Page 1 sur 4 • 1, 2, 3, 4
- ParménideNeoprof expérimenté
Bonsoir tout le monde
C'est une question à laquelle je pense souvent et qui m'a tout l'air liée à ce qui demande d’être maîtrisé pour les concours de philosophie (épistémologie, théorie et expérience, logique, etc...)
Quand je vois mon chat marcher sur ma terrasse, et suivre une trajectoire qui n'est pas parfaitement rectiligne mais qui peut être soumise aux aléas d'une logique inconnue, je me demande si ce phénomène mérite vraiment d'être qualifié de "hasard".
De même, si j'attends quelqu'un dans une rue et que je déambule en patientant sans but vraiment déterminé, peut-on dire que je déambule vraiment "au hasard"?
Voici des questions étranges et au fond loin d'être anodines.
Le hasard n'est-il jamais qu'une projection de l'incapacité de l'esprit à rationaliser un phénomène?
J'ai hâte de voir ce que les philosophes et non-philosophes du forum pensent de ces questions
C'est une question à laquelle je pense souvent et qui m'a tout l'air liée à ce qui demande d’être maîtrisé pour les concours de philosophie (épistémologie, théorie et expérience, logique, etc...)
Quand je vois mon chat marcher sur ma terrasse, et suivre une trajectoire qui n'est pas parfaitement rectiligne mais qui peut être soumise aux aléas d'une logique inconnue, je me demande si ce phénomène mérite vraiment d'être qualifié de "hasard".
De même, si j'attends quelqu'un dans une rue et que je déambule en patientant sans but vraiment déterminé, peut-on dire que je déambule vraiment "au hasard"?
Voici des questions étranges et au fond loin d'être anodines.
Le hasard n'est-il jamais qu'une projection de l'incapacité de l'esprit à rationaliser un phénomène?
J'ai hâte de voir ce que les philosophes et non-philosophes du forum pensent de ces questions
_________________
"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
-----------
https://www.babelio.com/monprofil.php
- nitescenceÉrudit
le hasard est l'asile de l'ignorance.
_________________
Mordre. Mordre d'abord. Mordre ensuite. Mordre en souriant et sourire en mordant. (avec l'aimable autorisation de Cripure, notre dieu à tous)
- LevincentNiveau 9
Tout dépend de ce qu'on entend par "hasard". Dans la formulation courante, quelque chose arrive par hasard quand on ne décèle a priori aucune chaîne causale qui explique pourquoi cette chose s'est produite. Les numéros du Loto sortent au hasard dans ce sens, parce qu'on ne perçoit pas pour quelle raison c'est telle boule qui sort plutôt qu'une autre. Si en allant chercher le pain tu croises une connaissance, c'est encore un hasard car tu ne pouvais pas prevoir que ça arriverait en prenant la décision d'aller à la boulangerie.
Mais en réalité ces événements sont entièrement déterminés. Le fait qu'une boule du Loto sorte au lieu d'une autre est entièrement dû à la disposition initiale des boules au sein de la machine, de la vitesse de rotation du dispositif, etc. De même, le fait que tu croises une connaissance à la boulangerie est dû au fait que celle-ci a décidé d'aller à la boulangerie au même moment que tu as pris la même décision. Ce sont simplement deux chaînes causales qui se croisent sans que les acteurs voient très bien pourquoi. Mais cela n'est qu'un défaut de connaissance. Un être omniscient pourrait prévoir quel numéro va sortir au Loto, de même qu'il aurait pu prévoir qui tu allais croiser. Donc dans un sens métaphysique, le hasard n'existe pas, c'est seulement ainsi qu'on nomme notre incapacité à prévoir.
En tout cas, ça c'est la vision deterministe du XIXème siècle, du temps où l'on pensait que tous les phénomènes naturels étaient strictement déterminés. Mais la physique quantique a semble-t-il mis en évidence que des phénomènes subatomiques sont réellement aléatoires. La désintégration du noyau atomique, par exemple, est régie par des lois statistiques, c'est-à-dire que l'on ne peut absolument pas prévoir à quel moment une particule alpha va être émise. On sait seulement qu'il y a une probabilité pour que cette particule soit émise dans une durée donnée. Ici, il semble que ce ne soit pas seulement notre ignorance qui est en cause, mais que ce soit une propriété intrinsèque de la matière.
Mais en réalité ces événements sont entièrement déterminés. Le fait qu'une boule du Loto sorte au lieu d'une autre est entièrement dû à la disposition initiale des boules au sein de la machine, de la vitesse de rotation du dispositif, etc. De même, le fait que tu croises une connaissance à la boulangerie est dû au fait que celle-ci a décidé d'aller à la boulangerie au même moment que tu as pris la même décision. Ce sont simplement deux chaînes causales qui se croisent sans que les acteurs voient très bien pourquoi. Mais cela n'est qu'un défaut de connaissance. Un être omniscient pourrait prévoir quel numéro va sortir au Loto, de même qu'il aurait pu prévoir qui tu allais croiser. Donc dans un sens métaphysique, le hasard n'existe pas, c'est seulement ainsi qu'on nomme notre incapacité à prévoir.
En tout cas, ça c'est la vision deterministe du XIXème siècle, du temps où l'on pensait que tous les phénomènes naturels étaient strictement déterminés. Mais la physique quantique a semble-t-il mis en évidence que des phénomènes subatomiques sont réellement aléatoires. La désintégration du noyau atomique, par exemple, est régie par des lois statistiques, c'est-à-dire que l'on ne peut absolument pas prévoir à quel moment une particule alpha va être émise. On sait seulement qu'il y a une probabilité pour que cette particule soit émise dans une durée donnée. Ici, il semble que ce ne soit pas seulement notre ignorance qui est en cause, mais que ce soit une propriété intrinsèque de la matière.
_________________
« Un philosophe moderne qui n'a jamais éprouvé le sentiment d'être un charlatan fait preuve d'une telle légèreté intellectuelle que son oeuvre ne vaut guère la peine d'être lue. »
Leszek Kolakowski
- ParménideNeoprof expérimenté
A partir du moment où il est question de statistiques (indépendamment de sujets très complexes comme la physique quantique) est ce qu'il ne peut pas y avoir un hasard réel?
Par exemples des études statistique montrant que la taille moyenne des Français est de X cm ne nous donnent-elles pas le droit de penser que si A est plus grand que B, alors le phénomène est hasardeux? Après tout rien n'interdit de penser que l'inverse aurait pu avoir lieu, théoriquement.
Mais je suppose que tu vas me répondre qu'il y a là aussi, seulement, une apparence de hasard.
Au fond la question du hasard est une question phénoménologique : elle n'a de sens que dans et pour les esprits qui ne conçoivent pas de déterminisme des évènements.
Mais je crois bien que c'est chez les Épicuriens que l'atome est soumis à des mouvements hasardeux. Peut-être est ce là le point faible de leur doctrine.
Par exemples des études statistique montrant que la taille moyenne des Français est de X cm ne nous donnent-elles pas le droit de penser que si A est plus grand que B, alors le phénomène est hasardeux? Après tout rien n'interdit de penser que l'inverse aurait pu avoir lieu, théoriquement.
Mais je suppose que tu vas me répondre qu'il y a là aussi, seulement, une apparence de hasard.
Au fond la question du hasard est une question phénoménologique : elle n'a de sens que dans et pour les esprits qui ne conçoivent pas de déterminisme des évènements.
Mais je crois bien que c'est chez les Épicuriens que l'atome est soumis à des mouvements hasardeux. Peut-être est ce là le point faible de leur doctrine.
_________________
"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
-----------
https://www.babelio.com/monprofil.php
- SergeMédiateur
Cela me fait penser que j'ai acheté un lot de livres dans un vide grenier, dont un intitulé : Le hasard n'existe pas. Mais je ne l'ai pas encore lu, il faudra que je le mette sur la pile de ce que je dois lire.
- C.RonaldoNiveau 4
Bonjour à tous ! Je n'ai pas d'avis sur la question mais je vais suivre votre débat avec intérêt. J'ai toujours eu du mal à définir la notion de hasard au moment d'enseigner les probalités ... Pourriez-vous me le définir d'ailleurs ?
_________________
Ballon d'or 2008 ; 2013 ; 2014 ; 2016 ; 2017
Ballon d'or 2023.
Gazoil is cheaper than water !
"BOA TARDE. MORRERAM... TODOS!" José Rodrigues Dos Santos, juillet 2023
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
Parménide a écrit:Mais je crois bien que c'est chez les Épicuriens que l'atome est soumis à des mouvements hasardeux. Peut-être est ce là le point faible de leur doctrine.
C'est le clinamen (qu'on trouve chez Lucrèce). C'est un peu étrange de parler de soumission à des mouvements : la dérivation de l'atome --- très légère, vraiment juste ce qu'il faut pour autoriser la rencontre --- n'a pas de cause particulière. Il s'agit donc bien de hasard.
Je trouvais que c'était un point faible, au début. Mais les Épicuriens, du moins Lucrèce, cherchent moins la véritable explication des choses, ou le système le plus élégant, qu'à imaginer des explications des choses qui ne recourent pas aux dieux. Le but étant de faire pièce à la peur générée par les explications magiques.
- KilmenyEmpereur
"Une causalité sans cause".
_________________
Un petit clic pour les animaux : http://www.clicanimaux.com/catalog/accueil.php?sites_id=1
- LevincentNiveau 9
Parménide a écrit:A partir du moment où il est question de statistiques (indépendamment de sujets très complexes comme la physique quantique) est ce qu'il ne peut pas y avoir un hasard réel?
Par exemples des études statistique montrant que la taille moyenne des Français est de X cm ne nous donnent-elles pas le droit de penser que si A est plus grand que B, alors le phénomène est hasardeux? Après tout rien n'interdit de penser que l'inverse aurait pu avoir lieu, théoriquement.
Prenons Jean-Luc et Didier. Suppose que tu as une connaissance parfaite de leur code génétique, de leur alimentation, de leur âge, de leur histoire personnelle et de tous les éléments susceptibles de déterminer biologiquement leurs tailles. Si Jean-Luc est plus grand que Didier, cela ne doit rien au hasard, mais à tous ces éléments biologiques. C'est parfaitement déterminé.
Maintenant, suppose que tu fasses un tirage statistique "au hasard" (c'est-à-dire que tu appliques un processus de tirage qui ne privilégie a priori aucun résultat) de deux individus. Les deux individus que tu tires s'avèrent être Jean-Luc et Didier. L'occurrence "Jean-Luc" de ton tirage est plus grande que l'occurrence "Didier", et on peut dire que cela est dû au hasard. Pourtant on a toujours affaire à Jean-Luc et à Didier, alors pourquoi cette différence ? Pourquoi dans un cas c'est du hasard (ou bien : ça a l'air d'être du hasard), et pas dans l'autre. Parce que dans le cas du tirage statistique, le hasard a été introduit dès le début, par hypothèse, par la méthode de tirage. Il est donc normal de retrouver le hasard dans le résultat. J'irais même jusqu'à dire que dans les deux cas on ne parle pas de la même chose. Dans le cas du tirage statistique, on ne parle pas de Jean-Luc en tant qu'il est Jean-Luc, mais de Jean-Luc en tant qu'il est l'un des résultats possibles du tirage. C'est pourquoi, si on tire au hasard deux individus de la population, et que l'on tombe sur Jean-Luc et Didier, et qu'on demande pourquoi Jean-Luc est plus grand que la taille moyenne et que Didier est plus petit, il est incorrect de répondre "parce que Jean-Luc a eu une meilleure alimentation, que ses parents sont plus grands, etc... que Didier". La réponse correcte est bien que c'est la loi statistique qui déterminait ton tirage à avoir ce résultat avec une certaine probabilité. L'individualité de Jean-Luc n'a aucune importance ici, Jean-Luc est juste un "x" quelconque du point de vue du statisticien.
Le caractère aléatoire d'un phénomène est donc, dans ce cas, une simple question de point de vue. Au départ, mon premier réflexe aurait été de définir comme aléatoire tout phénomène dont la probabilité se situe entre 0 et 100% (exclus). Mais comme on vient de la voir, un phénomène qui peut sembler aléatoire selon un point de vue devient totalement déterminé (probabilité de 100%) d'un autre point de vue. Je ne me prononcerai pas sur la question de savoir si dans le cas des phénomènes quantiques on a quelque chose du même genre : peut-être que le phénomène nous apparaît aléatoire parce que nous ne voyons pas le phénomène sous le bon angle, mais je n'ai pas les compétences pour discuter de cette question.
_________________
« Un philosophe moderne qui n'a jamais éprouvé le sentiment d'être un charlatan fait preuve d'une telle légèreté intellectuelle que son oeuvre ne vaut guère la peine d'être lue. »
Leszek Kolakowski
- Paul DedalusNeoprof expérimenté
"Jamais un coup de dés n'abolira le hasard"
Vous avez quatre heures.
Vous avez quatre heures.
_________________
«Primus ego in patriam mecum, modo uita supersit. »
Virgile Georgiques.
« Ma science ne peut être qu’une science de pointillés. Je n’ai ni le temps ni les moyens de tracer une ligne continue. »
Marcel Jousse
- LaverdureEmpereur
J'aurais tendance à distinguer le hasard et l'aléatoire. Un événement aléatoire, c'est un événement qui a une probabilité positive ou nulle de survenir, donc un événement pour lequel on peut calculer une probabilité. Il me semble que ce qui relève du hasard, c'est précisément quelque chose que l'on ne peut pas "probabiliser". Je me demande même si on ne peut pas distinguer la survenue de l'événement et la probabilité de l'événement : on sait qu'on a une chance sur 6 d'obtenir n'importe quelle face en lançant un dé non pipé mais le fait d'obtenir 6 plutôt que 4 au prochain lancé relève du hasard, il me semble.
La discussion me fait penser à ce poème de Baudelaire (que je ne connaissais pas jusqu'à récemment) :
"Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,
Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard !"
La discussion me fait penser à ce poème de Baudelaire (que je ne connaissais pas jusqu'à récemment) :
"Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,
Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard !"
_________________
- ZagaraGuide spirituel
Il me semblait avoir entendu qu'à l'échelle quantique on observait des phénomènes réellement hasardeux (au sens d'absence de toute cause ou déterminisme pour les expliquer) ; des physiciens pour préciser ce vague souvenir ?
- User28384Niveau 8
J'aime bien cette définition du hasard : la rencontre de séries causales indépendantes les unes des autres. Le qui coule par exemple !
- LevincentNiveau 9
Zagara a écrit:Il me semblait avoir entendu qu'à l'échelle quantique on observait des phénomènes réellement hasardeux (au sens d'imprédictibles) ; des physiciens pour préciser ce vague souvenir ?
Oui c'est exact. A une certaine échelle, les phénomènes quantiques sont imprédictibles. Ils ne sont néanmoins pas indescriptibles, mais leur description passe par des lois de probabilité. C'est selon moi ce qui correspond à la définition du hasard : le phénomène n'est causé par rien, mais il est néanmoins conditionné (si on entend "cause" par "événement directement antécédent qui produit l'effet en question).
_________________
« Un philosophe moderne qui n'a jamais éprouvé le sentiment d'être un charlatan fait preuve d'une telle légèreté intellectuelle que son oeuvre ne vaut guère la peine d'être lue. »
Leszek Kolakowski
- ParménideNeoprof expérimenté
Levincent : il y a donc deux niveaux, celui de l’évènement pur, et celui de sa représentation par l'outil mathématique. Jean-Luc et Didier ont telles et telles caractéristiques, c'est déterminé par un ensemble de causes.
Mais si l'on fait un tirage au sort à partir d'une liste ou d'un graphique (c'est ce que j'ai compris...), parler de hasard est plus légitime vu qu'on choisit les individus de façon aléatoire. Mais là aussi, le hasard ne semble être qu'illusion... Rien ne dit qu'une cause X n'a pas fait qu'on a choisi les deux individus.
C'est sûrement ce que Spinoza répondrait je crois.
Mais si l'on fait un tirage au sort à partir d'une liste ou d'un graphique (c'est ce que j'ai compris...), parler de hasard est plus légitime vu qu'on choisit les individus de façon aléatoire. Mais là aussi, le hasard ne semble être qu'illusion... Rien ne dit qu'une cause X n'a pas fait qu'on a choisi les deux individus.
C'est sûrement ce que Spinoza répondrait je crois.
_________________
"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
-----------
https://www.babelio.com/monprofil.php
- LevincentNiveau 9
Parménide a écrit:
Mais si l'on fait un tirage au sort à partir d'une liste ou d'un graphique (c'est ce que j'ai compris...), parler de hasard est plus légitime vu qu'on choisit les individus de façon aléatoire.
Dans ce cas, le hasard est supposé dès le départ : on fait un tirage aléatoire (ce qui veut dire qu'on emploie une méthode qui ne favorise a priori aucun choix qui serait du fait du statisticien). Il est donc normal de voir réapparaître le hasard dans le résultat.
Mais ce qu'on appelle hasard dans ce cas n'est rien de plus que le fait de s'être prémuni contre tout processus conscient qui viendrait déterminer a priori le résultat du tirage. Par exemple, si tu écris les noms de la liste sur des balles de ping-pong que tu mets ensuite dans une boîte opaque, et qu'après avoir agité celle-ci tu retires deux balles sans regarder. Le fait que ce soit tel nom qui sort et pas un autre est quelque chose qui ne dépend de la volonté de personne (on suppose qu'il n'y a pas de triche possible). C'est suffisant pour qu'on qualifie cela de "hasard" selon la notion commune. Mais dans ce cas, "hasard" ne signifie rien de plus que cela : la volonté humaine n'est pas intervenue du tout dans la détermination du résultat.
En revanche, si on prend "hasard" au sens strict, comme absence de détermination causale, alors ton tirage est entièrement déterminé par la façon dont tu as mélangé les balles, dont tu as pioché, etc. C'est-à-dire que s'il était possible de répéter les conditions du tirage exactement à l'identique, le résultat serait lui aussi identique. Ce n'est donc pas du hasard au sens strict, au sens métaphysique.
Par contre, si tu fais dépendre ton tirage de la désintégration d'un noyau atomique, il se pourrait bien qu'on ait du vrai hasard...On pourrait même se demander si certains processus cérébraux qui interviennent dans ton tirage (au moment où tu choisis de refermer la main sur une balle, par exemple), ne dépendent pas de ce genre de phénomènes quantiques. Dans ce cas, le tirage serait vraiment aléatoire, à moins d'éliminer tout élément humain du processus (mais est-ce possible à 100% ?).
_________________
« Un philosophe moderne qui n'a jamais éprouvé le sentiment d'être un charlatan fait preuve d'une telle légèreté intellectuelle que son oeuvre ne vaut guère la peine d'être lue. »
Leszek Kolakowski
- SirgabNiveau 4
Il me semble qu'au sens fort, le hasard n'est pas l'absence de causes, mais l'absence d'intention, c'est à dire l'absence de finalité. Quand on dit que le tirage du loto, ou encore l'évolution des espèces, sont dus au hasard, on ne dit pas qu'il n'y a pas de causes matérielles qui conditionnent tout ceci, mais on dit qu'il n'y a pas d'intention derrière.
- ParménideNeoprof expérimenté
Levincent a écrit:Parménide a écrit:A partir du moment où il est question de statistiques (indépendamment de sujets très complexes comme la physique quantique) est ce qu'il ne peut pas y avoir un hasard réel?
Par exemples des études statistique montrant que la taille moyenne des Français est de X cm ne nous donnent-elles pas le droit de penser que si A est plus grand que B, alors le phénomène est hasardeux? Après tout rien n'interdit de penser que l'inverse aurait pu avoir lieu, théoriquement.
Prenons Jean-Luc et Didier. Suppose que tu as une connaissance parfaite de leur code génétique, de leur alimentation, de leur âge, de leur histoire personnelle et de tous les éléments susceptibles de déterminer biologiquement leurs tailles. Si Jean-Luc est plus grand que Didier, cela ne doit rien au hasard, mais à tous ces éléments biologiques. C'est parfaitement déterminé.
Mais est ce qu'il n'y a pas là dedans d'irréductibles éléments de contingence? (à voir d'ailleurs si contingence et hasard sont parfaitement synonymes, ce dont je doute...)
Je veux dire par-là que par exemple mes parents auraient très bien pu donner naissance à être qui aurait d’avantage ressemblé à mon frère qu'à moi... On a là quelque chose de l'ordre du contingent, et donc du possible, aussi..
C'est exactement le même problème qui se pose à propos de certains jeux. Si on prend par exemple le jeu d’échecs, on sait qu'il est défini comme jeu combinatoire abstrait où le hasard n'a pas de rôle.
Or la pratique du jeu n'étant pas parfaite (même les grands maitres font des erreurs...) Le hasard a forcément sa place, au sein même de l'esprit des joueurs. Ou bien sous l'effet d'une cause complètement extérieure. Une mouche qui vole par exemple pourra d’avantage troubler un joueur que l'autre, et ne pas lui faire jouer le meilleur coup possible.
En revanche si deux ordinateurs jouaient l'un contre l'autre peut-être que la question du hasard ne se poserait plus du tout...
C'est un jeu où le hasard n'existe pas à condition qu'il soit joué sous sa forme la plus pure, c'est à dire sans la moindre erreur, et avec toujours le meilleur coup possible. Ce qui est par définition humainement impossible.
Je me suis posé également la question par rapport aux sports physiques : là le rôle du hasard est évident. On anticipe pas le coup de fatigue pour une équipe par exemple, ou le sursaut d'énergie d'une autre, etc...
_________________
"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
-----------
https://www.babelio.com/monprofil.php
- Dr RaynalHabitué du forum
En physique, le hasard existe, il est même à la racine du monde. Il existe au sens d'une indétermination fondamentale de différentes grandeurs physiques, qui n'ont rien à voir avec d'éventuelles "variables cachées".
C'est tout le sen de l'histoire du chat de schrödinger, et de ce que l'on appelle l'indétermination quantique.
Mais, même à notre échelle, cette indétermination existe aussi. Ainsi, lorsque nous ouvrons un peu robinet, l'eau s'écoule selon un flux laminaire : on peut prévoir, calculer les positions successives dans le jet. Si le débit augmente, il devient turbulent, trop de paramètres entrent en compte, et on ne peut plus prévoir : cette indétermination, c'est un hasard.
Toutefois, une accumulation de comportements "hasardeux" peut donner lieu à un phénomène parfaitement déterminé. Et heureusement pour nous !
C'est tout le sen de l'histoire du chat de schrödinger, et de ce que l'on appelle l'indétermination quantique.
Mais, même à notre échelle, cette indétermination existe aussi. Ainsi, lorsque nous ouvrons un peu robinet, l'eau s'écoule selon un flux laminaire : on peut prévoir, calculer les positions successives dans le jet. Si le débit augmente, il devient turbulent, trop de paramètres entrent en compte, et on ne peut plus prévoir : cette indétermination, c'est un hasard.
Toutefois, une accumulation de comportements "hasardeux" peut donner lieu à un phénomène parfaitement déterminé. Et heureusement pour nous !
- ParménideNeoprof expérimenté
Dr Raynal a écrit:En physique, le hasard existe, il est même à la racine du monde. Il existe au sens d'une indétermination fondamentale de différentes grandeurs physiques, qui n'ont rien à voir avec d'éventuelles "variables cachées".
C'est tout le sen de l'histoire du chat de schrödinger, et de ce que l'on appelle l'indétermination quantique.
Mais, même à notre échelle, cette indétermination existe aussi.
A notre échelle, réellement?
Mais c'est peut-être un point de vue que les philosophes contestent. Si certains pensent que le pur indéterminisme relève du niveau quantique, et n'en sort pas.
_________________
"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
-----------
https://www.babelio.com/monprofil.php
- LevincentNiveau 9
Dr Raynal a écrit:
Mais, même à notre échelle, cette indétermination existe aussi. Ainsi, lorsque nous ouvrons un peu robinet, l'eau s'écoule selon un flux laminaire : on peut prévoir, calculer les positions successives dans le jet. Si le débit augmente, il devient turbulent, trop de paramètres entrent en compte, et on ne peut plus prévoir : cette indétermination, c'est un hasard.
Ici encore, le sens qu'on donne aux mots est important. Si on parle du point de vue du physicien, le hasard est ce qui échappe au déterminisme. Or, la turbulence en mécanique des fluides est un phénomène entièrement déterminé. Elle n'est pas aléatoire, elle est chaotique, ce qui signifie que le système qu'on considère est extrêmement sensible aux conditions initiales. Dans un système chaotique, si l'on répète deux fois la même expérience en partant de conditions initiales extrêmement proches (aussi proches que nous le permettent la précision de nos instruments, c'est-à-dire, de toutes les manières, pas strictement égales), le système ne va pas du tout évoluer de la même manière dans les deux cas. On observera des divergences importantes, en raison de l'écart (même très petit) entre les conditions initiales. Mais le système n'en reste pas moins entièrement déterministe, donc non aléatoire. Dans l'hypothèse où on connaîtrait avec une précision infinie les conditions de départ, on pourrait théoriquement prévoir l'évolution du système.
Ce qui est intéressant, c'est que le chaos est en fait organisé. Si l'on représente sur un diagramme les états successifs par lesquels le système passe, on verra apparaître des motifs caractéristiques. C'est l'ordre dans le chaos. Ci-dessous, l'attracteur (étrange) de Lorenz : certains états du système dynamique chaotique semblent "attirés" de manière à former cette structure.
Ci-dessous, le double pendule, autre système chaotique déterministe :
Notez qu'il existe des chaos non-déterministes.
_________________
« Un philosophe moderne qui n'a jamais éprouvé le sentiment d'être un charlatan fait preuve d'une telle légèreté intellectuelle que son oeuvre ne vaut guère la peine d'être lue. »
Leszek Kolakowski
- Dr RaynalHabitué du forum
Tout à fait d'accord, mais dans l'acception générale du terme, on ne discerne pas le chaotique du hasard, les deux se confondent dans l'imprévisible.
Et oui, à notre échelle, cette indétermination existe : il suffit d'allumer une radio entre deux stations, le bruit de fond est lié au hasard. :aaq:
Et oui, à notre échelle, cette indétermination existe : il suffit d'allumer une radio entre deux stations, le bruit de fond est lié au hasard. :aaq:
- ParménideNeoprof expérimenté
Dr Raynal a écrit:
Et oui, à notre échelle, cette indétermination existe : il suffit d'allumer une radio entre deux stations, le bruit de fond est lié au hasard. :aaq:
Mais on peut toujours objecter que ce que nous attribuons au hasard n'est que le fruit de notre incapacité à expliquer un phénomène. Et là, c'est un combat sans fin entre déterministes et ceux qui sont partisans d'une marge d'aleatoire au sein même de la nature.
Je suppose que c'est un débat qu'on ne peut pas trancher de façon absolue
_________________
"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
-----------
https://www.babelio.com/monprofil.php
- Call_BB5ANiveau 5
Le hasard n'est que notre incapacité personnelle à établir un résultat futur. Cette incapacité peut être intellectuelle ou physique.
On évoque souvent la mécanique quantique pour parler de phénomène aléatoire. Mais on oublie que c'est avant tout, une théorie. Et qu'elle subira sans doute le même sort que les précédentes en étant remplacée, d'autant plus que rien actuellement ne vient infirmer que tout dans l'univers pourrait être prédéterminé.
L'autre point important, c'est ce "futur". Depuis plus d'un siècle on sait que le temps est une notion relative. Et que du point de vue de deux observateurs, le futur de l'un peut être le passé de l'autre. Peut-on parler de hasard quand un observateur ne voit pas encore le résultat d'un lancer de dé, quand l'autre connaît déjà le résultat de ce lancer ? Doit-on définir le hasard comme une notion relative ou absolue ?
On évoque souvent la mécanique quantique pour parler de phénomène aléatoire. Mais on oublie que c'est avant tout, une théorie. Et qu'elle subira sans doute le même sort que les précédentes en étant remplacée, d'autant plus que rien actuellement ne vient infirmer que tout dans l'univers pourrait être prédéterminé.
L'autre point important, c'est ce "futur". Depuis plus d'un siècle on sait que le temps est une notion relative. Et que du point de vue de deux observateurs, le futur de l'un peut être le passé de l'autre. Peut-on parler de hasard quand un observateur ne voit pas encore le résultat d'un lancer de dé, quand l'autre connaît déjà le résultat de ce lancer ? Doit-on définir le hasard comme une notion relative ou absolue ?
- Dr Jones' AppleNiveau 5
Depuis beaucoup plus d'un siècle on sait que le futur de l'un peut être le passé de l'autre :lol:Call_BB5A a écrit:Depuis plus d'un siècle on sait que le temps est une notion relative. Et que du point de vue de deux observateurs, le futur de l'un peut être le passé de l'autre. Peut-on parler de hasard quand un observateur ne voit pas encore le résultat d'un lancer de dé, quand l'autre connaît déjà le résultat de ce lancer ? Doit-on définir le hasard comme une notion relative ou absolue ?
Merci Parménide pour ce sujet qui est sujet à subjectivité relativement relative (à quoi d'ailleurs ?!?)...
Page 1 sur 4 • 1, 2, 3, 4
- Je suis la prof qui n'existe pas d'une classe qui n'existe pas !
- Absurdités : A Créteil, des stagiaires doivent s'inscrire à un "AEU Stagiaire" qui n'existe pas ou à un DU Stagiaire qui n'existe pas encore.
- A tout hasard, Astérix...
- Séquence Le Jeu de l'amour et du hasard
- Le Jeu de l'Amour et du Hasard ou L'île des Esclaves ?
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum