- CondorcetOracle
bernardo a écrit:Condorcet a écrit:Ce n'est pas la composition de la sonate qui est en cause mais le fait de l'utiliser comme un habitus, à des fins discriminantes. Et le fait de ne pas les connaître dans un certain cadre et certaines circonstances fait littéralement perdre la face. Certaines instances de légitimation visent justement à vérifier l'adhésion à la culture légitime (celles qui conduisent à la noblesse d'Etat par exemple).
Mais ça c'est le fait de quelqu'un de snob, pas de quelqu'un de cultivé, non ?
C'est le fait d'un régime de vérité où la culture légitime est (était ?) imposée comme ressort de la distinction.
- bernardoFidèle du forum
Laverdure a écrit:@Bernardo : La violence symbolique vient de ce que la sonate est imposée comme la seule forme de bonne musique (l'imposition relevant d'un travail de légitimation réalisée par les classes dominantes).
Est-ce que tu estimes, par exemple, que les professeurs (qui valorisent les sonates par exemple) participent à ce "travail de légitimation" ? Pourtant, je ne me sens pas appartenir à une "classe dominante" ...
_________________
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
- ZagaraGuide spirituel
Dialectique gramscienne : c'est parce que des parties des classes dominées adhèrent à et propagent l'idéologie/la culture/les pratiques des classes dominantes que les sociétés inégalitaires et injustes tiennent (plus que par leur arsenal coercitif).bernardo a écrit:Laverdure a écrit:@Bernardo : La violence symbolique vient de ce que la sonate est imposée comme la seule forme de bonne musique (l'imposition relevant d'un travail de légitimation réalisée par les classes dominantes).
Est-ce que tu estimes, par exemple, que les professeurs (qui valorisent les sonates par exemple) participent à ce "travail de légitimation" ? Pourtant, je ne me sens pas appartenir à une "classe dominante" ...
Là où c'est le plus criant, c'est dans les sociétés coloniales.
- LaverdureEmpereur
@Bernardo : Si on suit Bourdieu, oui, les professeurs et l'école participent à ce travail de légitimation : tu ferais étudier Marc Lévy à tes élèves ? Mais la famille et le groupe social d'appartenance également : ce sont eux qui transmettent la culture et la capital culturel aux enfants.
EDIT : oui, Zagara (tu as été plus rapide), c'est la bonne volonté culturelle des franges dominées qui adhèrent à cette hiérarchisation qui permet, entre autres, la reproduction de ladite hiérarchisation.
EDIT : oui, Zagara (tu as été plus rapide), c'est la bonne volonté culturelle des franges dominées qui adhèrent à cette hiérarchisation qui permet, entre autres, la reproduction de ladite hiérarchisation.
_________________
- ZagaraGuide spirituel
Ha là là les sciences sociales ces matières de sales gauchistes !
- bernardoFidèle du forum
Condorcet a écrit:bernardo a écrit:Condorcet a écrit:Ce n'est pas la composition de la sonate qui est en cause mais le fait de l'utiliser comme un habitus, à des fins discriminantes. Et le fait de ne pas les connaître dans un certain cadre et certaines circonstances fait littéralement perdre la face. Certaines instances de légitimation visent justement à vérifier l'adhésion à la culture légitime (celles qui conduisent à la noblesse d'Etat par exemple).
Mais ça c'est le fait de quelqu'un de snob, pas de quelqu'un de cultivé, non ?
C'est le fait d'un régime de vérité où la culture légitime est (était ?) imposée comme ressort de la distinction.
Mais ne proposes-tu pas un contre-régime de vérité en faisant de la culture un outil au service du pouvoir ?
Je peux comprendre que l'art sous Staline était instrumentalisé au service du pouvoir mais ... dans une démocratie, est-ce que ce n'est pas un peu excessif ?
_________________
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
- User17706Bon génie
OK Zagara, j'y reviendrai, mais j'ai aussi posé quelques questions dont je me demande si elles trouvent réponse pour l'instant.
Par exemple celle sur l'éventuelle absence totale de signification du terme "inculte". (Certes, d'un point de vue qui neutralise toute hiérarchie à des fins d'étude, il n'y a d'inculte que relativement à telle ou telle hiérarchisation culturelle que l'on n'adopte pas, c'est une évidence: mais ça n'équivaut pas à une thèse sur la notion de culture, c'est juste une façon de reformuler un parti-pris méthodologique par ailleurs recommandable ou plutôt indispensable dans le cadre d'une recherche sociologique.)
Cela dit, j'aurais bien du mal à m'opposer à ton dernier message puisqu'en gros c'est le propos même que je soutiens depuis le départ (savoir qu'il est impossible de réduire entièrement l'analyse du goût et de l'art une série de phénomènes de snobisme --- j'utilise ce terme pour faire vite). Que ces phénomènes jouent un rôle considérable dans notre vie et soient susceptibles d'influencer, potentiellement, n'importe lequel de nos jugements esthétiques non triviaux, pas un instant il n'est question de le nier.
Par exemple celle sur l'éventuelle absence totale de signification du terme "inculte". (Certes, d'un point de vue qui neutralise toute hiérarchie à des fins d'étude, il n'y a d'inculte que relativement à telle ou telle hiérarchisation culturelle que l'on n'adopte pas, c'est une évidence: mais ça n'équivaut pas à une thèse sur la notion de culture, c'est juste une façon de reformuler un parti-pris méthodologique par ailleurs recommandable ou plutôt indispensable dans le cadre d'une recherche sociologique.)
Cela dit, j'aurais bien du mal à m'opposer à ton dernier message puisqu'en gros c'est le propos même que je soutiens depuis le départ (savoir qu'il est impossible de réduire entièrement l'analyse du goût et de l'art une série de phénomènes de snobisme --- j'utilise ce terme pour faire vite). Que ces phénomènes jouent un rôle considérable dans notre vie et soient susceptibles d'influencer, potentiellement, n'importe lequel de nos jugements esthétiques non triviaux, pas un instant il n'est question de le nier.
- CondorcetOracle
@ Bernardo. En quelque sorte. Les professeurs en eux-mêmes n'appartiennent pas pour la plupart à une classe dominante mais ils contribuent à ce travail de légitimation (Viala ou Dubois l'ont très bien montré pour l'oeuvre littéraire). Les professeurs appartiennent en grande partie à la classe moyenne qui présente la plus grande proportion de profils dissonants (adorer Proust et écouter de la musique pop par exemple). Faut-il en avoir honte et en battre sa coulpe pour autant ? Je ne le pense pas car ils sont fondés, en tant que passeurs, à initier leurs élèves à d'autres horizons d'attente que ceux dont ils sont familiers. En revanche, il faut (selon moi) être attentif à ce que la culture légitime ne devienne pas un alibi pour cantonner les uns dans des situations sociales inextricables et humiliantes tandis que les autres (une petite élite) bénéficieraient d'une rente de situation due à sa capacité à comprendre ce qui échappe (momentanément) aux premiers. La culture doit rester une fenêtre ouverte sur le monde et non une porte d'entrée dont les huis grincent avec plus ou moins de facilité selon les impétrants.
- User17706Bon génie
Ben je suis probablement beaucoup plus gauchiste que vous tous mis ensemble, et pourtant...
- LaverdureEmpereur
PauvreYorick a écrit:Ben je suis probablement beaucoup plus gauchiste que vous tous mis ensemble, et pourtant...
Que moi, sans doute . Encore que depuis que je suis enseignant, je dois faire un travail de recomposition de mes préférences politiques qui me laisse perplexe.
_________________
- ZagaraGuide spirituel
Je suis honorée d'être de la même opinion que le grand ours de la philosophie.PauvreYorick a écrit:OK Zagara, j'y reviendrai, mais j'ai aussi posé quelques questions dont je me demande si elles trouvent réponse pour l'instant.
Par exemple celle sur l'éventuelle absence totale de signification du terme "inculte". (Certes, d'un point de vue qui neutralise toute hiérarchie à des fins d'étude, il n'y a d'inculte que relativement à telle ou telle hiérarchisation culturelle que l'on n'adopte pas, c'est une évidence: mais ça n'équivaut pas à une thèse sur la notion de culture, c'est juste une façon de reformuler un parti-pris méthodologique par ailleurs recommandable ou plutôt indispensable dans le cadre d'une recherche sociologique.)
Cela dit, j'aurais bien du mal à m'opposer à ton dernier message puisqu'en gros c'est le propos même que je soutiens depuis le départ (savoir qu'il est impossible de réduire entièrement l'analyse du goût et de l'art une série de phénomènes de snobisme --- j'utilise ce terme pour faire vite). Que ces phénomènes jouent un rôle considérable dans notre vie et soient susceptibles d'influencer, potentiellement, n'importe lequel de nos jugements esthétiques non triviaux, pas un instant il n'est question de le nier.
- User17706Bon génie
C'est parce qu'en fait je suis un gorille dans une peau d'ours, moi aussi j'ai dû changer de classe
Bon, sur ces questions qui me titillent, il y a plein de trucs encore.
Condorcet: "régime de vérité"? Expression qui fleure bon son Détienne et son Foucault. Mais est-ce un concept utilisable ?
Bon, sur ces questions qui me titillent, il y a plein de trucs encore.
Condorcet: "régime de vérité"? Expression qui fleure bon son Détienne et son Foucault. Mais est-ce un concept utilisable ?
- bernardoFidèle du forum
Je ne me reconnais pas dans ces définitions sociologiques des professeurs. Il y a des cadres de pensées, des courants et conflits divers, c'est évident. Mais y mêler de façon aussi schématique les oeuvres d'art me semble assez réducteur. Je suis certain qu'on peut définir la culture (au sens courant) en dehors d'une problématique sociologique ou politique. La notion d'universalité, évoquée plus haut, devrait être utile.
_________________
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
- LaverdureEmpereur
Condorcet a écrit:@ Bernardo. En quelque sorte. Les professeurs en eux-mêmes n'appartiennent pas pour la plupart à une classe dominante mais ils contribuent à ce travail de légitimation (Viala ou Dubois l'ont très bien montré pour l'oeuvre littéraire). Les professeurs appartiennent en grande partie à la classe moyenne qui présente la plus grande proportion de profils dissonants (adorer Proust et écouter de la musique pop par exemple). Faut-il en avoir honte et en battre sa coulpe pour autant ? Je ne le pense pas car ils sont fondés, en tant que passeurs, à initier leurs élèves à d'autres horizons d'attente que ceux dont ils sont familiers. En revanche, il faut (selon moi) être attentif à ce que la culture légitime ne devienne pas un alibi pour cantonner les uns dans des situations sociales inextricables et humiliantes tandis que les autres (une petite élite) bénéficieraient d'une rente de situation due à sa capacité à comprendre ce qui échappe (momentanément) aux premiers. La culture doit rester une fenêtre ouverte sur le monde et non une porte d'entrée dont les huis grincent avec plus ou moins de facilité selon les impétrants.
+1. Que c'est bien dit !
_________________
- User17706Bon génie
Oui, Condorcet a de la plume
D'ailleurs, c'est l'un de ses principaux outils pour nous terroriser culturellement
D'ailleurs, c'est l'un de ses principaux outils pour nous terroriser culturellement
- CondorcetOracle
PY : mes références sont un peu datées. Une petite mise à jour s'impose ! Je vous admire tous, en particulier Zagara dans les fils politiques qui parvient à rendre la candidature de Jean-Luc Mélenchon plus intelligente qu'elle ne l'est.
- LaverdureEmpereur
PauvreYorick a écrit:Oui, Condorcet a de la plume
D'ailleurs, c'est l'un de ses principaux outils pour nous terroriser culturellement
Toi, non PY : tu es sauvé depuis longtemps
_________________
- User17706Bon génie
Un ami et collègue prof des écoles, qui connaît mieux ces questions que moi, m'a d'ailleurs dit il n'y a pas longtemps que j'étais le seul exemple à lui connu de "consonant". Il paraît que c'est rare.
(J'ai pourtant fait des efforts absolument considérables pour dissonner, mais y'a pas, je finis toujours par retomber dans Beethoven ou Wagner tel l'addict dans le crack ou l'héroïne.)
(J'ai pourtant fait des efforts absolument considérables pour dissonner, mais y'a pas, je finis toujours par retomber dans Beethoven ou Wagner tel l'addict dans le crack ou l'héroïne.)
- bernardoFidèle du forum
Condorcet a écrit:@ Bernardo. En quelque sorte. Les professeurs en eux-mêmes n'appartiennent pas pour la plupart à une classe dominante mais ils contribuent à ce travail de légitimation (Viala ou Dubois l'ont très bien montré pour l'oeuvre littéraire). Les professeurs appartiennent en grande partie à la classe moyenne qui présente la plus grande proportion de profils dissonants (adorer Proust et écouter de la musique pop par exemple). Faut-il en avoir honte et en battre sa coulpe pour autant ? Je ne le pense pas car ils sont fondés, en tant que passeurs, à initier leurs élèves à d'autres horizons d'attente que ceux dont ils sont familiers. En revanche, il faut (selon moi) être attentif à ce que la culture légitime ne devienne pas un alibi pour cantonner les uns dans des situations sociales inextricables et humiliantes tandis que les autres (une petite élite) bénéficieraient d'une rente de situation due à sa capacité à comprendre ce qui échappe (momentanément) aux premiers. La culture doit rester une fenêtre ouverte sur le monde et non une porte d'entrée dont les huis grincent avec plus ou moins de facilité selon les impétrants.
"humiliant" revient beaucoup : il faudrait ouvrir un autre débat sur cette humiliation supposée. Le sentiment d'humiliation est subjectif. Est-ce que je suis fondé à parler de l'humiliation de l'autre ? Est-ce que ce n'est pas à lui de se prononcer librement ? N'est-ce pas aussi un filtre "bourgeois" que de voir le "misérable" chez un homme qui se voit peut-être … autrement ?
_________________
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
- CondorcetOracle
PY : tu m'obliges à sortir de ma sieste devant X-Files.
- User17706Bon génie
Oh, je ne sais pas si c'est systématique, mais l'humiliation culturelle ça existe, nul doute, et de façon plus que marginale!
- LaverdureEmpereur
@Bernardo : Je crois en effet que l'on peut voir dans ces théories une tendance misérabiliste qui a donné lieu à des travaux de sociologie de la culture visant à montrer que, en quelque sorte, "la culture du pauvre (ou du dominé) n'est pas une culture pauvre" (je autant de guillemets que vous voulez).
_________________
- CondorcetOracle
@ Bernardo : les travaux de Richard Hoggart ou d'Erving Goffman étayent ce sentiment d'humiliation. "La culture du pauvre" est une très mauvaise traduction (haro sur les Editions de Minuit) de l'ouvrage de Richard Hoggart qui ne s'inscrit pas du tout dans une veine misérabiliste. Au contraire, il tente de concilier une approche autobiographique et un regard scientifique sur le rapport à la domination, la condition ouvrière et à la culture populaire, à sa position de transfuge (passé d'un milieu ouvrier à un milieu universitaire).
- bernardoFidèle du forum
Je refuse qu'on me dise que j'humilie les élèves parce que je leur explique que Proust c'est mieux que Marc Levy (en supposant que je réponde à un élève qui me soutient le contraire).
Il n'y a humiliation que s'il y a volonté d'humilier (et tout est bon à prendre alors, pas seulement la culture) et que cela est reçu comme une humiliation.
Je n'ai pas cette volonté d'humilier et je trouve ces théories un peu exagérées.
Il n'y a humiliation que s'il y a volonté d'humilier (et tout est bon à prendre alors, pas seulement la culture) et que cela est reçu comme une humiliation.
Je n'ai pas cette volonté d'humilier et je trouve ces théories un peu exagérées.
_________________
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
- ZagaraGuide spirituel
Je ne suis pas d'accord avec ça, c'est même souvent le sens de la violence symbolique : une violence impersonnelle dont l'auteur n'a souvent même pas conscience.bernardo a écrit:Je refuse qu'on me dise que j'humilie les élèves parce que je leur explique que Proust c'est mieux que Marc Levy (en supposant que je réponde à un élève qui me soutient le contraire).
Il n'y a humiliation que s'il y a volonté d'humilier (et tout est bon à prendre alors, pas seulement la culture) et que cela est reçu comme une humiliation.
Je n'ai pas cette volonté d'humilier et je trouve ces théories un peu exagérées.
- Quels ouvrages conseilleriez-vous sur la culture américaine ?
- France Culture : connaissez-vous l'émission Grantanfi, consacrée à l'enseignement supérieur ?
- Sujet de l'épreuve de Culture générale et expression BTS 2018
- Profs d'histoire : France info vous enjoint de cesser d'enseigner "la culture thaïlandaise" dans le secondaire !
- Education et culture selon Michel Onfray (France Culture 15.08.14)
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum