- CondorcetOracle
Quand je lis Dimka "Qui pratique l'histoire plus que les historiens ?" puis aussi des questions sur la réussite ou non à un concours, je m'interroge. D'abord, les archivistes, par leur pratique quotidienne du document, ont aussi une certaine légitimité en la matière et nos fameuses sources de première main sont d'abord passées entre les leurs. Il y a aussi les historiens-témoins qui nous aident quelque peu à conserver l'humilité nécessaire à la pratique historienne.
Ensuite, l'impératif de vérité que porte le discours historien est forcément lié au contexte d'énonciation : celui de Feuchtwanger me paraît appartenir à un autre temps.
Ensuite, l'impératif de vérité que porte le discours historien est forcément lié au contexte d'énonciation : celui de Feuchtwanger me paraît appartenir à un autre temps.
- CondorcetOracle
*Fifi* a écrit:Condorcet a écrit:*Fifi* a écrit:
Peut-être parce que tenir ce genre d'arguments ou une "méthode" telle que celle décrite par Feuchtwanger peut être plus "excusable" s'il s'agit d'une personne dont ce n'est pas le métier ?
Parce qu'il faut s'excuser pour s'exprimer ?
Ai-je parler de s'excuser pour s'exprimer ?? Tu déformes mes propos, d'autant que j'ai mis le mot entre guillemets.
Je disais juste que la méthode proposée par Feuchtwanger, sa vision de l'Histoire avait fait tiquer nombre de personnes car cela semblait contraire à la méthode historique. Cela paraissait donc plus problématique si la dite personne faisait des cours d'histoire. Si elle fait des cours d'EPS (ou autre hein !), cela semble moins inquiétant pour les élèves.
J'ai édité entre-temps le message qui dépasse ma pensée
Il n'en demeure pas moins qu'ici, sur ce forum, nous ne sommes ni IPR, ni chef d'établissement, ni recteur et qu'à ce titre, ce genre de demande n'a aucune raison d'être d'autant plus que nous ne savons pas quelles sont ses pratiques pédagogiques en cours.
- *Fifi*Modérateur
Tu n'exagères pas un peu ?Condorcet a écrit:*Fifi* a écrit:Condorcet a écrit:
Parce qu'il faut s'excuser pour s'exprimer ?
Ai-je parler de s'excuser pour s'exprimer ?? Tu déformes mes propos, d'autant que j'ai mis le mot entre guillemets.
Je disais juste que la méthode proposée par Feuchtwanger, sa vision de l'Histoire avait fait tiquer nombre de personnes car cela semblait contraire à la méthode historique. Cela paraissait donc plus problématique si la dite personne faisait des cours d'histoire. Si elle fait des cours d'EPS (ou autre hein !), cela semble moins inquiétant pour les élèves.
J'ai édité entre-temps le message qui dépasse ma pensée
Il n'en demeure pas moins qu'ici, sur ce forum, nous ne sommes ni IPR, ni chef d'établissement, ni recteur et qu'à ce titre, ce genre de demande n'a aucune raison d'être d'autant plus que nous ne savons pas quelles sont ses pratiques pédagogiques en cours.
Demander la matière enseignée par un membre sur un forum de profs, ça me semble pas être la mer à boire, ni ne revenir qu'aux IPR, CDE et recteurs... D'autant que c'est demandé à l'inscription.
_________________
Pour accéder à la banque de données en HG, merci de lire le règlement ici :
https://www.neoprofs.org/t36320-bdd-hg-reglement
- CondorcetOracle
Si cela est demandé au début, pourquoi y revenir ? J'exagère peut-être et même sans doute parce que le ton sur lequel la demande a été formulée me déplaît fortement. Qui plus est, cela nuit au débat et à l'énoncé des idées en faisant porter sur le locuteur plutôt que sur celles-ci le clair du propos. J'arrête ma digression.
- DimkaVénérable
Oui, mais les programmes scolaires indiquent que l’on fait des cours d’histoire, et les professeurs sont recrutés par un concours comportant de l’histoire (et ils sont sélectionnés par des historiens), donc c’est logique qu’on s’attende à ce que le rapport au temps tel qu’il est développé dans les écoles soit conforme à l’épistémologie de l’histoire, si possible dans sa version XXIe siècle.Condorcet a écrit:Car s'il s'agit d'expliquer, de donner du sens et donner à voir et comprendre une période passée, l'histoire n'est pas seule.
Le jour où il y aura un capes de mythologie ou une agrégation de mémoire, il n’y aura plus d’imposture intellectuelle à parler de gloire du passé à propos des programmes scolaires.
Non, je pense que c’est plus de l’étonnement. Si un participant se déclarant professeur de physique se mettait à défendre ici l’effet Dumas, je pense qu’il y aurait quelqu’un pour lui demander s’il est vraiment prof de physique. En général, quand on s’inscrit dans une discipline en niant ses présupposés méthodologiques de base, ça pose question.Condorcet a écrit:C'est que j'entends souligner. Je ne partage aucune des positions de Feuchtwanger mais lui demander s'il est historien ou non (une question rhétorique qui plus est) n'est rien d'autre qu'une querelle en légitimité.
Je disais cela en réponse à ça :Condorcet a écrit:Quand je lis Dimka "Qui pratique l'histoire plus que les historiens ?" puis aussi des questions sur la réussite ou non à un concours, je m'interroge.
Ça me semble un peu gros d’opposer les historiens universitaires et la réalité de la pratique disciplinaire, comme s’il y avait l’histoire universitaire isolée, et les autres historiens, professionnels ou amateurs de l’histoire de l’autre côté. De même, je ne vois pas pourquoi tu viens parler des archivistes, dans le cadre de cet échange : les archivistes respectent les mêmes pratiques que les historiens, en particulier l’absence de jugement, de même que des tas d’amateurs, qu’ils fassent de l’histoire de façon traditionnelle, ou des reconstitutions, de l’artisanat, etc. Et l’épistémologie historique n’est pas ségrégative : Philippe Ariès a longtemps été un amateur et il est reconnu, et Sylvain Gougenheim est un professionnel, et tout le monde lui est tombé dessus.Feuchtwanger a écrit:A l'université certainement (et encore je crois que ce refus vient bien plus des craintes des professeurs d'université que d'une quelconque réalité de la pratique disciplinaire).Dimka a écrit:La gloire et la honte ne sont pas des concepts de la pratique historique.
Par ailleurs, je ne vois pas en quoi affirmer que la place des historiens universitaires dans les pratiques historiques, aujourd’hui, ce serait nier ou mépriser qui que ce soit. Qu’il n’y ait pas que les historiens universitaires, certes, mais ils sont quand même vaguement présents, il me semble. Bientôt, il va falloir s’excuser de faire de l’histoire à l’université.
_________________
- Spoiler:
- FeuchtwangerNiveau 9
Arf, j'avais eu l'impression de répondre mais j'ai du faire une fausse manip car je reviens après quelques temps et mon message n'apparait pas.
On m'a posé la question sur mes titres. Je n'aime pas trop y répondre, mais je suis normalien et sorti dans la botte à l'agrégation de géographie (même si le gros de ma formation a en réalité été celle d'un historien). J'enseigne bien évidemment.
Je savais que je représenterais une position minoritaire et qui pourrait susciter l'incompréhension (mais cela m'indiffère dans la mesure où elle reflète des convictions que j'ai forgé au fil d'une décennie). Etant donné que je vois que le gros du forum défend régulièrement des positions contraires, je me suis dit qu'il serait intéressant de mener une discussion là-dessus.
@ dimka : Si j'ai pris l'exemple du nazisme parce qu'il est "parlant" (mais bien évidemment ma réflexion est valable dans d'autres domaines), c'est parce que l'on voit bien qu'expliquer les mécanismes historiques c'est amener les élèves à analyser et à établir des hiérarchies (en termes d'efficacité, en terme de morale, etc...selon leur intelligence et leur libre arbitre).
Justement, pour reprendre mon exemple, étudier les mécanismes de constitution de la doctrine nationale allemande ou de la doctrine nationale française a justement pour finalité de fournir des éléments de comparaison et de gradation qui importent énormément pour notre présent (le hollandais Thierry Baudet l'a très bien montré dans son ouvrage Significance of Borders). Si l'on s'en tient aux faits, la position du relativisme historique ("notre histoire n'est pas plus ou moins glorieuse que celle de nos voisins" ne tient pas. Cela revient à dire "peu importe le vainqueur ou le vaincu d'une guerre, au fond c'est pareil").
Je crois que sombrer dans les caricatures réciproques (que je peux comprendre étant donné les débats médiatiques et les attendus des ministères) ne sera pas très fécond. Il y a un présupposé très fort dans beaucoup de vos messages, c'est de considérer que l'histoire doit déconstruire pour amener à développer un esprit critique. Or, justement l'esprit critique ne naît-il pas lorsqu'on a un modèle, une grille de lecture (qui fut longtemps la culture classique et l'histoire classique) contre lequel on peut se révolter? Après tous les révolutionnaires étaient les enfants des cours d'histoire des oratoriens.
Pour moi c'est un débat passionant que je suis intéressé à mener et j'attends les objections pour essayer d'y répondre.
On m'a posé la question sur mes titres. Je n'aime pas trop y répondre, mais je suis normalien et sorti dans la botte à l'agrégation de géographie (même si le gros de ma formation a en réalité été celle d'un historien). J'enseigne bien évidemment.
Je savais que je représenterais une position minoritaire et qui pourrait susciter l'incompréhension (mais cela m'indiffère dans la mesure où elle reflète des convictions que j'ai forgé au fil d'une décennie). Etant donné que je vois que le gros du forum défend régulièrement des positions contraires, je me suis dit qu'il serait intéressant de mener une discussion là-dessus.
@ dimka : Si j'ai pris l'exemple du nazisme parce qu'il est "parlant" (mais bien évidemment ma réflexion est valable dans d'autres domaines), c'est parce que l'on voit bien qu'expliquer les mécanismes historiques c'est amener les élèves à analyser et à établir des hiérarchies (en termes d'efficacité, en terme de morale, etc...selon leur intelligence et leur libre arbitre).
Justement, pour reprendre mon exemple, étudier les mécanismes de constitution de la doctrine nationale allemande ou de la doctrine nationale française a justement pour finalité de fournir des éléments de comparaison et de gradation qui importent énormément pour notre présent (le hollandais Thierry Baudet l'a très bien montré dans son ouvrage Significance of Borders). Si l'on s'en tient aux faits, la position du relativisme historique ("notre histoire n'est pas plus ou moins glorieuse que celle de nos voisins" ne tient pas. Cela revient à dire "peu importe le vainqueur ou le vaincu d'une guerre, au fond c'est pareil").
Je crois que sombrer dans les caricatures réciproques (que je peux comprendre étant donné les débats médiatiques et les attendus des ministères) ne sera pas très fécond. Il y a un présupposé très fort dans beaucoup de vos messages, c'est de considérer que l'histoire doit déconstruire pour amener à développer un esprit critique. Or, justement l'esprit critique ne naît-il pas lorsqu'on a un modèle, une grille de lecture (qui fut longtemps la culture classique et l'histoire classique) contre lequel on peut se révolter? Après tous les révolutionnaires étaient les enfants des cours d'histoire des oratoriens.
Pour moi c'est un débat passionant que je suis intéressé à mener et j'attends les objections pour essayer d'y répondre.
- FeuchtwangerNiveau 9
Dimka a écrit:Oui, mais les programmes scolaires indiquent que l’on fait des cours d’histoire, et les professeurs sont recrutés par un concours comportant de l’histoire (et ils sont sélectionnés par des historiens), donc c’est logique qu’on s’attende à ce que le rapport au temps tel qu’il est développé dans les écoles soit conforme à l’épistémologie de l’histoire, si possible dans sa version XXIe siècle.Condorcet a écrit:Car s'il s'agit d'expliquer, de donner du sens et donner à voir et comprendre une période passée, l'histoire n'est pas seule.
Le jour où il y aura un capes de mythologie ou une agrégation de mémoire, il n’y aura plus d’imposture intellectuelle à parler de gloire du passé à propos des programmes scolaires.Non, je pense que c’est plus de l’étonnement. Si un participant se déclarant professeur de physique se mettait à défendre ici l’effet Dumas, je pense qu’il y aurait quelqu’un pour lui demander s’il est vraiment prof de physique. En général, quand on s’inscrit dans une discipline en niant ses présupposés méthodologiques de base, ça pose question.Condorcet a écrit:C'est que j'entends souligner. Je ne partage aucune des positions de Feuchtwanger mais lui demander s'il est historien ou non (une question rhétorique qui plus est) n'est rien d'autre qu'une querelle en légitimité.Je disais cela en réponse à ça :Condorcet a écrit:Quand je lis Dimka "Qui pratique l'histoire plus que les historiens ?" puis aussi des questions sur la réussite ou non à un concours, je m'interroge.Ça me semble un peu gros d’opposer les historiens universitaires et la réalité de la pratique disciplinaire, comme s’il y avait l’histoire universitaire isolée, et les autres historiens, professionnels ou amateurs de l’histoire de l’autre côté. De même, je ne vois pas pourquoi tu viens parler des archivistes, dans le cadre de cet échange : les archivistes respectent les mêmes pratiques que les historiens, en particulier l’absence de jugement, de même que des tas d’amateurs, qu’ils fassent de l’histoire de façon traditionnelle, ou des reconstitutions, de l’artisanat, etc. Et l’épistémologie historique n’est pas ségrégative : Philippe Ariès a longtemps été un amateur et il est reconnu, et Sylvain Gougenheim est un professionnel, et tout le monde lui est tombé dessus.Feuchtwanger a écrit:A l'université certainement (et encore je crois que ce refus vient bien plus des craintes des professeurs d'université que d'une quelconque réalité de la pratique disciplinaire).Dimka a écrit:La gloire et la honte ne sont pas des concepts de la pratique historique.
Par ailleurs, je ne vois pas en quoi affirmer que la place des historiens universitaires dans les pratiques historiques, aujourd’hui, ce serait nier ou mépriser qui que ce soit. Qu’il n’y ait pas que les historiens universitaires, certes, mais ils sont quand même vaguement présents, il me semble. Bientôt, il va falloir s’excuser de faire de l’histoire à l’université.
Deux remarques : tu sais bien que l'épistémologie avance par paradigme (cf Kuhn) qui sont minoritaires dans un premier temps dans le milieu universitaire. Le problème des discours à l'intérieur des paradigmes c'est qu'ils ont tendance à s'emmurer dans une tour d'ivoire (et à défendre des positions intenables, puisque sincèrement, tout le discours universitaire est pétri de ces jugements qui s'autojustifient en s'abritant derrière les paradigmes).
Je serais par ailleurs très prudent sur Gougenheim. C'est un professeur brillant, extrêmement respecté dans la sphère gerrmanique et polonaise (bien plus que la plupart de ses contradicteurs). Ce qui lui est arrivé est justement l'exemple du règlement de compte en s'abritant derrière la bonne morale du paradigme scientifique majoritaire universitaire (même si je trouve que son ouvrage sur le Mont Saint Michel n'est objectivement pas terrible). On voit vraiment l'effet de groupe qui me semble très empreint de morale pour le coup.
- CondorcetOracle
Dimka, j'ai bien pris note de tes remarques. J'y répondrai en MP afin de ne pas polluer ce fil.
- Isis39Enchanteur
Feuchtwanger a écrit:Arf, j'avais eu l'impression de répondre mais j'ai du faire une fausse manip car je reviens après quelques temps et mon message n'apparait pas.
On m'a posé la question sur mes titres. Je n'aime pas trop y répondre, mais je suis normalien et sorti dans la botte à l'agrégation de géographie (même si le gros de ma formation a en réalité été celle d'un historien). J'enseigne bien évidemment.
Je savais que je représenterais une position minoritaire et qui pourrait susciter l'incompréhension (mais cela m'indiffère dans la mesure où elle reflète des convictions que j'ai forgé au fil d'une décennie). Etant donné que je vois que le gros du forum défend régulièrement des positions contraires, je me suis dit qu'il serait intéressant de mener une discussion là-dessus.
@ dimka : Si j'ai pris l'exemple du nazisme parce qu'il est "parlant" (mais bien évidemment ma réflexion est valable dans d'autres domaines), c'est parce que l'on voit bien qu'expliquer les mécanismes historiques c'est amener les élèves à analyser et à établir des hiérarchies (en termes d'efficacité, en terme de morale, etc...selon leur intelligence et leur libre arbitre).
Justement, pour reprendre mon exemple, étudier les mécanismes de constitution de la doctrine nationale allemande ou de la doctrine nationale française a justement pour finalité de fournir des éléments de comparaison et de gradation qui importent énormément pour notre présent (le hollandais Thierry Baudet l'a très bien montré dans son ouvrage Significance of Borders). Si l'on s'en tient aux faits, la position du relativisme historique ("notre histoire n'est pas plus ou moins glorieuse que celle de nos voisins" ne tient pas. Cela revient à dire "peu importe le vainqueur ou le vaincu d'une guerre, au fond c'est pareil").
Je crois que sombrer dans les caricatures réciproques (que je peux comprendre étant donné les débats médiatiques et les attendus des ministères) ne sera pas très fécond. Il y a un présupposé très fort dans beaucoup de vos messages, c'est de considérer que l'histoire doit déconstruire pour amener à développer un esprit critique. Or, justement l'esprit critique ne naît-il pas lorsqu'on a un modèle, une grille de lecture (qui fut longtemps la culture classique et l'histoire classique) contre lequel on peut se révolter? Après tous les révolutionnaires étaient les enfants des cours d'histoire des oratoriens.
Pour moi c'est un débat passionant que je suis intéressé à mener et j'attends les objections pour essayer d'y répondre.
Pour affiner la compréhension de ta position, pourrais-tu dire à quel niveau tu enseignes ?
- Ingeborg B.Esprit éclairé
Moi, comme je suis une gôchiste impénitente, je n'enseigne que les heures glorieuses de l'histoire de France et uniquemment elles : La Commune, le Front Populaire et, bien sûr... Mai 68 ! :lol!:
- Isis39Enchanteur
Ingeborg B. a écrit:Moi, comme je suis une gôchiste impénitente, je n'enseigne que les heures glorieuses de l'histoire de France et uniquemment elles : La Commune, le Front Populaire et, bien sûr... Mai 68 ! :lol!:
Et l'alliance avec Staline en 40 ? (en mode François Fillon)
- Guillaume le GrandFidèle du forum
Non, la Commune, les marins de Kronstadt, les insoumis de 17 et mai 68Ingeborg B. a écrit:Moi, comme je suis une gôchiste impénitente, je n'enseigne que les heures glorieuses de l'histoire de France et uniquemment elles : La Commune, le Front Populaire et, bien sûr... Mai 68 ! :lol!:
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''C'est drôle comme les gens qui se croient instruits éprouvent le besoin de faire chier le monde''. Boris Vian
''Nous n'acceptons pas de vérité promulguée : nous la faisons nôtre d'abord par l'étude et par la discussion et nous apprenons à rejeter l'erreur, fut-elle mille fois estampillée et patentée. Que de fois, en effet, le peuple ignorant a-t-il dû reconnaître que ses savants éducateurs n'avaient d'autre science à lui enseigner que celle de marcher paisiblement et joyeusement à l'abattoir, comme ce boeuf des fêtes que l'on couronne de guirlandes en papier doré." Elisée Reclus
- ElyasEsprit sacré
Bande de journalistes
Moi, j'enseigne les glorieux repas des lions à base de martyrs chrétiens
Moi, j'enseigne les glorieux repas des lions à base de martyrs chrétiens
- Isis39Enchanteur
Elyas a écrit:Bande de journalistes
Moi, j'enseigne les glorieux repas des lions à base de martyrs chrétiens
Mécréant !
- Guillaume le GrandFidèle du forum
Le bolchévique est-il aussi gustatif que le martyr chrétien?Elyas a écrit:Bande de journalistes
Moi, j'enseigne les glorieux repas des lions à base de martyrs chrétiens
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''C'est drôle comme les gens qui se croient instruits éprouvent le besoin de faire chier le monde''. Boris Vian
''Nous n'acceptons pas de vérité promulguée : nous la faisons nôtre d'abord par l'étude et par la discussion et nous apprenons à rejeter l'erreur, fut-elle mille fois estampillée et patentée. Que de fois, en effet, le peuple ignorant a-t-il dû reconnaître que ses savants éducateurs n'avaient d'autre science à lui enseigner que celle de marcher paisiblement et joyeusement à l'abattoir, comme ce boeuf des fêtes que l'on couronne de guirlandes en papier doré." Elisée Reclus
- ElyasEsprit sacré
Isis39 a écrit:Elyas a écrit:Bande de journalistes
Moi, j'enseigne les glorieux repas des lions à base de martyrs chrétiens
Mécréant !
Non, ami des bêtes !
- FeuchtwangerNiveau 9
Isis39 a écrit:Feuchtwanger a écrit:Arf, j'avais eu l'impression de répondre mais j'ai du faire une fausse manip car je reviens après quelques temps et mon message n'apparait pas.
On m'a posé la question sur mes titres. Je n'aime pas trop y répondre, mais je suis normalien et sorti dans la botte à l'agrégation de géographie (même si le gros de ma formation a en réalité été celle d'un historien). J'enseigne bien évidemment.
Je savais que je représenterais une position minoritaire et qui pourrait susciter l'incompréhension (mais cela m'indiffère dans la mesure où elle reflète des convictions que j'ai forgé au fil d'une décennie). Etant donné que je vois que le gros du forum défend régulièrement des positions contraires, je me suis dit qu'il serait intéressant de mener une discussion là-dessus.
@ dimka : Si j'ai pris l'exemple du nazisme parce qu'il est "parlant" (mais bien évidemment ma réflexion est valable dans d'autres domaines), c'est parce que l'on voit bien qu'expliquer les mécanismes historiques c'est amener les élèves à analyser et à établir des hiérarchies (en termes d'efficacité, en terme de morale, etc...selon leur intelligence et leur libre arbitre).
Justement, pour reprendre mon exemple, étudier les mécanismes de constitution de la doctrine nationale allemande ou de la doctrine nationale française a justement pour finalité de fournir des éléments de comparaison et de gradation qui importent énormément pour notre présent (le hollandais Thierry Baudet l'a très bien montré dans son ouvrage Significance of Borders). Si l'on s'en tient aux faits, la position du relativisme historique ("notre histoire n'est pas plus ou moins glorieuse que celle de nos voisins" ne tient pas. Cela revient à dire "peu importe le vainqueur ou le vaincu d'une guerre, au fond c'est pareil").
Je crois que sombrer dans les caricatures réciproques (que je peux comprendre étant donné les débats médiatiques et les attendus des ministères) ne sera pas très fécond. Il y a un présupposé très fort dans beaucoup de vos messages, c'est de considérer que l'histoire doit déconstruire pour amener à développer un esprit critique. Or, justement l'esprit critique ne naît-il pas lorsqu'on a un modèle, une grille de lecture (qui fut longtemps la culture classique et l'histoire classique) contre lequel on peut se révolter? Après tous les révolutionnaires étaient les enfants des cours d'histoire des oratoriens.
Pour moi c'est un débat passionant que je suis intéressé à mener et j'attends les objections pour essayer d'y répondre.
Pour affiner la compréhension de ta position, pourrais-tu dire à quel niveau tu enseignes ?
J'ai enseigné à toutes les classes sauf aux cinquièmes et sixièmes.
- OlympiasProphète
Quand je pense que Casali raconte que La Commune prend des pages et des pages dans les manuels ... Le délire total.
- FeuchtwangerNiveau 9
C'est dommage parce que la Commune est justement un des événements les plus glorieux du XIXème siècle et contrairement à ce que l'on pense généralement très "apolitique".
- DimkaVénérable
Feuchtwanger a écrit:@ dimka : Si j'ai pris l'exemple du nazisme parce qu'il est "parlant" (mais bien évidemment ma réflexion est valable dans d'autres domaines), c'est parce que l'on voit bien qu'expliquer les mécanismes historiques c'est amener les élèves à analyser et à établir des hiérarchies (en termes d'efficacité, en terme de morale, etc...selon leur intelligence et leur libre arbitre).
Justement, pour reprendre mon exemple, étudier les mécanismes de constitution de la doctrine nationale allemande ou de la doctrine nationale française a justement pour finalité de fournir des éléments de comparaison et de gradation qui importent énormément pour notre présent (le hollandais Thierry Baudet l'a très bien montré dans son ouvrage Significance of Borders). Si l'on s'en tient aux faits, la position du relativisme historique ("notre histoire n'est pas plus ou moins glorieuse que celle de nos voisins" ne tient pas. Cela revient à dire "peu importe le vainqueur ou le vaincu d'une guerre, au fond c'est pareil").
Je crois que sombrer dans les caricatures réciproques (que je peux comprendre étant donné les débats médiatiques et les attendus des ministères) ne sera pas très fécond. Il y a un présupposé très fort dans beaucoup de vos messages, c'est de considérer que l'histoire doit déconstruire pour amener à développer un esprit critique. Or, justement l'esprit critique ne naît-il pas lorsqu'on a un modèle, une grille de lecture (qui fut longtemps la culture classique et l'histoire classique) contre lequel on peut se révolter? Après tous les révolutionnaires étaient les enfants des cours d'histoire des oratoriens.
Pour moi c'est un débat passionant que je suis intéressé à mener et j'attends les objections pour essayer d'y répondre.
Mais la gloire et le choix à faire (car je ne pense pas qu’il s’agisse de gloire, plutôt du « meilleur » choix à faire, nous concernant), ce sont des attitudes individuelles et collectives qui « débordent » de l’histoire : l’histoire fournit éventuellement des éléments intéressants pour faire ces choix, mais ces derniers ne sont pas l’histoire. L’histoire, c’est la (recherche de la) vérité factuelle (que s’est-il passé, que se passait-il) : pour la vérité morale ou politique, je pense qu’il faut faire de la politique ou de la philosophie (bon… je pense ça, mais si ça se trouve, tous les philosophes vont me tomber dessus pour me dire que mais non mais pas du tout).
L’histoire, c’est juste une enquête, on se pose une question sur comment c’était et on tente d’y répondre, on a des indices, et on essaye de voir l’hypothèse qui se tient le mieux. Un travail de flic, pas de juge. Un bon flic essaye de ne pas se mêler de juger. Pour moi, l’exemple du nazisme est justement caractéristique car le nazisme n’est pas encore totalement digéré, il n’est pas encore complètement de l’histoire et il reste un enjeu actuel, vivant, et de ce fait, il n’est pas significatif parce qu’il tient plutôt de l’exception, de l’extraordinaire.
Vouloir établir des hiérarchies entre les modèles, ça me semble être un point de vue de contemporainiste : si tu fais de l’histoire plus ancienne, les types étaient tellement différents, dans leurs mentalités, leur technique, leur univers mental, leurs possibilités, leurs aspirations, leurs priorités… que tu ne peux pas te dire qu’un tel était mieux qu’un autre, et encore moins que tel système est génial ou pourri, pour nous aujourd’hui. C’était, et c’est déjà pas mal de le constater (Paul Veyne a écrit : « l'histoire romaine est abolie en ce sens qu'elle est vraiment du passé ; c'est une autre planète »). L’histoire permet justement un relativisme énorme, en nous montrant que d’autres hommes ont vécu différemment (pas mieux ni moins bien, juste différemment). Dans l’histoire ancienne, ça paraît assez clair, mais à mon avis, dans l’histoire plus moderne, l’impression de similitude avec aujourd’hui, l’apparence de familiarité conduit à des erreurs, des anachronismes.
Ça n’est pas relativiser les valeurs, simplement on peut être attaché à ses valeurs pour soi, tout en étant conscient que d’autres hommes ont vécu avec d’autres valeurs, dans d’autres contextes, et pour les comprendre, il faut se détacher de soi.
Ça ne signifie pas qu’être minoritaire ou contesté, c’est avoir forcément raison, ou que toutes les façons de faire se valent. De ce que je vois, l’usage de jugements, en histoire, n’apporte rien à la discipline. Ou alors, ça reste à prouver : Kuhn dit qu’on change de paradigme quand on se retrouve face à une crise créée par l’échec fondamental de la science à répondre aux questions, quand il y a une anomalie. On est déjà passé d’une histoire morale à une histoire avec des prétentions plus scientifiques : en quoi revenir à l’histoire d’il y a quelques siècles nous avancerait ? Quel problème insoluble serait résolu ?Feuchtwanger a écrit:Deux remarques : tu sais bien que l'épistémologie avance par paradigme (cf Kuhn) qui sont minoritaires dans un premier temps dans le milieu universitaire. Le problème des discours à l'intérieur des paradigmes c'est qu'ils ont tendance à s'emmurer dans une tour d'ivoire (et à défendre des positions intenables, puisque sincèrement, tout le discours universitaire est pétri de ces jugements qui s'autojustifient en s'abritant derrière les paradigmes).
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- Spoiler:
- OlympiasProphète
Je le traite chaque année mais de façons différentes.Feuchtwanger a écrit:C'est dommage parce que la Commune est justement un des événements les plus glorieux du XIXème siècle et contrairement à ce que l'on pense généralement très "apolitique".
- FeuchtwangerNiveau 9
Olympias a écrit:Je le traite chaque année mais de façons différentes.Feuchtwanger a écrit:C'est dommage parce que la Commune est justement un des événements les plus glorieux du XIXème siècle et contrairement à ce que l'on pense généralement très "apolitique".
C'est ce qui m'a d'ailleurs toujours fasciné. Quand on la fait en 4ème dans le sillage de la Révolution, on a un événement qui est véritablement ancré dans le XVIIIème et la commune apparait comme une résurgence du jacobinisme patriotique et organique.
Quand on la fait en 1ère, elle apparait comme un événement inscrit dans le XXème siècle et une introduction à Sorel et à l'antiparlementarisme.
Bref, un événement unique, très idiosyncratique de la France et qui souffre de la grille de lecture gauche/droite qu'on veut lui imposer.
- FeuchtwangerNiveau 9
@ dimka : Merci pour le message intéressant. Si cela ne te dérange pas, je ne fais pas de quote mais je réponds point par point pour plus de lisibilité.
Je me retrouve beaucoup dans ta définition de l'histoire en tant qu'enquête. Après, c'est sans doute un travers de passionné d'histoire du XIXème et XXème siècle, je crois que la frontière est ténue entre jugement et découverte du mécanisme. C'est un peu la différence entre trouver un cadavre de l'Antiquité et réussir à découvrir son meurtrier ou se retrouver dans la même situation dans son jardin. Fatalement, si dans les deux cas on se contente d'enquêter, les conséquences ne seront pas les mêmes.
Par exemple, j'ai beaucoup travaillé sur des questions précises de l'histoire du XXème siècle (comme la construction européenne), en me fadant des dizaines de bouquins sur la question (mais sans faire de travail d'archives personnel). Si au bout d'un moment la connaissance des faits et des engrenages m'amène à une hypothèse qui semble valide, elle va nécessairement avoir un impact sur ma vision des choses (ou sur celle de mes élèves). Dans ce cas, je suis obligé de tirer une conclusion qui s'impose si je veux rendre le monde intelligible. C'est en cela que lorsqu'on connait les engrenages, il devient très difficile de dire "aucun pays n'est plus glorieux que l'autre", un peu comme la présomption d'innocence tombe lorsque l'enquête a montré les preuves de la culpabilité.
Je suis assez d'accord que le problème se pose moins dans les périodes plus reculées. Le postulat sur "l'exotisme" radical des mentalités du passé me parle beaucoup en tant que géographe puisque lorsque je faisais des recherches sur le terrain je retrouvais souvent cette altérité dans mes entretiens et je me rappelais notamment ce que Latour avait écrit dans "Refaire de la sociologie" sur une certaine naïveté à vouloir imposer son carcan conceptuel à une réalité fluctuante. Pour moi, le Moyen-Age ou l'Antiquité sont justement des réservoirs de différence. La démocratie athénienne est fondamentalement autre, même si elle fait écho à notre démocratie et à cet égard j'aime beaucoup démonter les préjugés que nous avons sur ces époques lointaines, par exemple sur la place des femmes au Moyen-Age. Je crois même que c'est l'un des grands enjeux de l'histoire ancienne (plutôt que de s'attacher à une scientificité difficile à trouver, se présenter comme le contre-poison à l'instrumentalisation universaliste acculturée de notre société en montrant que le différent est possible).
Par exemple, cet été j'ai lu coup sur coup le bouquin de Barthélémy sur la chevalerie et le bouquin de Gouggenheim sur les teutoniques (bien plus réussi que son Aristote, normal c'est son domaine de spécialité). et bien il est clair que les deux n'ont absolument pas la même vision et que pourtant j'ai trouvé les deux complémentaires et brillants, notamment parce que dans les courants de mentalité qui la traversent, toute société est morcelée. Nous sommes nous-mêmes souvent contradictoires à quelques heures d'intervalle, donc les gens des époques antérieures avaient bien le droit de l'être (et c'est le seul domaine où je me risquerais à faire une comparaison).
sur Kuhn et les paradigmes : Tout d'abord, je suis d'accord sur le fait qu'être minoritaire ne veut pas dire avoir raison et heureusement.
J'ai le sentiment que le vrai changement de paradigme est d'être passé d'une histoire fournissant des réponses à une histoire posant des questions (dont les symboles restent pour moi les virages culturels puis géographiques des sciences humaines dans les, à la louche, quinze dernirèes années). La conséquence en est une perte d'intelligibilité globale qui ne permet plus de fournir une grille de lecture comme le faisaient les socles de connaissances du passé (on pourrait lier cela au mouvement de la déconstruction).
Dans l'absolu, je n'ai rien contre (un peu comme je n'ai rien contre que l'exotisme moyen-âgeux laisse le champ libre à différentes interprétations). J'ai néanmoins l'impression que cela stérilise progressivement la discipline. Un exemple qui m'avait frappé avait été lorsque de la bouche d'un IPR j'avais entendu dire "mais on s'en fout des causes de la 1ère Guerre Mondiale, ce qu'il faut c'est que les élèves comprennent ce qu'est une guerre totale". Je vois là un glissement qui me semble trouver sa source dans le paradigme actuel de l'histoire et qui à terme aboutit à la destruction des indices glânés dans l'enquête historique (pour reprendre ta comparaison).
En somme, je considère que le paradigme historique actuel nous amène à l'obscurantisme parce qu'il renonce à rendre intelligible le monde en fournissant un cadre pour penser et pour s'enraciner (qui me semble être le but de l'histoire comme de toutes les sciences). Cette lente dégradation nous conduit à mon avis à la catastrophe culturelle et montre l'essoufflement de notre paradigme. C'est mon opinion (qui m'a fait quitter le monde universitaire pour profiter de plus de liberté) mais quand j'ai vu des élèves de 2de expliquer à Hollande hier que la France avait commis un "génocide" en Algérie, je pense qu'elle peut se défendre.
C'est en cela que je vois la notion de "gloire" ou "fierté" comme extrêmement positive en histoire. Il ne s'agit pas de "gloire" au sens chauvin du terme (d'ailleurs je ne me suis jamais intéressé à Napoléon ), mais dans un sens plus gaulien : la gloire de porter en soi ces événements auxquels on a survécu pour avoir le privilège d'en être un héritier et de continuer à transmettre leur message au monde pour qu'il demeure riche de la diversité des peuples (et je le répète, cela n'a rien à voir avec le völkisch du point de vue de la filiation intellectuelle, notamment parce que la différence gaullienne est universelle).
C'est assez paradoxal, mais quand on prend les nationalismes d'Europe de l'Est au XIXème siècle, il n'y a pas plus artificiel et récent (XIXème siècle). Pourtant l'existence même de ces pays et la survie des idées qu'ils représentent ne m'inspirent que l'admiration (un peu comme tout historien antique est en admiration devant une ruine sans doute).
Je me retrouve beaucoup dans ta définition de l'histoire en tant qu'enquête. Après, c'est sans doute un travers de passionné d'histoire du XIXème et XXème siècle, je crois que la frontière est ténue entre jugement et découverte du mécanisme. C'est un peu la différence entre trouver un cadavre de l'Antiquité et réussir à découvrir son meurtrier ou se retrouver dans la même situation dans son jardin. Fatalement, si dans les deux cas on se contente d'enquêter, les conséquences ne seront pas les mêmes.
Par exemple, j'ai beaucoup travaillé sur des questions précises de l'histoire du XXème siècle (comme la construction européenne), en me fadant des dizaines de bouquins sur la question (mais sans faire de travail d'archives personnel). Si au bout d'un moment la connaissance des faits et des engrenages m'amène à une hypothèse qui semble valide, elle va nécessairement avoir un impact sur ma vision des choses (ou sur celle de mes élèves). Dans ce cas, je suis obligé de tirer une conclusion qui s'impose si je veux rendre le monde intelligible. C'est en cela que lorsqu'on connait les engrenages, il devient très difficile de dire "aucun pays n'est plus glorieux que l'autre", un peu comme la présomption d'innocence tombe lorsque l'enquête a montré les preuves de la culpabilité.
Je suis assez d'accord que le problème se pose moins dans les périodes plus reculées. Le postulat sur "l'exotisme" radical des mentalités du passé me parle beaucoup en tant que géographe puisque lorsque je faisais des recherches sur le terrain je retrouvais souvent cette altérité dans mes entretiens et je me rappelais notamment ce que Latour avait écrit dans "Refaire de la sociologie" sur une certaine naïveté à vouloir imposer son carcan conceptuel à une réalité fluctuante. Pour moi, le Moyen-Age ou l'Antiquité sont justement des réservoirs de différence. La démocratie athénienne est fondamentalement autre, même si elle fait écho à notre démocratie et à cet égard j'aime beaucoup démonter les préjugés que nous avons sur ces époques lointaines, par exemple sur la place des femmes au Moyen-Age. Je crois même que c'est l'un des grands enjeux de l'histoire ancienne (plutôt que de s'attacher à une scientificité difficile à trouver, se présenter comme le contre-poison à l'instrumentalisation universaliste acculturée de notre société en montrant que le différent est possible).
Par exemple, cet été j'ai lu coup sur coup le bouquin de Barthélémy sur la chevalerie et le bouquin de Gouggenheim sur les teutoniques (bien plus réussi que son Aristote, normal c'est son domaine de spécialité). et bien il est clair que les deux n'ont absolument pas la même vision et que pourtant j'ai trouvé les deux complémentaires et brillants, notamment parce que dans les courants de mentalité qui la traversent, toute société est morcelée. Nous sommes nous-mêmes souvent contradictoires à quelques heures d'intervalle, donc les gens des époques antérieures avaient bien le droit de l'être (et c'est le seul domaine où je me risquerais à faire une comparaison).
sur Kuhn et les paradigmes : Tout d'abord, je suis d'accord sur le fait qu'être minoritaire ne veut pas dire avoir raison et heureusement.
J'ai le sentiment que le vrai changement de paradigme est d'être passé d'une histoire fournissant des réponses à une histoire posant des questions (dont les symboles restent pour moi les virages culturels puis géographiques des sciences humaines dans les, à la louche, quinze dernirèes années). La conséquence en est une perte d'intelligibilité globale qui ne permet plus de fournir une grille de lecture comme le faisaient les socles de connaissances du passé (on pourrait lier cela au mouvement de la déconstruction).
Dans l'absolu, je n'ai rien contre (un peu comme je n'ai rien contre que l'exotisme moyen-âgeux laisse le champ libre à différentes interprétations). J'ai néanmoins l'impression que cela stérilise progressivement la discipline. Un exemple qui m'avait frappé avait été lorsque de la bouche d'un IPR j'avais entendu dire "mais on s'en fout des causes de la 1ère Guerre Mondiale, ce qu'il faut c'est que les élèves comprennent ce qu'est une guerre totale". Je vois là un glissement qui me semble trouver sa source dans le paradigme actuel de l'histoire et qui à terme aboutit à la destruction des indices glânés dans l'enquête historique (pour reprendre ta comparaison).
En somme, je considère que le paradigme historique actuel nous amène à l'obscurantisme parce qu'il renonce à rendre intelligible le monde en fournissant un cadre pour penser et pour s'enraciner (qui me semble être le but de l'histoire comme de toutes les sciences). Cette lente dégradation nous conduit à mon avis à la catastrophe culturelle et montre l'essoufflement de notre paradigme. C'est mon opinion (qui m'a fait quitter le monde universitaire pour profiter de plus de liberté) mais quand j'ai vu des élèves de 2de expliquer à Hollande hier que la France avait commis un "génocide" en Algérie, je pense qu'elle peut se défendre.
C'est en cela que je vois la notion de "gloire" ou "fierté" comme extrêmement positive en histoire. Il ne s'agit pas de "gloire" au sens chauvin du terme (d'ailleurs je ne me suis jamais intéressé à Napoléon ), mais dans un sens plus gaulien : la gloire de porter en soi ces événements auxquels on a survécu pour avoir le privilège d'en être un héritier et de continuer à transmettre leur message au monde pour qu'il demeure riche de la diversité des peuples (et je le répète, cela n'a rien à voir avec le völkisch du point de vue de la filiation intellectuelle, notamment parce que la différence gaullienne est universelle).
C'est assez paradoxal, mais quand on prend les nationalismes d'Europe de l'Est au XIXème siècle, il n'y a pas plus artificiel et récent (XIXème siècle). Pourtant l'existence même de ces pays et la survie des idées qu'ils représentent ne m'inspirent que l'admiration (un peu comme tout historien antique est en admiration devant une ruine sans doute).
- Marie LaetitiaBon génie
Feuchtwanger a écrit:'ai le sentiment que le vrai changement de paradigme est d'être passé d'une histoire fournissant des réponses à une histoire posant des questions (dont les symboles restent pour moi les virages culturels puis géographiques des sciences humaines dans les, à la louche, quinze dernirèes années). La conséquence en est une perte d'intelligibilité globale qui ne permet plus de fournir une grille de lecture comme le faisaient les socles de connaissances du passé (on pourrait lier cela au mouvement de la déconstruction).
Dans l'absolu, je n'ai rien contre (un peu comme je n'ai rien contre que l'exotisme moyen-âgeux laisse le champ libre à différentes interprétations). J'ai néanmoins l'impression que cela stérilise progressivement la discipline. Un exemple qui m'avait frappé avait été lorsque de la bouche d'un IPR j'avais entendu dire "mais on s'en fout des causes de la 1ère Guerre Mondiale, ce qu'il faut c'est que les élèves comprennent ce qu'est une guerre totale". Je vois là un glissement qui me semble trouver sa source dans le paradigme actuel de l'histoire et qui à terme aboutit à la destruction des indices glânés dans l'enquête historique (pour reprendre ta comparaison).
Enfin, l'histoire qui pose des questions, elle a plus d'un siècle!!!
Quant à la perte d'intelligibilité "globale", au contraire! L'histoire en est encore plus passionnante.
Ta référence aux propos d'un IPR, j'ai peur de ne pas bien la comprendre... D'ailleurs je ne comprends pas ta dernière phrase...
_________________
Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- kiwiGuide spirituel
Isis39 a écrit:titus06 a écrit:balthamos a écrit:C'est dingue comme il y a un relatif consensus parmi les enseignants d'histoire géo sur les programmes d'histoire géo...
Tu fais bien de préciser "relatif". Personnellement, je préfère ceux de 2008.
Par ailleurs, je ne suis pas étonné de voir que les critiques viennent principalement des professeurs de lettres. Constater que l'humanisme et les Lumières deviendraient possiblement optionnels, je l'aurais mauvaise aussi.
Tu ne les trouvais pas trop dirigistes ? Avec leurs EDC imposées...
Perso, j'aime bien ces nouveaux programmes, bien qu'il y ait quelques petites retouches à faire. Par contre, je trouve aussi comme dans l'article qu'ils sont un peu trop flous. J'apprécie ce système de thèmes obligatoires/facultatifs, toutefois, nous dire quels contenus et quelles capacités transmettre, ça ne serait pas du luxe. Ce que je déteste en fait dans nos programmes actuels, c'est le pourcentage de temps à passer sur tel thème, et la case "démarches imposées".
- FeuchtwangerNiveau 9
Marie Laetitia a écrit:Feuchtwanger a écrit:'ai le sentiment que le vrai changement de paradigme est d'être passé d'une histoire fournissant des réponses à une histoire posant des questions (dont les symboles restent pour moi les virages culturels puis géographiques des sciences humaines dans les, à la louche, quinze dernirèes années). La conséquence en est une perte d'intelligibilité globale qui ne permet plus de fournir une grille de lecture comme le faisaient les socles de connaissances du passé (on pourrait lier cela au mouvement de la déconstruction).
Dans l'absolu, je n'ai rien contre (un peu comme je n'ai rien contre que l'exotisme moyen-âgeux laisse le champ libre à différentes interprétations). J'ai néanmoins l'impression que cela stérilise progressivement la discipline. Un exemple qui m'avait frappé avait été lorsque de la bouche d'un IPR j'avais entendu dire "mais on s'en fout des causes de la 1ère Guerre Mondiale, ce qu'il faut c'est que les élèves comprennent ce qu'est une guerre totale". Je vois là un glissement qui me semble trouver sa source dans le paradigme actuel de l'histoire et qui à terme aboutit à la destruction des indices glânés dans l'enquête historique (pour reprendre ta comparaison).
Enfin, l'histoire qui pose des questions, elle a plus d'un siècle!!!
Quant à la perte d'intelligibilité "globale", au contraire! L'histoire en est encore plus passionnante.
Ta référence aux propos d'un IPR, j'ai peur de ne pas bien la comprendre... D'ailleurs je ne comprends pas ta dernière phrase...
C'est simple, c'est que l'IPR voulait évacuer la question (lancinante et fondamentale) des responsabilités de la 1ère Guerre Mondiale. Comme dans toute guerre, il y a eu un vainqueur, un vaincu, un agresseur, un agressé or justement quand on regarde les travaux contemporains (en France) on préfère botter en touche sur la question de "l'expérience combattante", "la guerre totale", choses très intéressantes par ailleurs mais qui me semblent être une façon de noyer le poisson.
Je donne un exemple tout bête sur la 1ère Guerre Mondiale : je lis il y a quelques mois l'ouvrage dirigé par John Horne publié par Blackwell sur la 1ère Guerre Mondiale. Dans le chapitre les buts de guerre il y a une discussion sur un ouvrage majeur de Fischer (Deutschlands Kriegsziele im Ersten Weltkrieg) qui indique la responsabilité écrasante de l'Allemagne et qui y avait fait scandale dans les années 70. Intéressé (et assez interloqué de n'en avoir jamais entendu parler) je me dis que je vais me le prendre et je découvre avec effarement qu'il n'est plus disponible en français depuis des décennies.
Je me le procure en anglais et là je suis estomaqué par les éléments qui sont apportés qui dressent un portrait accablant pour l'Allemagne (en corrigeant d'ailleurs beaucoup de mythes, notamment sur le Bagdad Bahn). Et là, j'ai un très profond sentiment que l'on m'a balladé pendant toute ma carrière universitaire en France. Impression renforcée à mesure que je creuse et que je découvre des travaux comme ceux de Liulevicius ou (pour prendre un historien non universitaire) Porte sur les processus de colonisation allemands d'Europe de l'Est pendant la 1ère GM qui brutalement m'ont fait voir la lumière sur la période. Bref, l'histoire me l'a rendue intelligible justement en indiquant que tous les pays et toutes les politiques ne se valaient pas sur cette période à partir de l'étude serrée des mécanismes et des faits.
Désolé pour ce développement un peu longuet, mais c'est pour essayer de t'illustrer ce que j'entends par "perte d'intelligibilité globale". En multipliant les questions, pas toujours essentielles on noie le poisson et on déstructure intellectuellement (surtout au niveau du secondaire, au niveau de l'université toutes les questions sont légitimes, à condition de ne pas se faire au détriment d'un socle de base : je n'oublierais jamais la tête de certains profs que j'ai revus quand je leur ai parlé de Fischer et je pourrais multiplier les exemples...). On le sait tous, dans une salle de classe, il y a les questions posées par les élèves pour comprendre et il y a les questions posées pour troller. Et bien je trouve qu'assez souvent on tombe dans le troll en sciences humaines et que parfois cela masque une réelle volonté de ne pas savoir qui me choque.
Là encore, j'ai le sentiment qu'il y a un équilibre à trouver. On est passée d'une histoire quasi téléologique au XIXème siècle à une histoire désormais ultra différentialiste et relativiste. Il me semble qu'il serait possible de bouger le curseur de la scientificité de la discipline un peu entre les deux pour que chacun puisse ensuite le déplacer comme il l'entend.
Cette question me semble très loin d'être anecdotique à l'heure d'internet où les élèves, à terme, seront mis en contact avec ces événements historiques. Sauf qu'ils ne le seront plus dans le cadre d'une institution encadrée par des règles de rigueur intellectuelle et scientifique et que c'est propice à tous les débordements. C'est en cela que je suis très gêné par la position guindée universitaire à l'heure actuelle (et je tiens à préciser que ce n'est pas une attaque anti-universitaires non plus, dans la mesure où au vu de la dégradation matérielle du métier qui m'a poussé à me barrer, et bien ceux qui restent forcent mon respect).
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