Ce que l’on peut raisonnablement attendre d’un élève de terminale en philosophie.

Est-ce que je leur en demande trop? ou les tribulations du poussin-prof. Je m’explique.

J’avais été prévenue par des enseignants expérimentés : en tant que poussin fraîchement certifié, j’allais demander trop, noter trop sec, attendre de leur part une attention et un investissement que, de toute façon, ils n’ont pour aucune matière, etc.

J’avais l’impression d'échapper  (maladroitement) à tout cela jusqu'à cette semaine. Je demande à A. de me fournir la raison pour laquelle il n’a pas terminé la lecture demandée, et il me répond : parce que j’avais fait assez de philosophie (comprendre : il y avait aussi des devoirs de mathématiques, de physique, etc).

Après avoir répondu, sans me démonter, qu’il ne revenait qu’à moi d’estimer si oui ou non, il avait fait assez de philosophie ( ) je ne peux m'empêcher de douter du bien fondé de ma pratique.

Lire 4 pages A4 de Kant en une semaine, est-ce trop demandé? Je précise que cette lecture a été préparée en amont, et que je ne leur demandais bien sûr pas de comprendre in extenso le texte, mais de préparer des questions s'il y avait des difficultés, de repérer les lignes de forces du texte, de revoir les notions déjà étudiées  (il s’agit du début de la troisième section des Fondements de la métaphysique des moeurs).

En somme, lire les fatigue, d’autant que je leur ai bien précisé au début de l'année que j’attendais une lecture active, i.e crayon en main, en repérant les arguments et les articulations, en définissant les notions déjà vues, etc. Que puis je faire pour remédier à cela?

A côté de cela, ils ont une attitude attentive en cours, leur intérêt pour la discipline dépasse même parfois les murs de ma classe (tant mieux!) : ce sont des scientifiques qui sont allés questionner le professeur de mathématiques quant à la valeur des axiomes utilisés dans leur cours, tout cela et bel et bon, mais que faire pour qu’ils s’accrochent davantage aux textes?

Mouahaha, le début de la III^e section des Fondements

Bon, je ne sais pas quelle quantité de texte représentent tes 4 pages A4, mais très honnêtement, pour l'élève de terminale ordinaire, ça m'a l'air ambitieux voire très ambitieux.

C’est pas gentil de se moquer des nouveaux
Mes pages incluaient "comment un impératif catégorique est-il possible?".

Depuis le début de la section III jusqu'à ce morceau-là inclus ?

(Si oui, ça devait être écrit tout petit avec interligne 0,5 et quasiment pas de marges ?)

Oui. Et bien sûr je précise qu’ils peuvent venir me voir à tout moment de la semaine, et pour les week-end, ils ont mon adresse électronique... bref, je ne les lâche pas dans la nature.

Edit : quant à la typographie : je l’ai imprimé depuis la version disponible sur le site des classiques des sciences sociales, la pagination est agréable... 4 pages recto-verso, s’entend.

Bon, ça se range dans la catégorie « (très) difficile » selon moi. Si je suis nommé à Henri IV je le fais avec les TS.

Bon. Ce serait quoi, ne pas trop leur en demander?

Déjà qu'en faculté tu n'es pas certain que les étudiants lisent ce qui est donné à lire, faut contextualiser tout ça.

Bon, c'est difficile à dire sachant que je ne connais pas le contexte (je ne sais pas ce que tu as fait en cours avant, etc.), mais à part quelques extraits choisis, c'est un morceau que j'éviterais de soumettre à une classe de term. Dans les Fondements, j'ai déjà étudié in extenso la section I (et c'est déjà pas de la tarte, surtout le tout début, le rôle joué par le concept de « nature »). Je ne sais pas si ça t'éclaire...

C’est vrai, ils n’ont pas de chance : ils sont tellement peu nombreux que c’est presque du cours particulier, chai les moyens teuh les fairre barler!

PauvreYorick a écrit:Bon, c'est difficile à dire sachant que je ne connais pas le contexte (je ne sais pas ce que tu as fait en cours avant, etc.), mais à part quelques extraits choisis, c'est un morceau que j'éviterais de soumettre à une classe de term. Dans les Fondements, j'ai déjà étudié in extenso la section I (et c'est déjà pas de la tarte, surtout le tout début, le rôle joué par le concept de « nature »). Je ne sais pas si ça t'éclaire...

Je suis consciente que ce sont des textes difficiles, seulement je fais tout pour les décortiquer, les mettre à plat, avec une reprise quasi linéaire de la chose... je vais revoir mes prétentions, parce que là j’ai l’impression d’être un bourreau d’enfants :boulet:

Un plan détaillé de dissertation toutes les trois semaines, c’est aussi beaucoup?

Non, ça why not.

philopoussin a écrit:4 pages recto-verso, s’entend.

Quatre pages de Kant recto-verso ? :shock:

Les solutions possibles pour l'élève :
- perdre les photocopies,
- "Ah bon, fallait les lire ?"
- lire les mots en survolant mais sans rien comprendre juste histoire de dire "je l'ai fait",
- y passer la nuit (bah oui, c'est Kant, quoi).

(Ou alors, je suis vraiment très bête. C'est bien possible aussi.)

Parménide, au secours, y'a philopoussin qui veut faire lire des gros textes très méchants à ses élèves.

Lire ?

Et des textes, en plus ?

Je me repens *tend la patte de poussin vers la règle de Cripure*

Je vais essayer de le couper, ce texte. J’imagine que si je donne davantage de pages mais qu’il s’agit d’un commentaire éclairant lesdits passages c’est à leur portée, non? Ou s’agit-il également d’une question de "volume"?

Difficile à dire, en fait. J'ai tendance à trouver ces pages vraiment difficiles. Inégalement, certes ; mais la section « La liberté doit être supposée comme propriété de la volonté de tous les êtres raisonnables », par exemple, est redoutable. L'alinéa qui la précède également. Pour ne rien dire de la reprise du concept néoplatonicien de « monde intelligible ». Bref, j'ai personnellement tendance à compter ces pages-là parmi les plus difficiles de Kant.

Spoiler:

Euh, faire étudier du Kant à des terminales en entrant vraiment dans le texte, je trouve ça costaud en effet. Surtout en leur demandant de s'y plonger seuls comme ça. Ils ne sont pas en licence de philo quand même!

Mon dieu, que c'est loin des "exigences" (ou plutôt de l'absence d'exigences) de mon prof de philo de terminal (je ne dis pas que c'était un bien, je souligne juste le décalage).

Zarathoustra-Educateur (waaaah... salut, je me ), la lecture a été fort préparée en amont, comme je le disais dans mon premier message, et mes élèves ne sont jamais "seuls"...

Mais j’ai compris vos remarques, j’ai particulièrement apprécié celle de PY, en conséquence de quoi, plutôt que la DTC (qui ainsi abréviée porterait à con-fusion) je me suis décidée pour la Phéno, toute la Phéno,  rien que la Phéno, avec coupe de plantes carnivores dans la cour, sans gants ni uniforme. Si.  :malmaisbien:

Je suis pas coulante, franchement?

:lol:
Bon, de mon côté, en S, j'évite les lectures perso. Je ne le fais faire que pour l'oeuvre complète, avec préparation, reprise ensemble, etc. En L, en revanche, je ne me gêne pas et je les fais lire avec fiche de lecture à la clé, récupérée et évaluée (pour la contrainte, sans quoi, ils contournent). Un immense boulot pour eux, mais si on ne fait pas bosser les L en philo hein...

En fait, mon critère n'est pas tant celui du niveau des élèves, que celui du temps dont ils disposent. Or en S, il faut être lucide, les matières scientifiques mobilisent leur temps, et le jeu des coefficients fait qu'il est difficile (ce serait même injuste à mon sens) de reprocher aux élèves de se donner des priorités. Et cela, indépendamment de l'appétance des élèves pour la philo.
Simplement, selon les niveaux de classe, je propose des travaux facultatifs, et des lectures facultatives.

Une question plus générale : j’ai du mal à situer la "culture générale" scientifique d’un élève de TS. Je prépare un cours d'épistémologie, je tente de cerner ce qui pour eux en relève. Ainsi les miens cette année m’ont regardé comme une citrouille quand j’ai évoqué Schrodinger...
Bon, un exemple précis : le fait que selon Heisenberg, on ne peut se représenter un saut quantique dans l’espace et le temps, ça leur cause, ou non? De manière générale, ils voient un peu de physique quantique en terminale? Merci aux professeurs de philo et de physique qui passeraient par là...

À mon avis tu devrais partir de la supposition suivant laquelle cette culture est égale, non approximativement, mais très exactement, à rien du tout, nib, que dalle, niente, nulla.

(Ce n'est bien sûr jamais strictement vrai. Mais c'est un bon point de départ.)

Je passe seulement pour dire qu'en T L, notre prof nous avait donné à lire le début des Fondements de la métaphysique des moeurs. J'avais, je crois, été la seule à le faire, les autres abandonnant la lecture. Pourtant ma classe était très intéressée par la philosophie, curieuse et travailleuse, pas mauvaise dans l'ensemble.

Je l'avais lu en faisant des schémas pour comprendre le raisonnement de Kant, et, honnêtement, je pense que j'avais persévéré parce que j'étais un peu amoureuse de mon prof de philo.

Schrödinger, c'est le chat qui est à la fois mort et vivant ?
J'ai entendu parler de cela pour la première fois sur Neo il y a un ou deux ans. Mais il est vrai que je suis particulièrement inculte malgré un bon cursus d'études.

philopoussin a écrit:Une question plus générale : j’ai du mal à situer la "culture générale" scientifique d’un élève de TS.

https://www.youtube.com/watch?v=HSZ9W8v7y9I


Ca n'a pas pris une ride

Non mais non, non, arrêtez...