- FeuchtwangerNiveau 9
Marie Laetitia a écrit:Feuchtwanger a écrit:'ai le sentiment que le vrai changement de paradigme est d'être passé d'une histoire fournissant des réponses à une histoire posant des questions (dont les symboles restent pour moi les virages culturels puis géographiques des sciences humaines dans les, à la louche, quinze dernirèes années). La conséquence en est une perte d'intelligibilité globale qui ne permet plus de fournir une grille de lecture comme le faisaient les socles de connaissances du passé (on pourrait lier cela au mouvement de la déconstruction).
Dans l'absolu, je n'ai rien contre (un peu comme je n'ai rien contre que l'exotisme moyen-âgeux laisse le champ libre à différentes interprétations). J'ai néanmoins l'impression que cela stérilise progressivement la discipline. Un exemple qui m'avait frappé avait été lorsque de la bouche d'un IPR j'avais entendu dire "mais on s'en fout des causes de la 1ère Guerre Mondiale, ce qu'il faut c'est que les élèves comprennent ce qu'est une guerre totale". Je vois là un glissement qui me semble trouver sa source dans le paradigme actuel de l'histoire et qui à terme aboutit à la destruction des indices glânés dans l'enquête historique (pour reprendre ta comparaison).
Enfin, l'histoire qui pose des questions, elle a plus d'un siècle!!!
Quant à la perte d'intelligibilité "globale", au contraire! L'histoire en est encore plus passionnante.
Ta référence aux propos d'un IPR, j'ai peur de ne pas bien la comprendre... D'ailleurs je ne comprends pas ta dernière phrase...
C'est simple, c'est que l'IPR voulait évacuer la question (lancinante et fondamentale) des responsabilités de la 1ère Guerre Mondiale. Comme dans toute guerre, il y a eu un vainqueur, un vaincu, un agresseur, un agressé or justement quand on regarde les travaux contemporains (en France) on préfère botter en touche sur la question de "l'expérience combattante", "la guerre totale", choses très intéressantes par ailleurs mais qui me semblent être une façon de noyer le poisson.
Je donne un exemple tout bête sur la 1ère Guerre Mondiale : je lis il y a quelques mois l'ouvrage dirigé par John Horne publié par Blackwell sur la 1ère Guerre Mondiale. Dans le chapitre les buts de guerre il y a une discussion sur un ouvrage majeur de Fischer (Deutschlands Kriegsziele im Ersten Weltkrieg) qui indique la responsabilité écrasante de l'Allemagne et qui y avait fait scandale dans les années 70. Intéressé (et assez interloqué de n'en avoir jamais entendu parler) je me dis que je vais me le prendre et je découvre avec effarement qu'il n'est plus disponible en français depuis des décennies.
Je me le procure en anglais et là je suis estomaqué par les éléments qui sont apportés qui dressent un portrait accablant pour l'Allemagne (en corrigeant d'ailleurs beaucoup de mythes, notamment sur le Bagdad Bahn). Et là, j'ai un très profond sentiment que l'on m'a balladé pendant toute ma carrière universitaire en France. Impression renforcée à mesure que je creuse et que je découvre des travaux comme ceux de Liulevicius ou (pour prendre un historien non universitaire) Porte sur les processus de colonisation allemands d'Europe de l'Est pendant la 1ère GM qui brutalement m'ont fait voir la lumière sur la période. Bref, l'histoire me l'a rendue intelligible justement en indiquant que tous les pays et toutes les politiques ne se valaient pas sur cette période à partir de l'étude serrée des mécanismes et des faits.
Désolé pour ce développement un peu longuet, mais c'est pour essayer de t'illustrer ce que j'entends par "perte d'intelligibilité globale". En multipliant les questions, pas toujours essentielles on noie le poisson et on déstructure intellectuellement (surtout au niveau du secondaire, au niveau de l'université toutes les questions sont légitimes, à condition de ne pas se faire au détriment d'un socle de base : je n'oublierais jamais la tête de certains profs que j'ai revus quand je leur ai parlé de Fischer et je pourrais multiplier les exemples...). On le sait tous, dans une salle de classe, il y a les questions posées par les élèves pour comprendre et il y a les questions posées pour troller. Et bien je trouve qu'assez souvent on tombe dans le troll en sciences humaines et que parfois cela masque une réelle volonté de ne pas savoir qui me choque.
Là encore, j'ai le sentiment qu'il y a un équilibre à trouver. On est passée d'une histoire quasi téléologique au XIXème siècle à une histoire désormais ultra différentialiste et relativiste. Il me semble qu'il serait possible de bouger le curseur de la scientificité de la discipline un peu entre les deux pour que chacun puisse ensuite le déplacer comme il l'entend.
Cette question me semble très loin d'être anecdotique à l'heure d'internet où les élèves, à terme, seront mis en contact avec ces événements historiques. Sauf qu'ils ne le seront plus dans le cadre d'une institution encadrée par des règles de rigueur intellectuelle et scientifique et que c'est propice à tous les débordements. C'est en cela que je suis très gêné par la position guindée universitaire à l'heure actuelle (et je tiens à préciser que ce n'est pas une attaque anti-universitaires non plus, dans la mesure où au vu de la dégradation matérielle du métier qui m'a poussé à me barrer, et bien ceux qui restent forcent mon respect).
- keroGrand sage
Feuchtwanger, il me semble que tu mélanges des choses différentes.
On peut discuter/disserter des causes de la Première Guerre mondiale et même souligner la responsabilité allemande sans en arriver à des jugements de valeur impliquant de considérer que "tous les pays et toutes les politiques ne se valaient pas sur cette période". Tout simplement parce qu'on en arrive là à des considérations qui n'ont rien de scientifique.
Lorsqu'on dégage des responsabilité, lorsqu'on souligne que les uns sont vainqueurs ou perdants d'une guerre, on est dans le factuel et on reste dans la démarche historique. Lorsqu'on décrète qu'un pays est plus glorieux qu'un autre en raison de ses victoires, on sort de son champ.
Après, on peut aussi admettre avec toi que le glissement historiographique qui a amené à moins s'intéresser aux causes de la guerre qu'à la culture de guerre vient parfois servir des agendas qui n'ont rien d'historien. Réconciliation franco-allemande, ou autres. Il n'empêche, ce glissement historiographique fait sens en lui-même et il demeure parfaitement légitime dès lors qu'il n'est pas invoqué dans le but de, justement, noyer le poisson. Traiter de la culture de guerre n'interdit pas de traiter des enchaînements événementiels. C'est juste qu'énormément de choses ont été écrites là-dessus, il n'est pas vraiment utile que les chercheurs s'y penchent encore (tu viens de le prouver toi-même, puisque tes lectures t'ont amené à voir tout ce qui a été fait sur le thème des responsabilités).
Maintenant, dans nos cours, je pense d'ailleurs que nombre de professeurs traitons de ces points.
On peut discuter/disserter des causes de la Première Guerre mondiale et même souligner la responsabilité allemande sans en arriver à des jugements de valeur impliquant de considérer que "tous les pays et toutes les politiques ne se valaient pas sur cette période". Tout simplement parce qu'on en arrive là à des considérations qui n'ont rien de scientifique.
Lorsqu'on dégage des responsabilité, lorsqu'on souligne que les uns sont vainqueurs ou perdants d'une guerre, on est dans le factuel et on reste dans la démarche historique. Lorsqu'on décrète qu'un pays est plus glorieux qu'un autre en raison de ses victoires, on sort de son champ.
Après, on peut aussi admettre avec toi que le glissement historiographique qui a amené à moins s'intéresser aux causes de la guerre qu'à la culture de guerre vient parfois servir des agendas qui n'ont rien d'historien. Réconciliation franco-allemande, ou autres. Il n'empêche, ce glissement historiographique fait sens en lui-même et il demeure parfaitement légitime dès lors qu'il n'est pas invoqué dans le but de, justement, noyer le poisson. Traiter de la culture de guerre n'interdit pas de traiter des enchaînements événementiels. C'est juste qu'énormément de choses ont été écrites là-dessus, il n'est pas vraiment utile que les chercheurs s'y penchent encore (tu viens de le prouver toi-même, puisque tes lectures t'ont amené à voir tout ce qui a été fait sur le thème des responsabilités).
Maintenant, dans nos cours, je pense d'ailleurs que nombre de professeurs traitons de ces points.
- FeuchtwangerNiveau 9
kero a écrit:Feuchtwanger, il me semble que tu mélanges des choses différentes.
On peut discuter/disserter des causes de la Première Guerre mondiale et même souligner la responsabilité allemande sans en arriver à des jugements de valeur impliquant de considérer que "tous les pays et toutes les politiques ne se valaient pas sur cette période".
Lorsqu'on dégage des responsabilité, lorsqu'on souligne que les uns sont vainqueurs ou perdants d'une guerre, on est dans le factuel et on reste dans la démarche historique. Lorsqu'on décrète qu'un pays est plus glorieux qu'un autre en raison de ses victoires, on sort de son champ.
C'est possible que je mélange et c'est pour cela que je discute car d'un point de vue éthique en tant que professeur c'est une question qui me taraude.
Mais quand on décrit le mécanisme, même sans dire "bouh! regardez les méchants", on ne parle pas dans l'éther et on suscite une réaction qui n'est pas purement scientifique et détachée. Si je reprends Fischer, il ne dit jamais "les allemands sont dans le déclenchement de la 1ère GM pires que les autres", mais la conclusion s'impose d'elle-même (et m'a vacciné contre énormément de discours politiques contemporains).
Là encore, j'ai l'impression que ce qui vous gêne c'est le terme de gloire Pour moi, la gloire n'est pas nécessairement liée à une victoire (par exemple la Commune est à mon sens un des moments les plus glorieux de l'histoire de France) mais plutôt à un événement d'une exemplarité telle qu'il transcende sa singularité pour toucher à une intelligibilité universelle.
Si je n'avais pas employé ce terme de gloire (que j'ai repris d'un post qui m'avait fait bondir) et que j'avais utilisé celui "d'exemplarité", est-ce que vous seriez aussi gêné par ma position?
J'ai une vision très influencée par Péguy de l'histoire. Pour moi l'histoire a pour but d'élever l'âme et "tout ce qui élève unit".
(Edit): J'ai vu que tu viens d'éditer donc je réponds ici. Oui, mais je l'ai vu en le découvrant moi-même après plus de 10 ans d'études dans le milieu universitaire uniquement à partir de sources anglo-saxonnes! Pour un point aussi fondamental, c'est pour moi hallucinant et la question des cultures de guerre en devient l'arbre qui cache la forêt. C'est en cela que je n'aime pas l'opposition Casali/ historiens de métier. Elle me semble artificielle, chacun a peur de l'autre et le caricature pour défendre son pré carré alors que les deux camps s'ils dialoguaient découvriraient que les angoisses de l'autre sont légitimes et qu'ils pourraient les résoudre.
- ElyasEsprit sacré
Deux points par rapport aux remarques de Feuchtwanger :
- Tu pointes une des dérives de l'historiographie du temps présent et du XXe siècle en général. Ce problème est quasiment absent de l'historiographie de l'Antiquité, du Moyen Age et de l'époque moderne. Il n'y a aucun recul et le poids moral et politique du temps présent est tel que ces périodes proches dont toutes les archives n'ont pas révélées leurs secrets ou n'ont pas été ouvertes. Cela pose un vrai souci méthodologique.
- Tu me sembles confondre un autre point important. Nous ne sommes pas historiens ou géographes dans nos classes, nous ne sommes qu'enseignants. Notre objectif est de donner des éléments de culture historique et géographique et des éléments de raisonnement critique suffisants pour en faire des citoyens éclairés et, s'ils le veulent, de futurs historiens ou géographes car nous leur aurons donner faim, pas de former de futurs historiens ou géographes. Sinon, si ce dernier objectif qui est présent, on ne travaille que pour 0,1% de nos élèves et je suis optimiste.
Je viens de lire ton dernier message. Tu cites tes références. Mes références sont Ricoeur et Veyne (ainsi que Bloch dans une certaine mesure).
- Tu pointes une des dérives de l'historiographie du temps présent et du XXe siècle en général. Ce problème est quasiment absent de l'historiographie de l'Antiquité, du Moyen Age et de l'époque moderne. Il n'y a aucun recul et le poids moral et politique du temps présent est tel que ces périodes proches dont toutes les archives n'ont pas révélées leurs secrets ou n'ont pas été ouvertes. Cela pose un vrai souci méthodologique.
- Tu me sembles confondre un autre point important. Nous ne sommes pas historiens ou géographes dans nos classes, nous ne sommes qu'enseignants. Notre objectif est de donner des éléments de culture historique et géographique et des éléments de raisonnement critique suffisants pour en faire des citoyens éclairés et, s'ils le veulent, de futurs historiens ou géographes car nous leur aurons donner faim, pas de former de futurs historiens ou géographes. Sinon, si ce dernier objectif qui est présent, on ne travaille que pour 0,1% de nos élèves et je suis optimiste.
Je viens de lire ton dernier message. Tu cites tes références. Mes références sont Ricoeur et Veyne (ainsi que Bloch dans une certaine mesure).
- keroGrand sage
Je vais te répondre en me citant.
"Glorieux", "exemplaire", tout cela exprime une conception morale de l'histoire. Je maintiens qu'il faut absolument séparer le plan de la morale (qui n'est pas en soi illégitime) du plan scientifique, pour la simple et bonne raison que les considérations de valeur n'ont rien à faire dans un discours scientifique. Cela n'interdit pas de - par ailleurs - avoir un avis moral sur les événements.
(À noter que j'utilise le terme moral/morale sans la connotation péjorative qui lui est parfois communément donné, mais je crois que cela allait de soi et ne prêtait pas à confusion).
kero a écrit:L'histoire n'a pas besoin d'être moralisante pour contribuer à la formation morale des élèves. Son apprentissage est per se formateur, sans qu'il soit nécessaire d'en dévoyer la démarche.
"Glorieux", "exemplaire", tout cela exprime une conception morale de l'histoire. Je maintiens qu'il faut absolument séparer le plan de la morale (qui n'est pas en soi illégitime) du plan scientifique, pour la simple et bonne raison que les considérations de valeur n'ont rien à faire dans un discours scientifique. Cela n'interdit pas de - par ailleurs - avoir un avis moral sur les événements.
(À noter que j'utilise le terme moral/morale sans la connotation péjorative qui lui est parfois communément donné, mais je crois que cela allait de soi et ne prêtait pas à confusion).
- CelebornEsprit sacré
kiwi a écrit:
Perso, j'aime bien ces nouveaux programmes, bien qu'il y ait quelques petites retouches à faire. Par contre, je trouve aussi comme dans l'article qu'ils sont un peu trop flous. J'apprécie ce système de thèmes obligatoires/facultatifs, toutefois, nous dire quels contenus et quelles capacités transmettre, ça ne serait pas du luxe. Ce que je déteste en fait dans nos programmes actuels, c'est le pourcentage de temps à passer sur tel thème, et la case "démarches imposées".
Plusieurs choses :
1) Se débarrasser des pourcentages, ça semble effectivement une bonne idée, à partir du moment où on cadre un minimum les contenus à transmettre, ce qui n'est clairement pas le cas pour le moment. Certains thèmes, d'après ma collègue d'histoire-géo préféré, ont clairement un côté fourre-tout.
2) Je trouve ça un peu étrange, l'idée d'avoir des thèmes/périodes facultatifs alors qu'on est dans la scolarité obligatoire, et + encore au vu des choix opérés. « Les Lumières » facultatif, ça me paraît hallucinant. La façon de construire le Moyen-Âge en 5e me semble très discutable (techniquement, on peut évacuer quasiment tout ce qui concerne l'Église, la Réforme, etc.).
3) Mais pourquoi on a encore la Chine des Han en 6e au lieu de l'Égypte ?
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- FeuchtwangerNiveau 9
Elyas a écrit:Deux points par rapport aux remarques de Feuchtwanger :
- Tu pointes une des dérives de l'historiographie du temps présent et du XXe siècle en général. Ce problème est quasiment absent de l'historiographie de l'Antiquité, du Moyen Age et de l'époque moderne. Il n'y a aucun recul et le poids moral et politique du temps présent est tel que ces périodes proches dont toutes les archives n'ont pas révélées leurs secrets ou n'ont pas été ouvertes. Cela pose un vrai souci méthodologique.
- Tu me sembles confondre un autre point important. Nous ne sommes pas historiens ou géographes dans nos classes, nous ne sommes qu'enseignants. Notre objectif est de donner des éléments de culture historique et géographique et des éléments de raisonnement critique suffisants pour en faire des citoyens éclairés et, s'ils le veulent, de futurs historiens ou géographes car nous leur aurons donner faim, pas de former de futurs historiens ou géographes. Sinon, si ce dernier objectif qui est présent, on ne travaille que pour 0,1% de nos élèves et je suis optimiste.
Je viens de lire ton dernier message. Tu cites tes références. Mes références sont Ricoeur et Veyne (ainsi que Bloch dans une certaine mesure).
C'est amusant ta remarque sur le fait que nous ne sommes pas historiens dans nos classes. Je considère depuis cinq ans et étude approfondie que la France n'a plus eu de politique étrangère autonome par rapport à l'Angleterre depuis 1815 jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale. Ne l'ayant jamais lue noir sur blanc dans un ouvrage d'historien, je ne l'ai jamais dit à mes élèves et il me manquait la conclusion des guerres napoléoniennes.
Et puis Thierry Lentz l'a dit il y a quelques mois. Du coup, j'ai enfin pu finir de manière intelligible mon cours sur les guerres napoléoniennes en disant à mes élèves, je le pensais depuis longtemps mais en tant que fonctionnaire je n'avais pas le droit de vous le dire tant qu'un historien ne l'écrivait pas noir sur blanc.
Je suis dans un contexte particulier d'enseignement, mais j'ai beaucoup d'élèves qui ont entamé des études d'histoire ou plus généralement des études d'humanités alors qu'ils se destinaient aux sciences. Donc je ne partage pas cette vision un peu fataliste.
- doctor whoDoyen
Elyas a écrit:Deux points par rapport aux remarques de Feuchtwanger :
- Tu pointes une des dérives de l'historiographie du temps présent et du XXe siècle en général. Ce problème est quasiment absent de l'historiographie de l'Antiquité, du Moyen Age et de l'époque moderne. Il n'y a aucun recul et le poids moral et politique du temps présent est tel que ces périodes proches dont toutes les archives n'ont pas révélées leurs secrets ou n'ont pas été ouvertes. Cela pose un vrai souci méthodologique.
- Tu me sembles confondre un autre point important. Nous ne sommes pas historiens ou géographes dans nos classes, nous ne sommes qu'enseignants. Notre objectif est de donner des éléments de culture historique et géographique et des éléments de raisonnement critique suffisants pour en faire des citoyens éclairés et, s'ils le veulent, de futurs historiens ou géographes car nous leur aurons donner faim, pas de former de futurs historiens ou géographes. Sinon, si ce dernier objectif qui est présent, on ne travaille que pour 0,1% de nos élèves et je suis optimiste.
Je viens de lire ton dernier message. Tu cites tes références. Mes références sont Ricoeur et Veyne (ainsi que Bloch dans une certaine mesure).
Les futurs lecteurs de livres d'histoire, de livres sur la politique, etc. Ca fait plus que 0,1%
_________________
Mon blog sur Tintin (entre autres) : http://popanalyse.over-blog.com/
Blog pédagogique : http://pedagoj.eklablog.com
- ElyasEsprit sacré
doctor who a écrit:Elyas a écrit:Deux points par rapport aux remarques de Feuchtwanger :
- Tu pointes une des dérives de l'historiographie du temps présent et du XXe siècle en général. Ce problème est quasiment absent de l'historiographie de l'Antiquité, du Moyen Age et de l'époque moderne. Il n'y a aucun recul et le poids moral et politique du temps présent est tel que ces périodes proches dont toutes les archives n'ont pas révélées leurs secrets ou n'ont pas été ouvertes. Cela pose un vrai souci méthodologique.
- Tu me sembles confondre un autre point important. Nous ne sommes pas historiens ou géographes dans nos classes, nous ne sommes qu'enseignants. Notre objectif est de donner des éléments de culture historique et géographique et des éléments de raisonnement critique suffisants pour en faire des citoyens éclairés et, s'ils le veulent, de futurs historiens ou géographes car nous leur aurons donner faim, pas de former de futurs historiens ou géographes. Sinon, si ce dernier objectif qui est présent, on ne travaille que pour 0,1% de nos élèves et je suis optimiste.
Je viens de lire ton dernier message. Tu cites tes références. Mes références sont Ricoeur et Veyne (ainsi que Bloch dans une certaine mesure).
Les futurs lecteurs de livres d'histoire, de livres sur la politique, etc. Ca fait plus que 0,1%
Je voulais parler d'historiens et de géographes de métier, dont les revenus dépendent de leurs recherches.
- FeuchtwangerNiveau 9
kero a écrit:Je vais te répondre en me citant.kero a écrit:L'histoire n'a pas besoin d'être moralisante pour contribuer à la formation morale des élèves. Son apprentissage est per se formateur, sans qu'il soit nécessaire d'en dévoyer la démarche.
"Glorieux", "exemplaire", tout cela exprime une conception morale de l'histoire. Je maintiens qu'il faut absolument séparer le plan de la morale (qui n'est pas en soi illégitime) du plan scientifique, pour la simple et bonne raison que les considérations de valeur n'ont rien à faire dans un discours scientifique. Cela n'interdit pas de - par ailleurs - avoir un avis moral sur les événements.
(À noter que j'utilise le terme moral/morale sans la connotation péjorative qui lui est parfois communément donné, mais je crois que cela allait de soi et ne prêtait pas à confusion).
Si je comprends bien notre différence, c'est que tu considères que la formation est endogène à la pratique historique (mais je serais curieux de savoir ce que tu entends par "formation", puisque pour moi la formation historique c'est justement arriver à découvrir une une réalité qui élève, qui fournit un exemple).
Pour moi, la pratique historique permet de tendre vers une morale qui serait plus "exogène". En fait, merci pour ta réponse, je me rends compte à quel point ma vision est très platonicienne alors que la tienne serait plus aristotélicienne (si mes souvenirs de philo ne me desservent pas).
- ElyasEsprit sacré
Feuchtwanger a écrit:Elyas a écrit:Deux points par rapport aux remarques de Feuchtwanger :
- Tu pointes une des dérives de l'historiographie du temps présent et du XXe siècle en général. Ce problème est quasiment absent de l'historiographie de l'Antiquité, du Moyen Age et de l'époque moderne. Il n'y a aucun recul et le poids moral et politique du temps présent est tel que ces périodes proches dont toutes les archives n'ont pas révélées leurs secrets ou n'ont pas été ouvertes. Cela pose un vrai souci méthodologique.
- Tu me sembles confondre un autre point important. Nous ne sommes pas historiens ou géographes dans nos classes, nous ne sommes qu'enseignants. Notre objectif est de donner des éléments de culture historique et géographique et des éléments de raisonnement critique suffisants pour en faire des citoyens éclairés et, s'ils le veulent, de futurs historiens ou géographes car nous leur aurons donner faim, pas de former de futurs historiens ou géographes. Sinon, si ce dernier objectif qui est présent, on ne travaille que pour 0,1% de nos élèves et je suis optimiste.
Je viens de lire ton dernier message. Tu cites tes références. Mes références sont Ricoeur et Veyne (ainsi que Bloch dans une certaine mesure).
C'est amusant ta remarque sur le fait que nous ne sommes pas historiens dans nos classes. Je considère depuis cinq ans et étude approfondie que la France n'a plus eu de politique étrangère autonome par rapport à l'Angleterre depuis 1815 jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale. Ne l'ayant jamais lue noir sur blanc dans un ouvrage d'historien, je ne l'ai jamais dit à mes élèves et il me manquait la conclusion des guerres napoléoniennes.
Et puis Thierry Lentz l'a dit il y a quelques mois. Du coup, j'ai enfin pu finir de manière intelligible mon cours sur les guerres napoléoniennes en disant à mes élèves, je le pensais depuis longtemps mais en tant que fonctionnaire je n'avais pas le droit de vous le dire tant qu'un historien ne l'écrivait pas noir sur blanc.
Je suis dans un contexte particulier d'enseignement, mais j'ai beaucoup d'élèves qui ont entamé des études d'histoire ou plus généralement des études d'humanités alors qu'ils se destinaient aux sciences. Donc je ne partage pas cette vision un peu fataliste.
Tous tes exemples sont des exemples d'histoire contemporaine, tu remarqueras. Et je me permets de m'auto-citer :
Elyas a écrit:- Tu pointes une des dérives de l'historiographie du temps présent et du XXe siècle en général. Ce problème est quasiment absent de l'historiographie de l'Antiquité, du Moyen Age et de l'époque moderne. Il n'y a aucun recul et le poids moral et politique du temps présent est tel que ces périodes proches dont toutes les archives n'ont pas révélées leurs secrets ou n'ont pas été ouvertes. Cela pose un vrai souci méthodologique.
- ElyasEsprit sacré
Celeborn a écrit:kiwi a écrit:
Perso, j'aime bien ces nouveaux programmes, bien qu'il y ait quelques petites retouches à faire. Par contre, je trouve aussi comme dans l'article qu'ils sont un peu trop flous. J'apprécie ce système de thèmes obligatoires/facultatifs, toutefois, nous dire quels contenus et quelles capacités transmettre, ça ne serait pas du luxe. Ce que je déteste en fait dans nos programmes actuels, c'est le pourcentage de temps à passer sur tel thème, et la case "démarches imposées".
Plusieurs choses :
1) Se débarrasser des pourcentages, ça semble effectivement une bonne idée, à partir du moment où on cadre un minimum les contenus à transmettre, ce qui n'est clairement pas le cas pour le moment. Certains thèmes, d'après ma collègue d'histoire-géo préféré, ont clairement un côté fourre-tout.
2) Je trouve ça un peu étrange, l'idée d'avoir des thèmes/périodes facultatifs alors qu'on est dans la scolarité obligatoire, et + encore au vu des choix opérés. « Les Lumières » facultatif, ça me paraît hallucinant. La façon de construire le Moyen-Âge en 5e me semble très discutable (techniquement, on peut évacuer quasiment tout ce qui concerne l'Église, la Réforme, etc.).
3) Mais pourquoi on a encore la Chine des Han en 6e au lieu de l'Égypte ?
Pour le 1), oui, certains thèmes sont fourre-tout (du genre Villes et éducation).
Pour le 2), on sent qu'il y a eu un problème entre le projet initial et la re-écriture définitive. Cependant, comme je l'ai dit ailleurs, c'est très facile pour un professeur d'HG un peu cultivé et professionnel de réaliser des cours carrés, accessibles et exigeants sans problème.
Pour le 3), euh... l'Egypte est dans le programme... et dans au moins deux chapitres de 6e : la révolution agricole et Premiers Etats, premières écritures.
- Marie LaetitiaBon génie
En te lisant, Feuchtwanger, j'ai une impression de complot pour abêtir les élèves. C'est très bizarre. Que la question des origines de la 1GM soient importantes, évidemment. Que les programmes mettent l'accent sur la notion de guerre totale, je ne vois pas où est le problème. Tu ne comprends pas l'intérêt de cette notion et tu te passionnes pour les origines de la 1GM mais la manière dont tu considères la question me semble orientée par la recherche de coupables, en quelque sorte. Et je pense que c'est pour ça que les universitaires t'ont regardé en ouvrant de grands yeux. On est très loin de la démarche historique, là.
Tout à fait.
Là, il y a un problème. Tu attends de l'histoire quelque chose de moral, voire de politique.
Kero souligne le problème mieux que moi.
kero a écrit:Feuchtwanger, il me semble que tu mélanges des choses différentes.
On peut discuter/disserter des causes de la Première Guerre mondiale et même souligner la responsabilité allemande sans en arriver à des jugements de valeur impliquant de considérer que "tous les pays et toutes les politiques ne se valaient pas sur cette période". Tout simplement parce qu'on en arrive là à des considérations qui n'ont rien de scientifique.
Lorsqu'on dégage des responsabilité, lorsqu'on souligne que les uns sont vainqueurs ou perdants d'une guerre, on est dans le factuel et on reste dans la démarche historique. Lorsqu'on décrète qu'un pays est plus glorieux qu'un autre en raison de ses victoires, on sort de son champ.
Après, on peut aussi admettre avec toi que le glissement historiographique qui a amené à moins s'intéresser aux causes de la guerre qu'à la culture de guerre vient parfois servir des agendas qui n'ont rien d'historien. Réconciliation franco-allemande, ou autres. Il n'empêche, ce glissement historiographique fait sens en lui-même et il demeure parfaitement légitime dès lors qu'il n'est pas invoqué dans le but de, justement, noyer le poisson. Traiter de la culture de guerre n'interdit pas de traiter des enchaînements événementiels. C'est juste qu'énormément de choses ont été écrites là-dessus, il n'est pas vraiment utile que les chercheurs s'y penchent encore (tu viens de le prouver toi-même, puisque tes lectures t'ont amené à voir tout ce qui a été fait sur le thème des responsabilités).
Maintenant, dans nos cours, je pense d'ailleurs que nombre de professeurs traitons de ces points.
Tout à fait.
Feuchtwanger a écrit:J'ai une vision très influencée par Péguy de l'histoire. Pour moi l'histoire a pour but d'élever l'âme et "tout ce qui élève unit".
Là, il y a un problème. Tu attends de l'histoire quelque chose de moral, voire de politique.
kero a écrit:Je vais te répondre en me citant.kero a écrit:L'histoire n'a pas besoin d'être moralisante pour contribuer à la formation morale des élèves. Son apprentissage est per se formateur, sans qu'il soit nécessaire d'en dévoyer la démarche.
"Glorieux", "exemplaire", tout cela exprime une conception morale de l'histoire. Je maintiens qu'il faut absolument séparer le plan de la morale (qui n'est pas en soi illégitime) du plan scientifique, pour la simple et bonne raison que les considérations de valeur n'ont rien à faire dans un discours scientifique. Cela n'interdit pas de - par ailleurs - avoir un avis moral sur les événements.
(À noter que j'utilise le terme moral/morale sans la connotation péjorative qui lui est parfois communément donné, mais je crois que cela allait de soi et ne prêtait pas à confusion).
Kero souligne le problème mieux que moi.
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- Marie LaetitiaBon génie
Celeborn a écrit:kiwi a écrit:
Perso, j'aime bien ces nouveaux programmes, bien qu'il y ait quelques petites retouches à faire. Par contre, je trouve aussi comme dans l'article qu'ils sont un peu trop flous. J'apprécie ce système de thèmes obligatoires/facultatifs, toutefois, nous dire quels contenus et quelles capacités transmettre, ça ne serait pas du luxe. Ce que je déteste en fait dans nos programmes actuels, c'est le pourcentage de temps à passer sur tel thème, et la case "démarches imposées".
Plusieurs choses :
1) Se débarrasser des pourcentages, ça semble effectivement une bonne idée, à partir du moment où on cadre un minimum les contenus à transmettre, ce qui n'est clairement pas le cas pour le moment. Certains thèmes, d'après ma collègue d'histoire-géo préféré, ont clairement un côté fourre-tout.
2) Je trouve ça un peu étrange, l'idée d'avoir des thèmes/périodes facultatifs alors qu'on est dans la scolarité obligatoire, et + encore au vu des choix opérés. « Les Lumières » facultatif, ça me paraît hallucinant. La façon de construire le Moyen-Âge en 5e me semble très discutable (techniquement, on peut évacuer quasiment tout ce qui concerne l'Église, la Réforme, etc.).
3) Mais pourquoi on a encore la Chine des Han en 6e au lieu de l'Égypte ?
La question n'est pas pourquoi la Chine des Han plutôt que l'Égypte, mais pourquoi plus la Mésopotamie que l'Égypte, because avancée des travaux sur la Mésopotamie. Donc Mésopotamie et Égypte sont traités ensemble à travers la naissance de l'écriture et l'apparition des premières cités.
Que les élèves aient des bases sur l'histoire de la Chine, étant donné l'essor de ce pays me semble très normal.
Pour les thèmes facultatifs, il faudra voir le détail des programmes, mais en fait dans les 4 premiers chapitres actuels de 4e, je suis gênée par des... redites? concordances? Enfin, j'aimerais pouvoir traiter globalement le sujet ou faire mes propres découpages en fonction des documents choisis ou de l'angle d'étude choisi. Les Lumières, on les voit forcément pour comprendre la Révolution...
_________________
Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- FeuchtwangerNiveau 9
@ Elyas : C'est sûr que si je trouve que Commode est un empereur plus glorieux que Marc-Aurèle, les enjeux actuels sont moins lourds.
Mais je suis content de voir qu'en réalité on arrive au même constat (qui se pose quand même sur près de 75% du programme d'histoire du lycée, sans même oser aborder le cas de la géographie. Je crois cependant que les sources ne sont pas le seul problème et que le paradigme dominant a aussi sa part de responsabilité). Nos solutions diffèrent pour le résoudre ce qui est le droit de chacun. L'important c'est que les élèves bénéficient au cours de leur scolarité de cette diversité.
Mais je suis content de voir qu'en réalité on arrive au même constat (qui se pose quand même sur près de 75% du programme d'histoire du lycée, sans même oser aborder le cas de la géographie. Je crois cependant que les sources ne sont pas le seul problème et que le paradigme dominant a aussi sa part de responsabilité). Nos solutions diffèrent pour le résoudre ce qui est le droit de chacun. L'important c'est que les élèves bénéficient au cours de leur scolarité de cette diversité.
- FeuchtwangerNiveau 9
Non, ce qui me gêne c'est que ces universitaires ont ouvert de grands yeux parce qu'ils ne connaissaient pas ces éléments.
Or justement, pour citer kero (en espérant ne pas déformer son propos) : "Après, on peut aussi admettre avec toi que le glissement historiographique qui a amené à moins s'intéresser aux causes de la guerre qu'à la culture de guerre vient parfois servir des agendas qui n'ont rien d'historien. Réconciliation franco-allemande, ou autres. Il n'empêche, ce glissement historiographique fait sens en lui-même et il demeure parfaitement légitime dès lors qu'il n'est pas invoqué dans le but de, justement, noyer le poisson".
J'irais plus loin que lui dans la gradation en arguant que ce glissement est plus politique qu'historiographique (et très franco-fançais, pour preuve le livre de Fischer est disponible dans toutes les autres langues et constamment réédité, sauf le français).
Le but n'est pas d'opposer guerre totale et causes de la 1ère GM. Justement en lisant Fischer, on voit très bien que la guerre totale est le résultat des contraintes nouvelles que font peser sur le front les buts de guerre allemands. Donc, la guerre totale d'un phénomène de mobilisation qui est souvent présenté comme le fruit de l'industrialisation devient en réalité un phénomène de survie culturel. A partir de là, on arrive à des interprétations passionantes pour les élèves et très formatrices.
Tu dis que mon problème vient du fait que j'attends quelque chose de politique de l'histoire (en se limitant au champ de la contemporaine). Et bien oui, j'estime que le but de l'histoire est d'amener à la conscience politique dans le cadre de l'école. C'est d'ailleurs pour cela que l'institution nous paye (et non pas par amour de la science). On remarque qu'à mesure que l'histoire se désengage de ce rôle (et ici les volonté politiques me semblent sans doute plus déterminantes que pour d'autres intervenants), elle a perdu en influence, en moyens, en prestige et la société en a profondément souffert.
Je n'aime pas le terme de complot trop connoté, mais il y a effectivement eu des travaux très sérieux (je pense notamment à ceux de Christopher Lasch) sur la destruction de la culture classique comme moyen de réduire la marge d'autonomie intellectuelle que garantissait paradoxalement la vision "politique" donnée par l'histoire, entre autres. Je n'ai pas le sentiment que l'abandon de la "gloire" en histoire ait conduit à l'émancipation des populations mais plutôt à leur asservissement.
Sinon à quoi sert l'histoire dans l'enseignement? Pour moi, elle doit servir le Bien Commun qui est l'émancipation et l'élévation individuelle par l'exemplarité.
Or justement, pour citer kero (en espérant ne pas déformer son propos) : "Après, on peut aussi admettre avec toi que le glissement historiographique qui a amené à moins s'intéresser aux causes de la guerre qu'à la culture de guerre vient parfois servir des agendas qui n'ont rien d'historien. Réconciliation franco-allemande, ou autres. Il n'empêche, ce glissement historiographique fait sens en lui-même et il demeure parfaitement légitime dès lors qu'il n'est pas invoqué dans le but de, justement, noyer le poisson".
J'irais plus loin que lui dans la gradation en arguant que ce glissement est plus politique qu'historiographique (et très franco-fançais, pour preuve le livre de Fischer est disponible dans toutes les autres langues et constamment réédité, sauf le français).
Le but n'est pas d'opposer guerre totale et causes de la 1ère GM. Justement en lisant Fischer, on voit très bien que la guerre totale est le résultat des contraintes nouvelles que font peser sur le front les buts de guerre allemands. Donc, la guerre totale d'un phénomène de mobilisation qui est souvent présenté comme le fruit de l'industrialisation devient en réalité un phénomène de survie culturel. A partir de là, on arrive à des interprétations passionantes pour les élèves et très formatrices.
Tu dis que mon problème vient du fait que j'attends quelque chose de politique de l'histoire (en se limitant au champ de la contemporaine). Et bien oui, j'estime que le but de l'histoire est d'amener à la conscience politique dans le cadre de l'école. C'est d'ailleurs pour cela que l'institution nous paye (et non pas par amour de la science). On remarque qu'à mesure que l'histoire se désengage de ce rôle (et ici les volonté politiques me semblent sans doute plus déterminantes que pour d'autres intervenants), elle a perdu en influence, en moyens, en prestige et la société en a profondément souffert.
Je n'aime pas le terme de complot trop connoté, mais il y a effectivement eu des travaux très sérieux (je pense notamment à ceux de Christopher Lasch) sur la destruction de la culture classique comme moyen de réduire la marge d'autonomie intellectuelle que garantissait paradoxalement la vision "politique" donnée par l'histoire, entre autres. Je n'ai pas le sentiment que l'abandon de la "gloire" en histoire ait conduit à l'émancipation des populations mais plutôt à leur asservissement.
Sinon à quoi sert l'histoire dans l'enseignement? Pour moi, elle doit servir le Bien Commun qui est l'émancipation et l'élévation individuelle par l'exemplarité.
- Isis39Enchanteur
Celeborn a écrit:
Plusieurs choses :
1) Se débarrasser des pourcentages, ça semble effectivement une bonne idée, à partir du moment où on cadre un minimum les contenus à transmettre, ce qui n'est clairement pas le cas pour le moment. Certains thèmes, d'après ma collègue d'histoire-géo préféré, ont clairement un côté fourre-tout.
2) Je trouve ça un peu étrange, l'idée d'avoir des thèmes/périodes facultatifs alors qu'on est dans la scolarité obligatoire, et + encore au vu des choix opérés. « Les Lumières » facultatif, ça me paraît hallucinant. La façon de construire le Moyen-Âge en 5e me semble très discutable (techniquement, on peut évacuer quasiment tout ce qui concerne l'Église, la Réforme, etc.).
3) Mais pourquoi on a encore la Chine des Han en 6e au lieu de l'Égypte ?
J'aimais bien enseigner l'Egypte, c'est exotique. Mais en quoi est-elle importante dans l'histoire ? C'est pourquoi je trouve, finalement (après avoir déploré sa disparition) plus important de traiter de la Mésopotamie.
La Chine des Han et ses relations avec l'Occident sont aussi finalement plus intéressants à étudier.
- CelebornEsprit sacré
Elyas a écrit:
Pour le 3), euh... l'Egypte est dans le programme... et dans au moins deux chapitres de 6e : la révolution agricole et Premiers Etats, premières écritures.
Non, ce qui est dans le programme, c'est "révolution agricole" et "premiers États, premières écritures", pas l'Égypte (cf. l'évolution qu'il y a eu à ce sujet entre les programmes précédents, qui traitaient spécifiquement de l'Égypte, et les programmes actuels". Le mot ne figure d'ailleurs pas dans le programme.
Une fois encore, on est dans des programmes qui doivent pouvoir être traités dans le temps imparti, ce qui oblige à faire des choix, on est tous d'accord là-dessus. Je pense que mettre au troisième plan un sujet dont on sait qu'il est quasi-toujours bien "reçu" en 6e pour traiter de la Chine des Han (et je suis certain que c'est en soi passionnant, la Chine des Han), ça me paraît dommage, c'est tout.
À noter aussi (pensons interdisciplinaire) que l'Égypte est le cadre de nombreux romans de littérature jeunesse que les collègues de français donnent souvent à lire à cet âge. Et son Panthéon a été culturellement particulièrement prolifique (Bilal, Pratchett…).
_________________
"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
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- JohnMédiateur
:shock:Isis39 a écrit:J'aimais bien enseigner l'Egypte, c'est exotique. Mais en quoi est-elle importante dans l'histoire ?
Sinon, je suis d'accord avec le reste du message : étudier la Mésopotamie et la Chine des Han, très bien.
Mais cette phrase-là a failli me faire défaillir
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
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:lol:
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- Isis39Enchanteur
Celeborn a écrit:Elyas a écrit:
Pour le 3), euh... l'Egypte est dans le programme... et dans au moins deux chapitres de 6e : la révolution agricole et Premiers Etats, premières écritures.
Non, ce qui est dans le programme, c'est "révolution agricole" et "premiers États, premières écritures", pas l'Égypte (cf. l'évolution qu'il y a eu à ce sujet entre les programmes précédents, qui traitaient spécifiquement de l'Égypte, et les programmes actuels". Le mot ne figure d'ailleurs pas dans le programme.
Une fois encore, on est dans des programmes qui doivent pouvoir être traités dans le temps imparti, ce qui oblige à faire des choix, on est tous d'accord là-dessus. Je pense que mettre au troisième plan un sujet dont on sait qu'il est quasi-toujours bien "reçu" en 6e pour traiter de la Chine des Han (et je suis certain que c'est en soi passionnant, la Chine des Han), ça me paraît dommage, c'est tout.
À noter aussi (pensons interdisciplinaire) que l'Égypte est le cadre de nombreux romans de littérature jeunesse que les collègues de français donnent souvent à lire à cet âge. Et son Panthéon a été culturellement particulièrement prolifique (Bilal, Pratchett…).
Oui, mais historiquement, quelle est l'importance de l'Egypte ?
Malheureusement pour les collègues de lettres, le programme d'histoire n'est pas fait pour répondre aux besoins du programme de français !
- Isis39Enchanteur
John a écrit::shock:Isis39 a écrit:J'aimais bien enseigner l'Egypte, c'est exotique. Mais en quoi est-elle importante dans l'histoire ?
La Mésopotamie c'est la naissance de l'agriculture, de la cité-état, de l'écriture, de la loi...
L'Egypte est passionnante à étudier, mais en quoi son étude est-elle indispensable dans le cursus d'un élève de collège ?
Edit : si on écoute tout le monde, nos programmes comporterait 10 fois plus de choses qu'aujourd'hui. On ne peut pas tout faire.
- JohnMédiateur
Sans doute un grain de sable par rapport aux années 60-70 en France !Isis39 a écrit:Oui, mais historiquement, quelle est l'importance de l'Egypte ?
Euh dites...
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- Isis39Enchanteur
John a écrit:Sans doute un grain de sable par rapport aux années 60-70 en France !Isis39 a écrit:Oui, mais historiquement, quelle est l'importance de l'Egypte ?
Euh dites...
Quel rapport avec les années 60-70 ? Dans le cadre de l'Antiquité, il faut faire des choix. Ne pas étudier l'Egypte est cohérent.
Mais je répète que j'adore cette civilisation, et j'adorais l'enseigner. Simplement, on ne peut pas tout faire.
- JohnMédiateur
J'ai pris un point du programme de troisième auquel on consacrera du temps.Quel rapport avec les années 60-70 ?
Dans le cadre de l'Antiquité, c'est dommage de ne pas parler du tout de l'Egypte. Mésopotamie, Grèce, Rome et Chine des Han, très bien ; mais l'Egypte, ça va manquer quand même. Surtout qu'il n'est pas demandé de faire une étude historique très poussée de l'un ou l'autre, ce qui est normal en 6eme.
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- CelebornEsprit sacré
Isis39 a écrit:
Oui, mais historiquement, quelle est l'importance de l'Egypte ?
Je sais pas, moi : les pyramides, les sarcophages, les momies, le sphinx, les hiéroglyphes, le temple d'Abou-Simbel, l'Exode, Akhénathon, Cléopâtre, Champollion… C'était une question sérieuse ?
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