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Aurore
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Esprit éclairé

L'enseignement de la musique : état des lieux et perspectives Empty L'enseignement de la musique : état des lieux et perspectives

par Aurore Mar 5 Juin 2012 - 22:29
Voilà un débat qui n'est pas sans rappeler les lignes de fracture que l'on observe dans le monde de l'EN...
http://www.lalettredumusicien.fr/s/articles/1557_134_i-have-a-dream
I have a dream !

Notre correspondant, professeur d'enseignement artistique, exerce depuis de nombreuses années. Une expérience dont on retrouve un concentré dans le texte que nous publions, souvent fort drôle. Mais au-delà de l'humour, il pose de nombreuses questions sur l'évolution de l'enseignement de la musique.

Mes frères (musiciens enseignants de conservatoires), j'ai fait un rêve ! J'ai rêvé que je travaillais dans un conservatoire à rayonnement communal et que j'avais des élèves en 1er, 2e et 3e cycle à profusion ! J'ai rêvé que je faisais travailler les grandes œuvres du répertoire à des élèves frissonnant d'extase d'accéder à tant de merveilles, de force et de beauté ! J'ai rêvé que dans ce conservatoire il y avait un orchestre symphonique avec tous les pupitres présents, avec lequel on pouvait monter des mouvements entiers de symphonies, des concertos, et, avec les plus grands élèves, faire du quatuor, du quintette, du sextuor ! J'ai rêvé aussi qu'il y avait des classes d'écriture où l'on pouvait étudier l'analyse (de Machaut à Boulez), le contrepoint et l'harmonie, qu'elle soit baroque, classique, romantique ou contemporaine ! J'ai rêvé qu'il y avait des classes d'accompagnement où l'on travaillait avec des musiciens de tous les horizons, de la chanson populaire aux arias les plus complexes en passant par le jazz et l'improvisation ! J'ai rêvé qu'il y avait des concerts organisés autour des œuvres écrites par les élèves ! J'ai rêvé que les musiciens rencontraient les danseurs et les comédiens pour qu'ils produisent ensemble des spectacles pleins de sensibilité, de grâce et de passion. J'ai rêvé, aussi, que chaque année plusieurs de nos grand élèves passaient le concours d'entrée au CNSMD de Paris ou de Lyon et - oui ! - j'ai rêvé que bon nombre d'entre eux le réussissaient !
J'ai fait ce rêve fou que tant d'élèves surdoués, doués et même moins doués, devenus adultes, gardaient en mémoire tous ces moments magiques qu'ils avaient vécus. Ce petit clarinettiste qui, avec une émotion tremblante, donnait la réplique à ce jeune pianiste, pas beaucoup plus âgé que lui, dans le Concerto de Schumann avec cet orchestre un peu maladroit retenant son souffle pour ne pas interrompre ce fragile et diaphane dialogue, ce jeune enfant, devenu adulte, peut-il avoir oublié tout cela ? A-t-il pu faire cela comme un simple exercice imposé ? A l'issue de ce concert a-t-il pu ranger sa clarinette pour ne plus jamais la ressortir ?
Mais frères, j'ai fait ce rêve ! Suis-je fou ?

Non, je ne suis pas fou ! Tout cela était bien réel ! Je m'en souviens maintenant ! C'était dans un petit conservatoire municipal de la région parisienne. C'était il y a trente ans. Vous savez, l'époque où les souris étaient encore des petits rongeurs et non ces boîtiers électroniques qui scotchent nos enfants des heures durant devant les réseaux sociaux. Toutes ces heures perdues qui servaient à travailler l'oreille et l'instrument. Epoque où l'on n'avait pas honte de prononcer le mot solfège ! Epoque où l'on avait le droit d'avoir des exigences vis-à-vis des élèves. Epoque où même les élèves les moins doués et les plus mal entourés familialement arrivaient à des niveaux honorables qui leur permettaient d'avoir une vraie pratique amateur et la capacité de transmettre leur passion aux autres. Et ce conservatoire n'était pas une exception, loin de là, la même chose existait dans les communes environnantes.
C'était il y a trente ans. Que s'est-il passé, mes frères ?

Aujourd'hui le 1er cycle est hypertrophié avec des listes d'attente interminables, nos 2es cycles sont désertés, les 3es cycles deviennent inexistants. Le taux d'échec du passage entre cycle 1 et cycle 2 est vertigineux ! Les élèves n'entendent plus, ne lisent plus, n'écrivent plus, ne chantent plus, ne travaillent plus. Faire une prestation sur leur instrument devient une épreuve douloureuse et hasardeuse. Les professeurs n'ont plus le droit d'avoir d'exigence, sont cantonnés à des rôles d'animateurs et, pire parfois même, de baby-sitters à un prix annuel défiant toute concurrence pour les parents.
Mais enfin, c'est simple ! Ecoutez nos politiques : « Aujourd'hui l'enfant doit être dans le ressenti profond de l'émoi intrinsèque qui l'amènera à transgresser ses blocages profonds induisant une ouverture à l'autre par le biais d'un cognitif sensoriel exacerbé par la synergie de partenariat mise en place par la transversalité multidisciplinaire » ! Nous, les pauvres, médiocres et incompétents professeurs poussiéreux de conservatoires que nous sommes ! Mais lisez donc tous ces merveilleux rapports commandés par nos bons ministres de la Culture et rédigés par des artistes de haut niveau et donc d'avis indiscutables !
Mes frères, un peu de bonne volonté, que diable ! Courbez l'échine, apprenez à faire de la musique avec des pots de yaourt en vous mettant une plume à un endroit judicieusement choisi et n'oubliez pas que, au conservatoire, les enfants sont devenus des consommateurs et ne doivent surtout plus apprendre quoi que se soit. Ils doivent seulement se marrer, se bidonner, il leur faut du ludique ! Vous verrez, si vous appliquez les sages conseils venus d'en haut, tout ira bien ! Vous deviendrez des profs modernes qui n'embêtent surtout plus leurs élèves avec des trucs inutiles !
Mais alors, au fait, s'il n'y a plus de 3e cycle, dans l'avenir, plus aucun élève ne pourra arriver à un niveau suffisant pour avoir une pratique amateur satisfaisante une fois adulte, pour pouvoir prétendre, éventuellement, passer un concours professionnel ? Qui entrera aux CNSMD ? Dans les pôles supérieurs ? Qui pourra accéder aux postes d'orchestre ? Qui sera en mesure de passer les concours d'un niveau aussi ridiculement difficile (vu ce que l'on nous demande dans la réalité de notre mission) que ceux de la fonction publique ? Et du coup, qui assurera le suivi de la transmission de notre immense patrimoine quand vous et moi, mes frères, sinistres dinosaures, nous aurons tous disparu ?
Rassurez-vous, mes frères, les meilleurs, c'est-à-dire ceux qui ont des facilités et qui sont les mieux entourés par les familles les plus cultivées et les plus aisées, ceux-là réussiront. Et si ce n'est pas suffisant pour occuper tous les postes en France, fort heureusement il y a tous les élèves étrangers qui, eux, sur le sol français, travaillent dur tous les jours en écoutant avec respect et dévotion les "poussiéreux" conseils de leurs professeurs has been.
J'ai fait un rêve, mes frères ! J'ai rêvé d'un conservatoire disparu dans la brume de mes souvenirs. Il paraît qu'à l'époque on disait que c'était un lieu élitiste... Quel cynisme !
Pascal Franck, professeur au CRI de Limeil-Brévannes





Dernière édition par Aurore le Mar 5 Juin 2012 - 22:45, édité 1 fois
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par Aurore Mar 5 Juin 2012 - 22:40
Et voici la réponse d'un directeur de conservatoire, très représentative de l'état d'esprit de la profession. A noter :
- que l'auteur ne choisit pas ses références au hasard, en témoignent les notes de bas de page,
- que le gouvernement actuel prévoit un grand plan pour l'enseignement artistique pour l'année prochaine...


http://www.lalettredumusicien.fr/s/articles/1651_137_i-still-have-a-dream

« Je rêve qu'un jour, notre nation se lèvera pour vivre véritablement son credo : nous tenons pour vérité évidente que tous les hommes ont été créés égaux... » Lorsque Martin Luther King prononça ce discours, son rêve se voulait prémonitoire et certainement pas l'expression d'un retour au passé. L'inverse de ce que nous propose Pascal Franck, en quête d'on ne sait quel âge d'or, à l'image de ceux qui ont bien du mal à se défaire de la nostalgie de l'école de Jules Ferry.

L'école de la Troisième République

Mais, comme le dit François Dubet à propos de l'école de la Troisième République qui, rappelons-le, n'était pas l'école de tous (!), « malheureusement cette nostalgie si sympathique participe, souvent à son insu, d'une rhétorique de la chute et de la décadence. Ainsi donc, si nous pensons que l'école de la Troisième République a atteint la perfection d'un âge d'or, alors toutes les mutations, tous les changements, toutes les réformes qui suivent, seront jugés comme une dégradation, comme une atteinte portée aux valeurs et aux fondements de la République elle-même1 ».
Si l'on peut souscrire à une part du constat dressé par Pascal Franck (1er cycle hypertrophié, 2e cycle déserté et 3e cycle inexistant, parfois), difficile, en revanche, de partager sa vision quelque peu caricaturale d'élèves qui n'entendent plus, ne lisent plus, n'écrivent plus, ne chantent plus et, surtout, ne travaillent plus !

Un contexte “générationnel” différent

On notera à quel point cet article illustre, par ses références ("grands" élèves destinés aux seuls CNSMD, 3e cycle spécialisé, professionnalisation, notion d'exigence...), « cette ligne de partage qui oppose le milieu musical et ses institutions aux autres parties engagées dans l'école de musique : parents, Etat, enfants, réduits à formuler leur demande en termes "externes" que le musicien peut toujours récuser pour des raisons "internes" à la musique. En d'autres termes, elle sépare les usagers pour qui la musique est un moyen (de se cultiver, de se définir, de se divertir, de satisfaire les électeurs...) et les musiciens qui ont les moyens de faire de la musique sa propre fin : de se battre pour qu'elle soit reconnue d'utilité publique, enseignée, subventionnée, non de s'interroger sur son rôle ou son rapport à la demande. Version moderne plus prosaïque mais plus réaliste des théories de l'art pour l'art, la musique pour la musique devient la musique pour le musicien : la capacité qu'a un milieu organisé d'imposer ses critères de formation et d'auto-reproduction, pour obtenir des ressources tout en se protégeant des servitudes de la demande2 ».
S'en remettre à cet âge d'or, quand bien même aurait-il existé, n'est d'aucun secours ! En effet, tant qu'on se contentait d'enseigner à ces élèves dotés du "bon" capital culturel et à qui était assignée d'office une bien étrange propriété - le désir de musique -, les choses étaient en définitive assez simples. Mais il se trouve que le contexte générationnel a profondément changé ces vingt dernières années.

Des modes d'accès à la musique diversifiés

Comme le souligne Sylvie Octobre, « la révolution numérique provoque une évolution des pratiques et consommations, mais également des représentations et positions symboliques des objets culturels dans les jeunes générations. La deuxième massification scolaire, de même que la généralisation de l'accès aux consommations culturelles, ont par ailleurs progressivement engendré une mutation des échelles de légitimité, une porosité croissante du lien entre culture et savoir et une mutation des liens entre capitaux culturel et scolaire3 ».
Railler ces jeunes gens au sujet du temps passé sur les réseaux sociaux ou devant leur écran d'ordinateur revient à méconnaître totalement l'évolution de leurs modes de consommation liés au numérique, tout comme la modification du rapport qu'ils entretiennent aux pratiques culturelles préexistantes (lecture, écoute musicale, pratique artistique) et, d'une façon plus générale, au savoir. Aujourd'hui, ce sont bien souvent les enfants et les adolescents qui innovent et expérimentent, remettant ainsi profondément en cause un mode de transmission verticale entre des adultes ne pouvant plus tout savoir et des enfants - les sciences cognitives le démontrent - qui n'ont plus la même tête4.
Parallèlement à cette (r)évolution technologique, le public qui se tourne aujourd'hui vers les conservatoires s'est aussi profondément élargi, entraînant une diversification des modes d'accès, des pratiques et des apprentissages.

Mettre en œuvre une “pédagogie du sens”

Raisons pour lesquelles ces établissements ont besoin, non pas de « professeurs médiocres et poussiéreux », mais, bien au contraire, d'enseignants formés et capables de mettre en œuvre une « pédagogie du sens » pour susciter ce désir d'apprendre5 qui fait si cruellement défaut à « ces enfants [qui] sont devenus des consommateurs et ne doivent surtout plus apprendre quoi que ce soit », comme l'indique Pascal Franck.
Ne plus prendre sa propre définition de la musique, du théâtre ou de la danse pour la seule qui existe, ne plus considérer que l'acquisition d'une pratique instrumentale ou vocale ne puisse se faire que de façon univoque et normée - c'est juste ou faux -, permettre que la pratique artistique puisse aussi être assimilée à un loisir, espace de détente et d'épanouissement, au côté d'une pratique plus intense pour celles et ceux qui le souhaitent et qui y seront encouragés..., bref, prendre conscience du fait qu'un seul et même discours pour tous n'a aucune chance de s'adresser à tous ! S'il est un rêve auquel aspirent de très nombreux conservatoires, c'est bien celui-ci.

Contrairement aux images trop souvent ­renvoyées par les médias, et même si beaucoup reste à faire, ce rêve devient, et plus souvent qu'on veut bien le dire, une réalité. C'est heureux !
Nicolas Stroesser, directeur du CRD de Bourg-en-Bresse


1. in Philippe Meirieu et al., “L'Ecole et les parents : la grande explication”, Plon, 2000
2. Antoine Hennion, “Comment la musique vient aux enfants”, Anthropos, 1988
3. Sylvie Octobre, “Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc de cultures ?”
in Culture et Prospective, Département des études, de la prospective et des statistiques, janvier 2009
4. Michel Serres, “Petite Poucette”, Le Pommier, 2012.
5. Philippe Meirieu, ibid.

Une question : ce discours se voulant progressiste peut-il être qualifié "de gauche" ?



Dernière édition par Aurore le Mar 5 Juin 2012 - 23:03, édité 1 fois
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Dulcinea
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par Dulcinea Mar 5 Juin 2012 - 22:46
Très intéressant en effet. C'est la même ligne de fracture qui existe à l'EN.
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par Aurore Mar 5 Juin 2012 - 22:57
Dulcinea a écrit:Très intéressant en effet. C'est la même ligne de fracture qui existe à l'EN.
La même, effectivement. Mais avec une différence de taille : les missions des enseignants des conservatoires et écoles de musique ont été modifiées dans le sens de la "diffusion culturelle" (en clair, de l'animation) et au détriment de l'enseignement lui-même. D'autre part, les établissements, totalement autonomes, sont entièrement sous la coupe du CDE et relèvent des mairies, et non pas de l’État. La précarité des personnels y concerne donc au bas mot 30% des effectifs (chiffre officiel fourni par la FPT).
Il faut savoir que compte tenu de son poids au ministère de la Culture, de son rôle dans la décentralisation et de son implantation locale, le PS porte une très lourde responsabilité dans ces évolutions.
Mêmes causes, mêmes effets pour l'EN ? affraid
Dhaiphi
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par Dhaiphi Mar 5 Juin 2012 - 23:35
Bien sûr qu'il y a du vrai dans ce constat.
Mais le nostalgie du "c'était mieux avant" montre ses limites quand on veut bien gratter un peu.
"Epoque où l'on n'avait pas honte de prononcer le mot solfège", certes, mais elles en ont fait des "dégoutés" d'apprendre un instrument les méthodes d'antan du conservatoire.

_________________
De toutes les écoles que j’ai fréquentées, c’est l’école buissonnière qui m’a paru la meilleure.  
[Anatole France]
J'aime les regretteurs d'hier qui voudraient changer le sens des rivières et retrouver dans la lumière la beauté d'Ava Gardner.
[Alain Souchon]
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par Aurore Mer 6 Juin 2012 - 7:23
Dhaiphi a écrit:Bien sûr qu'il y a du vrai dans ce constat.
Mais le nostalgie du "c'était mieux avant" montre ses limites quand on veut bien gratter un peu.
"Epoque où l'on n'avait pas honte de prononcer le mot solfège", certes, mais elles en ont fait des "dégoutés" d'apprendre un instrument les méthodes d'antan du conservatoire.
L'auteur du premier article commet là une maladresse : il n'est pas du tout nécessaire d'adopter le discours du "c'était mieux avant" pour pointer les nombreuses dérives actuelles. Il offre là à ses détracteurs partisans de la réforme à tout prix l'occasion rêvée d'en rester à ce point purement rhétorique et leur permet de disqualifier d'office les arguments d'autrui, tout en en évitant de rentrer dans le vif du sujet.

Comme à l'école primaire, les pédagogies "à l'ancienne" étaient efficaces... lorsqu'elles étaient élaborées par des personnes compétentes (ce qui était le plus souvent le cas, qu'on pense à un Lavignac...) et enseignées de manière convaincante. Aujourd'hui, on n'a ni les contenus, remplacés massivement par les méthodes actives employées à tort et à travers ou par les "projets", ni les hommes pour les enseigner, suite à la suppression quasi totale de toute formation sérieuse en solfège (ex. les classes spécialisées du conservatoire supérieur ou des conservatoires de région).
Quant aux "dégoûtés" et autres traumatisés du solfège que l'on rencontre couramment dans les discours des tenants de "l'élève au centre", mais pas uniquement - la preuve Wink - , un seul commentaire : la grammaire ou l'orthographe "ennuient" tout autant les élèves...
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par Aurore Mer 6 Juin 2012 - 7:47
J'ajoute que le discrédit du solfège au sein du grand public s'explique autant par le caractère non obligatoire de l'enseignement musical spécialisé que par des raisons historiques et culturelles : la place que tient la musique "savante" en France est bien moindre si l'on compare à nos voisins allemands ou aux pays de l'Est...
Dinosaura
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par Dinosaura Mer 6 Juin 2012 - 11:18
L'éternelle question que je me pose, c'est pourquoi des gens qui ont été formés à un très haut niveau dans des établissements aux méthodes traditionnelles, et qui ont été pour la plupart des bourreaux de travail (pour en être arrivés à ce niveau justement), pourquoi peuvent-ils préconiser des méthodes autres pour les autres (mais pas pour leurs enfants hein) ? Sans doute un mélange d'idéologie égalitaire et anti-fasciste béate et de cynisme condescendant... Et puis, ne jamais revenir sur ces positions idéologiques, quand bien même le désordre est manifeste, ici dans les écoles, là dans les conservatoires... On est en pleine négation du réel...
Sinon, bien vue la transformation en garderie gratuite (pour l'école) ou pas chère des lieux anciennement dévolus à la transmission du savoir (et on pourrait rajouter les bibliothèques municipales aussi). Et en garderie de gamins devenus de plus en plus des consommateurs tyranniques, tout-puissants, qui ne connaissent plus les règles de savoir-vivre en société forcément "bourgeoises" et "fascistes" et de prise en compte d'autrui, et ne se rendent même pas compte de ce fait de leur parfois profonde impolitesse à l'égard de leurs professeurs. Enfants restés au stade infantile de l'égocentrisme non contrarié par l'apprentissage de la présence d'Autrui, de la frustration, du plaisir différé, par l'absence éducative de parents démissionnaires...
Reste qu'à vouloir démocratiser à tout prix la culture, en saupoudrant les savoirs, en pratiquant un relativisme culturel dévoyé issu de la pensée anthropologique des années 60, cela donne l'impression d'une immense faillite civilisationnelle. Ou comment de beaux idéaux produisent l'inverse de ce qui était escompté.
Ca me rappelle une fois où je regardais un documentaire sur France 5 où l'on voyait la vie dans un petit conservatoire de banlieue parisienne. Il y avait un jeune garçon absolument ingérable, qui ne travaillait pas, ne s'intéressait peut-être même pas à la musique, mais en tout cas était du genre hystérique, et empêchait ses camarades volontaires de pouvoir apprendre dans de bonnes conditions, et pourtant issus de milieux tout aussi défavorisés !... Or, c'est là qu'on voyait des éducateurs spécialisés (qui se trouvaient dans ce conservatoire, sans doute car le but de cette expérience était précisément de sortir de leur ghetto culturel ces enfants) demander instamment aux professeurs du conservatoire, qui eux ne voulaient plus le prendre en cours (car après tout, les cours de musique, qui plus est en conservatoire, ne relèvent pas de "l'instruction obligatoire"...), de lui laisser encore une chance de le socialiser...
Et j'ai eu l'impression de voir là ce qui se passe actuellement dans l'EN... le paradigme de l'éternelle seconde chance laissée aux emm..., sous prétexte qu'il faille les socialiser et ne pas les traumatiser, ces pauvres petits. Pensée christique holiste, qui laisse sur le carreau tous les autres, tout aussi pauvres, mais ayant le malheur d'être volontaires, polis ("éduqués") et un minimum travailleurs...
Et je me suis dit que le cynisme (ou encore une fois l'irréalité condescendante dans laquelle vivent nos décideurs-administrateurs) achevaient de transformer la finalité de ces lieux traditionnels de transmission du savoir, non plus en temples du savoir justement, mais simplement en lieux de socialisation, savoir-être, prêchi-prêcha citoyen...

Désolée pour le pavé décliniste, j'exprimais - dans le désordre - quelques remarques à chaud de ce que tout cela m'inspirait.
Ramoneur
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par Ramoneur Mer 6 Juin 2012 - 17:50
Ma femme vient de vivre une expérience troublante en conservatoire. On lui a par exemple reproché d'avoir emmené une élève n'ayant pas travaillé à son exam de fin de cycle. Il aurait fallu attendre pour ne pas choquer la petite louloute, qui s'est joliment ramassée.
Ah oui, elle a aussi découvert le "Sound painting", une espèce de vaste fumisterie après laquelle il convient de se nettoyer les oreilles avec du Bach...

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Ah, dis-je.
Ernest Hemingway
Celadon
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par Celadon Mer 6 Juin 2012 - 18:33
Dinausora, je me pose la même question. J'en suis arrivée à me persuader que ces gens éprouvent suffisamment de mépris pour leurs congénères pour faire en sorte que ceux-ci se complaisent dans la médiocrité où ils sont soigneusement entretenus et qu'ils puissent ainsi continuer à bénéficier des quasi-rentes à vie que confère une formation poussée.
J'ai mauvais esprit, isn't ?
Dhaiphi
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par Dhaiphi Mer 6 Juin 2012 - 21:18
Aurore a écrit: la place que tient la musique "savante" en France est bien moindre si l'on compare à nos voisins allemands ou aux pays de l'Est...
La musique "savante", le terme est heureux et hors de la musique savante point de salut ? heu

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par Aurore Mer 6 Juin 2012 - 21:34
Dinosaura a écrit:L'éternelle question que je me pose, c'est pourquoi des gens qui ont été formés à un très haut niveau dans des établissements aux méthodes traditionnelles, et qui ont été pour la plupart des bourreaux de travail (pour en être arrivés à ce niveau justement), pourquoi peuvent-ils préconiser des méthodes autres pour les autres (mais pas pour leurs enfants hein) ? Sans doute un mélange d'idéologie égalitaire et anti-fasciste béate et de cynisme condescendant...
Pour moi, c'est surtout par carriérisme et par servilité à l'égard des politiques qui, pour leur part, rivalisent de démagogie. Le deuxième article cité plus haut ne s'en cache pas : un des objectifs est bien, je cite, de "satisfaire les électeurs".
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par Aurore Mer 6 Juin 2012 - 21:37
Dhaiphi a écrit:
Aurore a écrit: la place que tient la musique "savante" en France est bien moindre si l'on compare à nos voisins allemands ou aux pays de l'Est...
La musique "savante", le terme est heureux et hors de la musique savante point de salut ? heu
Point de salut, certainement pas. Mais il ne s'agit pas non plus de tomber dans le relativisme pointé à juste titre par Dinosaura. Et, s'agissant de l'enseignement, il me semble qu'il existe des priorités à ne pas ignorer...
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par Aurore Mer 6 Juin 2012 - 22:40
Ramoneur a écrit:Ma femme vient de vivre une expérience troublante en conservatoire. On lui a par exemple reproché d'avoir emmené une élève n'ayant pas travaillé à son exam de fin de cycle. Il aurait fallu attendre pour ne pas choquer la petite louloute, qui s'est joliment ramassée.
Ah oui, elle a aussi découvert le "Sound painting", une espèce de vaste fumisterie après laquelle il convient de se nettoyer les oreilles avec du Bach...
Dans le même genre de délire "fumisto-créatif", il y a aussi les "cartes d'identité sonores" qui fleurissent un peu partout, dans les conservatoires, mais également dans les classes CHAM new look .
http://www.ville-gif.fr/agenda/fiche/tours-de-scene-1/?cHash=b08a6d251e8248bfd1893224a74880bc
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par Dinosaura Mer 6 Juin 2012 - 23:16
Aurore a écrit:
Dinosaura a écrit:L'éternelle question que je me pose, c'est pourquoi des gens qui ont été formés à un très haut niveau dans des établissements aux méthodes traditionnelles, et qui ont été pour la plupart des bourreaux de travail (pour en être arrivés à ce niveau justement), pourquoi peuvent-ils préconiser des méthodes autres pour les autres (mais pas pour leurs enfants hein) ? Sans doute un mélange d'idéologie égalitaire et anti-fasciste béate et de cynisme condescendant...
Pour moi, c'est surtout par carriérisme et par servilité à l'égard des politiques qui, pour leur part, rivalisent de démagogie. Le deuxième article cité plus haut ne s'en cache pas : un des objectifs est bien, je cite, de "satisfaire les électeurs".

Exact ! Et quel politique reviendra par exemple sur les 80 % d'une classe d'âge au bac ? C'est beaucoup plus rentable et bien moins courageux de travestir la réalité qui est, que, non, tous les enfants ne sont pas surdoués, et que, oui, il faut travailler pour réussir.


Dernière édition par Dinosaura le Mer 6 Juin 2012 - 23:23, édité 1 fois
Finrod
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par Finrod Mer 6 Juin 2012 - 23:18
Dinosaura, actuellement, on est à 65%, en incluant les BAC Pro bien entendu.

Mais tu parles peut être de l'objectif des 80%, voire 100% qui semble rester 'actualité ?
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par Dinosaura Mer 6 Juin 2012 - 23:21
Celadon a écrit:Dinausora, je me pose la même question. J'en suis arrivée à me persuader que ces gens éprouvent suffisamment de mépris pour leurs congénères pour faire en sorte que ceux-ci se complaisent dans la médiocrité où ils sont soigneusement entretenus et qu'ils puissent ainsi continuer à bénéficier des quasi-rentes à vie que confère une formation poussée.
J'ai mauvais esprit, isn't ?

Oui, l'alliance objective des libéraux et des pédagos... Où l'on voit que le camp du progrès social n'est pas là où on le croit. Théorie de l'"idiot..." (vous compléterez cette expression qui est modérée sur le forum.)
Dinosaura
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par Dinosaura Mer 6 Juin 2012 - 23:25
Finrod a écrit:Dinosaura, actuellement, on est à 65%, en incluant les BAC Pro bien entendu.

Mais tu parles peut être de l'objectif des 80%, voire 100% qui semble rester 'actualité ?

N'est-ce pas un objectif politique officiel depuis Chevènement, qui me semble toujours d'actualité ? Comme les futurs 50 % de licenciés etc...

Enfin c'est une politique du chiffre que je trouve très proche des plans quinquennaux pour ma part, vous m'excuserez la référence historique...
Ulrich
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par Ulrich Jeu 7 Juin 2012 - 0:31
Ramoneur a écrit:
Ah oui, elle a aussi découvert le "Sound painting", une espèce de vaste fumisterie après laquelle il convient de se nettoyer les oreilles avec du Bach...

D'ailleurs vite adoptée par d'autres FUMIstes ! Wink

http://www3.ac-clermont.fr/pedago/musique/spip/IMG/pdf/vincent-le-quang.pdf
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User5899
Demi-dieu

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par User5899 Jeu 7 Juin 2012 - 3:07
Merci, Aurore, pour les deux textes de ce débat. Il est rassurant de constater qu'en musique aussi, dès qu'il s'agit d'illustrer une sottise, on fait appel à Meirieu ou à Dubet.
Bon, je ne suis pas professionnel et je n'ai donc pas d'avis, même si le clivage qui s'illustre dans ces deux prises de position semble le même que pour les lettres ou l'école en général, et même si, à la lecture des trois premières lignes du second texte, je crie déjà "Andouille !". Mais on se disait avec quelques collègues l'autre jour que les jeunes interprètes que l'on entend aujord'hui semblent avoir une technique en acier trempé : comment expliquer ce paradoxe d'un enseignement qui a l'impression de ne plus arriver à rien, mais doit pourtant bien former et produire ces jeunes instrumentistes ?

PS Qu'est-ce que le sound painting heu heu heu
PS2 On a toujours intérêt à écouter Bach une heure par jour, comme ça, juste pour se rappeler que le monde est beau et qu'Apollon a existé.
Aurore
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Esprit éclairé

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par Aurore Jeu 7 Juin 2012 - 7:15
Cripure a écrit:Mais on se disait avec quelques collègues l'autre jour que les jeunes interprètes que l'on entend aujord'hui semblent avoir une technique en acier trempé : comment expliquer ce paradoxe d'un enseignement qui a l'impression de ne plus arriver à rien, mais doit pourtant bien former et produire ces jeunes instrumentistes ?
Plusieurs raisons à cela :
- il existe une quantité statistiquement irréductible de gens doués, qu'il est quasiment impossible de stopper dans leur élan (à moins d'être vraiment le pire des profs...). Or, comme les places sont extrêmement chères, cette quantité ne sera jamais trop réduite...
- au fur et à mesure de la déliquescence de la formation de base dans les conservatoires, on remarque que de plus en plus de ces jeunes instrumentistes sont des "fils de" (Bourdieu avait raison ! Wink. Le phénomène, comparable à ce qui se passe à l'EN (la relative réussite des fils d'enseignants) a toujours existé, mais il semble bien qu'il s'accentue.
- le CNSM de Paris est littéralement trusté par les étudiants étrangers, notamment est-européens et asiatiques, un peu comme les meilleures universités américaines. Et comme les études supérieures sont gratuites en France et la culture est encore subventionnée, cela attire forcément du monde.
Ulrich
Ulrich
Niveau 6

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par Ulrich Jeu 7 Juin 2012 - 9:37
Cripure a écrit: PS Qu'est-ce que le sound painting heu heu heu

C'est de l'improvisation "libre" dirigée.

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User5899
Demi-dieu

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par User5899 Jeu 7 Juin 2012 - 11:08
Une telle accumulation de bêtise, de vide et de melonite aiguë laisse sans voix. L'abrutie qui beugle sur le violon ne sait pas que quand quelqu'un joue, on la boucle ou on sort ? Elle pense ajouter de l'expressivité ? Elle se croit dans Plus belle la vie ?
Bref, quelle m erde !
Merci de m'avoir affranchi.
Ramoneur
Ramoneur
Niveau 8

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par Ramoneur Jeu 7 Juin 2012 - 16:03
Vite du Bach ...
Ça me rappelle une réflexion de mon vieux prof d'écriture qui parlait des pianos préparés : "Mettre des balles de ping-pong dans un piano, un gamin de cinq ans fait ça, on lui met un coup de pied au cul".

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Dhaiphi
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Grand sage

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par Dhaiphi Jeu 7 Juin 2012 - 17:30
Ramoneur a écrit:Vite du Bach ...
Ça me rappelle une réflexion de mon vieux prof d'écriture qui parlait des pianos préparés : "Mettre des balles de ping-pong dans un piano, un gamin de cinq ans fait ça, on lui met un coup de pied au cul".
Je ne veux pas me faire l'avocat du diable mais les "pianos préparés" sont le fruit d'une démarche intellectuelle qui se veut expérimentale et artistique (on apprécie ou pas, je sais votre choix est fait Wink ) pas le geste spontané de l'enfant de cinq ans.

La voie royale de la musique "savante" est le solfège, l'harmonie, le contrepoint, accompagnée de l'étude appronfondie d'un instrument... mais à côté de cela il existe beaucoup d'autres formes de musique qui font du bien aux oreilles.
Ce qui ne veut pas dire que les conservatoires doivent renoncer à la mission de transmettre l'apprentissage exigeant de la musique savante (sinon qui le fera ?).

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