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Robin
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Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs (explication d'un extrait) Empty Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs (explication d'un extrait)

par Robin Dim 3 Nov - 23:42
Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs (explication d'un extrait) 9782091881966FS
 
Publiés en 1785, les Fondements de la métaphysique des mœurs jettent les bases des philosophies de la liberté qui se développèrent au xixe siècle. Kant y affirme, notamment, la nécessité d’une philosophie morale pure, débarrassée de toutes les scories portées par l’empirisme, et entreprend de rechercher et de déterminer le principe suprême de la morale. Ce seront alors les célèbres « impératifs catégoriques » : « Agis selon une maxime telle que tu puisses vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle » ; « Agis de telle sorte que tu uses de l’humanité, en ta personne et dans celle d’autrui, toujours comme fin, et jamais simplement comme moyen » ; « Agis de telle sorte que ta volonté puisse se considérer elle-même, dans ses maximes, comme législatrice universelle. »
 
"La partie technique de la morale kantienne est dans l’interprétation que Kant a donnée de ce caractère sacré du devoir qui s’oppose dans la conscience humaine, comme une sorte d’absolu, à tous les conseils de l’habileté et de la prudence, comme une chose immuable dans tous les changements de circonstances et d’intérêts. Rousseau l’explique par un « instinct divin » ; mais, pour Kant, universalité signifie rationalité ; si le devoir commande universellement, c’est qu’il est, en son fond, rationnel : dans ce passage est le point délicat de la Métaphysique des mœurs..."  (Emile Bréhier)
 

 
Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs (explication d'un extrait) Immanuel-Kant
 
 
 Les êtres dont l'existence repose en vérité, non sur notre volonté, mais sur la nature, n'ont toutefois, s'il s'agit d'êtres dépourvus de raison, qu'une valeur relative, en tant que moyens, et se nomment par conséquent des choses ; en revanche, les êtres raisonnables sont appelés des personnes, parce que leur nature les distingue déjà comme des fins en soi, c'est à dire comme quelque chose qui ne peut pas être utilisé simplement comme moyen, et par conséquent, dans cette mesure, limite tout arbitre (et constitue un objet de respect). [...]
 
Dans le règne des fins, tout a ou bien un prix, ou bien une dignité. A la place de ce qui a un prix on peut mettre aussi quelque chose d'autre en le considérant comme son équivalent; ce qui en revanche est au-dessus de tout prix, et par conséquent n'admet nul équivalent, c'est ce qui possède une dignité.

Ce qui se rapporte aux inclinations et aux besoins répandus universellement parmi les hommes a un prix marchand ; ce qui, même sans supposer un besoin, est conforme à un certain goût, c’est-à-dire à une satisfaction que nous pouvons retirer du simple jeu, sans but, des facultés de notre esprit, cela a un prix affectif ; mais ce qui constitue la condition sous laquelle seulement quelque chose peut être une fin en soi, cela n’a pas simplement une valeur relative, c’est-à-dire un prix, mais possède une valeur absolue, c’est-à-dire une dignité.

Or, la moralité est la condition sous laquelle seulement un être raisonnable peut être une fin en soi, étant donné que c’est seulement par elle qu’il est possible d’être un membre législateur dans le règne des fins. La moralité et l’humanité en tant qu’elle est capable de moralité, c’est donc ce qui seul possède de la dignité. L’habileté et le courage dans le travail ont un prix marchand ; l’ingéniosité d’esprit, la vivacité de l’imagination et l’humour ont un prix affectif ; en revanche, la fidélité dans la promesse, la bienveillance accordée pour des raisons de principe (et non par instinct) ont une valeur intrinsèque. La nature, pas plus que l’art, ne contiennent rien qui pourraient remplacer ces dispositions si elles venaient à manquer ; car leur valeur consiste, non pas dans les effets qui en résultent, ni dans l’avantage et le profit qu’elles procurent, mais dans les intentions, c’est-à-dire dans les maximes de la volonté qui sont prêtes à se manifester sur ce mode dans des actions, quand bien même l’issue de telles actions ne leur serait point favorable."
 
 
Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs (explication d'un extrait) JeanGiraud107.kant-et-ses-amis-detail
Jean Giraud, Kant et ses amis à Königsberg
 
 
 Kant fait une distinction entre les personnes et les choses. Les choses peuvent être considérées comme des moyens : l'eau est un moyen pour étancher la soif, l'arbre donne du bois pour se chauffer en hiver, l'animal ("les êtres dépourvus de raison") donne sa laine, sa force de travail, etc. Les choses n'ont ni droits, ni dignité morale.
 
Note : la philosophie contemporaine introduit une distinction que ne font ni Kant, ni Descartes, ni le Droit civil, entre les animaux et les choses et revendique un "droit des animaux". (cf. Elisabeth de Fontenay, Le silence des bêtes, Sans offenser le genre humain, réflexion sur la cause animale). Hans Jonas (Le principe responsabilité) explique de son côté que la nature tout entière (et pas seulement l'homme) a des droits.
 
Les personnes, selon Kant ont une valeur intrinsèque, elles ne sont pas des moyens, mais des fins. On ne doit pas utiliser les personnes comme des choses, par exemple les réduire en esclavage.
 
Le prix marchand est la valeur d'échange d'un objet. Une automobile, un téléviseur à écran plat...  "valent" tant d'euros. La monnaie permet de fixer la "valeur" des choses que l'on échange, selon la loi de l'offre et de la demande. L’échange des biens les transforme en marchandises.
 
La monnaie résout le problème de l’équivalence entre les objets de valeur inégale. On peut mettre quelque chose qui a un prix à la place de quelque chose d'autre, explique Kant. Non seulement on peut utiliser à sa guise les objets, les vendre, les acheter, mais, contrairement aux personnes,  ils sont interchangeables.
 
 
Note sur les échages : Au lieu que chacun fasse comme ce Sophiste grec qui fabriquait lui-même ses sandales, sa ceinture, ses vêtements, sa maison et prétendait se suffire à lui-même, chacun se spécialise dans une activité particulière ; la spécialisation a l’avantage de gagner du temps et d’améliorer les ouvrages. C'est ce que l'on appelle la division du travail
   
L’échange des biens les transforme en marchandises. La monnaie résout le problème de l’équivalence entre les objets de valeur inégale.
   
Avec l’apparition de la monnaie et la transformation des biens en marchandises, chaque chose acquiert une double valeur : une valeur d’usage (se chausser par exemple) et une valeur d’échange (la valeur d’une paire de chaussures dans la vitrine d’un magasin).
   
La valeur d’échange est liée à la rareté : l’eau et l’air ont une grande valeur d’usage puisqu’ils sont indispensables à la vie, mais une valeur d’échange beaucoup plus faible que le diamant qui n’est pas indispensable.
   
L’argent ne se réduit pas à sa dimension d’outil indispensable à la vie sociale ; il est le moyen d’une équivalence généralisée de tous les biens. L’argent est pour Marx «la puissance aliénée de l’Humanité » (Manuscrits parisiens de 1844) car tout peut s’acheter et se vendre, y compris les hommes qui deviennent alors une marchandise comme les autres.
 
   Il existe des objets, des choses qui, outre leur valeur marchande, ont un "prix affectif", ce sont les objets d'art. Ils diffèrent, selon Kant des autres objets car ils procurent une satisfaction désintéressée : on ne peut pas manger les fruits d'une nature morte, on ne peut pas "utiliser" une oeuvre d'art. Une oeuvre d'art est à elle-même sa propre fin, elle ne sert pas à satisfaire des besoins, elle n'a pas d'utilité.
 
Contrairement aux objets utilitaires, les objets d'art procurent une satisfaction désintéressée. Cependant, ni les uns, ni les autres ne constituent une "fin en soi". Les objets utilitaires ont une valeur d'échange et les objets d'art une valeur affective (un prix affectif dit Kant), mais il existe une troisième catégorie de réalités qui n'ont pas de prix : ce sont les réalités morales. Les réalités morales ne possèdent ni valeur d'échange, ni valeur affective, elles "possèdent une valeur absolue", dit Kant, c'est-à-dire une dignité.
 
La moralité est ce qui seule possède de la dignité car elle ne concerne pas les objets, mais les êtres humains, l'humanité. la moralité précise Kant est "la condition sous laquelle seulement un être raisonnable peut être une fin en soi, étant donné que c'est seulement par elle qu'il est possible d'être un membre législateur dans le règne des fins."
 
Autrement dit la moralité donne à chaque être humain le pouvoir de se déterminer en fonction des seules lois morales et non en fonction de ses intérêts ou de ses besoins. Par exemple, si je porte secours à quelqu'un dans l'espoir d'être récompensé, je n'accomplis pas un acte moral, je réponds, selon Kant à un "impératif hypothétique". Pour être qualifié d'acte moral, un acte doit répondre à un "impératif catégorique" (je le fais car je le dois).
 
L'habileté et le travail, ne sont pas pour Kant des valeurs morales car elles ne sont pas désintéressées, elles s'exercent en vue d'un bénéfice matériel.
 
L'ingéniosité d'esprit, la vivacité de l'imagination et l'humour (on peut penser au film Ridicule de Patrice Leconte) ne sont pas non plus des valeurs morales car elles permettent de briller en société, d'en retirer de la satisfaction.
 
Kant donne un exemple de valeurs réellement morales : "la fidélité dans la promesse" et "la bienveillance accordée pour des raisons de principe (et non par instinct)". Ces deux comportements : être bienveillant par principe et non par intérêt, tenir, par principe, et non par intérêt, ses engagements, ont une valeur "intrinsèque" ; elles sont à elles-mêmes leur propre fin. Nous ne devons nous déterminer, selon Kant qu'en fonction des lois morales (des principes) fondées sur la raison (et non sur le sentiment ou sur l'instinct).
 
On ne  peut fonder la moralité ni sur la nature (les instincts, les sentiments, les besoins et les inclinations), ni sur l'art (le simple jeu, sans but, des facultés de l'esprit) car l'art et la nature ont un prix marchand ou un prix affectif et non une valeur absolue, une dignité : "La nature pas plus que l'art, ne contiennent rien qui pourraient remplacer ces dispositions si elles venaient à manquer."
 
La valeur des dispositions morales ne réside "ni dans les effets qui en résultent, ni dans l'avantage et le profit qu'elles procurent, mais dans les intentions, c'est-à-dire dans les maximes de la volonté qui sont prêtes à se manifester sur ce mode dans des actions, quand bien même l'issue de telles actions ne leur serait point favorables."
 
Autrement dit, une action accomplie en vue d'un avantage ou d'un profit n'a pas de valeur morale. On ne doit pas agir en fonction d'une autre fin que le respect des lois morales. Ce qui compte dans le domaine moral, c'est "l'intention", la bonne volonté, la volonté de bien faire, l'obéissance aux lois de la raison et non le résultat.
 
Il n'est rien, selon Kant, qui puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n'est seulement une volonté bonne. Il écarte ainsi tout ce qui relève du tempérament, de la chance ou des nécessités de l'action. Seule la volonté humaine peut être absolument bonne. C'est ce qui nous rend dignes du bonheur, même si nous pouvons ne pas être heureux. La fonction de la raison pratique n'est pas d'assurer le bonheur, mais la moralité, comme volonté bonne en soi-même.
 
L'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme qui ne peuvent pas être établis par la Raison pure sont des "postulats de la raison pratique", ils garantissent la possibilité d'un accord de la vertu et du bonheur. Mais nous ne devons pas agir pour être récompensés, même dans l'au-delà.

Le bien ne doit pas être fait par inclination, mais par devoir. Le bien n'est pas prescrit par la nature ou par l'art, mais par la nécessité d'accomplir une action uniquement par respect pour la loi morale.
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