviné dans quel sens allait pencher l'Histoire.
Il ne suffit pas de réfuter le message de Zagara. Il faut aussi le comprendre. D'où vient que les historiens, enseignants en université d'abord, et par imitation leurs collègues du secondaire, aient abandonné l'ambition de faire de l'Histoire une science, c'est-à-dire un domaine du savoir où l'accumulation de connaissance permet de faire des prédictions ?
L'une des premières raisons qui viennent à l'esprit, c'est que l'Histoire s'est vacciné contre la tentation de faire des prévisions : depuis les Lumières, de nombreuses doctrines matérialistes, se prétendant historiques, n'ont pas hésité à multiplier les prédictions, pour des résultats généralement décevants. Les historiens, échaudés par le crédit en lequel certains d'entre eux ont pu tenir ces doctrines, préfèrent aujourd'hui renoncer à sonder l'avenir. Ce serait bien là jeter le bébé avec l'eau du bain.
Mais une autre explication est possible : souvenons-nous que Bainville est un militant de l'Action Française, mouvement royaliste, généralement classé à l'extrême droite. Peut-être la réussite d'une ou deux prédictions historiques ne peut-elle se faire qu'à condition d'avoir sur l'humanité une anthropologie pessimiste, politiquement incorrecte, et que symétriquement le camp progressisme soit condamné à vivre perpétuellement sous une dose minimale de rousseauisme qui lui brouille la vision et lui obscurcisse le troisième oeil.
De l'extraordinaire performance de Bainville, je ne sais pas comment les historiens de profession ont rendu compte sur le moment, mais on sent leur gêne aujourd'hui, leur besoin de minimiser l'exploit. On sent cette gêne même dans l'Etrange Défaite, dans ce passage où Marc Bloch confesse l'aveuglement de la corporation, mais dénonce, sans citer son nom, les rêveries géopolitiques de Bainville.
Quoiqu'il en soit, la revendication de Zagara que "l'Histoire est un discours fabriqué et non une réalité matérielle" me semble extrêmement dangereuse : on glisse trop facilement de cette vérité évidente à un aveu que l'histoire n'est qu'idéologique, et que tous les points de vue sont valides, pourvu que d'être défendus. Les successeurs d'Henri-Irénée Marrou méritent mieux que ce relativisme de mauvais aloi.
PS :
- Spoiler:
Tamerlan a écrit:Pour le texte, je suis quand même étonné qu'on puisse engager une discussion suite à quelque chose qu'on a identifié comme étant un faux. Un faux on le fiche à la poubelle et si on veut discuter du thème, on va cherche une autre source ou point de départ. Même si elle dit la même chose.
Lorsque les agrégatifs ont eu au concours, présenté comme un texte du 15e siècle, un pastiche de cinq siècles plus jeune, il ne me semble pas qu'on ait jeté les copies à l'incinérateur, du moins pas avant de les avoir affublés d'une note. Et des agrégés d'Histoire ont été reçus sur la base de cette farce.
Le glissement sémantique opéré dans la dernière phrase découle d'une lecture très partielle du message de Zagara car l'idée que l'histoire n'a aucune vérité surplombante à transmettre et encore moins au nom d'un cours des événements [de l'Histoire] qui ne résulte que d'une série de choix et d'oublis a quelque chose de profondément dérangeant pour beaucoup. Si l'on admet l'idée que 1939 était inscrit inévitablement dans 1919 et qu'à aucun moment, d'autres possibles ne l'étaient, pourquoi donc s'astreindre à une histoire économique, culturelle, démographique etc... des années 1920-1930 puisque de simples postulats issus d'une histoire diplomatique suffisent ? A cette aune, l'histoire se bornerait à voler au secours de la victoire [du prophète], saluer la clairvoyance de quelques-uns et conspuer la médiocrité des autres. En outre, l'idée même d'un discours fabriqué revisite sous une autre sémantique celui de l'artisanat et reprend des précautions méthodologiques que l'on retrouve chez...Henri-Irénée Marrou :
http://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1995_num_45_1_3388
"Et puis l'histoire est libre : l'héritage du passé se recompose pour chacun de nous en fonction de sa philosophie présent - de l'image qu'il se donne de son avenir. Une telle conception, en même temps qu'elle libère l'homme de l'histoire (puisque les leçons du passé sont "équivoques et inépuisables") redonne aussi à l'historien le moyen d'être lui-même, le droit de réaliser l'autonomie de sa vocation [...] D'un mot : sa mission propre est de libérer l'homme contemporain de l'illusion de la fatalité, de lui rendre le sens de la contingence radicale de l'événement". (p.128)
Oui l'événement ne préexiste pas en tant que tel pas plus que l'archive qui le documente en partie n'a ce statut dès son élaboration. Tous deux résultent d'un choix, celui de s'y intéresser et de remarquer celui-là plutôt qu'une autre, avec tel éclairage et à l'aide de sources qui ont souvent été créées puis utilisées à d'autres fins que celles de la connaissance historique et fait l'objet d'une conservation spécifique. Tout cela incite l'historien à préciser la méthode qu'il emploie et les sources qu'il a dépouillées et définit un travail artisanal dont le résultat est un discours fabriqué voué à être confronté à celui de ses pairs, décanté à travers divers filtres vulgarisateurs avant d'être diffusé auprès du plus grand nombre. L'impossibilité d'isoler un facteur et de l'étudier pour lui-même sans tenir compte des autres, de construire un modèle interprétatif universel qui rendrait compte de l'Histoire, la part de contingence forment le lot commun de tout historien.
- ElyasEsprit sacré
Je rejoins mes collègues historiens sur la question de l'histoire. L'histoire n'a pas de rôle prédictif. Il y a eu longtemps la tentation de dégager des lois historiques. Toutes les tentatives ont lamentablement échoué (Ah ! Fukuyama et sa fin de l'histoire !).
L'histoire est une exploration du temps humain pour essayer de le comprendre. Cette enquête est toujours nourrie par les questions du présent pour comprendre l'altérité et le cheminement qui a mené l'humanité à notre temps. Harthog parle d'une science du temps et j'adhère pas mal à son propos.
L'histoire a longtemps voulu être scientifique mais elle est comme la philosophie ou la poésie, une manifestation purement humaine de la volonté de compréhension de soi et de l'autre.
L'histoire est une exploration du temps humain pour essayer de le comprendre. Cette enquête est toujours nourrie par les questions du présent pour comprendre l'altérité et le cheminement qui a mené l'humanité à notre temps. Harthog parle d'une science du temps et j'adhère pas mal à son propos.
L'histoire a longtemps voulu être scientifique mais elle est comme la philosophie ou la poésie, une manifestation purement humaine de la volonté de compréhension de soi et de l'autre.
- ZagaraGuide spirituel
Merci Condorcet.
J'ajouterai seulement que le post d'Archeboc est un bel exemple de mélange de discours de différentes natures. On passe subrepticement de l'analyse, à la critique, à la polémique, à l'idéologie, à la justification par des exemples mal maniés, à l'indignation, à la valeur morale. Le terme-même "aveu d'impuissance" en début de post est déplacé, puisque l'histoire, telle qu'elle se pratique actuellement, n'a jamais prétendu être investie d'une quelconque puissance.
Mon discours essayait de se borner à l'explication bête et crue de mon métier. Je crois y être parvenue, tout en produisant un point de vue amoral dont je peux comprendre qu'il déstabilise ceux qui n'y sont pas habitués. C'est beaucoup plus dur d'accepter que l'histoire, qui étudie du matériau humain, est dépourvue de message moral, que la physique. C'est pourtant le cas (mais pas pour les mêmes raisons).
@Elyas : Pas entièrement d'accord avec ce passage :
Personnellement, je mets un point d'honneur à éviter ce que j'appelle les problématiques-modes, qui sont manifestement issues des préoccupations de notre temps (l'usage de la notion de "réticularité" à toutes les sauces en est un bon exemple). Mon objectif premier est de rentrer dans les représentations du passé et d'essayer de raisonner comme les gens de l'époque. Puis d'expliquer les sources à partir de cette mécanique indigène de pensée. Je crois que le questionnement doit être endogène aux sources et non provenir de l'extérieur puis chercher sa confirmation dans la documentation. Je n'ai par ailleurs pas du tout pour ambition de faire résonner ce passé avec notre présent (" le cheminement qui a mené l'humanité à notre temps"), j'étudie le passé pour lui-même et uniquement pour lui-même, parce qu'il me fait marrer.
* bonjour l'histoire connectée et l'histoire mondiale ; je me demande pourquoi vous êtes apparues exactement à l'époque de la globalisation ohlala c'est bizarre ;P
J'ajouterai seulement que le post d'Archeboc est un bel exemple de mélange de discours de différentes natures. On passe subrepticement de l'analyse, à la critique, à la polémique, à l'idéologie, à la justification par des exemples mal maniés, à l'indignation, à la valeur morale. Le terme-même "aveu d'impuissance" en début de post est déplacé, puisque l'histoire, telle qu'elle se pratique actuellement, n'a jamais prétendu être investie d'une quelconque puissance.
Mon discours essayait de se borner à l'explication bête et crue de mon métier. Je crois y être parvenue, tout en produisant un point de vue amoral dont je peux comprendre qu'il déstabilise ceux qui n'y sont pas habitués. C'est beaucoup plus dur d'accepter que l'histoire, qui étudie du matériau humain, est dépourvue de message moral, que la physique. C'est pourtant le cas (mais pas pour les mêmes raisons).
@Elyas : Pas entièrement d'accord avec ce passage :
C'est factuellement vrai*, mais beaucoup d'historiens (les plus compétents à mon sens) remettent sans cesse en cause leurs problématiques justement pour essayer de se dégager des tensions et questionnements du présent, afin d'essayer de produire un discours adapté au temps qu'ils étudient et non teinté de questions anachroniques. Beaucoup de superbes avancées historiographiques ont reposé sur l'écartement de problématiques produites par le temps présent et leur remplacement par des ressorts issus des représentations collectives du temps étudié.Elyas a écrit:Cette enquête est toujours nourrie par les questions du présent pour comprendre l'altérité et le cheminement qui a mené l'humanité à notre temps.
Personnellement, je mets un point d'honneur à éviter ce que j'appelle les problématiques-modes, qui sont manifestement issues des préoccupations de notre temps (l'usage de la notion de "réticularité" à toutes les sauces en est un bon exemple). Mon objectif premier est de rentrer dans les représentations du passé et d'essayer de raisonner comme les gens de l'époque. Puis d'expliquer les sources à partir de cette mécanique indigène de pensée. Je crois que le questionnement doit être endogène aux sources et non provenir de l'extérieur puis chercher sa confirmation dans la documentation. Je n'ai par ailleurs pas du tout pour ambition de faire résonner ce passé avec notre présent (" le cheminement qui a mené l'humanité à notre temps"), j'étudie le passé pour lui-même et uniquement pour lui-même, parce qu'il me fait marrer.
* bonjour l'histoire connectée et l'histoire mondiale ; je me demande pourquoi vous êtes apparues exactement à l'époque de la globalisation ohlala c'est bizarre ;P
- ElyasEsprit sacré
Je suis tout à fait d'accord avec toi. J'allais écrire la nuance mais j'ai eu mes enfants qui ont le réveil tôt Personnellement, mes recherches en histoire ont toujours été fondées sur la fascination du passé et d'établir un récit suffisamment cohérent pour essayer de comprendre ce qui a eu lieu. Quand j'ai le temps pour me relancer sur les dieux de la nuit et leur culte dans le monde grec, je m'amuse comme un petit fou
Cependant, des pans entiers de l'historiographie ont avancé parce que des historiens ont questionné leur temps et ont étudié les traces du passé pour comprendre pourquoi on en est là. Les "xxx" studies ont souvent été liés à cela.
Personnellement, je ne sais même pas ce qu'est une problèmatique-mode. J'ai toujours été étonné que des étudiants piochent dans les sujets donnés par leurs directeurs de mémoire ou partent dans des champs qui ne les intéressent pas intrinsèquement.
En revanche, tu admettras que ton objectif de raisonner comme les gens du passé est impossible. C'est cela qui est passionnant justement. On tente de comprendre l'altérité malgré la béance temporelle qui nous en sépare.
Cependant, des pans entiers de l'historiographie ont avancé parce que des historiens ont questionné leur temps et ont étudié les traces du passé pour comprendre pourquoi on en est là. Les "xxx" studies ont souvent été liés à cela.
Personnellement, je ne sais même pas ce qu'est une problèmatique-mode. J'ai toujours été étonné que des étudiants piochent dans les sujets donnés par leurs directeurs de mémoire ou partent dans des champs qui ne les intéressent pas intrinsèquement.
En revanche, tu admettras que ton objectif de raisonner comme les gens du passé est impossible. C'est cela qui est passionnant justement. On tente de comprendre l'altérité malgré la béance temporelle qui nous en sépare.
- DesolationRowEmpereur
Quant au fait que, de temps en temps, l'un de ceux qui tentent de prédire l'avenir tombe juste, c'est inévitable. C'est le coup de la bibliothèque de Babel ou du singe qui dispose d'une machine à écrire et de l'éternité : il finira par bien par réécrire le sonnet en x.
- archebocEsprit éclairé
Condorcet a écrit:Le glissement sémantique opéré dans la dernière phrase découle d'une lecture très partielle du message de Zagara car l'idée que l'histoire n'a aucune vérité surplombante à transmettre et encore moins au nom d'un cours des événements [de l'Histoire] qui ne résulte que d'une série de choix et d'oublis a quelque chose de profondément dérangeant pour beaucoup. Si l'on admet l'idée que 1939 était inscrit inévitablement dans 1919 et qu'à aucun moment, d'autres possibles ne l'étaient, pourquoi donc s'astreindre à une histoire économique, culturelle, démographique etc... des années 1920-1930 puisque de simples postulats issus d'une histoire diplomatique suffisent ?
C'est une excellente question, mais ce n'est pas parce qu'elle se pose que vous en affaiblissez la prémisse : 1939 est inscrit dans 1919, la démonstration de Bainville en fait foi.
Condorcet a écrit:A cette aune, l'histoire se bornerait à voler au secours de la victoire [du prophète], saluer la clairvoyance de quelques-uns et conspuer la médiocrité des autres. En outre, l'idée même d'un discours fabriqué revisite sous une autre sémantique celui de l'artisanat et reprend des précautions méthodologiques que l'on retrouve chez...Henri-Irénée Marrou :
http://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1995_num_45_1_3388
"Et puis l'histoire est libre : l'héritage du passé se recompose pour chacun de nous en fonction de sa philosophie présent - de l'image qu'il se donne de son avenir. Une telle conception, en même temps qu'elle libère l'homme de l'histoire (puisque les leçons du passé sont "équivoques et inépuisables") redonne aussi à l'historien le moyen d'être lui-même, le droit de réaliser l'autonomie de sa vocation [...] D'un mot : sa mission propre est de libérer l'homme contemporain de l'illusion de la fatalité, de lui rendre le sens de la contingence radicale de l'événement". (p.128)
Mais Marrou, qui est là pourtant dans le creux de la vague, prend la précaution d'ajouter (p.129-130) : "Naturellement je ne réduis pas l'histoire à cette seule fonction, la "contemplation esthétique des singularités" [..]. La rencontre d'autrui a une valeur plus profonde : la connaissance des hommes enrichit notre connaissance de l'homme. Je reprends ici, sans honte, la vieille conception antique de l'historia, magistra vitae". Et sorti de sa tristesse, c'est encore d'autres mots que Marrou emploiera dans De la connaissance historique. Je n'ai pas le temps d'aller chercher, mais je pense qu'on trouverait de quoi prémunir contre le relativisme que vous affichez : "Oui l'événement ne préexiste pas", peut-être, mais les faits, eux, préexistent.
DesolationRow a écrit:Quant au fait que, de temps en temps, l'un de ceux qui tentent de prédire l'avenir tombe juste, c'est inévitable. C'est le coup de la bibliothèque de Babel ou du singe qui dispose d'une machine à écrire et de l'éternité : il finira par bien par réécrire le sonnet en x.
Si tel était le cas, il y aurait des demi-prédictions : si Bainville est l'aveugle qui touche par hasard au centre de la cible, il y en aurait dix qui touchent tout contre, et cent qui mettent pas trop loin. Ces dix-là, ces cent-là n'existent pas. Si Bainville fait mouche, ce n'est pas par hasard, c'est parce qu'il a su voir.
Une hypothèse affaiblissant son exploit consisterait à parler de prophétie auto-réalisatrice : les nazis auraient lu Bainville, et en auraient fait leur programme. Même dans cette version faible, Bainville aurait su tracer, au sortir de la guerre et l'encre des traités à peine sèche, l'enchaînement des déterminismes que les négociateurs n'ont pas voulu voir et qui menait directement à la guerre suivante.
Elyas a écrit:Je rejoins mes collègues historiens sur la question de l'histoire. L'histoire n'a pas de rôle prédictif. Il y a eu longtemps la tentation de dégager des lois historiques. Toutes les tentatives ont lamentablement échoué
C'est ce que j'ai longtemps cru. Quelques lectures récentes, à commencer par Bainville, m'ont ouvert les yeux : les prédictions sont possibles. Il y a des visionnaires. Quant aux échecs des grandes idéologies matérialistes depuis la fin du XVIIIe siècle, ils ne condamnent pas plus loin que leur périmètre.
J'ajouterai seulement que le post d'Archeboc est un bel exemple de mélange de discours de différentes natures. On passe subrepticement de l'analyse, à la critique, à la polémique, à l'idéologie, à la justification par des exemples mal maniés, à l'indignation, à la valeur morale.
Réfutation magistrale, et à qui il ne manque que de porter sur des faits, des citations, pauvres détails négligeables.
Zagara a écrit:Le terme-même "aveu d'impuissance" en début de post est déplacé, puisque l'histoire, telle qu'elle se pratique actuellement, n'a jamais prétendu être investie d'une quelconque puissance.
Si l'Histoire ne prétend pas être investie de la capacité d'éclairer l'avenir, c'est qu'elle a abandonné cette prétention. Aux origines, dont elle se réclame pourtant, l'Histoire avait cette ambition, par exemple sous la plume de Thucydide : "Il me suffira que ceux qui veulent voir clair dans les faits passés et, par conséquent, aussi dans les faits analogues que l'avenir selon la loi des choses humaines ne peut manquer de ramener, jugent utile mon histoire".
C'est donc bien un aveu d'impuissance, et un étonnant renoncement, que de ne plus prétendre aujourd'hui sinon prédire l'avenir, du moins l'éclairer.
Pour en revenir à nos métiers : l'effondrement de notre école a été pronostiqué par plusieurs penseurs des années 1980. Comment ne pas être étonné du faible nombre d'historiens parmi eux ? Comment ne pas être étonné de l'absence des historiens de l'éducation parmi les esprits les plus lucides sur notre système scolaire ?
- ElyasEsprit sacré
Archeboc, tu parles de Bainville. Ce n'est pas la première fois que tu mentionnes les écrits d'auteurs qui ont des accointances avec des mouvements monarchistes ou très à droite. Il faut tout de même savoir que cette vision que tu as de l'histoire est très connotée dans le champ politique.
Pour ma part, j'aime assez Asimov qui a développé le concept de psychohistoire. J'avais 16 ans quand je l'ai lu. Après, j'ai fait mes études et j'ai vu que c'était une chose amusante mais peu probante.
Pour ma part, j'aime assez Asimov qui a développé le concept de psychohistoire. J'avais 16 ans quand je l'ai lu. Après, j'ai fait mes études et j'ai vu que c'était une chose amusante mais peu probante.
- DesolationRowEmpereur
Je ne connais pas un historien sérieux qui puisse croire "que 1939 est inscrit dans 1919".
- ZagaraGuide spirituel
Pas mieux.DesolationRow a écrit:Je ne connais pas un historien sérieux qui puisse croire "que 1939 est inscrit dans 1919".
- DesolationRowEmpereur
Elyas a écrit:Archeboc, tu parles de Bainville. Ce n'est pas la première fois que tu mentionnes les écrits d'auteurs qui ont des accointances avec des mouvements monarchistes ou très à droite. Il faut tout de même savoir que cette vision que tu as de l'histoire est très connotée dans le champ politique.
Pour ma part, j'aime assez Asimov qui a développé le concept de psychohistoire. J'avais 16 ans quand je l'ai lu. Après, j'ai fait mes études et j'ai vu que c'était une chose amusante mais peu probante.
J'aime beaucoup Asimov, et c'est une lecture passionnante, précisément parce que c'est du roman.
Les prédictions dont parle archeboc, c'est un peu le loto foot. Imaginons que je m'y sois suffisamment bien connu pour prédire à l'avance le score de Real-PSG : cela ne ferait pas de moi un historien du sport.
- CondorcetOracle
Archeboc, ce n'est pas du relativisme mais de l'épistémologie assez classique.
- ElyasEsprit sacré
DesolationRow a écrit:Elyas a écrit:Archeboc, tu parles de Bainville. Ce n'est pas la première fois que tu mentionnes les écrits d'auteurs qui ont des accointances avec des mouvements monarchistes ou très à droite. Il faut tout de même savoir que cette vision que tu as de l'histoire est très connotée dans le champ politique.
Pour ma part, j'aime assez Asimov qui a développé le concept de psychohistoire. J'avais 16 ans quand je l'ai lu. Après, j'ai fait mes études et j'ai vu que c'était une chose amusante mais peu probante.
J'aime beaucoup Asimov, et c'est une lecture passionnante, précisément parce que c'est du roman.
Les prédictions dont parle archeboc, c'est un peu le loto foot. Imaginons que je m'y sois suffisamment bien connu pour prédire à l'avance le score de Real-PSG : cela ne ferait pas de moi un historien du sport.
Au mieux, le passé étudié permet de faire des analogies pour réfléchir le présent tout en sachant que c'est une distorsion temporelle et culturelle. C'est un outil parmi d'autres, un jeu de l'esprit, qui permet une itération intellectuelle pour penser son soi et son temps. Rien d'autre. De là à prédire le futur, pfiouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu... Comme je dis à mes élèves, je ne suis pas devin. Je laisse ça aux charlatans et aux prophètes enthousiastes (à charge de me prouver l'existence de la thusia chez le prophète).
- ZagaraGuide spirituel
Niveau licence.Condorcet a écrit:Archeboc, ce n'est pas du relativisme mais de l'épistémologie assez classique.
(par ailleurs, les propos polémiques ou outranciers n'ont pas à être "réfutés", seulement pointés comme tels)
- CondorcetOracle
La propagation de la crise américaine en Europe enraye le mécanisme de versement des réparations par l'Allemagne, la plonge dans un trauma socio-economique majeur, rend possible la montée de ce qui n'avait été en 1923 qu'une tentative de déstabilisation de la République de Weimar parmi tant d'autres. Cet aspect est absent de l'ouvrage de Bainville et pour cause (hormis un rapide résumé de l'ouvrage de Keynes consacré aux conséquences économiques de la paix de Versailles et quelques remarques afférentes).
- JPhMMDemi-dieu
Merci pour cette réponse.Zagara a écrit:Connaître la Shoah ne transforme pas un néonazi en militant des droits de l'homme. Au contraire, dans certains milieux, la connaissance précise de cet événement apporte joie et contentement. Parce qu'il est lu différemment. Un événement n'a pas de sens moral en lui-même. C'est le discours moral qu'on greffe par dessus, à des fins de politiques présentes, qui lui donne sa teneur morale. Le passé sert d'illustration à la morale. On dira "je pense que telle chose est bonne ou mauvaise, et en voici la preuve dans le passé". Plus insidieux, on inversera la phrase : "voici la preuve dans le passé que telle chose est bonne ou mauvaise". Mais c'est exactement la même mécanique de pensée : une confirmation de ses propres valeurs et non un discours d'analyse du passé pour ce qu'il est.JPhMM a écrit:C'est-à-dire ?Zagara a écrit:Non on ne peut pas tirer de "morale" de l'histoire.
On ne peut tirer aucun corollaire moral de la survenue de la Shoah ? Ou alors je n'ai pas compris ce que tu veux dire.
Qu'on note bien que je ne dénonce pas ce mécanisme, je ne fais que le présenter. C'est très bien que les gens prennent des parcelles du passé, se les réapproprient et en tirent des interdits moraux forts (pour ton exemple : "le génocide c'est mal"). Et c'est normal que les gens aient des valeurs morales (différentes selon les personnes). Mais il faut avoir la lucidité de voir que la contemplation du passé n'insuffle pas, en elle-même, de valeur morale.
Faut aussi être capable de se décentrer pour voir que des gens trouvent géniaux des événements que nous trouvons atroces. Comme on dit : "les Anglais sont cons, ils nomment toutes leurs gares d'après des défaites".
Par contre je crois que les événements du présent peuvent avoir un effet sur les croyances morales des gens. Justement parce qu'ils sont chauds et non froids. Ils sont chargés d'un spectre émotionnel bien plus important, parce qu'ils sont issus du même système de valeurs, de la même société, parce qu'ils touchent physiquement et concrètement les gens (membres de famille disparus, etc). La Shoah a eu un effet certain sur le positionnement moral de nombre de personnes tant qu'elle était récente. De nos jours, son "refroidissement" relatif contribue certainement à la remontée de l'antisémitisme.
J'ai eu peur de devoir en conclure qu'il était impossible d'apprendre par expérience. C'était simplement un malentendu.
_________________
Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- archebocEsprit éclairé
Je trouve amusantes ces leçons d'épistémologies. Je lance une recherche sur cette page : je suis le seul à revendiquer le règne des faits, je suis le seul à en parler. Vous semblez plus pressés de professer le primat de la subjectivité. Je suis assez persuadé que si je cherche chez Marrou, je n'aurai aucun mal à trouver l'affirmation du primat des faits. La subjectivité ne devrait pas se revendiquer, elle se constate.
Pour pointer tel ou tel propos, il faudrait le citer. A défaut, c'est de la critique à la truelle.Zagara a écrit:(par ailleurs, les propos polémiques ou outranciers n'ont pas à être "réfutés", seulement pointés comme tels)
Elyas a écrit:Archeboc, tu parles de Bainville. Ce n'est pas la première fois que tu mentionnes les écrits d'auteurs qui ont des accointances avec des mouvements monarchistes ou très à droite. Il faut tout de même savoir que cette vision que tu as de l'histoire est très connotée dans le champ politique.
Pour ma part, j'aime assez Asimov qui a développé le concept de psychohistoire. J'avais 16 ans quand je l'ai lu. Après, j'ai fait mes études et j'ai vu que c'était une chose amusante mais peu probante.
Zagara parlait des propos outranciers. Comparer à un romancier de science fiction un essayiste qui, vingt ans avant les faits, les décrits avec finesse, c'est farcesque. J'espère que vous en êtes conscient. Vous citez Asimov, je cite Thucidyde. Bonsoir.
J'aimerais bien savoir quels auteurs j'ai cités qui sont connus pour être monarchiste ou très à droite. Peut-être Finkielkraut est-il pour vous très à droite ?
Le sentiment que donne les derniers échanges, c'est qu'aucun de vous n'a lu ce livre de Bainville, ne souhaite le lire, ni même se renseigner sur lui. C'est en soi une réponse intéressante à la question que pose ce fil : s'il s'avérait qu'il y a dans la pensée monarchiste une tournure intellectuelle qui permet de mieux comprendre le monde, ou certains de ses aspects, je m'y intéresserais avec le plus grand soin. Il semble en réalité que Bainville soit singulier au sein même de l'Action Française. Mais vous donnez l'impression de ne jamais vouloir y toucher, comme de peur d'être contaminé.
S'il y en a tout de même qui veulent aller plus loin, le livre de Bainville a été réédité en 1995. Quelques références sur des sites qui ne me semblent pas monarchistes :
https://yggtorrent.com/torrent/ebook/livres/136493-les+cons%C3%A9quences+politiques+de+la+paix+-+jacques+bainville+-+1920pdfepub
https://www.lexpress.fr/culture/livre/bainville-prophete-oublie-du-nazisme-et-de-la-seconde-guerre-mondiale_1019574.html
http://classiques.uqac.ca/classiques/bainville_jacques/consequences_pol_paix/consequences_pol_paix.html
http://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1995_num_60_3_4453_t1_0805_0000_3
https://www.herodote.net/Les_consequences_politiques_de_la_paix-bibliographie-96.php
https://www.diploweb.com/ue/husson.htm
Et finalement, je reste avec mes questions : l'effondrement de notre école a été pronostiqué par plusieurs penseurs des années 1980. Comment ne pas être étonné du faible nombre d'historiens parmi eux ? Comment ne pas être étonné de l'absence des historiens de l'éducation, et des historiens en général, parmi les esprits les plus lucides sur notre système scolaire ?
- DimkaVénérable
Un des gros soucis de l'histoire, c'est que tout le monde s'en mêle, se sent légitime à donner son avis, et la politise. Personne n'irait, parce qu'il aurait lu trois livres de physique dans sa vie, donner des leçons d'épistémologie à un physicien, et personne n'irait expliquer son job à un biologiste, ou discuter avec un mathématicien des objectifs de sa discipline. Par contre, l'histoire, pas de soucis, n'importe qui peut venir expliquer à un historien ce qu'est l'histoire.
_________________
- Spoiler:
- CondorcetOracle
Cher Archeboc, au risque de vous décevoir, je suis allé regarder le livre de Bainville cité avant de commencer à vous répondre.
Dimka, cet attrait de l'histoire est à la fois flatteur et parfois exigeant, profondément décourageant aussi. Les termes "leçon du passé, chargé d'histoire, devoir de mémoire" me hérissent.
Dimka, cet attrait de l'histoire est à la fois flatteur et parfois exigeant, profondément décourageant aussi. Les termes "leçon du passé, chargé d'histoire, devoir de mémoire" me hérissent.
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