- ipomeeGuide spirituel
Mais oui, la réflexion des ados de 3e est souvent intéressante et ils ont le goût naissant de la discussion et de la confrontation des arguments. Et dire que tout cela est négligé dans les programmes.
- JaneMonarque
Tout à fait d'accord.
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"Il n'est pas une vérité qui ne porte avec elle son amertume." (A. Camus)
- User17706Bon génie
J'ai l'impression que nous nous retrouvons dans la situation de confusion que j'ai tâché d'indiquer à gros traits hier.
Je ne pense pas du tout qu'il soit possible de réfléchir utilement sur la notion de culture si l'on omet de bien remarquer, au commencement, que le terme a deux acceptions très différentes, l'une ancienne et courante et l'autre très récente et technique (je peux chercher la citation d'Aron qui témoigne de son introduction récente dans la langue, si vous voulez).
Le concept ancien (qui est aussi le concept ordinaire et courant) donne l'adjectif "cultivé", alors que le concept récent et technique ne donne aucun adjectif comparable (il partage en revanche avec l'autre "culturel" qui manifeste la même polysémie).
Laverdure puis Zagara ont rappelé en gros (Zagara allant même jusqu'à faire état d'une extension éthologique du concept) en quoi consiste le concept récent et technique. (C'est celui qu'on retrouve par exemple dans les oppositions de type nature/culture et c'est implicitement sur cette opposition que, négativement, le concept éthologique de "culture" est défini dans la définition qui a été donnée.)
Mais le concept ordinaire (la "culture" de l'homme cultivé) ne fonctionne pas du tout comme ça. L'opposition à la nature ne le définit pas et ne le structure même pas. Surtout, le concept ordinaire implique et impose qu'un individu peut être plus ou moins cultivé, ce qui signifie que contrairement au concept technique, le concept ordinaire comporte une dimension intrinsèquement évaluative et hiérarchique.
Evidemment cela froisse un certain nombre de nos préjugés (attention, je ne dis pas que ces préjugés soient nécessairement des erreurs), ce qui, probablement, explique le fait que le concept technique, qui est dépourvu de toute dimension hiérarchique et axiologique (les Gaulois n'ont pas moins leur culture que les Romains, et il n'a guère de sens de vouloir classer les cultures quand on se borne au sens socio-anthropologique du terme), ait connu récemment plus de succès, au point que c'est --- de manière en somme très très étrange --- à lui que l'on pense parfois directement lorsqu'on lit le mot de culture.
Evidemment ce réflexe récent est encouragé et dans une certaine mesure justifié par une analyse sociologique de la culture (sens courant) en termes de culture (sens technique), c'est-à-dire une analyse qui tend à suggérer que les préférences de (p. ex.) la bourgeoisie ou (p. ex. toujours) des Romains s'expliquent non en termes d'accaparement de biens objectivement supérieurs (alors que c'est ce qui se produit pour les terres cultivables), mais en termes de contingences "culturelles" comparables à celles qui font privilégier un tam-tam vertical comme le tabla à un tam-tam horizontal comme le pakhawaj (je suppose pour les besoins de la démonstration qu'il n'y a aucune hiérarchie à faire entre les deux, pas davantage qu'entre, p. ex., le violon et le violoncelle, leurs usages étant simplement différents).
Ce type de réflexe se heurte néanmoins à d'autres préjugés. Par exemple celui qui susurre qu'une "culture" (sens technique) qui proscrit le sacrifice humain peut être jugée à cet égard supérieure à une "culture" (sens technique toujours) qui l'inclut et le pratique: c'était une coutume gauloise dont les Romains nous ont apparemment débarrassés (j'attends confirmation des historiens qui savent certainement bien mieux que moi si et dans quelle mesure c'est vrai).
Mais, bref, nous avons bien du mal, aujourd'hui, à assumer tout à fait le concept ordinaire de culture, précisément à cause de sa dimension intrinsèquement hiérarchique ou hiérarchisante (même si la hiérarchie à laquelle je fais allusion n'est pas, comme dans l'exemple à l'instant cité, uniquement descriptible en termes moraux). Quelque chose de démocratique ou d'égalitariste en nous s'y refuse (à tort, je crois).
Il y a quelques années les séries technologiques ont eu à plancher sur le sujet faut-il être cultivé pour apprécier une oeuvre d'art?. J'ai corrigé ces séries. J'ai dû avoir quelque chose comme une soixantaine de copies qui avaient choisi ce sujet (et quelque chose comme cent dix copies pour les deux autres), et toutes sauf une avaient échoué à comprendre que le concept ethnologique de culture était hors-sujet. (Il y avait eu d'assez sévères frictions en commission d'entente puis d'harmonisation avec des collègues qui voulaient, si possible, sauver le maximum de candidats de cette "accusation" pourtant inévitable; mais c'est aussi, je crois, qu'ils comprenaient que ce HS était de leur faute: par facilité, ils avaient surtout traité l'aspect ethnologique de la notion, à coups de Montaigne, Lévi-Strauss, etc.; toutes choses qui sont si bien accordées aux préjugés que nous construisons patiemment chez nos élèves, qu'il leur est très facile de les répéter).
Je ne pense pas du tout qu'il soit possible de réfléchir utilement sur la notion de culture si l'on omet de bien remarquer, au commencement, que le terme a deux acceptions très différentes, l'une ancienne et courante et l'autre très récente et technique (je peux chercher la citation d'Aron qui témoigne de son introduction récente dans la langue, si vous voulez).
Le concept ancien (qui est aussi le concept ordinaire et courant) donne l'adjectif "cultivé", alors que le concept récent et technique ne donne aucun adjectif comparable (il partage en revanche avec l'autre "culturel" qui manifeste la même polysémie).
Laverdure puis Zagara ont rappelé en gros (Zagara allant même jusqu'à faire état d'une extension éthologique du concept) en quoi consiste le concept récent et technique. (C'est celui qu'on retrouve par exemple dans les oppositions de type nature/culture et c'est implicitement sur cette opposition que, négativement, le concept éthologique de "culture" est défini dans la définition qui a été donnée.)
Mais le concept ordinaire (la "culture" de l'homme cultivé) ne fonctionne pas du tout comme ça. L'opposition à la nature ne le définit pas et ne le structure même pas. Surtout, le concept ordinaire implique et impose qu'un individu peut être plus ou moins cultivé, ce qui signifie que contrairement au concept technique, le concept ordinaire comporte une dimension intrinsèquement évaluative et hiérarchique.
Evidemment cela froisse un certain nombre de nos préjugés (attention, je ne dis pas que ces préjugés soient nécessairement des erreurs), ce qui, probablement, explique le fait que le concept technique, qui est dépourvu de toute dimension hiérarchique et axiologique (les Gaulois n'ont pas moins leur culture que les Romains, et il n'a guère de sens de vouloir classer les cultures quand on se borne au sens socio-anthropologique du terme), ait connu récemment plus de succès, au point que c'est --- de manière en somme très très étrange --- à lui que l'on pense parfois directement lorsqu'on lit le mot de culture.
Evidemment ce réflexe récent est encouragé et dans une certaine mesure justifié par une analyse sociologique de la culture (sens courant) en termes de culture (sens technique), c'est-à-dire une analyse qui tend à suggérer que les préférences de (p. ex.) la bourgeoisie ou (p. ex. toujours) des Romains s'expliquent non en termes d'accaparement de biens objectivement supérieurs (alors que c'est ce qui se produit pour les terres cultivables), mais en termes de contingences "culturelles" comparables à celles qui font privilégier un tam-tam vertical comme le tabla à un tam-tam horizontal comme le pakhawaj (je suppose pour les besoins de la démonstration qu'il n'y a aucune hiérarchie à faire entre les deux, pas davantage qu'entre, p. ex., le violon et le violoncelle, leurs usages étant simplement différents).
Ce type de réflexe se heurte néanmoins à d'autres préjugés. Par exemple celui qui susurre qu'une "culture" (sens technique) qui proscrit le sacrifice humain peut être jugée à cet égard supérieure à une "culture" (sens technique toujours) qui l'inclut et le pratique: c'était une coutume gauloise dont les Romains nous ont apparemment débarrassés (j'attends confirmation des historiens qui savent certainement bien mieux que moi si et dans quelle mesure c'est vrai).
Mais, bref, nous avons bien du mal, aujourd'hui, à assumer tout à fait le concept ordinaire de culture, précisément à cause de sa dimension intrinsèquement hiérarchique ou hiérarchisante (même si la hiérarchie à laquelle je fais allusion n'est pas, comme dans l'exemple à l'instant cité, uniquement descriptible en termes moraux). Quelque chose de démocratique ou d'égalitariste en nous s'y refuse (à tort, je crois).
Il y a quelques années les séries technologiques ont eu à plancher sur le sujet faut-il être cultivé pour apprécier une oeuvre d'art?. J'ai corrigé ces séries. J'ai dû avoir quelque chose comme une soixantaine de copies qui avaient choisi ce sujet (et quelque chose comme cent dix copies pour les deux autres), et toutes sauf une avaient échoué à comprendre que le concept ethnologique de culture était hors-sujet. (Il y avait eu d'assez sévères frictions en commission d'entente puis d'harmonisation avec des collègues qui voulaient, si possible, sauver le maximum de candidats de cette "accusation" pourtant inévitable; mais c'est aussi, je crois, qu'ils comprenaient que ce HS était de leur faute: par facilité, ils avaient surtout traité l'aspect ethnologique de la notion, à coups de Montaigne, Lévi-Strauss, etc.; toutes choses qui sont si bien accordées aux préjugés que nous construisons patiemment chez nos élèves, qu'il leur est très facile de les répéter).
- bernardoFidèle du forum
ipomee a écrit:Jane, oui, c'est déjà une réflexion intéressante de la part de collégiens. Et dire qu'on a supprimé le sujet de réflexion au brevet.
Je sors du sujet mais je ne suis pas au courant de cela : quelqu'un confirme ?
@PY : Mais le concept ordinaire (la "culture" de l'homme cultivé) ne fonctionne pas du tout comme ça. L'opposition à la nature ne le définit pas et ne le structure même pas. Surtout, le concept ordinaire implique et impose qu'un individu peut être plus ou moins cultivé, ce qui signifie que contrairement au concept technique, le concept ordinaire comporte une dimension intrinsèquement évaluative et hiérarchique.
Heureusement !
- User17706Bon génie
Pour vous dire tout à fait mon sentiment (mais je ne suis pas entièrement sûr que ce soit susceptible d'être démontré), il me semble qu'une explicitation du concept ordinaire de culture doit prendre en charge comme un fait une proposition (et d'autres comparables) qui affirmerait que l'oeuvre de Dante est supérieure à celle de Marc Lévy, et que les Lieder de Schubert sont supérieurs aux chansons de Maître Gims.
(Il va de soi en revanche que le concept technique et sociologique n'a rien à dire à ce sujet: il est construit pour ne rien avoir à en dire.)
(Il va de soi en revanche que le concept technique et sociologique n'a rien à dire à ce sujet: il est construit pour ne rien avoir à en dire.)
- ZagaraGuide spirituel
Pourquoi Schubert serait "mieux" que Maître Gims ?
Des groupes sociaux affirmeraient l'inverse. Sont-ils délégitimés et incultes, ou bien y a-t-il différentes hiérarchisations de la culture ?
Évidemment je penche pour le second. La hiérarchisation bourgeoise tire sa légitimité du seul fait que sa classe sociale a gagné (et que c'est elle qui a écrit toute la production philosophique pendant 300 ans ). Dire que Schubert est mieux que Maître Gims n'est jamais qu'énoncer le signe distinctif qui va nous permettre de reconnaître ceux qu'on va honorer et ceux qu'on va humilier.
Des groupes sociaux affirmeraient l'inverse. Sont-ils délégitimés et incultes, ou bien y a-t-il différentes hiérarchisations de la culture ?
Évidemment je penche pour le second. La hiérarchisation bourgeoise tire sa légitimité du seul fait que sa classe sociale a gagné (et que c'est elle qui a écrit toute la production philosophique pendant 300 ans ). Dire que Schubert est mieux que Maître Gims n'est jamais qu'énoncer le signe distinctif qui va nous permettre de reconnaître ceux qu'on va honorer et ceux qu'on va humilier.
- User17706Bon génie
Qu'il y ait différentes hiérarchisations est une évidence. Qu'elles se valent toutes est nettement moins évident.
J'ai envie de dire au contraire que l'évidence (et donc la charge de la preuve) va plutôt en sens inverse, tout comme, par exemple, j'attendrais une justification serrée de quelqu'un qui me dirait que ses dessins de collège sont des oeuvres dont la valeur est égale à celle des tableaux de Vermeer de Delft, ou bien que l'idée même de leur trouver une valeur différente est dépourvue de sens.
EDIT. Pour être un peu plus précis :
Au demeurant il y a des recherches empiriques sur le goût qui semblent, c'est assez amusant, démentir ces hypothèses.
J'ai envie de dire au contraire que l'évidence (et donc la charge de la preuve) va plutôt en sens inverse, tout comme, par exemple, j'attendrais une justification serrée de quelqu'un qui me dirait que ses dessins de collège sont des oeuvres dont la valeur est égale à celle des tableaux de Vermeer de Delft, ou bien que l'idée même de leur trouver une valeur différente est dépourvue de sens.
EDIT. Pour être un peu plus précis :
Que signifie ici "pourquoi" ?Zagara a écrit:Pourquoi Schubert serait "mieux" que Maître Gims ?
Si l'on refuse par principe cette hypothèse de travail, le terme inculte conserve-t-il un sens ? Je suppose que non.Zagara a écrit: Des groupes sociaux affirmeraient l'inverse. Sont-ils délégitimés et incultes [...] ?
C'est une thèse que l'on entend souvent, mais à ma connaissance il n'existe pas de tentative sérieuse de justification pour elle. (Bon, ce qui se produit en ce point, sûrement, c'est simplement que ma "connaissance" est limitée.)Zagara a écrit: La hiérarchisation bourgeoise tire sa légitimité du seul fait que sa classe sociale a gagné (et que c'est elle qui a écrit toute la production philosophique pendant 300 ans ).
Même remarque: je ne nie évidemment pas que les hiérarchies culturelles jouent un rôle de marqueur social (il y a quantité de phénomènes comme certaines formes de snobisme qui ne pourraient pas s'expliquer sans cela), mais la clause réductionniste (l'énoncé de cette hiérarchie n'a aucun autre contenu que le placement sur une échelle sociale) me paraît énoncée avec énormément de hâte, et il me semble qu'elle aurait sacrément besoin d'une justification.Zagara a écrit: Dire que Schubert est mieux que Maître Gims n'est jamais qu'énoncer le signe distinctif qui va nous permettre de reconnaître ceux qu'on va honorer et ceux qu'on va humilier.
Au demeurant il y a des recherches empiriques sur le goût qui semblent, c'est assez amusant, démentir ces hypothèses.
- ZagaraGuide spirituel
D'un point de vue extérieur, oui elles se valent toutes, puisqu'on ne prend part à aucune.PauvreYorick a écrit:Qu'il y ait différentes hiérarchisations est une évidence. Qu'elles se valent toutes est nettement moins évident.
J'ai envie de dire au contraire que l'évidence (et donc la charge de la preuve) va plutôt en sens inverse, tout comme, par exemple, j'attendrais une justification serrée de quelqu'un qui me dirait que ses dessins de collège sont des oeuvres dont la valeur est égale à celle des tableaux de Vermeer de Delft, ou bien que l'idée même de leur trouver une valeur différente est dépourvue de sens.
Ensuite on est plongé dans ses déterminismes qui vont faire qu'on met au dessus des autres la hiérarchisation de son groupe. Comme le groupe qui contrôle la parole, l'écrit et toute la production littéraire depuis 300 ans, est le groupe protéiforme de la bourgeoisie éduquée, il a placé sa hiérarchie au pinacle et une oeuvre se juge à son degré de conformité avec les canons et la sensibilité esthétiques de cette classe. Il est même allé jusqu'à élever le jugement esthétique bourgeois européen en jugement esthétique universel. Le comble de ce processus étant l'amour pour les "arts premiers", si "bruts et naïfs", parce que les plus éloignés des standards de cette classe et, à la fois, inoffensifs pour l'ordre établi (contrairement aux arts barbares comme le rap).
Je trouve un peu déplacé que tu passes d'un rappeur à succès qui a une carrière et une audience à "un dessin de collège", ce n'est pas tout à fait la même chose.
- bernardoFidèle du forum
Zagara a écrit:Pourquoi Schubert serait "mieux" que Maître Gims ?
Des groupes sociaux affirmeraient l'inverse. Sont-ils délégitimés et incultes, ou bien y a-t-il différentes hiérarchisations de la culture ?
Évidemment je penche pour le second. La hiérarchisation bourgeoise tire sa légitimité du seul fait que sa classe sociale a gagné. Dire que Schubert est mieux que Maître Gims n'est jamais qu'énoncer le signe distinctif qui va nous permettre de reconnaître ceux qu'on va honorer et ceux qu'on va humilier.
Je n'arrive pas à savoir si tu ironises ou si tu penses réellement ce que tu écris.
Dans le cas où tu le penses réellement : qui parle d'humilier ?
Est-ce que le fait que quelqu'un sache composer une sonate ou une symphonie est humiliant pour celui qui ne le sait pas (et sait écrire des chansons qui se vendent bien) ?
Une symphonie, objectivement, c'est un peu plus élaboré qu'une chanson, non ? Et ça demande un peu plus de "savoir-faire" ?
- Tem-toGrand sage
ipomee a écrit:Je ne comprends pas vraiment :
- la culture c'est une envie de parler ? (1) dans ce cas je connais beaucoup d'élèves cultivés (trop cultivés).
- Ce que vous pensez savoir : est-ce à dire que les membres du forum croient savoir des choses, mais qu'en fait ils se leurrent ? (2)
- Dans ce cas pourquoi rechercher cela ? (3)
- Par ailleurs la culture ne se réduit pas au savoir, me semble-t-il (4).
- C'est la seule richesse qui m'attire : la communication ou le savoir ? (5)
- Dans ce dernier cas, et concernant certaines de vos interrogations, je ne saurais que recommander de vous référer davantage aux recherches en ligne, grâce auxquelles beaucoup de vos doutes seront rapidement levés (6).
- Pour ce qui est du premier cas, c'est en effet patent (7).
(1) basiquement, oui. Plus largement de s'exprimer par quelque moyen que ce soit.
(2) Ce n'est pas à exclure. les membres de ce forum, y compris moi, comme les non membres. Comme tout le monde.
(3) Les erreurs ("leurres") sont fructueuses. Les erreurs qui s'échangent sans doute encore plus à partir du moment où il y a réflexion derrière.
(4) je crois que personne, dans ce fil, n'a dit l'inverse à partir du moment où on considère "savoir" synonyme de "connaissance".
(5) la communication d'une croyance de savoir.
(6) Je l'ai beaucoup fait, quand j'avais davantage de temps. Mais j'aime le direct et la réactivité, plus vivants. Je les trouve ici, sous couvert des disponibilités de chacun, bien sûr.
(7) Damned, je suis démasqué !
(Pardon pour le changement de mise en forme de ton post dont j'espère ne pas avoir trahi le sens. L'échange me paraît plus clair ainsi)
Pourquoi ce vouvoiement, ipomée ?
- CondorcetOracle
@Pauvre Yorick On pourrait suivre Halbwachs et y voir un lien indéfectible avec un vécu : si la valeur esthétique de ces dessins est inhérente aux représentations et aux cadres de pensée de l'observateur, en revanche, la valeur humaine de ces dessins sera toujours bien supérieure pour son auteur aux Vermeer puisqu'ils les rattachent à une expérience intime.
- LaverdureEmpereur
bernardo a écrit:Zagara a écrit:Pourquoi Schubert serait "mieux" que Maître Gims ?
Des groupes sociaux affirmeraient l'inverse. Sont-ils délégitimés et incultes, ou bien y a-t-il différentes hiérarchisations de la culture ?
Évidemment je penche pour le second. La hiérarchisation bourgeoise tire sa légitimité du seul fait que sa classe sociale a gagné. Dire que Schubert est mieux que Maître Gims n'est jamais qu'énoncer le signe distinctif qui va nous permettre de reconnaître ceux qu'on va honorer et ceux qu'on va humilier.
Je n'arrive pas à savoir si tu ironises ou si tu penses réellement ce que tu écris.
Dans le cas où tu le penses réellement : qui parle d'humilier ?
Est-ce que le fait que quelqu'un sache composer une sonate ou une symphonie est humiliant pour celui qui ne le sait pas (et sait écrire des chansons qui se vendent bien) ?
Une symphonie, objectivement, c'est un peu plus élaboré qu'une chanson, non ? Et ça demande un peu plus de "savoir-faire" ?
C'est un savoir-faire différent mais la chanson de Maître Gims n'en est pas dépourvue pour autant. Il ne s'agit pas d'ironiser à mon avis mais d'essayer d'expliquer qu'il existe une culture reconnue comme légitime (Schubert par exemple) et une qui est dévalorisée (Maître Gims).
_________________
- ZagaraGuide spirituel
@bernardo : Je n'ironise pas du tout et j'ai dû mal m'exprimer car tu sembles avoir mal compris. Je parlais du jugement sur les ensembles culturels et pas des conditions de production des oeuvres.
Je viens d'une culture populaire, les sonates je trouve ça chiant et moche car je n'en ai jamais entendu pendant mon enfance ; mais je ne le dis jamais en public et je souris en faisant "hein hein, oh oui, super" quand on m'en parle. Parce que le jugement esthétique n'est pas socialement neutre : il classe dans des groupes sociaux et il est un moyen pour les classes sociales supérieures de se reconnaître et de se coopter. Ayant changé de classe sociale pendant ma vie, je suis particulièrement sensible aux tactiques pour ne pas me faire briser par des groupes sociaux auxquels je n'appartiens pas. Et le rapport au jugement esthétique bourgeois est un des facteurs de reconnaissance, d'exclusion ou de cooptation les plus puissants dans les classes supérieures.
Et oui je ne crois pas vraiment à l'idée d'un jugement esthétique universel et pur. La culture imprègne trop les sens pour que cela puisse exister dans le réel.
Je viens d'une culture populaire, les sonates je trouve ça chiant et moche car je n'en ai jamais entendu pendant mon enfance ; mais je ne le dis jamais en public et je souris en faisant "hein hein, oh oui, super" quand on m'en parle. Parce que le jugement esthétique n'est pas socialement neutre : il classe dans des groupes sociaux et il est un moyen pour les classes sociales supérieures de se reconnaître et de se coopter. Ayant changé de classe sociale pendant ma vie, je suis particulièrement sensible aux tactiques pour ne pas me faire briser par des groupes sociaux auxquels je n'appartiens pas. Et le rapport au jugement esthétique bourgeois est un des facteurs de reconnaissance, d'exclusion ou de cooptation les plus puissants dans les classes supérieures.
Et oui je ne crois pas vraiment à l'idée d'un jugement esthétique universel et pur. La culture imprègne trop les sens pour que cela puisse exister dans le réel.
- CondorcetOracle
Zagara ne fait qu'énoncer ce que représente la violence symbolique.
Edit : ce message a été envoyé en même temps que celui où elle explique son point de vue.
Edit : ce message a été envoyé en même temps que celui où elle explique son point de vue.
- User17706Bon génie
J'ai édité mon message ci-dessus en voyant que tu avais toi-même édité le tien. Je reviendrai à ta réponse un peu plus tard pour te laisser le temps d'éventuellement lire et à nouveau modifier.Zagara a écrit:D'un point de vue extérieur, oui elles se valent toutes, puisqu'on ne prend part à aucune.PauvreYorick a écrit:Qu'il y ait différentes hiérarchisations est une évidence. Qu'elles se valent toutes est nettement moins évident.
J'ai envie de dire au contraire que l'évidence (et donc la charge de la preuve) va plutôt en sens inverse, tout comme, par exemple, j'attendrais une justification serrée de quelqu'un qui me dirait que ses dessins de collège sont des oeuvres dont la valeur est égale à celle des tableaux de Vermeer de Delft, ou bien que l'idée même de leur trouver une valeur différente est dépourvue de sens.
Ensuite on est plongé dans ses déterminismes qui vont faire qu'on met au dessus des autres la hiérarchisation de son groupe. Comme le groupe qui contrôle la parole, l'écrit et toute la production littéraire depuis 300 ans, est le groupe protéiforme de la bourgeoisie éduquée, il a placé sa hiérarchie au pinacle et une oeuvre se juge à son degré de conformité avec les canons et la sensibilité esthétiques de cette classe. Il est même allé jusqu'à élever le jugement esthétique bourgeois européen en jugement esthétique universel. Le comble de ce processus étant l'amour pour les "arts premiers", si "bruts et naïfs", parce que les plus éloignés des standards de cette classe et, à la fois, inoffensifs pour l'ordre établi (contrairement aux arts barbares comme le rap).
Je trouve un peu déplacé que tu passes d'un rappeur à succès qui a une carrière et une audience à "un dessin de collège", ce n'est pas tout à fait la même chose.
Pour le passage d'un rappeur à succès à un dessin de collège, ça n'a rien de déplacé puisque la thèse à discuter est très forte (elle implique qu'aucune hiérarchisation esthétique n'est absolument parlant possible: dès lors on peut comparer l'Alhambra à une cocotte en papier, la thèse en discussion implique que les deux se valent sur ce plan ou plus précisément qu'aucun des deux n'a de valeur hors d'une série de préférences contingentes de groupes sociaux).
- ipomeeGuide spirituel
Oui, et plutôt que de recourir à l'opposition culture bourgeoise/culture populaire, ne faut-il pas aussi, pour juger des œuvres, examiner la question de leur universalité, de leur importance pour l'humanité ?
Et c'est là qu'on peut dire que l'Odyssée est un chef d'œuvre, qui est supérieur à Merci pour ce moment ; que la cathédrale de Chartre est plus digne d'admiration que le hangar à céréales d'un agriculteur de la Beauce.
Et même si tout le monde n'a pas la même culture (heureusement), je ne vois pas pourquoi, au motif qu'il s'agit de culture bourgeoise, ne pas la proposer à tous. Car, pour être de souche populaire, n'en est-on pas capable d'admiration, d'intérêt, même si on n'a pas tous les codes ?
D'ailleurs, pour une œuvre donnée, seuls les hyper-spécialistes ont tous les codes. Et ça n'empêche pas que tous peuvent y accéder, d'une façon ou d'une autre.
Et c'est là qu'on peut dire que l'Odyssée est un chef d'œuvre, qui est supérieur à Merci pour ce moment ; que la cathédrale de Chartre est plus digne d'admiration que le hangar à céréales d'un agriculteur de la Beauce.
Et même si tout le monde n'a pas la même culture (heureusement), je ne vois pas pourquoi, au motif qu'il s'agit de culture bourgeoise, ne pas la proposer à tous. Car, pour être de souche populaire, n'en est-on pas capable d'admiration, d'intérêt, même si on n'a pas tous les codes ?
D'ailleurs, pour une œuvre donnée, seuls les hyper-spécialistes ont tous les codes. Et ça n'empêche pas que tous peuvent y accéder, d'une façon ou d'une autre.
- LaverdureEmpereur
Je comprends tout à fait, Zagara.
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- bernardoFidèle du forum
Mais quand on compose une sonate, on ne se dit pas : je vais humilier tous ceux qui ne la comprendront pas. On poursuit sa propre quête de beauté, de vérité, de ... je ne sais pas pour chacun.
C'est bizarre de voir ça comme un rapport de force.
Violence symbolique ? Une sonate ? Là, je suis perplexe.
C'est bizarre de voir ça comme un rapport de force.
Violence symbolique ? Une sonate ? Là, je suis perplexe.
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Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
- CondorcetOracle
Ce n'est pas la composition de la sonate qui est en cause mais le fait de l'utiliser comme un habitus, à des fins discriminantes. Et le fait de ne pas les connaître dans un certain cadre et certaines circonstances fait littéralement perdre la face. Certaines instances de légitimation visent justement à vérifier l'adhésion à la culture légitime (celles qui conduisent à la noblesse d'Etat par exemple).
- User17706Bon génie
Ah mais pour ce qui est de juger à l'aune de critères purement personnels, on laisse évidemment les individus faire ce qu'ils veulent et juger comme ils l'entendent. Autrement dit, pour reprendre la distinction que tu fais, la valeur autre qu'esthétique (par exemple humaine, ou "sentimentale", dirait-on dans ce genre de cas, je crois) qu'un individu quelconque décide d'attribuer à un objet quelconque ne nous concerne pas (dans cette discussion).Condorcet a écrit:@Pauvre Yorick On pourrait suivre Halbwachs et y voir un lien indéfectible avec un vécu : si la valeur esthétique de ces dessins est inhérente aux représentations et aux cadres de pensée de l'observateur, en revanche, la valeur humaine de ces dessins sera toujours bien supérieure pour son auteur aux Vermeer puisqu'ils les rattachent à une expérience intime.
Mon exemple visait plus précisément à la fois deux thèses: une thèse qui affirmerait que, en tant qu'oeuvres d'art, mes dessins de collège valent les tableaux de Vermeer, et une autre qui affirmerait que l'idée même d'une "valeur en tant qu'oeuvre d'art" est dépourvue de sens intrinsèque (et n'est qu'un masque pour autre chose, par exemple des hiérarchies sociales).
Ce genre de thèse profite d'une difficulté objective à hiérarchiser qu'on observe très bien sur certains exemples (qu'elle privilégie souvent). D'où l'intérêt de recourir à d'autres exemples pour éprouver l'éventuel malaise qu'on peut ressentir en la soutenant.
- LaverdureEmpereur
@Bernardo : La violence symbolique vient de ce que la sonate est imposée comme la seule forme de bonne musique (l'imposition relevant d'un travail de légitimation réalisée par les classes dominantes).
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- bernardoFidèle du forum
Condorcet a écrit:Ce n'est pas la composition de la sonate qui est en cause mais le fait de l'utiliser comme un habitus, à des fins discriminantes. Et le fait de ne pas les connaître dans un certain cadre et certaines circonstances fait littéralement perdre la face. Certaines instances de légitimation visent justement à vérifier l'adhésion à la culture légitime (celles qui conduisent à la noblesse d'Etat par exemple).
Mais ça c'est le fait de quelqu'un de snob, pas de quelqu'un de cultivé, non ?
- ZagaraGuide spirituel
J'amende ma pensée parce que pour m'opposer j'ai trop tendance à supprimer les nuances :PauvreYorick a écrit:J'ai édité mon message ci-dessus en voyant que tu avais toi-même édité le tien. Je reviendrai à ta réponse un peu plus tard pour te laisser le temps d'éventuellement lire et à nouveau modifier.Zagara a écrit:D'un point de vue extérieur, oui elles se valent toutes, puisqu'on ne prend part à aucune.PauvreYorick a écrit:Qu'il y ait différentes hiérarchisations est une évidence. Qu'elles se valent toutes est nettement moins évident.
J'ai envie de dire au contraire que l'évidence (et donc la charge de la preuve) va plutôt en sens inverse, tout comme, par exemple, j'attendrais une justification serrée de quelqu'un qui me dirait que ses dessins de collège sont des oeuvres dont la valeur est égale à celle des tableaux de Vermeer de Delft, ou bien que l'idée même de leur trouver une valeur différente est dépourvue de sens.
Ensuite on est plongé dans ses déterminismes qui vont faire qu'on met au dessus des autres la hiérarchisation de son groupe. Comme le groupe qui contrôle la parole, l'écrit et toute la production littéraire depuis 300 ans, est le groupe protéiforme de la bourgeoisie éduquée, il a placé sa hiérarchie au pinacle et une oeuvre se juge à son degré de conformité avec les canons et la sensibilité esthétiques de cette classe. Il est même allé jusqu'à élever le jugement esthétique bourgeois européen en jugement esthétique universel. Le comble de ce processus étant l'amour pour les "arts premiers", si "bruts et naïfs", parce que les plus éloignés des standards de cette classe et, à la fois, inoffensifs pour l'ordre établi (contrairement aux arts barbares comme le rap).
Je trouve un peu déplacé que tu passes d'un rappeur à succès qui a une carrière et une audience à "un dessin de collège", ce n'est pas tout à fait la même chose.
Pour le passage d'un rappeur à succès à un dessin de collège, ça n'a rien de déplacé puisque la thèse à discuter est très forte (elle implique qu'aucune hiérarchisation esthétique n'est absolument parlant possible: dès lors on peut comparer l'Alhambra à une cocotte en papier, la thèse en discussion implique que les deux se valent sur ce plan ou plus précisément qu'aucun des deux n'a de valeur hors d'une série de préférences contingentes de groupes sociaux).
- oui je crois qu'il existe une hiérarchie objective des techniques dans un art
- mais cette hiérarchie technique est décorrélée de la hiérarchie construite par le jugement esthétique produit par sa propre époque et culture
- la hiérarchie construite par le jugement esthétique est culturellement et socialement marquée et ce n'est pas parce qu'une œuvre a demandé énormément de travail, est maîtrisée, a une puissance esthétique universelle (je conçois que ça puisse exister), qu'elle va recevoir une audience dans sa société de production
- par contre, une fois le temps passé, la poussière retombée, l’œuvre extraite de son contexte spatiotemporel, sa qualité a plus de chance d'influencer le jugement esthétique et alors se dégagent les "chefs d'oeuvre" intemporels.
-> j'en veux pour preuve des artistes comme Koons, ultra côté par la bourgeoisie actuelle, médiatiquement performant, mais dont je suis à peu près sûre qu'il sera oublié et jugé médiocre dans 50 ans ; ou Van Gogh, qui a vécu toute sa vie dans la misère parce que ses œuvres étaient décalées par rapport à la sensibilité bourgeoise de son époque, et n'ont donc pas trouvé d'audience, mais survivent aujourd'hui comme des œuvres à la puissance esthétique forte.
Bref, il me semble que tant qu'une œuvre d'art sert de marqueur social à une classe, alors elle ne peut pas se réaliser pleinement en tant qu’œuvre d'art, mais est, d'abord et avant tout, un outil social. Il faut qu'elle sorte du bagage culturel de la classe qui l'instrumentalise pour pouvoir être jugée en tant qu’œuvre d'art (et pas en tant que totem de reconnaissance ou d'exclusion).
- LaverdureEmpereur
Quelqu'un de cultivé dans les "bons" sens du terme et qui se sert de la maîtrise de cette culture comme critère de distinction.bernardo a écrit:Condorcet a écrit:Ce n'est pas la composition de la sonate qui est en cause mais le fait de l'utiliser comme un habitus, à des fins discriminantes. Et le fait de ne pas les connaître dans un certain cadre et certaines circonstances fait littéralement perdre la face. Certaines instances de légitimation visent justement à vérifier l'adhésion à la culture légitime (celles qui conduisent à la noblesse d'Etat par exemple).
Mais ça c'est le fait de quelqu'un de snob, pas de quelqu'un de cultivé, non ?
_________________
- CondorcetOracle
@Pauvre Yorick Il y a une sacralisation de l'art et de l'oeuvre d'art en tant que tels. Et comme tu le soulignes, la valeur attribuée à une oeuvre (et la reconnaissance même du statut de l'oeuvre dans le temps et l'espace) est éminemment relative.
- CondorcetOracle
bernardo a écrit:Condorcet a écrit:Ce n'est pas la composition de la sonate qui est en cause mais le fait de l'utiliser comme un habitus, à des fins discriminantes. Et le fait de ne pas les connaître dans un certain cadre et certaines circonstances fait littéralement perdre la face. Certaines instances de légitimation visent justement à vérifier l'adhésion à la culture légitime (celles qui conduisent à la noblesse d'Etat par exemple).
Mais ça c'est le fait de quelqu'un de snob, pas de quelqu'un de cultivé, non ?
C'est le fait d'un régime de vérité où la culture légitime est (était ?) imposée comme ressort de la distinction.
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