- ShajarVénérable
Alors, pour faire simple sur une question qui ne l'est pas du tout... Je simplifie certains traits et je ne rentre pas trop dans les problèmes subtils de datation des sources. Si vous avez besoin des textes précis, je peux les rechercher ; là, j'ai travaillé de mémoire, donc il peut y avoir quelques raccourcis.
D'un point de vue strictement théologique,
- dans le Coran, il n'y a pas d'interdiction stricte. L'adoration des idoles est fermement condamnée, mais pas l’image ou l’œuvre d’art en tant que telle. Bien au contraire, un verset raconte un miracle de Jésus (qui est considéré comme un Prophète en islam) qui alors qu’il avait façonné un oiseau d’argile, lui a donné la vie.
- dans les traditions rattachées à la vie du Prophète, qui sont la deuxième source de droit dans l’Islam après le Coran, par contre, l’image est nettement condamnée, même si globalement peu abordée. Là encore, le problème principal est probablement l’idolâtrie, mais de manière plus générale, l’image est considérée comme impur. Un hadith, que l’on retrouve dans les traditions sunnites comme shiites, dit ainsi qu’un ange n’entrera pas dans une maison où il y a un chien ou une image. L’épisode de la destruction des idoles de la Ka’ba par Muhammad est également très célèbre – même si certains historiens arabes disent qu’il a protégé une vierge à l’enfant et une représentation d’Abraham, preuve que c’est l’idolâtrie plus que l’idole qui est visée. Notez qu’en cela, la religion musulmane ne diffère pas de la tradition judaïque (2e commandement : « Tu ne te feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. »). La question de la modestie de l’homme, qui ne doit pas chercher à se prendre pour Dieu en créant, est aussi importante. Remarque intéressante, sur ce plan là, shiites et sunnites ne divergent pas.
Pourquoi cette différence entre Coran et hadiths ? Parce que les hadiths ont été compilés après le Coran (vers les VIIIe-IXe), à une période où a civilisation islamique s’était déjà confrontée à des civilisations de l’image : la civilisation romano-byzantine et la civilisation iranienne (sassanide). L’absence de représentation figurée est alor apparu comme une manière de se distinguer, comme le montre très bien la réforme monétaire d’'Abd al-Malik à la toute fin du VIIe s. (696-699)
Petite démonstration par l’image :
Les monnaies pré-réformes sont
*soit de type byzantin, avec suppression du motif de la croix, comme ici : http://img.cgb.fr/images/monnaies/v59/v59_0453.jpg (deux empereurs à lavers, un tertre avec une croix modifiée au revers)
*soit de type sassanide comme ici : http://img.cgb.fr/images/grecque/bgr_237754.jpg (un emepreur sassanide bien reconnaissable avec sa couronne à ailes, un temple du feu)
Après la réforme monétaire d’'Abd al-Malik, toute les monnaies sont aniconiques, avec des formules religieuses comme ici par exmeple http://img.cgb.fr/images/byzantine/bby_257623.jpg Par la suite, à de très rares exceptions près, les monnaies du monde islamique seront toujours aniconiques. L’aniconisme est donc un outil d’affirmation de pouvoir pour les premiers souverains du monde islamique.
Vous le savez peut-être, en dehors du Coran et des hadiths, l’islam reconnaît deux autres sources du droit : le consensus entre les savants et le raisonnement analogique (utile pour les cas nouveaux, les adaptations sociales). Dans le shiisme, c’est légèrement différent, mais passons.
Ces deux autres sources sous-entendent qu’il faut interpréter le droit. Or, selon les écoles juridiques, les interprétations sont très différentes. Pour certains religieux, toute image est interdite, pour d’autre, i peut y en avoir par exemple sur des tapis ou des coussins, qui ne peuvent devenir objets de culte. Au IXe s., l’école mu’tazilite, dite aussi rationnaliste, pouvait aussi prôner un usage des images un peu comparable à celui de la chrétienté, pour faciliter l’éducation et l’adhésion à la foi. (le christianisme s’est longtemps posé des questions similaires à l’islam, et y a répondu différemment. On note néanmoins des oppositions parfois dures à l’image, qui ont d’ailleurs mené à une période iconoclaste à Byzance. Fin de la parenthèse).
Les mystiques (soufis), qui prônent une relation directe avec Dieu, ont souvent eu une autre interprétation de l’image. Pour faire simple, tout ce qui est au monde est Dieu, puisque cela fait partie de la création divine. L’image est donc une création divine autant que le reste, d’autant plus qu’elle est créée par le calame (instrument divin, une sourate du Coran s’appelle al-qalam) et par des couleurs, qui sont, dans la mentalité de l’époque, de la lumière (autre attribut divin).
Si vous me suivez jusque là, vous voyez donc que, déjà, sur le plan purement religieux, ce n’est pas simple et qu’on a des interprétations très diverses.
Maintenant, que se passe-t-il dans la réalité ?
Déjà, première chose à noter, aucun peinte ne s’est jamais fait inquiéter dans l’histoire pour avoir exercé son métier, sauf de manière très très récente. De même que certaines propositions scientifiques qui ont été considérées comme hérétiques par l’Eglise (système héliocentrique, circulation du sang…) n’ont jamais fait hausser un sourcil en pays d’islam. L’islam a quand même ceci de bien que chacun est responsable de ses propres péchés. Vision complètement différente de celle de ces terroristes, qui essaient d’imposer une vision par la force, alors que l’islam n’a jamais fait ça, justement parce qu’une adhésion religieuse doit être libre (ou presque, il y a des exceptions, évidemment, mais vraiment rares).
Revenons à nos moutons. Première remarque, dans l’espace religieux (mosquées, mausolées, mobilier religieux), point d’image, jamais (là encore, quelques exceptions très rares, avec des changements dans les deux derniers siècles en Iran, mais pas ailleurs).
Dans l’espace profane, au contraire, cela dépend des moments et des cultures. Au Maghreb, par exmeple, l’imposition de dynasties rigoristes aux XIe-XIIIe entraîne une utilisation beaucoup plus légère de l’image que dans le monde syrien, égyptien, anatolien, iranien ou indien. En Égypte, il y a des hauts et des bas, une réduction du nombre d’image se sent quand même à partir de la 2e moitié XIVe. Au contraire, des fois, on a vraiment des débauches d’images, dans tous les supports. Seule particularité, très peu de représentation en 3D, donc très peu de sculpture, et une tendance fréquente – mais pas systématique - à éviter un trop fort naturalisme. LE tout pour bien montrer qu’on ne concurrence pas papy là-haut.
Concernant les représentations des prophètes (on pense souvent à Muhammad, mais ça s’applique pour tous les personnages saints – autres prophètes, imams dans le shiisme), elle EXISTENT. Pas partout, pas tout le temps, mais on en a quand même. Beaucoup en Iran, mais aussi en Anatolie, en Inde, en Irak. De manière récurente, les prophètes sont auréolées de flammes. Attention, quand vous tombez sur un personnage simplement nimbé (c’est-à-dire avec une assiette derrière la tête), ce n’est pas une indication religieuse. Souvent, les plus anciennes représentent le personnage saint avec son visage. A partir des XVe-XVIe siècles, les artistes utilisent de plus en plus souvent un voile devant le visage, ou simplement ne le peignent pas. Parfois, la présence du personnage saint est simplement suggérée, par une empreinte de pas, une flamme, les attributs, mais le personnage lui-même n’est pas représenté.
Ces images, on ne les trouve pas dans des contextes religieux : vous n’aurez jamais un Coran ou un recueil de hadith illustré, par exemple. (Enfin, je connais une partie de Coran illustrée de représentations de la Vierge, mais c’est vraiment, vraiment une exception.) Par contre, il existe tout un tas de livres littéraires qui se prêtent à l’illustration :
*Des livres para-religieux, comme ceux qui racontent l’histoire de la vie de Muhammad, ou l’histoire d’un événement qu’on appelle le miraj, c’est-à-dire la visite du ciel et des enfers par Muhammad lors d’une nuit.
Exemple : un miraj-nāmeh iranien du XVe siècle, écrit en turc ouïgour. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8427195m (je vous donne le lien vers l’ensemble du manuscrit, parce que toutes les pages sont à tomber par terre. Vous remarquerez qu’on est au XVe et que le Prophète est encore représenté sans voile)
Autre exemple : un Siyar-e Nebi ottoman, de la fin du XVIe siècle
https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Siyer-i_Nebi?uselang=fr
Là, tous les personnages religieux sont voilés.
*Des livres historiques,
Exemple : un exemplaire du XIVe siècle de l’histoire universelle de Rashid al-Din. https://fr.wikipedia.org/wiki/Jami_al-tawarikh#mediaviewer/File:Mohammed_kaaba_1315.jpg
Il représente un épisode de la vie de Muhammad, moment où il faut replacer la pierre noire dans la kaaba et toutes les tribus s’en disutent l’honneur. Muhammad a alors un jugement de Salomon : il pose la pierre sur un drap que tient un représentant de chaque tribu.
*Des livres poétiques
Par exemple, un Khamsa de Nezami de la première moitié du XVIe, livre persan
http://www.energyenhancement.org/MIRAJ-ASCENSION-MOHAMMED-nizami_2.jpg
Il est à noter que durant les XIXe-XXe siècles, avec l’apparition de la photographie et l’implication de plus en plus importante de l’Occident avec le monde islamique, les lignes ont considérablement bougé. A partir du XIXe, l’image envahit l’espace public, que ce soit dans le monde arabe, turc ou iranien. La photographie, considérée comme un acte mécanique, n’est pas condamnée, pas plus que le film. La 3D est de plus en plus utilisée, pour créer des statues urbaines, par exemple. Un cas célèbre et récent est celui de la « [url= http://p8.storage.canalblog.com/85/58/1056520/81261789_o.png]photo de Muhammad à 12ans[/url] », qui est en fait une libre interprétation d’une photographie d’un bordel du Caire, et qui a circulé dans le monde iranien pendant les années 1990 avant d’être interdite.
Les religieux, même (surtout) fondamentalistes, ont aussi évolué, dans le sens d’une plus large acceptation de l’image. Yusuf al-Qaradawi, doyen de l’université du Qatar, où il a fondé la faculté de droit islamique, estime ainsi que les images bidimensionnelles sont autorisées sans restrictions. Certains fondamentalistes acceptent même les images tridimensionnelles, car elles favorisent l’instruction. Mais on voit aussi un mouvement inverse, surtout parmi les mouvements islamistes « populaires », type « frères musulmans », qui estiment que la représentation est un élément typique de l’occident dévoyé. On voit où ça a mené.
Désolée, j’ai été super-longue, mais ce n’est pas évident à expliquer. Si vous avez besoin de davantage d’images, ou si vous avez des questions, ou si je n’ai pas été assez claire sur quelque chose, n’hésitez pas !
D'un point de vue strictement théologique,
- dans le Coran, il n'y a pas d'interdiction stricte. L'adoration des idoles est fermement condamnée, mais pas l’image ou l’œuvre d’art en tant que telle. Bien au contraire, un verset raconte un miracle de Jésus (qui est considéré comme un Prophète en islam) qui alors qu’il avait façonné un oiseau d’argile, lui a donné la vie.
- dans les traditions rattachées à la vie du Prophète, qui sont la deuxième source de droit dans l’Islam après le Coran, par contre, l’image est nettement condamnée, même si globalement peu abordée. Là encore, le problème principal est probablement l’idolâtrie, mais de manière plus générale, l’image est considérée comme impur. Un hadith, que l’on retrouve dans les traditions sunnites comme shiites, dit ainsi qu’un ange n’entrera pas dans une maison où il y a un chien ou une image. L’épisode de la destruction des idoles de la Ka’ba par Muhammad est également très célèbre – même si certains historiens arabes disent qu’il a protégé une vierge à l’enfant et une représentation d’Abraham, preuve que c’est l’idolâtrie plus que l’idole qui est visée. Notez qu’en cela, la religion musulmane ne diffère pas de la tradition judaïque (2e commandement : « Tu ne te feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. »). La question de la modestie de l’homme, qui ne doit pas chercher à se prendre pour Dieu en créant, est aussi importante. Remarque intéressante, sur ce plan là, shiites et sunnites ne divergent pas.
Pourquoi cette différence entre Coran et hadiths ? Parce que les hadiths ont été compilés après le Coran (vers les VIIIe-IXe), à une période où a civilisation islamique s’était déjà confrontée à des civilisations de l’image : la civilisation romano-byzantine et la civilisation iranienne (sassanide). L’absence de représentation figurée est alor apparu comme une manière de se distinguer, comme le montre très bien la réforme monétaire d’'Abd al-Malik à la toute fin du VIIe s. (696-699)
Petite démonstration par l’image :
Les monnaies pré-réformes sont
*soit de type byzantin, avec suppression du motif de la croix, comme ici : http://img.cgb.fr/images/monnaies/v59/v59_0453.jpg (deux empereurs à lavers, un tertre avec une croix modifiée au revers)
*soit de type sassanide comme ici : http://img.cgb.fr/images/grecque/bgr_237754.jpg (un emepreur sassanide bien reconnaissable avec sa couronne à ailes, un temple du feu)
Après la réforme monétaire d’'Abd al-Malik, toute les monnaies sont aniconiques, avec des formules religieuses comme ici par exmeple http://img.cgb.fr/images/byzantine/bby_257623.jpg Par la suite, à de très rares exceptions près, les monnaies du monde islamique seront toujours aniconiques. L’aniconisme est donc un outil d’affirmation de pouvoir pour les premiers souverains du monde islamique.
Vous le savez peut-être, en dehors du Coran et des hadiths, l’islam reconnaît deux autres sources du droit : le consensus entre les savants et le raisonnement analogique (utile pour les cas nouveaux, les adaptations sociales). Dans le shiisme, c’est légèrement différent, mais passons.
Ces deux autres sources sous-entendent qu’il faut interpréter le droit. Or, selon les écoles juridiques, les interprétations sont très différentes. Pour certains religieux, toute image est interdite, pour d’autre, i peut y en avoir par exemple sur des tapis ou des coussins, qui ne peuvent devenir objets de culte. Au IXe s., l’école mu’tazilite, dite aussi rationnaliste, pouvait aussi prôner un usage des images un peu comparable à celui de la chrétienté, pour faciliter l’éducation et l’adhésion à la foi. (le christianisme s’est longtemps posé des questions similaires à l’islam, et y a répondu différemment. On note néanmoins des oppositions parfois dures à l’image, qui ont d’ailleurs mené à une période iconoclaste à Byzance. Fin de la parenthèse).
Les mystiques (soufis), qui prônent une relation directe avec Dieu, ont souvent eu une autre interprétation de l’image. Pour faire simple, tout ce qui est au monde est Dieu, puisque cela fait partie de la création divine. L’image est donc une création divine autant que le reste, d’autant plus qu’elle est créée par le calame (instrument divin, une sourate du Coran s’appelle al-qalam) et par des couleurs, qui sont, dans la mentalité de l’époque, de la lumière (autre attribut divin).
Si vous me suivez jusque là, vous voyez donc que, déjà, sur le plan purement religieux, ce n’est pas simple et qu’on a des interprétations très diverses.
Maintenant, que se passe-t-il dans la réalité ?
Déjà, première chose à noter, aucun peinte ne s’est jamais fait inquiéter dans l’histoire pour avoir exercé son métier, sauf de manière très très récente. De même que certaines propositions scientifiques qui ont été considérées comme hérétiques par l’Eglise (système héliocentrique, circulation du sang…) n’ont jamais fait hausser un sourcil en pays d’islam. L’islam a quand même ceci de bien que chacun est responsable de ses propres péchés. Vision complètement différente de celle de ces terroristes, qui essaient d’imposer une vision par la force, alors que l’islam n’a jamais fait ça, justement parce qu’une adhésion religieuse doit être libre (ou presque, il y a des exceptions, évidemment, mais vraiment rares).
Revenons à nos moutons. Première remarque, dans l’espace religieux (mosquées, mausolées, mobilier religieux), point d’image, jamais (là encore, quelques exceptions très rares, avec des changements dans les deux derniers siècles en Iran, mais pas ailleurs).
Dans l’espace profane, au contraire, cela dépend des moments et des cultures. Au Maghreb, par exmeple, l’imposition de dynasties rigoristes aux XIe-XIIIe entraîne une utilisation beaucoup plus légère de l’image que dans le monde syrien, égyptien, anatolien, iranien ou indien. En Égypte, il y a des hauts et des bas, une réduction du nombre d’image se sent quand même à partir de la 2e moitié XIVe. Au contraire, des fois, on a vraiment des débauches d’images, dans tous les supports. Seule particularité, très peu de représentation en 3D, donc très peu de sculpture, et une tendance fréquente – mais pas systématique - à éviter un trop fort naturalisme. LE tout pour bien montrer qu’on ne concurrence pas papy là-haut.
Concernant les représentations des prophètes (on pense souvent à Muhammad, mais ça s’applique pour tous les personnages saints – autres prophètes, imams dans le shiisme), elle EXISTENT. Pas partout, pas tout le temps, mais on en a quand même. Beaucoup en Iran, mais aussi en Anatolie, en Inde, en Irak. De manière récurente, les prophètes sont auréolées de flammes. Attention, quand vous tombez sur un personnage simplement nimbé (c’est-à-dire avec une assiette derrière la tête), ce n’est pas une indication religieuse. Souvent, les plus anciennes représentent le personnage saint avec son visage. A partir des XVe-XVIe siècles, les artistes utilisent de plus en plus souvent un voile devant le visage, ou simplement ne le peignent pas. Parfois, la présence du personnage saint est simplement suggérée, par une empreinte de pas, une flamme, les attributs, mais le personnage lui-même n’est pas représenté.
Ces images, on ne les trouve pas dans des contextes religieux : vous n’aurez jamais un Coran ou un recueil de hadith illustré, par exemple. (Enfin, je connais une partie de Coran illustrée de représentations de la Vierge, mais c’est vraiment, vraiment une exception.) Par contre, il existe tout un tas de livres littéraires qui se prêtent à l’illustration :
*Des livres para-religieux, comme ceux qui racontent l’histoire de la vie de Muhammad, ou l’histoire d’un événement qu’on appelle le miraj, c’est-à-dire la visite du ciel et des enfers par Muhammad lors d’une nuit.
Exemple : un miraj-nāmeh iranien du XVe siècle, écrit en turc ouïgour. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8427195m (je vous donne le lien vers l’ensemble du manuscrit, parce que toutes les pages sont à tomber par terre. Vous remarquerez qu’on est au XVe et que le Prophète est encore représenté sans voile)
Autre exemple : un Siyar-e Nebi ottoman, de la fin du XVIe siècle
https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Siyer-i_Nebi?uselang=fr
Là, tous les personnages religieux sont voilés.
*Des livres historiques,
Exemple : un exemplaire du XIVe siècle de l’histoire universelle de Rashid al-Din. https://fr.wikipedia.org/wiki/Jami_al-tawarikh#mediaviewer/File:Mohammed_kaaba_1315.jpg
Il représente un épisode de la vie de Muhammad, moment où il faut replacer la pierre noire dans la kaaba et toutes les tribus s’en disutent l’honneur. Muhammad a alors un jugement de Salomon : il pose la pierre sur un drap que tient un représentant de chaque tribu.
*Des livres poétiques
Par exemple, un Khamsa de Nezami de la première moitié du XVIe, livre persan
http://www.energyenhancement.org/MIRAJ-ASCENSION-MOHAMMED-nizami_2.jpg
Il est à noter que durant les XIXe-XXe siècles, avec l’apparition de la photographie et l’implication de plus en plus importante de l’Occident avec le monde islamique, les lignes ont considérablement bougé. A partir du XIXe, l’image envahit l’espace public, que ce soit dans le monde arabe, turc ou iranien. La photographie, considérée comme un acte mécanique, n’est pas condamnée, pas plus que le film. La 3D est de plus en plus utilisée, pour créer des statues urbaines, par exemple. Un cas célèbre et récent est celui de la « [url= http://p8.storage.canalblog.com/85/58/1056520/81261789_o.png]photo de Muhammad à 12ans[/url] », qui est en fait une libre interprétation d’une photographie d’un bordel du Caire, et qui a circulé dans le monde iranien pendant les années 1990 avant d’être interdite.
Les religieux, même (surtout) fondamentalistes, ont aussi évolué, dans le sens d’une plus large acceptation de l’image. Yusuf al-Qaradawi, doyen de l’université du Qatar, où il a fondé la faculté de droit islamique, estime ainsi que les images bidimensionnelles sont autorisées sans restrictions. Certains fondamentalistes acceptent même les images tridimensionnelles, car elles favorisent l’instruction. Mais on voit aussi un mouvement inverse, surtout parmi les mouvements islamistes « populaires », type « frères musulmans », qui estiment que la représentation est un élément typique de l’occident dévoyé. On voit où ça a mené.
Désolée, j’ai été super-longue, mais ce n’est pas évident à expliquer. Si vous avez besoin de davantage d’images, ou si vous avez des questions, ou si je n’ai pas été assez claire sur quelque chose, n’hésitez pas !
- InvitéInvité
Merci beaucoup pour cette belle synthèse !
- BalthamosDoyen
Merci pour ce point historique.
_________________
- Spoiler:
- RendashBon génie
Merci infiniment.
_________________
"Ce serait un bien bel homme s’il n’était pas laid ; il est grand, bâti en Hercule, mais a un teint africain ; des yeux vifs, pleins d’esprit à la vérité, mais qui annoncent toujours la susceptibilité, l’inquiétude ou la rancune, lui donnent un peu l’air féroce, plus facile à être mis en colère qu’en gaieté. Il rit peu, mais il fait rire. [...] Il est sensible et reconnaissant ; mais pour peu qu’on lui déplaise, il est méchant, hargneux et détestable."
- GrypheMédiateur
là, j'ai travaillé de mémoire, donc il peut y avoir quelques raccourcis.
On comprend mieux d'où vient ton pseudo, du coup ?
- Blan6ineÉrudit
Top!
Qu'est-ce que ça doit être alors quand tu travailles avec tes documents!
Qu'est-ce que ça doit être alors quand tu travailles avec tes documents!
- ShajarVénérable
En fait, c'est plutôt une allusion à l'outil du peintre, de l'écrivain et du calligraphe. Mais être un outil divin me convient bien aussi :lol: , il y a des choses splendides écrites sur le calame par les poètes mystiques persans.Gryphe a écrit:là, j'ai travaillé de mémoire, donc il peut y avoir quelques raccourcis.
On comprend mieux d'où vient ton pseudo, du coup ?
- InvitéInvité
Al-qalam a écrit:En fait, c'est plutôt une allusion à l'outil du peintre, de l'écrivain et du calligraphe. Mais être un outil divin me convient bien aussi :lol: , il y a des choses splendides écrites sur le calame par les poètes mystiques persans.Gryphe a écrit:là, j'ai travaillé de mémoire, donc il peut y avoir quelques raccourcis.
On comprend mieux d'où vient ton pseudo, du coup ?
Le seul que je connais c'est Omar Khayyam, si les autres sont du même niveau....
- ShajarVénérable
Omar Khayyam est très connu en Occident, mais paradoxalement, c'est un auteur plutôt mineur dans la littérature persane, le quatrain étant un genre mineur. J'adore ses oeuvres, soyons clairs, mais oui, les grands poètes persans sont au moins de son niveau... Le truc, c'est que Khayyam, par sa concision, par son carpe diem, par l'excellente traduction qu'en ont fait les orientalistes, notamment Gilbert Lazard, parle facilement aux oreilles occidentales. Pour apprécier autant Nezâmi ou Hafez, ou Rumi, ou Jami, c'est parfois plus difficile. Et pourtant...
Allez, juste pour le plaisir, un petit quatrain de Khayyam, qui n'avait pas les prudes religieux en haute estime...
Allez, juste pour le plaisir, un petit quatrain de Khayyam, qui n'avait pas les prudes religieux en haute estime...
Un religieux dit un jour à une fille perdu
Folle, qui te prends toujours aux rets du premier venu !
Elle répondit : c'est vrai, je suis bien ce que tu dis,
Mais toi, révérend ami, es-tu tel que tu parais ?
- InvitéInvité
"Au printemps, je vais quelquefois m'asseoir à la lisière d'un champ fleuri.
Lorsqu'une belle jeune fille m'apporte une coupe de vin, je ne pense guère à mon salut.
Si j'avais cette préoccupation, je vaudrais moins qu'un chien."
- ShajarVénérable
Si le coeur me tire vers le vin musqué, c'est normal
car l'odeur du bien ne vient pas de l'ascèse hypocrite
Dis au monde entier de m'empêcher d'aimer !
Moi, j'accomplis ce que le seigneur Dieu ordonne.
Ne brise pas l'espoir que déborde la Générosité : le caractère généreux
pardonne la faute, il est bon envers les amants
Le coeur demeure au cercle du zikr (répétition rythmique du nom de Dieu qui mène à la transe) avec l'espoir
de défaire une boucle aux cheveux du Compagnon
Toi à qui Dieu donna beauté et fortune comme chambre nuptiale
qu'as tu besoin que la coiffeuse te pare ?
Le parterre est agréable, l'air délicieux, le vin sans tache
Rien n'est maintenant nécessaire qu'un coeur heureux
Le monde, jeune mariée, est une belle femme, mais prend garde !
Cette dame ne se lie à personne
Je l'implorai : "toi qui as visage de lune, qu'importe
si un être au coeur noué s'apaise d'un sucre venant de toi ?"
Il dit en souriant : "Par Dieu, Hafez, ne tolère pas
qu'un baiser de toi souille la face de la lune"
Ghazal 226 de Hafez. Moins facile que Khayyam en traduction...
car l'odeur du bien ne vient pas de l'ascèse hypocrite
Dis au monde entier de m'empêcher d'aimer !
Moi, j'accomplis ce que le seigneur Dieu ordonne.
Ne brise pas l'espoir que déborde la Générosité : le caractère généreux
pardonne la faute, il est bon envers les amants
Le coeur demeure au cercle du zikr (répétition rythmique du nom de Dieu qui mène à la transe) avec l'espoir
de défaire une boucle aux cheveux du Compagnon
Toi à qui Dieu donna beauté et fortune comme chambre nuptiale
qu'as tu besoin que la coiffeuse te pare ?
Le parterre est agréable, l'air délicieux, le vin sans tache
Rien n'est maintenant nécessaire qu'un coeur heureux
Le monde, jeune mariée, est une belle femme, mais prend garde !
Cette dame ne se lie à personne
Je l'implorai : "toi qui as visage de lune, qu'importe
si un être au coeur noué s'apaise d'un sucre venant de toi ?"
Il dit en souriant : "Par Dieu, Hafez, ne tolère pas
qu'un baiser de toi souille la face de la lune"
Ghazal 226 de Hafez. Moins facile que Khayyam en traduction...
- NitaEmpereur
Merci !
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A clean house is a sign of a broken computer.
- ZakalweNiveau 9
Merci.
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INJUSTE Terme utilisé pour désigner les avantages dont on a essayé de spolier d'autres gens, mais sans y arriver. Voir aussi MALHONNETETE, DISSIMULATION, et TIENS J'AI DU POT
- InvitéInvité
Al-qalam a écrit:Si le coeur me tire vers le vin musqué, c'est normal
car l'odeur du bien ne vient pas de l'ascèse hypocrite
Dis au monde entier de m'empêcher d'aimer !
Moi, j'accomplis ce que le seigneur Dieu ordonne.
Ne brise pas l'espoir que déborde la Générosité : le caractère généreux
pardonne la faute, il est bon envers les amants
Le coeur demeure au cercle du zikr (répétition rythmique du nom de Dieu qui mène à la transe) avec l'espoir
de défaire une boucle aux cheveux du Compagnon
Toi à qui Dieu donna beauté et fortune comme chambre nuptiale
qu'as tu besoin que la coiffeuse te pare ?
Le parterre est agréable, l'air délicieux, le vin sans tache
Rien n'est maintenant nécessaire qu'un coeur heureux
Le monde, jeune mariée, est une belle femme, mais prend garde !
Cette dame ne se lie à personne
Je l'implorai : "toi qui as visage de lune, qu'importe
si un être au coeur noué s'apaise d'un sucre venant de toi ?"
Il dit en souriant : "Par Dieu, Hafez, ne tolère pas
qu'un baiser de toi souille la face de la lune"
Ghazal 226 de Hafez. Moins facile que Khayyam en traduction...
Des textes qui mériteraient d'être plus connus...
- mtyNiveau 4
Merci.
Question liée: les musulmans, notamment français, sont-ils nombreux à refuser la présence de toute représentation d'êtres vivants à leur domicile?
Question liée: les musulmans, notamment français, sont-ils nombreux à refuser la présence de toute représentation d'êtres vivants à leur domicile?
- MamaVénérable
Al-Qalam, merci pour ce passionnant condensé !
- AshtrakFidèle du forum
Merci !
_________________
Un âne dit toujours ce qu'il pense : hi-han !
- Marie LaetitiaBon génie
Merci infiniment, Al-Qalam. Comme c'est précieux de t'avoir ici...
J'ai quand même une question (je relirai à tête reposée ton exposé, pardon si j'ai raté ce passage): peut-on dire que la recommandation de ne pas représenter Dieu vient aussi du fait que Dieu, dans l'islam, est tellement grand, tellement supérieur aux hommes, que, de fait, il est impossible de le représenter? En quelque sorte, il est irreprésentable?
J'ai quand même une question (je relirai à tête reposée ton exposé, pardon si j'ai raté ce passage): peut-on dire que la recommandation de ne pas représenter Dieu vient aussi du fait que Dieu, dans l'islam, est tellement grand, tellement supérieur aux hommes, que, de fait, il est impossible de le représenter? En quelque sorte, il est irreprésentable?
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- AspasieNiveau 10
Merci pour ce "point" ainsi que pour les liens.
- ShajarVénérable
mty a écrit:Merci.
Question liée: les musulmans, notamment français, sont-ils nombreux à refuser la présence de toute représentation d'êtres vivants à leur domicile?
Je ne connais pas beaucoup de musulmans qui n'ont pas la télé chez eux... :-D Au contraire, il existe des BD et des livres d'enseignement, par exemple, avec des représentations de personnages saints, notamment de Muhammad. (Et tout d'un coup, je me demande s'il a un visage ou non... Il faudrait que je vérifie, mais là, je suis dans une biblio publique et la connexion est mauvaise).
@ ML : Oui, il y a sans doute de cela : Dieu est indépassable, invisible, donc irreprésentable. En fait, l'origine culturelle de cette interdiction de représenter est beaucoup plus ancienne que l'islam ; elle remonte au judaïsme, dont l'islam se veut la continuité. Si l'on regarde les trois religions du Livre, celle qui fait exception et qui n'applique pas les interdits bibliques, c'est le christianisme. Et encore, l'usage de l'image n'est pas allé de soi du tout pendant les premiers siècles, jusqu'au XIe au moins on trouve des écrits de théologiens qui s'opposent à l'image. Bernard de Clairvaux en est un avatar, même si pour lui, l'image est surtout condamnable parce que luxueuse (un trait que l'on retrouve parfois aussi dans les écrits musulmans).
- mtyNiveau 4
Donc quelqu'un qui refuserait tout livre/jouet/élément de décoration comportant un être vivant représenté ferait partie d'une toute petite minorité?
- ShajarVénérable
Il me semble, oui, d'autant que les autorités religieuses au XXe se sont quand même considérablement adoucies sur la question (pour la plupart). Même des islamistes pur jus tels que Daesh ou al-Qaida utilisent l'image...
Ceci dit, je ne connais pas d'étude sur le sujet donner des chiffres précis, mais je ne connais aucun musulman qui refuse entièrement l'image.
Il me semble, d'ailleurs, que les caricatures de Muhammad qui ont tant fait parler d'elle avaient été publiées dans un journal égyptien à l'origine (à vérifier cependant, je peux me tromper).
Ceci dit, je ne connais pas d'étude sur le sujet donner des chiffres précis, mais je ne connais aucun musulman qui refuse entièrement l'image.
Il me semble, d'ailleurs, que les caricatures de Muhammad qui ont tant fait parler d'elle avaient été publiées dans un journal égyptien à l'origine (à vérifier cependant, je peux me tromper).
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