- Hermione0908Modérateur
Recruté en 2010 à l'université de Lorraine, Vincent Goulet, docteur en sociologie et ancien maître de conférences à l’université de Lorraine, explique les raisons de sa démission dans une lettre ouverte à Geneviève Fioraso, Secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur et à la Recherche.
Extrait :
La suite ici : http://blogs.mediapart.fr/blog/vincent-goulet/021014/pourquoi-j-ai-demissionne-de-l-universite-de-lorraine
Extrait :
Enseigner est un métier passionnant et frustrant, dont vous avez pu brièvement prendre, en début de votre carrière, la mesure. Mais il n’est aujourd’hui plus question de pédagogie : plutôt que des enseignants, nous sommes devenus avant tout des gestionnaires de diplômes. La multiplication des formations professionnalisantes, le manque de personnel administratif conjugués au nombre insuffisant d’enseignants-chercheurs statutaires conduit chacun de nous à prendre en charge la responsabilité d’un diplôme ou d’une année avec toutes les charges que cela comporte : élaboration des maquettes des enseignements, construction et suivi des emplois du temps, recherches d’enseignants vacataires, rédaction des multiples dossiers de financement, organisation des sélections et recrutements des étudiants, levée de la taxe d’apprentissage auprès des entreprises, organisation des « portes ouvertes », suivi des dossiers de demande de VAE, multiples réunions sur le fonctionnement du campus, et j’en passe…
Toutes ces tâches n’ont pas de lien direct avec la pédagogie et la transmission du savoir aux étudiants. Nous sommes devenus des super « chefs de service administratif ».
La suite ici : http://blogs.mediapart.fr/blog/vincent-goulet/021014/pourquoi-j-ai-demissionne-de-l-universite-de-lorraine
- MarmontNiveau 9
Excellent article.
Il illustre précisément les évolutions récentes de l'ES en France, qui plus est dans des Universités autonomes, dont certaines sont devenues de véritables usines à gaz.
Il illustre précisément les évolutions récentes de l'ES en France, qui plus est dans des Universités autonomes, dont certaines sont devenues de véritables usines à gaz.
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"Tous pour un, chacun pour soi"... Non, ça doit pas être ça...
- PhilomèleNiveau 9
Je trouve cette lettre très équilibrée dans son ton. Quant au fond, il correspond exactement à ce dont je fais l'expérience en tant que maître de conférences en Lettres.
Pour ma part, c'est le point clé. Mon métier n'a de sens que parce que je guide des étudiants dans leur lecture, leur réflexion, leur ouverture sur le monde. Je les aide à former leur jugement et à prendre leur place de littéraires et diplômés dans la société.
Cela ne m'est possible que parce que je continue moi-même à lire, réfléchir et écrire, avancer des travaux de recherche. Pas parce que j'ai fait quatre années de thèse il y a X ans.
Or, à cause de l'inflation administrative, je suis à la fois asphyxiée dans ma propre vie intellectuelle et détournée de ce qui donne son sens à mon métier: transmettre.
La logique est celle du poste, et non plus celle du métier : j'ai un poste, je dois en être satisfaite, et je dois assurer l'intendance. Tant pis si je suis en fait une espèce de bureaucrate chefaillon, en voie de caporalisation (parce qu'il faut bien demander aux collègues de remplir les dossiers, de faire telle tâche administrative, etc.).
Dans l'université française, on croise deux traditions : une vieille tradition d'incurie administrative ou d'irresponsabilité propre à l'université (le folklore de l'inscription à l'université, tout le monde connaît) ; le management néo-libéral par le benchmarking (évaluation à tous les étages par la quantité et mise en concurrence de tous contre tous pour des cacahuètes). L'hybridation est explosive.
Vincent Goulet a écrit:Toutes ces tâches n’ont pas de lien direct avec la pédagogie et la transmission du savoir aux étudiants. Nous sommes devenus des super « chefs de service administratif ».
Pour ma part, c'est le point clé. Mon métier n'a de sens que parce que je guide des étudiants dans leur lecture, leur réflexion, leur ouverture sur le monde. Je les aide à former leur jugement et à prendre leur place de littéraires et diplômés dans la société.
Cela ne m'est possible que parce que je continue moi-même à lire, réfléchir et écrire, avancer des travaux de recherche. Pas parce que j'ai fait quatre années de thèse il y a X ans.
Or, à cause de l'inflation administrative, je suis à la fois asphyxiée dans ma propre vie intellectuelle et détournée de ce qui donne son sens à mon métier: transmettre.
La logique est celle du poste, et non plus celle du métier : j'ai un poste, je dois en être satisfaite, et je dois assurer l'intendance. Tant pis si je suis en fait une espèce de bureaucrate chefaillon, en voie de caporalisation (parce qu'il faut bien demander aux collègues de remplir les dossiers, de faire telle tâche administrative, etc.).
Dans l'université française, on croise deux traditions : une vieille tradition d'incurie administrative ou d'irresponsabilité propre à l'université (le folklore de l'inscription à l'université, tout le monde connaît) ; le management néo-libéral par le benchmarking (évaluation à tous les étages par la quantité et mise en concurrence de tous contre tous pour des cacahuètes). L'hybridation est explosive.
- kookNiveau 8
Merci pour l'article. Cela ne m'étonne pas.
L'Université de Lorraine ne paie d'ailleurs ses vacataires que tous les six mois (voire encore plus longtemps).
L'Université de Lorraine ne paie d'ailleurs ses vacataires que tous les six mois (voire encore plus longtemps).
- PhilomèleNiveau 9
kook a écrit:Merci pour l'article. Cela ne m'étonne pas.
L'Université de Lorraine ne paie d'ailleurs ses vacataires que tous les six mois (voire encore plus longtemps).
Malheureusement, je suis certaine que l'on peut élargir le diagnostic à toutes les universités françaises, sur l'asphyxie administrative en général, et les mauvais traitements infligés aux vacataires en particulier.
- farfallaEmpereur
kook a écrit:Merci pour l'article. Cela ne m'étonne pas.
L'Université de Lorraine ne paie d'ailleurs ses vacataires que tous les six mois (voire encore plus longtemps).
Voire tous les 15 mois...
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"Si nada nos salva de la muerte, al menos que el amor nos salve de la vida" Pablo Neruda
"Yo lloré porque no tenía zapatos hasta que vi un niño que no tenía pies." Oswaldo Guayasamin
- CondorcetOracle
L'université paie chèrement son atonie devant la LRU en 2007 : une réaction énergique initiale aurait eu plus de chance que le mouvement de 2009. Manque d'intelligence du contexte et manque de courage aussi : le pouvoir et le droit de s'indigner. Fermeture aussi de l'entre-soi sur lui-même qui a coûté cher quand les enseignants-chercheurs sont descendus dans la rue et n'ont pas eu tout l'écho nécessaire. Une telle bataille aurait mérité une longue préparation et la constitution de fonds de réserve pour tenir longtemps....
- e-WandererGrand sage
Le problème, c'est surtout que les scientifiques n'ont pas suivi. Les SHS peuvent crever, des gens comme Pécresse ou Fioraso s'en fichent complètement. Elles ne jurent que par les sciences appliquées et même les maths pures sont suspectes à leurs yeux (sauf quand il y a une médaille Fields : là elles s'empressent de venir récupérer un peu de poussière d'étoile et viennent se rengorger sur la photo !). Dommage aussi que le secondaire, concerné par la mastérisation et la formation des enseignants, ne se soit pas associé au mouvement : il aurait tout de suite eu plus de poids. Mais le SNES et le SNESUP n'étaient visiblement pas sur la même longueur d'ondes.
- CondorcetOracle
La concomitance avec le conflit en Guadeloupe au même moment a beaucoup joué également. Et puis, le secondaire s'est bien rappelé qu'en 2003, le supérieur ne s'était pas beaucoup mobilisé pour un sujet d'intérêt général...
- OlympiasProphète
Condorcet a écrit:La concomitance avec le conflit en Guadeloupe au même moment a beaucoup joué également. Et puis, le secondaire s'est bien rappelé qu'en 2003, le supérieur ne s'était pas beaucoup mobilisé pour un sujet d'intérêt général...
- User5899Demi-dieu
Le problème, c'est aussi la nomination de nullités comme ministres.
- kookNiveau 8
farfalla a écrit:kook a écrit:Merci pour l'article. Cela ne m'étonne pas.
L'Université de Lorraine ne paie d'ailleurs ses vacataires que tous les six mois (voire encore plus longtemps).
Voire tous les 15 mois...
Je garde l'espoir cette année, j'ai un contrat où c'est écrit noir sur blanc à la fin de chaque semestre
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