- RobinFidèle du forum
Emmanuel Kant est un philosophe allemand, fondateur de l’« idéalisme transcendantal ». Né le 22 avril 1724 à Königsberg, capitale de la Prusse-Orientale, il y est mort le 12 février 1804. Grand penseur de l'Aufklärung (le mouvement des Lumières), Kant a exercé une influence considérable sur l'idéalisme allemand, le néokantisme, la philosophie analytique, la phénoménologie et la philosophie postmoderne. Son œuvre, considérable et diverse dans ses intérêts, mais centrée autour des trois Critiques, à savoir la Critique de la raison pure, la Critique de la raison pratique et la Critique de la faculté de juger, fait ainsi l'objet d'appropriations et d'interprétations successives et divergentes.
« Il est de la plus haute importance que les enfants apprennent à travailler. L’homme est le seul animal qui doit travailler. Il lui faut d’abord beaucoup de préparation pour en venir à jouir de ce qui est supposé par sa conservation. La question de savoir si le Ciel n’aurait pas pris soin de nous avec plus de bienveillance, en nous offrant toutes les choses déjà préparées, de telle sorte que nous ne serions pas obligés de travailler, doit assurément recevoir une réponse négative : l’homme, en effet, a besoin d’occupations et même de celles qui impliquent une certaine contrainte. Il est tout aussi faux de s’imaginer que si Adam et Eve étaient demeurés au Paradis, ils n’auraient rien fait d’autre que d’être assis ensemble, chanter des chants pastoraux et contempler la beauté de la nature. L’ennui les eût torturés tout aussi bien que d’autres hommes dans une situation semblable.
L’homme doit être occupé de telle manière qu’il soit rempli par le but qu’il a devant les yeux, si bien qu’il ne se sente plus lui-même et que le meilleur repos soit pour lui celui qui suit le travail. Ainsi l’enfant doit être habitué à travailler. Et où donc le penchant au travail doit-il être cultivé, si ce n’est à l’école ? L’école est une culture par contrainte. Il est extrêmement mauvais d’habituer l’enfant à tout regarder comme un jeu. Il doit avoir du temps pour ses récréations, mais il doit aussi y avoir pour lui un temps où il travaille. Et si l’enfant ne voit pas d’abord à quoi sert cette contrainte, il s’avisera plus tard de sa grande utilité. »
Emmanuel KANT, Réflexions sur l’éducation, 1776-1786.Trad. fr. par A. Philonenko, Vrin, 1987, pp.110-111.
Les enfants, ces créatures fragiles et innocentes, doivent-ils être élevés à l’écart du monde des adultes dans un monde préservé du travail ? L’éducation doit-elle viser à « l’épanouissement » des facultés naturelles de l’enfant, notamment son goût pour le jeu ?
Emmanuel Kant répond par la négative en avançant une conception de l’éducation fondée sur une définition de l’homme comme « animal laborans » : si l’enfant est un homme en devenir, alors il ne convient pas de l’élever comme un petit animal, il faut au contraire l’extraire de la nature, le faire sortir du « vert paradis de l’enfance » en lui apprenant à travailler.
Le mot français "travail" vient du bas latin tripalium, appareil formé de trois pieux, utilisé pour ferrer ou soigner les animaux domestiques, ou comme instrument de torture pour punir les esclaves. Kant ne reprend pas à son compte le sens négatif du mot "travail" (Arbeit, en allemand évoque la pauvreté), mais donne au mot "travail" un sens très large : travail désigne ici l'effort physique ou intellectuel qui doit être accompli pour faire quelque chose ou obtenir un résultat recherché.
Note : "Tous les noms européens du "travail", labor en latin et en anglais, ponos en grec, travail en français, Arbeit en allemand, signifient fatigue, effort et servent à désigner les douleurs de l'enfantement. Etymologiquement labor est de même racine que labare ("trébucher sous un fardeau") ; ponos et Arbeit évoquent la pauvreté (penia en grec, Armut en allemand). Même Hesiode fait du travail dur (ponon alginoenta) le premier des fléaux de l'homme." (Hannah Arendt).
Dans l'Ancien Testament, le travail est une malédiction, conséquence du péché originel et de la chute : "Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front". Dans l'antiquité grecque et romaine, le travail est réservé aux esclaves, aux artisans et aux paysans. L'homme vraiment libre ne travaille pas. Il consacre sa vie à l'étude et à la politique. Le mot "travail" désigne toute activité, dès l'instant qu'elle est socialement rentable. "Travail renvoie à l'ouvrier, au cadre, à l'employé, mais aussi, dans un sens élargi, à l'enfant qui apprend à l'école, à l'artiste (dont on dit pourtant qu'il "joue" du trombone) et au sportif professionnel (dont on dit pourtant qu'il "joue" au football).
Kant commence par avancer sa thèse : « Il est de la plus haute importance que les enfants apprennent à travailler. » au tout début de cet extrait, puis par développer ses arguments : contrairement aux animaux, l’homme doit travailler pour subvenir à ses besoins. Le travail n’est pas une « malédiction », une conséquence du « péché originel », car il nous fait échapper à la torture de l’ennui. Il y a deux sortes de repos : le mauvais repos de l’oisiveté et le bon repos qui suit le travail et permet à l’homme de réparer ses forces.
Il reprend sa thèse dans le derniers tiers du texte, à la lumière des arguments qu’il vient d’avancer : le rôle de l’école est de faire entrer le petit homme dans la culture à travers le travail ; le penchant naturel au jeu ne doit donc pas être cultivé chez l’enfant au dépens du penchant au travail car sans culture et sans éducation l’homme n’est rien.
« L’homme est le seul animal qui doit travailler » : les animaux ne travaillent pas, ils assouvissent leurs besoins directement, sans transformer le donné naturel. L’homme, au contraire a besoin de « beaucoup de préparation » : il s’est mis à fabriquer des armes et des outils, à « apprivoiser » le feu, à transformer sa nourriture, à élever des animaux et à cultiver la terre… L’humanisation s’est accompagnée de la mise en place d’un « délai » de plus en plus grand chez l’être humain entre le besoin et sa satisfaction. Le travail est le résultat d'un projet conscient et volontaire, alors que l'activité animale est instinctive. Le travail arrache l'homme à son existence immédiate, en lui imposant la médiation du temps.
Kant se réfère ensuite implicitement au Livre de la Genèse dans l’Ancien Testament pour prendre le contrepied de l’interprétation traditionnelle : les théologiens considèrent que le travail est une conséquence du péché originel, une malédiction consécutive à la désobéissance des premiers hommes. Avant d’être expulsés du Paradis, Adam et Ève ne travaillaient pas. Avec le péché (la désobéissance à Dieu), la mort est entrée dans le monde, avec la souffrance (« Tu enfanteras dans la souffrance »), l’inégalité (« Ton homme dominera sur toi ») et le travail : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. » Le mot « travail » lui-même reflète bien cette idée de malédiction. Il vient, comme on le sait, du latin « tripalium » qui désigne un instrument d’immobilisation pour ferrer les animaux domestiques, voire de torture et ses équivalents dans les autres langues impliquent tous l’idée de souffrance et d’asservissement.
Kant affirme exactement le contraire : « La question de savoir si le Ciel, c’est-à-dire Dieu, n’aurait pas pris soin de nous avec plus de bienveillance, en nous livrant toutes les choses déjà préparées, de telle sorte que nous ne serions pas obligés de travailler, doit assurément recevoir une réponse négative. »
Si l’on se place dans une perspective théologique et non plus simplement anthropologique, comme au début du texte, en tant que prototypes de l’humanité, Adam et Ève en partagent nécessairement l’essence. Or l’essence de l’humanité réside dans le travail : « L’homme est le seul animal qui doit travailler. », par conséquent, Adam et Ève travaillaient déjà au Paradis, avant la chute. Kant ne nous précise pas de quelle manière ils s’occupaient, il se borne de nous dire qu’ils ne se contentaient pas « d’être assis ensemble », de « chanter des chants pastoraux » et de « contempler la beauté de la nature ». Kant rend compte d’une conception naïve, caricaturale de l’idée que les hommes « historiques » peuvent se faire de la vie d’Adam et Ève au Paradis, idée qui est en fait une projection de l’expérience de la vie terrestre « après la chute », et en particulier celle de l’ennui : « L’ennui les eût torturés tout aussi bien que d’autres hommes dans une situation semblable. »
La critique kantienne ne vise pas seulement les théologiens, elle vise aussi implicitement la pensée antique qui place le travail au plus bas degré de l’échelle des activités humaines. Pour Aristote et pour la plupart de ses contemporains, le travail est réservé aux esclaves ; l’homme libre doit s’en affranchir pour se consacrer à ce qu’Hannah Arendt appelle « la vie de l’esprit » : la politique, la philosophie, la contemplation.
Cette réhabilitation du travail, à l’encontre de toute une tradition théologique et philosophique est bien dans l’esprit de la « Philosophie des Lumières », de l’Aufklarüng et de la pensée du XVIIIème siècle, comme on peut le constater avec l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert qui donne au travail et aux techniques, illustrations à l’appui, une très grande place au sein de la culture humaine, à côté de la théologie, de la philosophie, de l’art ou de l’Histoire.
L’éloge du travail s’accompagne par ailleurs souvent, d’une manière directe ou voilée d’une critique de l’organisation traditionnelle de la société qui consacre la domination du clergé et de la noblesse qui ne travaille pas, sauf à « déroger » sur le Tiers-Etat : les paysans, les artisans, les marchands et la bourgeoisie qui s’implique d’une manière ou d’une autre dans le processus de production des biens matériels et des richesses.
Ce texte illustre bien la thèse du sociologue Max Weber sur les rapports entre l’éthique protestante dont Kant est un éminent représentant et le développement du capitalisme. Le travail n’est pas une malédiction ; Dieu a placé l’homme sur la terre pour qu’il complète et prolonge la création. L’enrichissement personnel, quand il est le fruit du travail, loin d’être un péché, est un signe d’élection divine.
« L’homme doit être occupé de telle manière qu’il soit rempli par le but qu’il a devant les yeux, si bien qu’il ne se sente plus lui-même. » : l’homme n’est pas fait pour contempler la nature ou pour se contempler lui-même, mais pour agir, c’est-à-dire pour transformer la nature par le travail. L’homme n’a pas d’essence préétablie, il n’y a pas de « nature humaine », « on ne naît pas homme, on le devient. »... Pour réaliser sa vocation propre, l’homme doit « se fixer un but » extérieur à lui-même, faute de quoi il tombera dans l’ennui, signal d’alarme métaphysique d’un manque, comparable à la douleur physique. Le travail est non seulement le moyen de maîtriser la nature et de l'adapter aux besoins humains, il est aussi celui d'une extériorisation, d'une objectivation de soi. Dans la nature maîtrisée par le travail, l'homme se reconnaît lui-même.
Il y a deux sortes de repos, selon Kant : un « mauvais » repos et un « bon » repos. Le mauvais repos, c’est l’oisiveté qui consiste à ne rien faire au lieu de travailler. Le bon repos est celui qui succède à la peine, à l’effort, à la fatigue et qui les répare.
La dernière partie du texte revient circulairement à la thèse de départ : « Il est de la plus haute importance que les enfants apprennent à travailler. » : l’enfant n’est pas un petit animal, mais un homme en devenir. Il convient donc de l’éduquer en le faisant passer de la nature à la culture ; la culture, l’éducation suppose un certain arrachement au « vert paradis de l’enfance », semblable à celui où vivaient Adam et Ève avant la chute dans l’Historicité. Cet arrachement peut être douloureux parce qu’il n’est pas « naturel » et nous pouvons en avoir la "nostalgie".
Freud a exprimé ce sentiment dans un texte sur la fascination du "narcissisme intact" que l'homme cultivé peut éprouver vis-à-vis de l'animal sauvage, de la femme fatale... ou de l'enfant.
Kant souligne, à propos de l'entrée dans la culture, le rôle de l’Ecole et on remarque qu’il ne parle ni de famille, ni de précepteur comme J.J. Rousseau dans l’Emile, son traité d’éducation où l’élève est éduqué par une seule personne, à l’ écart du monde et de la société.
Kant ne semble pas admettre pas non plus l’idée rousseauiste de s’instruire « dans le grand livre de la nature », ni de ne pas encombrer la mémoire de l’élève « avec des connaissances inutiles » : « Émile n’apprendra jamais rien par cœur.", décrète Rousseau.
Le rôle de l’éducateur n’est pas de distraire l’enfant, de l’amuser, mais de lui transmettre des connaissances explicites, précises, de lui indiquer, comme le dit Hannah Arendt dans La crise de l’Education : « Voici notre monde. »
Faute de connaître le passé, l’enfant se trouvera dans l’impossibilité de créer du nouveau : "C'est bien le propre de la condition humaine que chaque génération nouvelle grandisse à l'intérieur d'un monde déjà ancien, et par suite former une génération nouvelle pour un monde nouveau traduit en fait le désir de refuser aux nouveaux arrivants leurs chances d'innover."(Hannah Arendt, La Crise de l’Education)
L'homme moderne ne pouvait exprimer plus clairement son mécontentement envers le monde et son dégoût pour les choses telles qu'elles sont qu'en refusant d'en assumer la responsabilité pour ses enfants. C'est comme si, chaque jour, les parents disaient : "En ce monde, même nous ne sommes pas en sécurité chez nous ; comment s'y mouvoir, que savoir, quel bagage acquérir sont pour nous aussi des mystères. Vous devez essayer de faire de votre mieux pour vous en tirer ; de toute façon vous n'avez pas de comptes à nous demander. Nous sommes innocents, nous nous lavons les mains de votre sort." (Hannah Arendt, La crise de l’Education)
« Il est extrêmement mauvais d’habituer l’enfant à tout regarder comme un jeu. » La pédagogie consiste pour Kant à transmettre des connaissances et non à laisser l’élève « construire son propre savoir » en intervenant le moins possible.
Il y un temps pour jouer et un temps pour travailler et on ne doit pas mélanger les deux séquences en prétendant « instruire en amusant ». On retrouve cette critique de la pédagogie ludique chez Alain, dans ses Propos sur l’Education : "Au contraire, dit cette grande Ombre (Hegel), je veux qu’il y ait comme un fossé entre le jeu et l’étude. Quoi ? Apprendre à lire et à écrire par jeu de lettres ? À compter par noisettes, par activité de singe ? J’aurais plutôt à craindre que ces grands secrets ne paraissent pas assez difficiles, ni assez majestueux." (Alain, Propos sur l'Education).
L’Ecole est une culture par contrainte parce que l’acquisition de la culture requiert des efforts de réflexion et de mémorisation. On doit l'y obliger car l’enfant est trop jeune, trop immature pour comprendre de lui-même la raison d’être de cette contrainte et pour l'accepter librement (le fait de devoir cultiver sa mémoire, d'exercer sa réflexion, de discipliner ses gestes et sa parole). Il ressent la culture comme un élément étranger et négatif, comme une « aliénation » et le plaisir de l’oisiveté et du jeu comme un élément positif parce qu’il se réfère uniquement à la sensibilité et non à la raison. Ce n’est que plus tard, quand il aura atteint l’âge de réfléchir et de « penser par lui-même » qu’il comprendra « l’utilité de cette contrainte » en tant que prédisposition du corps et de l'esprit au monde de la culture et du travail et acquisition des "bonnes attitudes".
L’enfant est un homme en devenir et l’humanité se définit par le travail, aussi faut-il apprendre à l’enfant à travailler. Le rôle de l’Ecole est de faire entrer l’enfant dans le monde de la culture. Le refus de donner des bases solides à l’enfant, des outils de langage et des connaissances en lui apprenant à lire, à écrire et à compter sous prétexte de ne pas le « traumatiser » et de le laisser « s’épanouir » entrave le plein exercice de son entendement et son intégration dans la société humaine. Pour Kant, la connaissance et la culture sont les conditions de la liberté véritable - qui n'est pas de "faire ce que l'on veut" - et du progrès.
Dans La critique du Jugement, Kant affirme la possibilité d'une réconciliation de la raison et de la sensibilité dans la contemplation désintéressée d’une œuvre d’art. Ne pourrait-on envisager également une réconciliation à terme du travail et du plaisir, en n’oubliant pas que le vrai plaisir ne réside pas dans la jouissance immédiate, mais dans la difficulté surmontée.
« Il est de la plus haute importance que les enfants apprennent à travailler. L’homme est le seul animal qui doit travailler. Il lui faut d’abord beaucoup de préparation pour en venir à jouir de ce qui est supposé par sa conservation. La question de savoir si le Ciel n’aurait pas pris soin de nous avec plus de bienveillance, en nous offrant toutes les choses déjà préparées, de telle sorte que nous ne serions pas obligés de travailler, doit assurément recevoir une réponse négative : l’homme, en effet, a besoin d’occupations et même de celles qui impliquent une certaine contrainte. Il est tout aussi faux de s’imaginer que si Adam et Eve étaient demeurés au Paradis, ils n’auraient rien fait d’autre que d’être assis ensemble, chanter des chants pastoraux et contempler la beauté de la nature. L’ennui les eût torturés tout aussi bien que d’autres hommes dans une situation semblable.
L’homme doit être occupé de telle manière qu’il soit rempli par le but qu’il a devant les yeux, si bien qu’il ne se sente plus lui-même et que le meilleur repos soit pour lui celui qui suit le travail. Ainsi l’enfant doit être habitué à travailler. Et où donc le penchant au travail doit-il être cultivé, si ce n’est à l’école ? L’école est une culture par contrainte. Il est extrêmement mauvais d’habituer l’enfant à tout regarder comme un jeu. Il doit avoir du temps pour ses récréations, mais il doit aussi y avoir pour lui un temps où il travaille. Et si l’enfant ne voit pas d’abord à quoi sert cette contrainte, il s’avisera plus tard de sa grande utilité. »
Emmanuel KANT, Réflexions sur l’éducation, 1776-1786.Trad. fr. par A. Philonenko, Vrin, 1987, pp.110-111.
Les enfants, ces créatures fragiles et innocentes, doivent-ils être élevés à l’écart du monde des adultes dans un monde préservé du travail ? L’éducation doit-elle viser à « l’épanouissement » des facultés naturelles de l’enfant, notamment son goût pour le jeu ?
Emmanuel Kant répond par la négative en avançant une conception de l’éducation fondée sur une définition de l’homme comme « animal laborans » : si l’enfant est un homme en devenir, alors il ne convient pas de l’élever comme un petit animal, il faut au contraire l’extraire de la nature, le faire sortir du « vert paradis de l’enfance » en lui apprenant à travailler.
Le mot français "travail" vient du bas latin tripalium, appareil formé de trois pieux, utilisé pour ferrer ou soigner les animaux domestiques, ou comme instrument de torture pour punir les esclaves. Kant ne reprend pas à son compte le sens négatif du mot "travail" (Arbeit, en allemand évoque la pauvreté), mais donne au mot "travail" un sens très large : travail désigne ici l'effort physique ou intellectuel qui doit être accompli pour faire quelque chose ou obtenir un résultat recherché.
Note : "Tous les noms européens du "travail", labor en latin et en anglais, ponos en grec, travail en français, Arbeit en allemand, signifient fatigue, effort et servent à désigner les douleurs de l'enfantement. Etymologiquement labor est de même racine que labare ("trébucher sous un fardeau") ; ponos et Arbeit évoquent la pauvreté (penia en grec, Armut en allemand). Même Hesiode fait du travail dur (ponon alginoenta) le premier des fléaux de l'homme." (Hannah Arendt).
Dans l'Ancien Testament, le travail est une malédiction, conséquence du péché originel et de la chute : "Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front". Dans l'antiquité grecque et romaine, le travail est réservé aux esclaves, aux artisans et aux paysans. L'homme vraiment libre ne travaille pas. Il consacre sa vie à l'étude et à la politique. Le mot "travail" désigne toute activité, dès l'instant qu'elle est socialement rentable. "Travail renvoie à l'ouvrier, au cadre, à l'employé, mais aussi, dans un sens élargi, à l'enfant qui apprend à l'école, à l'artiste (dont on dit pourtant qu'il "joue" du trombone) et au sportif professionnel (dont on dit pourtant qu'il "joue" au football).
Kant commence par avancer sa thèse : « Il est de la plus haute importance que les enfants apprennent à travailler. » au tout début de cet extrait, puis par développer ses arguments : contrairement aux animaux, l’homme doit travailler pour subvenir à ses besoins. Le travail n’est pas une « malédiction », une conséquence du « péché originel », car il nous fait échapper à la torture de l’ennui. Il y a deux sortes de repos : le mauvais repos de l’oisiveté et le bon repos qui suit le travail et permet à l’homme de réparer ses forces.
Il reprend sa thèse dans le derniers tiers du texte, à la lumière des arguments qu’il vient d’avancer : le rôle de l’école est de faire entrer le petit homme dans la culture à travers le travail ; le penchant naturel au jeu ne doit donc pas être cultivé chez l’enfant au dépens du penchant au travail car sans culture et sans éducation l’homme n’est rien.
« L’homme est le seul animal qui doit travailler » : les animaux ne travaillent pas, ils assouvissent leurs besoins directement, sans transformer le donné naturel. L’homme, au contraire a besoin de « beaucoup de préparation » : il s’est mis à fabriquer des armes et des outils, à « apprivoiser » le feu, à transformer sa nourriture, à élever des animaux et à cultiver la terre… L’humanisation s’est accompagnée de la mise en place d’un « délai » de plus en plus grand chez l’être humain entre le besoin et sa satisfaction. Le travail est le résultat d'un projet conscient et volontaire, alors que l'activité animale est instinctive. Le travail arrache l'homme à son existence immédiate, en lui imposant la médiation du temps.
Kant se réfère ensuite implicitement au Livre de la Genèse dans l’Ancien Testament pour prendre le contrepied de l’interprétation traditionnelle : les théologiens considèrent que le travail est une conséquence du péché originel, une malédiction consécutive à la désobéissance des premiers hommes. Avant d’être expulsés du Paradis, Adam et Ève ne travaillaient pas. Avec le péché (la désobéissance à Dieu), la mort est entrée dans le monde, avec la souffrance (« Tu enfanteras dans la souffrance »), l’inégalité (« Ton homme dominera sur toi ») et le travail : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. » Le mot « travail » lui-même reflète bien cette idée de malédiction. Il vient, comme on le sait, du latin « tripalium » qui désigne un instrument d’immobilisation pour ferrer les animaux domestiques, voire de torture et ses équivalents dans les autres langues impliquent tous l’idée de souffrance et d’asservissement.
Kant affirme exactement le contraire : « La question de savoir si le Ciel, c’est-à-dire Dieu, n’aurait pas pris soin de nous avec plus de bienveillance, en nous livrant toutes les choses déjà préparées, de telle sorte que nous ne serions pas obligés de travailler, doit assurément recevoir une réponse négative. »
Si l’on se place dans une perspective théologique et non plus simplement anthropologique, comme au début du texte, en tant que prototypes de l’humanité, Adam et Ève en partagent nécessairement l’essence. Or l’essence de l’humanité réside dans le travail : « L’homme est le seul animal qui doit travailler. », par conséquent, Adam et Ève travaillaient déjà au Paradis, avant la chute. Kant ne nous précise pas de quelle manière ils s’occupaient, il se borne de nous dire qu’ils ne se contentaient pas « d’être assis ensemble », de « chanter des chants pastoraux » et de « contempler la beauté de la nature ». Kant rend compte d’une conception naïve, caricaturale de l’idée que les hommes « historiques » peuvent se faire de la vie d’Adam et Ève au Paradis, idée qui est en fait une projection de l’expérience de la vie terrestre « après la chute », et en particulier celle de l’ennui : « L’ennui les eût torturés tout aussi bien que d’autres hommes dans une situation semblable. »
La critique kantienne ne vise pas seulement les théologiens, elle vise aussi implicitement la pensée antique qui place le travail au plus bas degré de l’échelle des activités humaines. Pour Aristote et pour la plupart de ses contemporains, le travail est réservé aux esclaves ; l’homme libre doit s’en affranchir pour se consacrer à ce qu’Hannah Arendt appelle « la vie de l’esprit » : la politique, la philosophie, la contemplation.
Cette réhabilitation du travail, à l’encontre de toute une tradition théologique et philosophique est bien dans l’esprit de la « Philosophie des Lumières », de l’Aufklarüng et de la pensée du XVIIIème siècle, comme on peut le constater avec l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert qui donne au travail et aux techniques, illustrations à l’appui, une très grande place au sein de la culture humaine, à côté de la théologie, de la philosophie, de l’art ou de l’Histoire.
L’éloge du travail s’accompagne par ailleurs souvent, d’une manière directe ou voilée d’une critique de l’organisation traditionnelle de la société qui consacre la domination du clergé et de la noblesse qui ne travaille pas, sauf à « déroger » sur le Tiers-Etat : les paysans, les artisans, les marchands et la bourgeoisie qui s’implique d’une manière ou d’une autre dans le processus de production des biens matériels et des richesses.
Ce texte illustre bien la thèse du sociologue Max Weber sur les rapports entre l’éthique protestante dont Kant est un éminent représentant et le développement du capitalisme. Le travail n’est pas une malédiction ; Dieu a placé l’homme sur la terre pour qu’il complète et prolonge la création. L’enrichissement personnel, quand il est le fruit du travail, loin d’être un péché, est un signe d’élection divine.
« L’homme doit être occupé de telle manière qu’il soit rempli par le but qu’il a devant les yeux, si bien qu’il ne se sente plus lui-même. » : l’homme n’est pas fait pour contempler la nature ou pour se contempler lui-même, mais pour agir, c’est-à-dire pour transformer la nature par le travail. L’homme n’a pas d’essence préétablie, il n’y a pas de « nature humaine », « on ne naît pas homme, on le devient. »... Pour réaliser sa vocation propre, l’homme doit « se fixer un but » extérieur à lui-même, faute de quoi il tombera dans l’ennui, signal d’alarme métaphysique d’un manque, comparable à la douleur physique. Le travail est non seulement le moyen de maîtriser la nature et de l'adapter aux besoins humains, il est aussi celui d'une extériorisation, d'une objectivation de soi. Dans la nature maîtrisée par le travail, l'homme se reconnaît lui-même.
Il y a deux sortes de repos, selon Kant : un « mauvais » repos et un « bon » repos. Le mauvais repos, c’est l’oisiveté qui consiste à ne rien faire au lieu de travailler. Le bon repos est celui qui succède à la peine, à l’effort, à la fatigue et qui les répare.
La dernière partie du texte revient circulairement à la thèse de départ : « Il est de la plus haute importance que les enfants apprennent à travailler. » : l’enfant n’est pas un petit animal, mais un homme en devenir. Il convient donc de l’éduquer en le faisant passer de la nature à la culture ; la culture, l’éducation suppose un certain arrachement au « vert paradis de l’enfance », semblable à celui où vivaient Adam et Ève avant la chute dans l’Historicité. Cet arrachement peut être douloureux parce qu’il n’est pas « naturel » et nous pouvons en avoir la "nostalgie".
Freud a exprimé ce sentiment dans un texte sur la fascination du "narcissisme intact" que l'homme cultivé peut éprouver vis-à-vis de l'animal sauvage, de la femme fatale... ou de l'enfant.
Kant souligne, à propos de l'entrée dans la culture, le rôle de l’Ecole et on remarque qu’il ne parle ni de famille, ni de précepteur comme J.J. Rousseau dans l’Emile, son traité d’éducation où l’élève est éduqué par une seule personne, à l’ écart du monde et de la société.
Kant ne semble pas admettre pas non plus l’idée rousseauiste de s’instruire « dans le grand livre de la nature », ni de ne pas encombrer la mémoire de l’élève « avec des connaissances inutiles » : « Émile n’apprendra jamais rien par cœur.", décrète Rousseau.
Le rôle de l’éducateur n’est pas de distraire l’enfant, de l’amuser, mais de lui transmettre des connaissances explicites, précises, de lui indiquer, comme le dit Hannah Arendt dans La crise de l’Education : « Voici notre monde. »
Faute de connaître le passé, l’enfant se trouvera dans l’impossibilité de créer du nouveau : "C'est bien le propre de la condition humaine que chaque génération nouvelle grandisse à l'intérieur d'un monde déjà ancien, et par suite former une génération nouvelle pour un monde nouveau traduit en fait le désir de refuser aux nouveaux arrivants leurs chances d'innover."(Hannah Arendt, La Crise de l’Education)
L'homme moderne ne pouvait exprimer plus clairement son mécontentement envers le monde et son dégoût pour les choses telles qu'elles sont qu'en refusant d'en assumer la responsabilité pour ses enfants. C'est comme si, chaque jour, les parents disaient : "En ce monde, même nous ne sommes pas en sécurité chez nous ; comment s'y mouvoir, que savoir, quel bagage acquérir sont pour nous aussi des mystères. Vous devez essayer de faire de votre mieux pour vous en tirer ; de toute façon vous n'avez pas de comptes à nous demander. Nous sommes innocents, nous nous lavons les mains de votre sort." (Hannah Arendt, La crise de l’Education)
« Il est extrêmement mauvais d’habituer l’enfant à tout regarder comme un jeu. » La pédagogie consiste pour Kant à transmettre des connaissances et non à laisser l’élève « construire son propre savoir » en intervenant le moins possible.
Il y un temps pour jouer et un temps pour travailler et on ne doit pas mélanger les deux séquences en prétendant « instruire en amusant ». On retrouve cette critique de la pédagogie ludique chez Alain, dans ses Propos sur l’Education : "Au contraire, dit cette grande Ombre (Hegel), je veux qu’il y ait comme un fossé entre le jeu et l’étude. Quoi ? Apprendre à lire et à écrire par jeu de lettres ? À compter par noisettes, par activité de singe ? J’aurais plutôt à craindre que ces grands secrets ne paraissent pas assez difficiles, ni assez majestueux." (Alain, Propos sur l'Education).
L’Ecole est une culture par contrainte parce que l’acquisition de la culture requiert des efforts de réflexion et de mémorisation. On doit l'y obliger car l’enfant est trop jeune, trop immature pour comprendre de lui-même la raison d’être de cette contrainte et pour l'accepter librement (le fait de devoir cultiver sa mémoire, d'exercer sa réflexion, de discipliner ses gestes et sa parole). Il ressent la culture comme un élément étranger et négatif, comme une « aliénation » et le plaisir de l’oisiveté et du jeu comme un élément positif parce qu’il se réfère uniquement à la sensibilité et non à la raison. Ce n’est que plus tard, quand il aura atteint l’âge de réfléchir et de « penser par lui-même » qu’il comprendra « l’utilité de cette contrainte » en tant que prédisposition du corps et de l'esprit au monde de la culture et du travail et acquisition des "bonnes attitudes".
L’enfant est un homme en devenir et l’humanité se définit par le travail, aussi faut-il apprendre à l’enfant à travailler. Le rôle de l’Ecole est de faire entrer l’enfant dans le monde de la culture. Le refus de donner des bases solides à l’enfant, des outils de langage et des connaissances en lui apprenant à lire, à écrire et à compter sous prétexte de ne pas le « traumatiser » et de le laisser « s’épanouir » entrave le plein exercice de son entendement et son intégration dans la société humaine. Pour Kant, la connaissance et la culture sont les conditions de la liberté véritable - qui n'est pas de "faire ce que l'on veut" - et du progrès.
Dans La critique du Jugement, Kant affirme la possibilité d'une réconciliation de la raison et de la sensibilité dans la contemplation désintéressée d’une œuvre d’art. Ne pourrait-on envisager également une réconciliation à terme du travail et du plaisir, en n’oubliant pas que le vrai plaisir ne réside pas dans la jouissance immédiate, mais dans la difficulté surmontée.
- Luigi_BGrand Maître
Merci Robin.
Une précision sur ce point. Le texte de La Genèse est limpide (2.5 et 2.15) :
C'est d'ailleurs ce que rappelle avec sa cuistrerie habituelle Pangloss à la fin de Candide.
Kant se réfère ensuite implicitement au Livre de la Genèse dans l’Ancien Testament pour prendre le contrepied de l’interprétation traditionnelle : les théologiens considèrent que le travail est une conséquence du péché originel, une malédiction consécutive à la désobéissance des premiers hommes. Avant d’être expulsés du Paradis, Adam et Ève ne travaillaient pas. Avec le péché (la désobéissance à Dieu), la mort est entrée dans le monde, avec la souffrance (« Tu enfanteras dans la souffrance »), l’inégalité (« Ton homme dominera sur toi ») et le travail : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. » Le mot « travail » lui-même reflète bien cette idée de malédiction. Il vient, comme on le sait, du latin « tripalium » qui désigne un instrument d’immobilisation pour ferrer les animaux domestiques, voire de torture et ses équivalents dans les autres langues impliquent tous l’idée de souffrance et d’asservissement.
Kant affirme exactement le contraire : « La question de savoir si le Ciel, c’est-à-dire Dieu, n’aurait pas pris soin de nous avec plus de bienveillance, en nous livrant toutes les choses déjà préparées, de telle sorte que nous ne serions pas obligés de travailler, doit assurément recevoir une réponse négative. »
Si l’on se place dans une perspective théologique et non plus simplement anthropologique, comme au début du texte, en tant que prototypes de l’humanité, Adam et Ève en partagent nécessairement l’essence. Or l’essence de l’humanité réside dans le travail : « L’homme est le seul animal qui doit travailler. », par conséquent, Adam et Ève travaillaient déjà au Paradis, avant la chute. Kant ne nous précise pas de quelle manière ils s’occupaient, il se borne de nous dire qu’ils ne se contentaient pas « d’être assis ensemble », de « chanter des chants pastoraux » et de « contempler la beauté de la nature ». Kant rend compte d’une conception naïve, caricaturale de l’idée que les hommes « historiques » peuvent se faire de la vie d’Adam et Ève au Paradis, idée qui est en fait une projection de l’expérience de la vie terrestre « après la chute », et en particulier celle de l’ennui : « L’ennui les eût torturés tout aussi bien que d’autres hommes dans une situation semblable. »
Une précision sur ce point. Le texte de La Genèse est limpide (2.5 et 2.15) :
Lorsque l'Éternel Dieu fit une terre et des cieux, aucun arbuste des champs n'était encore sur la terre, et aucune herbe des champs ne germait encore: car l'Éternel Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre, et il n'y avait point d'homme pour cultiver le sol.
L'Éternel Dieu prit l'homme, et le plaça dans le jardin d'Éden pour le cultiver et pour le garder.
C'est d'ailleurs ce que rappelle avec sa cuistrerie habituelle Pangloss à la fin de Candide.
Les deux philosophes, optimiste et pessimiste, se rejoignent donc sur la morale de Candide, dans ce petit paradis (vraiment) terrestre et précaire qu'est la métairie : "Il faut cultiver notre jardin". C'est un paradis parce qu'on y travaille ensemble. Au début du même chapitre XXX, dans la même métairie, les mêmes personnages s'ennuient et sont malheureux... avant que de travailler.Je sais aussi, dit Candide, qu’il faut cultiver notre jardin. — Vous avez raison, dit Pangloss ; car, quand l’homme fut mis dans le jardin d’Éden, il y fut mis ut operaretur eum, pour qu’il travaillât ; ce qui prouve que l’homme n’est pas né pour le repos. — Travaillons sans raisonner, dit Martin, c’est le seul moyen de rendre la vie supportable. »
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- RobinFidèle du forum
"Les deux philosophes, optimiste et pessimiste, se rejoignent donc sur la morale de Candide, dans ce petit paradis (vraiment) terrestre et précaire qu'est la métairie : "Il faut cultiver notre jardin". C'est un paradis parce qu'on y travaille ensemble. Au début du même chapitre XXX, dans la même métairie, les mêmes personnages s'ennuient et sont malheureux... avant que de travailler..."
La référence est particulièrement pertinente (au point que j'ai envie de vous l'emprunter !) et on voit bien la généalogie Kant/Voltaire... Hegel... Marx.
Mais Il faudrait parler aussi de deux voix discordantes : une petite, celle de Paul Lafargue, le gendre de Marx, et son Eloge de la Paresse (souvenir d'une lecture à haute voix et d'une classe écroulée de rire), et celle de Nietzsche, moins rigolotte, contre les "infatigables apologistes du travail".
La référence est particulièrement pertinente (au point que j'ai envie de vous l'emprunter !) et on voit bien la généalogie Kant/Voltaire... Hegel... Marx.
Mais Il faudrait parler aussi de deux voix discordantes : une petite, celle de Paul Lafargue, le gendre de Marx, et son Eloge de la Paresse (souvenir d'une lecture à haute voix et d'une classe écroulée de rire), et celle de Nietzsche, moins rigolotte, contre les "infatigables apologistes du travail".
- yphrogEsprit éclairé
Hier soir après avoir lu ton explication et commentaire, Robin, je suis allé voir des photos de coronation de roi à Königsberg.
Et Luigi_B tu me fais penser au fil au sujet de l'amour et la culture partagée.
Et Luigi_B tu me fais penser au fil au sujet de l'amour et la culture partagée.
- Luigi_BGrand Maître
Même si la pensée de Kant sur l'éducation ne rejoint pas nécessairement celle de Rousseau, je me permets de citer ces lignes de L'Emile, livre III (Folio Essais pp. 305-306), qui m'ont fait penser à ce fil de Robin. La justification de l'apprentissage du travail y est quelque peu différente.
L’homme et le citoyen, quel qu’il soit, n’a d’autre bien à mettre dans la société que lui-même ; tous ses autres biens y sont malgré lui ; et quand un homme est riche, ou il ne jouit pas de sa richesse, ou le public en jouit aussi. Dans le premier cas il vole aux autres ce dont il se prive ; et dans le second, il ne leur donne rien. Ainsi la dette sociale lui reste tout entière tant qu’il ne paye que de son bien. Mais mon père, en le gagnant, a servi la société... Soit, il a payé sa dette, mais non pas la vôtre. Vous devez plus aux autres que si vous fussiez né sans bien, puisque vous êtes né favorisé. Il n’est point juste que ce qu’un homme a fait pour la société en décharge un autre de ce qu’il lui doit ; car chacun, se devant tout entier, ne peut payer que pour lui, et nul père ne peut transmettre à son fils le droit d’être inutile à ses semblables ; or, c’est pourtant ce qu’il fait, selon vous, en lui transmettant ses richesses, qui sont la preuve et le prix du travail. Celui qui mange dans l’oisiveté ce qu’il n’a pas gagné lui-même le vole ; et un rentier que l’Etat paye pour ne rien faire ne diffère guère, à mes yeux, d’un brigand qui vit aux dépens des passants. Hors de la société, l’homme isolé, ne devant rien à personne, a droit de vivre comme il lui plaît ; mais dans la société, où il vit nécessairement aux dépens des autres, il leur doit en travail le prix de son entretien ; cela est sans exception. Travailler est donc un devoir indispensable à l’homme social. Riche ou pauvre, puissant ou faible, tout citoyen oisif est un fripon.
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- JPhMMDemi-dieu
Pardon, mais je trouve la phrase très drôle :lol:Robin a écrit:Kant a exercé une influence considérable sur l'idéalisme allemand, le néokantisme, la philosophie analytique, la phénoménologie et la philosophie postmoderne.
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- RobinFidèle du forum
JPhMM a écrit:Pardon, mais je trouve la phrase très drôle :lol:Robin a écrit:Kant a exercé une influence considérable sur l'idéalisme allemand, le néokantisme, la philosophie analytique, la phénoménologie et la philosophie postmoderne.
Effectivement...
- Luigi_BGrand Maître
Il n'empêche que cela reste vrai. :lol:
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- JPhMMDemi-dieu
Au contraire, puisqu'elle est tautologique.Luigi_B a écrit:Il n'empêche que cela reste vrai. :lol:
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