- RuthvenGuide spirituel
J'ai un problème de compréhension avec ce passage de Cicéron :
Cotta critique la théologie épicurienne développée par Velleius :
"Admettons; mais [les dieux] ont-ils aussi tous le même visage ? Si ce n'est pas le cas, il y a nécessairement un visage plus beau qu'un autre et il se trouve donc des dieux qui ne sont pas parfaitement beaux. S'ils ont tous le même visage, force est de reconnaître qu'il y a dans le ciel une Académie florissante : si rien, en effet, ne différencie un dieu d'un autre, il n'y a chez les dieux aucune connaissance, ni aucune perception" (Cicéron, De la nature des dieux, I, xxix, 80)
Si je comprends bien, il s'agit de questionner l'individualité des dieux épicuriens, individualité problématique. L'alternative est la suivante : si les dieux sont différents, ils n'ont pas tous le même degré de perfection (OK, d'où la nécessité de passer à l'autre hypothèse); si les dieux sont identiques, ils n'ont aucune connaissance (ils suspendent leur jugement comme certains Académiciens). C'est ce point que je ne comprends pas : comment passe-t-on de l'identité des dieux à l'absence de connaissance ? Il faudrait que la connaissance/perception soit liée à l'individuation mais rien ne va dans ce sens dans la suite du texte. Pease n'explique pas ce lien (pas plus qu'Auvray-Assayas) comme si cela allait de soi. Des lumières ?
Cotta critique la théologie épicurienne développée par Velleius :
"Admettons; mais [les dieux] ont-ils aussi tous le même visage ? Si ce n'est pas le cas, il y a nécessairement un visage plus beau qu'un autre et il se trouve donc des dieux qui ne sont pas parfaitement beaux. S'ils ont tous le même visage, force est de reconnaître qu'il y a dans le ciel une Académie florissante : si rien, en effet, ne différencie un dieu d'un autre, il n'y a chez les dieux aucune connaissance, ni aucune perception" (Cicéron, De la nature des dieux, I, xxix, 80)
Si je comprends bien, il s'agit de questionner l'individualité des dieux épicuriens, individualité problématique. L'alternative est la suivante : si les dieux sont différents, ils n'ont pas tous le même degré de perfection (OK, d'où la nécessité de passer à l'autre hypothèse); si les dieux sont identiques, ils n'ont aucune connaissance (ils suspendent leur jugement comme certains Académiciens). C'est ce point que je ne comprends pas : comment passe-t-on de l'identité des dieux à l'absence de connaissance ? Il faudrait que la connaissance/perception soit liée à l'individuation mais rien ne va dans ce sens dans la suite du texte. Pease n'explique pas ce lien (pas plus qu'Auvray-Assayas) comme si cela allait de soi. Des lumières ?
- User14996Niveau 10
Le problème vient peut-être de la traduction de cognitio et de perceptio qui expriment un acte d'investigation du réel (valeur du suffixe -tiō). Le premier désigne l'action d'apprendre à connaître, autrement dit la connaissance que l'on acquiert par l'étude, et le second, l'action de recueillir (percipere) par les sens, l'action d'expérimenter.
Il n'y a pas de cognitio ni de perceptio, sans quoi il nous faudrait postuler une singularité des dieux, nous renvoyant à la première hypothèse.
C'est ce que je dirais à première vue, du moins...
Il n'y a pas de cognitio ni de perceptio, sans quoi il nous faudrait postuler une singularité des dieux, nous renvoyant à la première hypothèse.
C'est ce que je dirais à première vue, du moins...
- LevincentNiveau 9
Ænésidème a écrit:
Sans différence, pas de connaissance.
Est-ce que ça ne rejoint pas le principe des indiscernables de Leibniz ?
- User14996Niveau 10
Ænésidème a écrit:Sans différence, pas de connaissance. Le problème n'est pas immédiatement lié, à mon avis, à la singularité du sujet connaissant, à son individuation, mais à la singularité d'objets de la connaissance. D'où le très ouvert "chez les dieux", "apud deos", qui ne dit pas "pour les dieux", mais qui pourrait se traduire par "auprès des dieux". Dans un monde où rien ne se distingue, aucune connaissance n'est possible (nulla cognitio), parce qu'on ne perçoit rien et qu'il n'y a rien à saisir (nulla perceptio). [Je donne à la dernière juxtaposition une valeur explicative, mais j'abuse peut-être.]Ruthven a écrit:si les dieux sont identiques, ils n'ont aucune connaissance (ils suspendent leur jugement comme certains Académiciens). C'est ce point que je ne comprends pas : comment passe-t-on de l'identité des dieux à l'absence de connaissance ? Il faudrait que la connaissance/perception soit liée à l'individuation mais rien ne va dans ce sens dans la suite du texte.
Mais bien sûr.
L'objet de la polémique entre Cotta et Velleius n'a rien à voir avec la divinité comme sujet connaissant.
Excusez-moi, j'aurais dû relire le passage avant de poster.
- RuthvenGuide spirituel
Ænésidème a écrit:Sans différence, pas de connaissance. Le problème n'est pas immédiatement lié, à mon avis, à la singularité du sujet connaissant, à son individuation, mais à la singularité d'objets de la connaissance. D'où le très ouvert "chez les dieux", "apud deos", qui ne dit pas "pour les dieux", mais qui pourrait se traduire par "auprès des dieux". Dans un monde où rien ne se distingue, aucune connaissance n'est possible (nulla cognitio), parce qu'on ne perçoit rien et qu'il n'y a rien à saisir (nulla perceptio). [Je donne à la dernière juxtaposition une valeur explicative, mais j'abuse peut-être.]Ruthven a écrit:si les dieux sont identiques, ils n'ont aucune connaissance (ils suspendent leur jugement comme certains Académiciens). C'est ce point que je ne comprends pas : comment passe-t-on de l'identité des dieux à l'absence de connaissance ? Il faudrait que la connaissance/perception soit liée à l'individuation mais rien ne va dans ce sens dans la suite du texte.
Mais alors, comment comprendre la phrase précédente : "S'ils ont tous le même visage, force est de reconnaître qu'il y a dans le ciel une Académie florissante" ?
- RuthvenGuide spirituel
Merci pour le parallèle probant !
- PanturleNiveau 8
:compr:
Mais j'ai trouvé la discussion très intéressante.
Mais j'ai trouvé la discussion très intéressante.
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Multaque res subita et paupertas horrida suasit.
- User17706Bon génie
C. Diano, Epicuri Ethica, 1946, p. 118, défend la thèse de l'indiscernabilité des dieux épicuriens (en nombre infini). Il y a toute une querelle interprétative à ce sujet. Effectivement tout porte à croire que le problème (devenu très tôt classique) ne soit pas de savoir comment les dieux connaissent mais bien de savoir s'ils sont connaissables individuellement et, donc, dans leurs différences. (Voir le scolie de la première Maxime Capitale à ce sujet, qui suggère qu'il y aurait deux types de connaissance des dieux et, peut-être, du coup, deux catégories de dieux.)
- IphigénieProphète
Tiouuuu il vole haut ce fil passionnant :
faudra que je le lise à tête très reposée si je veux avoir une chance minime de suivre. :lol:
Panturle, on fait équipe!
faudra que je le lise à tête très reposée si je veux avoir une chance minime de suivre. :lol:
Panturle, on fait équipe!
- PanturleNiveau 8
Faut que je lise tout ça (Après Barthes et le post de Levincent, j'entends.)
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- User17706Bon génie
C'est vraiment pénible ce blanchissement de messages :|
Il y a vraiment des gens qui ne comprennent pas que c'est du vandalisme ?
Il y a vraiment des gens qui ne comprennent pas que c'est du vandalisme ?
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