Qu'entendez-vous par "culture" ?

Je m'aventure sur d'autres plates-bandes que les miennes mais une question me taraude, que je vais essayer de formuler.

Je réduis la question à notre fonction d'enseignant dans un premier temps: que qualifiez-vous de "culture" ? Arrivez-vous à délimiter ce terme ? Par exemple, pensez-vous que la culture doive recouvrir un certain nombre d'items à cocher, au sens où l'on pourrait mesurer un "niveau culturel" comme on mesure le niveau de l'eau ? Faites-vous des subdivisions que vous devez requalifier et catégoriser (la culture littéraire, la culture historique, la culture mathématique...) ?

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Une question ou plusieurs, finalement.
Désolée d'avance pour le côté plus qu'approximatif des questions.

l'art de se servir de ses connaissances pour réfléchir : plus les connaissances sont étendues, plus l'art de s'en servir permet de réfléchir plus loin et plus précis

laisse tomber le "socle commun" ...

Alors j'en dirai davantage plus tard, parce qu'il y a trop de boulot pour beaucoup développer, mais il me semble que l'erreur naturelle, lorsqu'on réfléchit sur la culture, c'est de la penser d'abord en termes de savoirs ou de connaissances, alors que ce n'est pas central (je ne dis pas que ça n'est pas essentiel au concept: ça l'est; mais ce n'est pas central). La culture relève avant tout du goût. Pour que nous soyons cultivés, il ne suffit pas que nous sachions un grand nombre de choses; il faut en outre que ce que nous savons se diffuse dans nos dilections.

Kroeber et Kluckhohn ont relevé plus de 200 définitions de la culture, en proposer une seule est assez délicat. Il y a un très bon petit livre sur le sujet, que j'utilisais pour les concours et que j'utilise pour mes propres cours : La notion de culture dans les sciences sociales, Denys Cuche, Ed. La découverte, Coll. Grands repères.

Oui mais attention, le concept de "culture" tel que les sciences sociales l'emploient, c'est homonyme du concept classique et courant de culture. Vers 1930 Aron notait encore que c'était, du moins en français, un néologisme importé des States. C'est une acception technique qui tend à l'hégémonie aujourd'hui, mais qu'on peut entièrement laisser de côté dans ce fil.

Je vois. Cela dit, le livre propose une approche "historique" de la chose et montre comment le terme et son emploi évoluent depuis le XVIIIème siècle.

Je trouve ce qu'écrit PY très juste. Quand on parle de "culture", une des racines qui vient à l'esprit du latiniste est sans doute celle de studium qui, au pluriel, peut signifier "les belles lettres" au sens de "culture littéraire" (de même, studere peut signifier "s'instruire"). Or studium, c'est surtout le goût que l'on éprouve pour quelque chose. Cela signifie bien plus la passion pour l'étude que l'étude même.

Laverdure a écrit:Je vois. Cela dit, le livre propose une approche "historique" de la chose et montre comment le terme et son emploi évoluent depuis le XVIIIème siècle.

Bon, je dis ça, mais il faut bien reconnaître que la question d'une éventuelle prise en charge du concept ordinaire de culture à partir des théories mobilisant le concept ethnologique de culture est une question qui se pose au moins dans la mesure où des théories existent qui affichent de telles ambitions (on pourrait dire de Bourdieu qu'il a, d'une certaine façon, voulu expliquer ou, du moins, décrire la culture comme si c'était une culture).

Salut.
C'est le fait de faire pousser des plantes pour les boulotter.

Dimka a écrit:Salut.
C'est le fait de faire pousser des plantes pour les boulotter.

Et la façon de les cuisiner avant de les boulotter, cela relève encore de la culture.

Non, ça c'est une perte de temps.

Dans le centre commercial Leclerc de Château-du-Loir il y a un endroit qui s'appelle : "espace culturel".
La culture, c'est ce qu'on ne peut pas mettre en "espace" dans un centre commercial.

La culture, c'est comme la confiture?

Je pense surtout à un problème de digestion. Sans rire.

Je reformule donc : la coutume veut que l'on réponde "c'est ce qui reste quand on a tout oublié".
J'élargis : mais à quoi sert ce reste dans le concret de la vie d'aujourd'hui ?

Définition en éthologie : les pratiques et mentalités que des individus ont en héritage sans qu'elles soient liées aux instincts ou à la génétique.

Ainsi l'usage de pierres ou de bâtons par les chimpanzés pour casser des noix sont des techniques culturelles, puisqu'elles varient selon les tribus (tant dans le choix des outils, la manière de les utiliser ou le lieu choisi pour casser la noix) et se transmettent par observation et imitation. Ainsi un grand nombre d'espèces de grands singes sont dotés de cultures.

Partant de cette définition, la culture correspond à toutes les pratiques et mentalités qui se transmettent dans un groupe animal de manière empirique. Je trouve cette définition performante.

Tem-to a écrit:Je reformule donc : la coutume veut que l'on réponde "c'est ce qui reste quand on a tout oublié".

Ça tout le monde le sait.

J'élargis : mais à quoi sert ce reste dans le concret de la vie d'aujourd'hui ?

Ce n'est pas la question d'Ergo qui a posté dans Philosophie. Elle demande une définition.
Si je me trompe, je ne lui en voudrai pas de rectifier.

Edit : merci Zagara.

Vive le pragmatisme !

Thalia : bah oui, j'ai parlé de coutume.

Zagara a écrit:Définition en éthologie : les pratiques et mentalités que des individus ont en héritage sans qu'elles soient liées aux instincts ou à la génétique.

Ainsi l'usage de pierres ou de bâtons par les chimpanzés pour casser des noix sont des techniques culturelles, puisqu'elles varient selon les tribus (tant dans le choix des outils, la manière de les utiliser ou le lieu choisi pour casser la noix) et se transmettent par observation et imitation. Ainsi un grand nombre d'espèces de grands singes sont dotés de cultures.

Partant de cette définition, la culture correspond à toutes les pratiques et mentalités qui se transmettent dans un groupe animal de manière empirique. Je trouve cette définition performante.

C'est peu ou prou la définition retenue par les sciences sociales (mes professeurs de socio citaient celle du sociologue Guy Rocher : "un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte") mais il semblerait qu'Ergo cherche une définition plus proche de ce qu'est être cultivé.

"Être cultivé" dépend du milieu dans lequel on évolue. Suivant le groupe social, on mobilise des connaissances, pratiques et attitudes différentes pour se faire bien voir. C'est de l'ingénierie sociale, de l'entregent, qui permet de se constituer un carnet d'adresses ou des bonnes relations afin de les réactiver plus tard. Une "culture" relative, qui doit plaire au public auquel on s'adresse. Face à des bourgeois faut parler des grands classiques, face à des gauchistes on discute vertus comparées des mouvements sociaux, face à des gamers on parle des stratégies vidéoludiques futures de Blizzard... Tout cela se vaut en honneur (ou plutôt en perte de temps). Les Américains appellent ça du "small talk" ; on peut l'appeler de la répartie appropriée. C'est une facette minable de la vie sociale que je n'aime pas.

DesolationRow a écrit:Je trouve ce qu'écrit PY très juste. Quand on parle de "culture", une des racines qui vient à l'esprit du latiniste est sans doute celle de studium qui, au pluriel, peut signifier "les belles lettres" au sens de "culture littéraire" (de même, studere peut signifier "s'instruire"). Or studium, c'est surtout le goût que l'on éprouve pour quelque chose. Cela signifie bien plus la passion pour l'étude que l'étude même.

Je suis d'accord, pour moi il faut aussi revenir à l'étymologie, le verbe colere, qui a un sens très concret au départ, et évoque le processus par lequel on fait pousser des végétaux dans les champs / on élève des animaux. Bref, la culture c'est pour moi, pas seulement "l'ensemble des choses que l'on connaît et qui forgent notre pensée", mais aussi cette appétence que l'on a pour développer ladite pensée, enfanter de la réflexion comme un agriculteur engendre des céréales, par exemple.

Zagara a écrit:(...) Face à des bourgeois faut parler des grands classiques, face à des gauchistes on discute vertus comparées des mouvements sociaux, face à des gamers on parle des stratégies vidéoludiques futures de Blizzard... Tout cela se vaut en honneur (ou plutôt en perte de temps). Les Américains appellent ça du "small talk" ; on peut l'appeler de la répartie appropriée. C'est une facette minable de la vie sociale que je n'aime pas.

La culture, quelle qu'elle soit, admet-elle les jugements de valeurs ?

Je suis d'accord avec Zagara : être cultivé renvoie à ce que l'on sait, ce que l'on a appris, ce que l'on a intériorisé et incorporé. Les connaissances, les pratiques sociales, les goûts et autres dispositions sont des éléments de la culture que l'on mobilise dans différentes situations, selon un certain habitus (pour reprendre la terminologie bourdieusienne) et qui nous caractérisent.
La culture relative à laquelle tu fais référence est ce qu'on peut appeler une sous-culture. Une question qui se pose pourrait alors être : la culture ou une culture ?

Tem-To : en théorie, non (quoique l'on ne puisse pas pousser le relativisme culturel à l'extrême). Mais je reconnais que je suis assez sensible au discours sur une culture reconnue comme légitime.

Fires of Pompeii a écrit:

DesolationRow a écrit:Je trouve ce qu'écrit PY très juste. Quand on parle de "culture", une des racines qui vient à l'esprit du latiniste est sans doute celle de studium qui, au pluriel, peut signifier "les belles lettres" au sens de "culture littéraire" (de même, studere peut signifier "s'instruire"). Or studium, c'est surtout le goût que l'on éprouve pour quelque chose. Cela signifie bien plus la passion pour l'étude que l'étude même.

Je suis d'accord, pour moi il faut aussi revenir à l'étymologie, le verbe colere, qui a un sens très concret au départ, et évoque le processus par lequel on fait pousser des végétaux dans les champs / on élève des animaux. Bref, la culture c'est pour moi, pas seulement "l'ensemble des choses que l'on connaît et qui forgent notre pensée", mais aussi cette appétence que l'on a pour développer ladite pensée, enfanter de la réflexion comme un agriculteur engendre des céréales, par exemple.

Bon, moi comme d'hab' je suis d'accord avec ce que tu écris, FoP. 
Mais il faut absolument que tu me présentes un agriculteur qui engendre des céréales.