- ZagaraGuide spirituel
Je ne suis pas d'accord avec ça, c'est même souvent le sens de la violence symbolique : une violence impersonnelle dont l'auteur n'a souvent même pas conscience.bernardo a écrit:Je refuse qu'on me dise que j'humilie les élèves parce que je leur explique que Proust c'est mieux que Marc Levy (en supposant que je réponde à un élève qui me soutient le contraire).
Il n'y a humiliation que s'il y a volonté d'humilier (et tout est bon à prendre alors, pas seulement la culture) et que cela est reçu comme une humiliation.
Je n'ai pas cette volonté d'humilier et je trouve ces théories un peu exagérées.
- CondorcetOracle
Bernardo, je ne prétends pas savoir ce qui se déroule dans tes classes et encore moins asséner comme une vérité première que tu humilies tes élèves (et les cultural studies non plus n'ont pas cette prétention).
- LaverdureEmpereur
En effet et cette violence symbolique est justement dans le fait d'imposer un arbitraire : celui selon lequel Marc Lévy est moins bon que Proust. Après je suis assez d'accord avec Zagara sur l'adéquation entre l'oeuvre et les codes de la classe dominante qui fait que l'on se souvient et on se souviendra de Proust et qu'on oubliera Lévy assez vite.
EDIT : et je suis encore d'accord avec Condorcet. Je veux bien d'ailleurs reconnaître que lorsqu'on aborde des questions plus ou moins sociales, on a tendance à asséner des théories comme des vérités alors même que les sciences sociales se construisent sur la confrontation de théories opposées. Désolé si j'ai pu donner cette impression.
EDIT : et je suis encore d'accord avec Condorcet. Je veux bien d'ailleurs reconnaître que lorsqu'on aborde des questions plus ou moins sociales, on a tendance à asséner des théories comme des vérités alors même que les sciences sociales se construisent sur la confrontation de théories opposées. Désolé si j'ai pu donner cette impression.
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- bernardoFidèle du forum
Mais on dirait qu'il n'existe pas de vérité : or, dire que l'oeuvre de Proust est infiniment supérieure à celle de Marc Lévy, c'est vrai ! Régime de vérité ? En tout cas, il y a des choses vraies et des choses fausses.
Et pourquoi dites-vous que vous êtes des transfuges ? Est-ce que l'homme se définit comme appartenant à une classe sociale (ou comme gauchiste) et c'est tout ?
Et pourquoi dites-vous que vous êtes des transfuges ? Est-ce que l'homme se définit comme appartenant à une classe sociale (ou comme gauchiste) et c'est tout ?
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Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
- User17706Bon génie
Je crois que ce sont, pour parler d'humiliation, des conditions trop restrictives (et difficiles à appliquer, les volontés de... n'étant pas toujours aisément repérables hors des actes eux-mêmes --- sauf aveu de l'agent, mais qui ira claironner sa volonté d'humilier?).
On a un exemple dans un fil juste à côté: un élève sent mauvais, le prof lance à la cantonade sans le nommer que quelqu'un dans la classe devrait se laver plus souvent. Si, comme il est probable, toute la classe sait de qui il s'agit, c'est humiliant. (Je ne dis pas que l'humiliation ici est indéfendable.) Pourtant le prof peut très bien se raconter à lui-même que, puisqu'il a bien fait attention à ne nommer personne, la volonté d'humilier est absente.
On a un exemple dans un fil juste à côté: un élève sent mauvais, le prof lance à la cantonade sans le nommer que quelqu'un dans la classe devrait se laver plus souvent. Si, comme il est probable, toute la classe sait de qui il s'agit, c'est humiliant. (Je ne dis pas que l'humiliation ici est indéfendable.) Pourtant le prof peut très bien se raconter à lui-même que, puisqu'il a bien fait attention à ne nommer personne, la volonté d'humilier est absente.
- LaverdureEmpereur
bernardo a écrit:Mais on dirait qu'il n'existe pas de vérité : or, dire que l'oeuvre de Proust est infiniment supérieure à celle de Marc Lévy, c'est vrai ! Régime de vérité ? En tout cas, il y a des choses vraies et des choses fausses.
Et pourquoi dites-vous que vous êtes des transfuges ? Est-ce que l'homme se définit comme appartenant à une classe sociale (ou comme gauchiste) et c'est tout ?
Je crois qu'en sciences sociales, il n'y a pas vraiment de vérité universelle : on s'interroge davantage sur le "infiniment supérieure" que sur le "c'est vrai".
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- bernardoFidèle du forum
Condorcet a écrit:Bernardo, je ne prétends pas savoir ce qui se déroule dans tes classes et encore moins asséner comme une vérité première que tu humilies tes élèves (et les cultural studies non plus n'ont pas cette prétention).
Tu ne le prétends pas mais tu l'insinues. Et surtout tu insinues que je pourrais ne pas en avoir conscience (comme le dit Zagara plus explicitement) : or quel professeur n'a pas eu à réfléchir à ces questions, lui qui vit à la charnière du 20e et du 21e siècle, et qui a nécessairement lu au minimum Sartre (ou Camus), Bourdieu (ou Foucault). C'est supposer les professeurs bien ... incultes ... de croire qu'ils n'ont pas conscience de ce genre d'enjeux (même s'ils n'ont pas approfondi le sujet).
Je pense que la conscience de l'autre ne se mesure pas ni ne se suppose.
Mais je te dis ça sans animosité car c'est dans le cadre d'un débat et je trouve tes propos nuancés et très intelligents ( )
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Fou qui fait le délicat
- ZagaraGuide spirituel
Je me dédouane de cette question en me disant que si j'humilie de manière inconsciente, je n'en suis pas responsable. C'est toute la force de la théologie catholique : est-on responsable des péchés qu'on commet mais dont on ignore l'existence ? En fait j'ai 46 religions, une pour chaque cas de conscience.
- bernardoFidèle du forum
PauvreYorick a écrit:Je crois que ce sont, pour parler d'humiliation, des conditions trop restrictives (et difficiles à appliquer, les volontés de... n'étant pas toujours aisément repérables hors des actes eux-mêmes --- sauf aveu de l'agent, mais qui ira claironner sa volonté d'humilier?).
On a un exemple dans un fil juste à côté: un élève sent mauvais, le prof lance à la cantonade sans le nommer que quelqu'un dans la classe devrait se laver plus souvent. Si, comme il est probable, toute la classe sait de qui il s'agit, c'est humiliant. (Je ne dis pas que l'humiliation ici est indéfendable.) Pourtant le prof peut très bien se raconter à lui-même que, puisqu'il a bien fait attention à ne nommer personne, la volonté d'humilier est absente.
Tu as raison, Yorick, mais il faut faire attention aussi de ne pas brandir ce terme trop vite
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- User17706Bon génie
Ben tout de même, lorsque tu parles ici d'un "arbitraire", ton propos prête à confusion: que cela apparaisse comme arbitraire dès lors que l'on décide de n'envisager que les usages sociaux d'un code ou d'une hiérarchie, c'est évident mais tautologique, si je puis dire: ça revient en gros à dire que la sociologie n'est pas la critique d'art (EDIT: et éventuellement qu'elle a besoin, pour être une sociologie correcte, d'éviter d'être une critique d'art). En déduire que c'est arbitraire au sens ordinaire du terme et hors de cette mise entre parenthèses méthodologique qui est au principe de l'étude sociologique, c'est un tout autre propos qui revient à dire que la critique est fondée sur une illusion. Et ce n'est plus du tout un propos justifiable d'un point de vue sociologique, soit dit en passant.Laverdure a écrit:En effet et cette violence symbolique est justement dans le fait d'imposer un arbitraire : celui selon lequel Marc Lévy est moins bon que Proust. Après je suis assez d'accord avec Zagara sur l'adéquation entre l'oeuvre et les codes de la classe dominante qui fait que l'on se souvient et on se souviendra de Proust et qu'on oubliera Lévy assez vite.
EDIT: c'est quand même un peu comme si Euclide avait dit que les corps n'ont pas de poids parce que les mathématiques en font abstraction...
Pour être précis, je dirais que les chances pour que cette phrase soit réductible à un simple point de vue de classe sont absolument infinitésimales et complètement négligeables.bernardo a écrit:Dire que l'oeuvre de Proust est infiniment supérieure à celle de Marc Lévy, c'est vrai !
Mais ça reste une estimation au doigt mouillé. Peut-être sont-elles nulles
- User17706Bon génie
Et je dénonce Zagara qui assimile la théologie catholique à ses plus jésuitiques excès
(J'espère n'avoir humilié, ce faisant, ni jésuite ni personne en situation de zagarisme.)
EDIT: et je rassure les athées qui pourraient en prendre ombrage en me déclarant l'un d'eux.
(J'espère n'avoir humilié, ce faisant, ni jésuite ni personne en situation de zagarisme.)
EDIT: et je rassure les athées qui pourraient en prendre ombrage en me déclarant l'un d'eux.
- bernardoFidèle du forum
Zagara a écrit:Je me dédouane de cette question en me disant que si j'humilie de manière inconsciente, je n'en suis pas responsable. C'est toute la force de la théologie catholique : est-on responsable des péchés qu'on commet mais dont on ignore l'existence ? En fait j'ai 46 religions, une pour chaque cas de conscience.
Je dis que je suis conscient de ne pas humilier, connaissant qu'il y a un risque d'humilier.
Mais on sort du sujet car on parle du rôle de l'école. Sans doute qu'à l'école on part du principe que le professeur sait et que l'élève a à apprendre (le professeur étant capable de reconnaître qu'il ne sait pas tout, qu'il a encore beaucoup à apprendre, et que les élèves savent aussi certaines choses). Ce principe ne me choque pas plus que celui selon lequel l'oeuvre de Proust est infiniment supérieure à celle de Marc Lévy.
Ou alors c'est la réalité qui est humiliante ...
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- User17706Bon génie
Une fois, j'ai humilié sans le vouloir une élève en citant Marc Bloch. J'ai dû pas mal pédaler par la suite. Je vous raconterais bien, mais je passe un temps fou sur ce fil (ça m'intéresse, faut dire, ces questions), et j'ai énormément de boulot... plus tard
- CondorcetOracle
Incultes, non, mais souvent convaincus du bienfondé de leur mission et à ce titre, des pré-requis et des corollaires qu'elle sous-tend.
Si le hiatus devient trop grand entre ce que l'offre culturelle présuppose (la connaissance d'une culture patrimoniale et l'ouverture à d'autres aires culturelles, gage d'une meilleure compréhension du monde) et que les jeux sociaux proposent (avec leur kyrielle de déterminismes), l'école se borne alors à n'être qu'une gare de triage ou qu'un simple réceptacle. Oui, par définition, l'école revêt une dimension révolutionnaire en ce qu'elle tente de réduire ce hiatus, de recomposer les processus de légitimation, d'en atténuer les effets pervers : les révolutionnaires du XIXe siècle campés par Jacques Rancière et Kristin Ross ont rêvé qu'une telle institution existât pour le plus grand nombre.
Il faudrait aussi réfléchir sur cette notion d'héritage et de dette.
Si le hiatus devient trop grand entre ce que l'offre culturelle présuppose (la connaissance d'une culture patrimoniale et l'ouverture à d'autres aires culturelles, gage d'une meilleure compréhension du monde) et que les jeux sociaux proposent (avec leur kyrielle de déterminismes), l'école se borne alors à n'être qu'une gare de triage ou qu'un simple réceptacle. Oui, par définition, l'école revêt une dimension révolutionnaire en ce qu'elle tente de réduire ce hiatus, de recomposer les processus de légitimation, d'en atténuer les effets pervers : les révolutionnaires du XIXe siècle campés par Jacques Rancière et Kristin Ross ont rêvé qu'une telle institution existât pour le plus grand nombre.
Il faudrait aussi réfléchir sur cette notion d'héritage et de dette.
- CondorcetOracle
Zagara a écrit:Je me dédouane de cette question en me disant que si j'humilie de manière inconsciente, je n'en suis pas responsable. C'est toute la force de la théologie catholique : est-on responsable des péchés qu'on commet mais dont on ignore l'existence ? En fait j'ai 46 religions, une pour chaque cas de conscience.
Alors, c'est vrai, tu t'appelles François Fillon ?
- LaverdureEmpereur
PauvreYorick a écrit:Ben tout de même, lorsque tu parles ici d'un "arbitraire", ton propos prête à confusion: que cela apparaisse comme arbitraire dès lors que l'on décide de n'envisager que les usages sociaux d'un code ou d'une hiérarchie, c'est évident mais tautologique, si je puis dire: ça revient en gros à dire que la sociologie n'est pas la critique d'art (EDIT: et éventuellement qu'elle a besoin, pour être une sociologie correcte, d'éviter d'être une critique d'art). En déduire que c'est arbitraire au sens ordinaire du terme et hors de cette mise entre parenthèses méthodologique qui est au principe de l'étude sociologique, c'est un tout autre propos qui revient à dire que la critique est fondée sur une illusion. Et ce n'est plus du tout un propos justifiable d'un point de vue sociologique, soit dit en passant.Laverdure a écrit:En effet et cette violence symbolique est justement dans le fait d'imposer un arbitraire : celui selon lequel Marc Lévy est moins bon que Proust. Après je suis assez d'accord avec Zagara sur l'adéquation entre l'oeuvre et les codes de la classe dominante qui fait que l'on se souvient et on se souviendra de Proust et qu'on oubliera Lévy assez vite.
EDIT: c'est quand même un peu comme si Euclide avait dit que les corps n'ont pas de poids parce que les mathématiques en font abstraction...
Au temps pour moi : il n'était pas question pour moi de me faire critique d'art en mobilisant la sociologie pour cela. C'est ce que je voulais dire, maladroitement sans doute, quand je disais qu'on cherchait à expliquer les conditions sociales de production du discours (j'ai du mal à trouver la formulation adéquate je crois) "l’œuvre de Proust est infiniment supérieure à celle de Lévy" plutôt qu'à donner son point de vue sur la question (le "c'est vrai" que j'avais souligné dans un message précédent). J'ai repris un peu vite sans doute l'expression de Bourdieu et Passeron (qui emploient celle d'arbitraire culturel : il ne reposerait sur aucun critère purement objectif)
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- User17706Bon génie
OK. Et oui, "arbitraire" est encore, c'est vrai, un terme joliment piégé...
- bernardoFidèle du forum
Condorcet a écrit:Incultes, non, mais souvent convaincus du bienfondé de leur mission et à ce titre, des pré-requis et des corollaires qu'elle sous-tend.
Si le hiatus devient trop grand entre ce que l'offre culturelle présuppose (la connaissance d'une culture patrimoniale et l'ouverture à d'autres aires culturelles, gage d'une meilleure compréhension du monde) et que les jeux sociaux proposent (avec leur kyrielle de déterminismes), l'école se borne alors à n'être qu'une gare de triage ou qu'un simple réceptacle. Oui, par définition, l'école revêt une dimension révolutionnaire en ce qu'elle tente de réduire ce hiatus, de recomposer les processus de légitimation : les révolutionnaires du XIXe siècle campés par Jacques Rancière et Kristin Ross ont rêvé qu'une telle institution existât pour le plus grand nombre.
Il faudrait aussi réfléchir sur cette notion d'héritage et de dette.
Tu as sans doute raison, Condorcet, en tout cas tu dois connaître beaucoup de professeurs dans ce cas.
De mon côté je vois aussi beaucoup de professeurs qui doutent, qui ne sont plus convaincus du bienfondé de leur mission.
Je veux dire par là que des écrits critiques comme ceux que tu cites sont évidemment pertinents à toute époque, mais que, peut-être, pardon si je dis un truc intellectuellement choquant, en 2017, la société semble avoir assimilé ces notions issues de la sociologie ... peut-être même trop (car sans doute mal) puisqu'on a tendance beaucoup à ... excuser l'ignorance ou à valoriser certains "savoirs" moins scolaires. Je suis sûr que c'est choquant mais je continue : je ne dis pas qu'il faut humilier l'ignorance. Mais parler de "culture" et dire que ça prend du temps de l'acquérir, que ça demande des efforts, c'est un discours jugé réac'. Or, moi, je ne fais pas ça pour la bourgeoisie, je fais ça en pensant qu'une personne ça doit devenir une conscience autonome, et qu'une conscience, quand c'est né, quand ça vit, ça n'est soluble dans aucune classe sociale. Que l'école joue un rôle dans le maintien des déterminismes, je m'en moque un peu : quand une conscience naît, elle dépasse cela, elle lutte avec, elle laisse passer autre chose. Ce n'est sans doute pas clair mais ...
- LaverdureEmpereur
Pour être tout à fait clair, l'arbitraire culturel, dans la théorie bourdieusienne, s'applique à la culture scolaire qui serait celle de la classe dominante et le résultat d'une sélection, reposant sur des critères sociaux, de ce qui est digne d'intérêt et ce qui ne l'est pas. Je comprends la confusion.PauvreYorick a écrit:OK. Et oui, "arbitraire" est encore, c'est vrai, un terme joliment piégé...
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- CondorcetOracle
@ Bernardo. Pour le dire crûment, il serait gênant (doux euphémisme) qu'Idiocracy devînt la règle.
Oui, je sous-estime grandement la part de doute chez beaucoup de professeurs ("chronique des temps incertains...").
Oui, je sous-estime grandement la part de doute chez beaucoup de professeurs ("chronique des temps incertains...").
- ZagaraGuide spirituel
En fait il y a quelque chose que je trouve fondamental : les théories de déconstruction et d'analyse des cultures doivent rester dans le champ académique, où elles sont fécondes, mais en aucun cas elles ne doivent gouverner les opinions des citoyens.
Ce que je veux dire, c'est qu'affirmer que toutes les cultures se valent est une position de chercheur, lequel a besoin d'être neutre devant son sujet d'étude. Mais elle n'est pas appropriée à l'exercice citoyen. Lorsque j'ai ma casquette de citoyenne, je refuse par exemple catégoriquement que l'excision soit pratiquée en France, car je trouve (en tant que citoyenne) que c'est une mutilation barbare (alors qu'en tant qu'historienne je dirais simplement que l'excision est une pratique rituelle propre à telle population, chargée de telles significations, etc). C'est-à-dire qu'il me semble qu'il faut tracer une ligne entre l'attitude du chercheur et les prises de position dans le débat public : nous participons à un système de valeurs, à une reconnaissance du bien et du mal propres à notre société et ce n'est pas tout à fait idiot de respecter et défendre les parties qu'on juge positives de ce fonds culturel. Ainsi, en tant que citoyenne, je ne considère pas qu'on puisse mettre la DDHC et la Charia saoudienne sur un pied d'égalité. Avoir un recul critique, c'est bien ; aller jusqu'à oublier le modèle de société qu'on juge meilleur qu'un autre, c'est moins bien.
Ce que je veux dire, c'est qu'affirmer que toutes les cultures se valent est une position de chercheur, lequel a besoin d'être neutre devant son sujet d'étude. Mais elle n'est pas appropriée à l'exercice citoyen. Lorsque j'ai ma casquette de citoyenne, je refuse par exemple catégoriquement que l'excision soit pratiquée en France, car je trouve (en tant que citoyenne) que c'est une mutilation barbare (alors qu'en tant qu'historienne je dirais simplement que l'excision est une pratique rituelle propre à telle population, chargée de telles significations, etc). C'est-à-dire qu'il me semble qu'il faut tracer une ligne entre l'attitude du chercheur et les prises de position dans le débat public : nous participons à un système de valeurs, à une reconnaissance du bien et du mal propres à notre société et ce n'est pas tout à fait idiot de respecter et défendre les parties qu'on juge positives de ce fonds culturel. Ainsi, en tant que citoyenne, je ne considère pas qu'on puisse mettre la DDHC et la Charia saoudienne sur un pied d'égalité. Avoir un recul critique, c'est bien ; aller jusqu'à oublier le modèle de société qu'on juge meilleur qu'un autre, c'est moins bien.
- BelaLugosiNiveau 6
Zagara a écrit:En fait il y a quelque chose que je trouve fondamental : les théories de déconstruction et d'analyse des cultures doivent rester dans le champ académique, où elles sont fécondes, mais en aucun cas elles ne doivent gouverner les opinions des citoyens.
Ce que je veux dire, c'est qu'affirmer que toutes les cultures se valent est une position de chercheur, lequel a besoin d'être neutre devant son sujet d'étude. Mais elle n'est pas appropriée à l'exercice citoyen. Lorsque j'ai ma casquette de citoyenne, je refuse par exemple catégoriquement que l'excision soit pratiquée en France, car je trouve (en tant que citoyenne) que c'est une mutilation barbare (alors qu'en tant qu'historienne je dirais simplement que l'excision est une pratique rituelle propre à telle population, chargée de telles significations, etc). C'est-à-dire qu'il me semble qu'il faut tracer une ligne entre l'attitude du chercheur et les prises de position dans le débat public : nous participons à un système de valeurs, à une reconnaissance du bien et du mal propres à notre société et ce n'est pas tout à fait idiot de respecter et défendre les parties qu'on juge positives de ce fonds culturel. Ainsi, en tant que citoyenne, je ne considère pas qu'on puisse mettre la DDHC et la Charia saoudienne sur un pied d'égalité. Avoir un recul critique, c'est bien ; aller jusqu'à oublier le modèle de société qu'on juge meilleur qu'un autre, c'est moins bien.
- CondorcetOracle
Je ne crois pas qu'une séparation aussi nette soit souhaitable. Le citoyen et le chercheur partagent un objectif commun (quand il ne s'agit d'une et même personne) : analyser le monde (ou une partie de celui-ci) pour mieux le comprendre et si possible, agir en son sein de manière réfléchie. Un chercheur n'examine pas la "valeur" des cultures mais constate qu'elles cohabitent, s'opposent, éventuellement s'enrichissent d'apports réciproques et tente de comprendre pourquoi. Il conserve, quel que soit son sujet, une appréhension morale de son objet. En outre, cela signifierait que le résultat des recherches académiques n'a de valeur que dans un entre-soi et reposent sur un "hors-sol". Au contraire, il est vital qu'un terrain d'entente puisse subsister entre le citoyen et le chercheur, faute de quoi la vie dans la Cité ne serait plus qu'une vue de l'esprit ou qu'une aimable logorrée verbeuse.
- ipomeeGuide spirituel
Concernant le propos de Zagara :
Il s'agit là de l'autre sens du mot culture.
Et je ne vois pas comment, historien ou non, on ne pourrait condamner de telles pratiques, car elle sont commises contre une partie de l'humanité, en l'occurence les femmes. Et les cultures qui pratiquent d'autres choses condamnables (mutilation, tortures, cruautés envers les humains ou les animaux) ne doivent pas être respectée pour cet aspect-là. Et ces pratiques on doit les condamner.
Il s'agit là de l'autre sens du mot culture.
Et je ne vois pas comment, historien ou non, on ne pourrait condamner de telles pratiques, car elle sont commises contre une partie de l'humanité, en l'occurence les femmes. Et les cultures qui pratiquent d'autres choses condamnables (mutilation, tortures, cruautés envers les humains ou les animaux) ne doivent pas être respectée pour cet aspect-là. Et ces pratiques on doit les condamner.
- CondorcetOracle
Un exemple : Johann Chapoutot, spécialiste de l'Allemagne nazie, s'est ainsi élevé contre la re-publication de Mein Kampf en 2016 (cet ouvrage étant tombé dans le domaine public à l'issue des 70 ans de rigueur suivant la mort de l'auteur). Chercher à comprendre ne signifie pas accepter tel que ou chercher des excuses.
- ZagaraGuide spirituel
J'adore lire des bouquins sur les Aztèques, mais ce n'est pas pour autant que je trouverais sympathique qu'on importe en France leur culte de Xipe Totec, qui consistait à ce que le prêtre écorche vif quelqu'un, puis tanne sa peau pour en faire un vêtement et enfin danse avec. Je ne parle pas de "chercher à comprendre" mais de voir des pratiques culturelles s'établir dans notre société et de se poser la question : sont-elles licites ?
@Condorcet : ne considères-tu pas, en tant que citoyen, qu'il y a certaines pratiques culturelles qui ne méritent pas de cohabiter avec la culture française ? C'est toute la question. Je trace une ligne : à ma gauche les pratiques culturelles compatibles avec la Constitution, texte qui énonce nos principes fondamentaux et nos règles de fonctionnement ; à ma droite celles qui ne le sont pas et que je ne veux donc pas voir en France. Et je n'ai pas peur d'établir un jugement de valeur hiérarchisé entre ces deux ensembles : le premier est meilleur que le second.
Mais tout cela est une opinion politique émanant d'une citoyenne ancrée dans son contexte culturel. Si je reprends ma casquette de chercheuse, j'oublie ce jugement de valeur.
@Condorcet : ne considères-tu pas, en tant que citoyen, qu'il y a certaines pratiques culturelles qui ne méritent pas de cohabiter avec la culture française ? C'est toute la question. Je trace une ligne : à ma gauche les pratiques culturelles compatibles avec la Constitution, texte qui énonce nos principes fondamentaux et nos règles de fonctionnement ; à ma droite celles qui ne le sont pas et que je ne veux donc pas voir en France. Et je n'ai pas peur d'établir un jugement de valeur hiérarchisé entre ces deux ensembles : le premier est meilleur que le second.
Mais tout cela est une opinion politique émanant d'une citoyenne ancrée dans son contexte culturel. Si je reprends ma casquette de chercheuse, j'oublie ce jugement de valeur.
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