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doctor who
Doyen

La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par doctor who Mer 22 Fév 2012 - 17:48
Eh bien, c'est chaud ici.

Je m'immisce un instant pour dire qu'il n'y a à mon avis pas lieu de s'envoyer sur les roses comme cela. On peut tout à fait concevoir de concilier lecture de morceaux choisis et lecture d'oeuvres en intégralité. Il me semble même que tout le monde est d'accord ici pour que les élèves aient un accès maximum à toutes formes de livres, de jeunesse ou classique, peu importe. La différence des positions est sur la place à donner aux oeuvres intégrales de littérature de jeunesse : dans la bibliothèque de la classe, en libre choix, ou bien comme objet d'étude pendant le cours.

Je me garderai bien de trancher. Je pense cependant valable la critique que fait ma collègue du GRIP, DC, sur l'ennui qui peut résulter de ces longues semaines passées à décortiquer toutes les facettes d'un album en CM. Il est aussi incontestable qu'un gamin qui se contente de suivre distraitement la lecture de morceaux choisis littéraires en classe et ne lit jamais aucun livre du début à la fin passe à côté d'un tas de choses sans lesquelles il n'y a pas beaucoup de chance qu'il se mette à aimer la lecture.


Je voudrais simplement apporter un peu d'eau au moulin de mon autre collègue du GRIP, Mareuil, en apportant une petite contextualisation historique.

Tout d'abord, il faut replacer cette utilisation didactique de la littérature de jeunesse dans le contexte des années 60, mais au niveau du secondaire. C'est là, en premier lieu, que démarre la critique des morceaux choisi, par l'intermédiaire d'un bouc émissaire qui reçoit une série de volées de bois verts, le Lagarde et Michard.
C'est aussi à cette époque que les "psycho-pédagogues" affirment que l'enseignement doit partir des centres d'intérêt des élèves. D'où le recours à l'audiovisuelle (les discours sur l'attractivité de la télé sont assez amusants, avec le recul, à l'ère des smart-phones), à la littérature contemporaine.
Il ne semble pas qu'au primaire ce soit l'aspect le plus remarquable dans les doléances de l'époque. Par exemple, dans le manifeste de Charbonnières, qui énonce en 1969 les principes nécessaires à une refondation de l'enseignement du français et des lettres :

A l'école élémentaire, Il est bon que les enfants lisent, jouent, disent, illustrent, miment, chantent. créent des textes poétiques.

Si le sens du rythme, le goût du mot, le plaisir des sons n'ont pas été éduqués dès cette époque, ils risquent de n'être jamais éveillés, non plus que le sens et les capacités de création plastique. L'esprit globaliste qui inspire les maternelles devrait pénétrer et animer l'école élémentaire, et le premier cycle du Second degré.

La représentation du monde, prise entre l'image inactuelle et faussement séduisante des " livres de lecture ", et la vision traumatisante, dans les œuvres contemporaines, d'une réalité brutale, peut être proposée aux enfants par la médiation du conte et du récit mythique comme par des collections documentaires à leur portée. Dans cette perspective, chaque classe devrait avoir sa bibliothèque où les enfants auraient la liberté de puiser parmi des ouvrages très divers.

Il va de soi que l'accès aux textes n'a de sens que si l'apprentissage matériel de la lecture est suffisamment assuré. Actuellement, un nombre important d'élèves du second degré et d'adultes n'ont pas le goût des livres pour la seule raison qu'ils ne savent pas lire couramment.

On ne saurait trop insister sur la nécessité de créer chez l'enfant le désir de lire, d'autant moins spontané aujourd'hui que d'autres moyens de communication à l'accès plus facile captent son intérêt et satisfont ses besoins. Il faut imaginer des exercices qui rendent évidente la nécessité de la lecture. Il convient en particulier de motiver avec soin tout exercice de lecture à voix haute : résumé d'un livre, d'un document, appuyé d'extraits significatifs, rapport d'enquête sur documents, présentation d'un poème, etc.

Le désir de lire devient alors aussi désir de bien lire. Pour la correction de la lecture à haute voix, l'usage du laboratoire de langue, au minimum du magnétophone, est d'un grand secours. Ce matériel trouve aussi son emploi pour aider à la mémorisation du texte qui répond à la fois à un goût et à une aptitude des enfants de cet âge.

L'exercice écrit à caractère artificiellement littéraire est à proscrire. Les exercices d'entraînement à la pratique de la langue prennent ici une très grande place. Les activités de la classe (journaux de classe, correspondance, compte rendu d'observation, jeux romanesques, poétiques ou dramatiques, etc.), les créations individuelles entraîneront les élèves à la rédaction plus motivée de textes plus naturels.

On n'y parle pas du choix des lectures. Cela n’est pas étonnant si l’on considère l’influence à cette époque de mouvements comme celui de Freinet, qui se différenciait de l’école publique par le soin pris à faire s’exprimer les élèves, à les faire écrire des textes personnels, dans des situations motivantes (la maintenant traditionnelle correspondance de classe, aujourd’hui, Twitter).


Puis viennent les années 70-80, et l’échec dans le secondaire d’une nouvelle manière de parler de littérature, plus objective, moins dépendante du morceau choisi et de l’explication de texte, avec l’appui de la linguistique moderne et du formalisme structuraliste. Ca ne marche pas, les élèves ne comprennent pas mieux, et l’équilibre fragile (et de circonstance) entre la prise en compte de l’élève et l’introduction des nouvelles « sciences » textuelles éclate. D’un côté un formalisme techniciste (schéma narratif, situation d’énonciation et tutti quanti). De l’autre, la nécessité de faire lire, et de faire s’exprimer les élèves sur leurs lectures.

Je m’y connais moins pour le primaire, mais j’imagine que ça a été le gros bordel, avec de la littérature de jeunesse avant la lettre, des survivances de morceaux choisis, mais mis au goût du jour d’une manière ou d’une autre. A mon avis, ça a dû être autant le bazar que pour les activités d’éveil.

Heureusement sont arrivées, à la fin des années 80, les justifications théoriques ad hoc, j’ai nommé les théories de la réception (Jauss, Iser, Umberto Eco) et les théories de la lecture (principalement un certain Michel Picard, « La lecture comme jeu », 1985), repris et systématisé par Vincent Jouve). Grosso modo, on n’arrête de s’intéresser au texte, à sa construction, sa structure, ce qu’il est, mais on s’attarde sur ce qu’en pense le lecteur, sur la construction du jugement et de la compréhension chez l’élève du primaire.

Et là, pour le coup, il me semble que c’est le primaire qui a été en avance sur le secondaire. On ne compte plus les articles sur l’importance d’une « subjectivité argumenté », sur la formation du « sujet-lecteur ». On commence à faire étudier les couvertures des livres, à systématiser l’enseignement de la compétence consistant à faire des « inférences » à partir d’une lecture, on fait des nouvelles dont on coupe la chute, des contes qu’on met dans le désordre, etc.

C’est là qu’un boulevard s’ouvre pour la littérature de jeunesse. Parce qu’il faut des textes qui « parlent » aux élèves d’un âge donné, pour pouvoir les « faire parler ». Parce qu’on a besoin de textes intégraux pour pouvoir travailler les compétences de lecture comme l’émission d’hypothèses (notion d’horizon d’attente, chez Jauss).

Puis, les éditeurs s’aperçoivent que les programmes et les IO leur ouvrent le marché scolaire, et se met en place un formatage scolaire des œuvres lues par les enfants, et la « littérature de jeunesse », après avoir été une notion didactique, devient une catégorie éditoriale.
Mufab
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La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par Mufab Jeu 23 Fév 2012 - 8:10
Mareuil a écrit:
fugue a écrit:Je suis stupéfaite par l'animosité des propos échangés. Ne peut-on débattre sans s'écharper?

Mareuil, vous en étiez à exposer pourquoi, à vos yeux, la littérature de jeunesse nuit à l'enseignement de la littérature.

Je pense être en désaccord avec vous (je pense seulement, parce que je ne crois pas avoir compris le fond de votre réflexion) mais vos propos m'intéressent et j'espère que vous allez donner suite.

Mille excuses pour ne pas avoir répondu plus tôt à votre curiosité. Une session de travail du GRIP (programmation informatique et manuels numériques) m'a tenu trois jours éloigné de Néoprofs. Je ne tarderai pas à reprendre le fil avec un développement sur ce que j'ai appelé la "déculturation de l'École".
Je souhaite comme vous que des divergences bien compréhensibles ne tournent pas au pugilat sans intérêt. J'avoue avoir été sinon blessé du moins offusqué que l'on puisse m'accuser de vouloir mettre des livres au pilon ou au bûcher.Donc à bientôt.

Métaphore.

Vous commencez ce topic par la dénégation d'une littérature de jeunesse contemporaine, le continuez par une critique très sévère d'un livre que vous n'avez pas lu (ce que ma méthode, personnellement, m'interdit), vous délivrez des bordées de mépris à qui ose n'être pas d'accord avec vous sur un point particulier.

Et c'est vous qui êtes offusqué ?

Je pense qu'il faut d'abord ménager ses interlocuteurs, leurs personnes (des êtres humains, vous savez) devant l'écran, si l'on ne veut pas de rebiffades. Je ne suis pas un gosse que vous pouvez tancer.

Sur ce, bon débat constructif. Je viendrai lire vos conclusions et prescriptions sur ce que les instits doivent faire lire, et comment, et ce qu'ils ne doivent pas, surtout pas, commenter, dans leurs classes.
Heureusement que vous êtes là pour me dicter mes non-choix futurs.
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Mareuil
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La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par Mareuil Jeu 23 Fév 2012 - 8:26
Help !
Un esprit malicieux hantant ce fil aurait-il le pouvoir de faire dire à mes posts autre chose que ce que je crois écrire ?
Je ne me souviens pas avoir "dénégué" la littérature de jeunesse contemporaine.
Je ne crois pas avoir critiqué un livre que je n'ai pas lu.
Je suis sûr de n'avoir formulé aucune prescription et même, au contraire, de m'être inquiété de ce qu'on puisse prescrire des listes de livres.
JEMS
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Grand Maître

La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par JEMS Jeu 23 Fév 2012 - 8:28
Je trouve le débat intéressant et comme souvent passionné. Si l'on doit analyser la littérature jeunesse, je pense qu'il faut prendre en considération un contexte très complexe. D'une part, avec quels yeux regardons-nous la littérature jeunesse ? Avec celui d'enseignant (en primaire ou secondaire) ou avec celui de lecteur ? D'autre part, il faut aussi faire la distinction entre les finalités de la littérature jeunesse, je parle notamment du public visé par les oeuvres. Sur ce point, comme cité plus haut, je pense qu'il faut distinguer littérature enfantine, de celle des pré-ados et ados.

Pour ma part, je crois qu'il existe une littérature jeunesse, je l'analyse comme un art d'écrire et d'illustrer et n'en déplaise à certains qui ont tenu des propos virulents à son encontre, je la considère comme un des vecteurs de l'apprentissage de la lecture.

A l'heure où les enfants et les ados se désintéressent de toute forme de lecture au profit d'une bouillie indigeste faite de sms et autres ignominies écrites sur les réseaux sociaux, il est nécessaire de la défendre à tout prix.

Je suis un fidèle lecteur des oeuvres "jeunesse", déjà enfant j'ai épuisé toute la bibliothèque verte et rose (celle de ma soeur), je persiste et signe encore de nos jours à lire des oeuvres pour ados, elles ne sont pas au centre de mes lectures, mais bien souvent, me renvoient à mon passé de jeune ado, désireux de personnification et d'aventures aussi incroyables les unes que les autres. :aah:



Mufab
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Grand Maître

La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par Mufab Jeu 23 Fév 2012 - 8:40
Mareuil a écrit:Help !
Un esprit malicieux hantant ce fil aurait-il le pouvoir de faire dire à mes posts autre chose que ce que je crois écrire ?

Je n'ai pas le temps, là, de vous citer pages 1 à 3. Mais chacun sait lire, ici.

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Mareuil
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La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par Mareuil Jeu 23 Fév 2012 - 8:57
Mufab a écrit:
Mareuil a écrit:Help !
Un esprit malicieux hantant ce fil aurait-il le pouvoir de faire dire à mes posts autre chose que ce que je crois écrire ?

Je n'ai pas le temps, là, de vous citer pages 1 à 3. Mais chacun sait lire, ici.



Chacun peut donc lire ; Voici mes posts de la page 1 à la page 3 :

Allez, je me décide à lancer ce topic sur la "littérature de jeunesse quoi t'est-ce ?"

Incipit emprunté à un ami encore plus âgé que moi qui n'ai que 65 ans : "Tout cela me rappelle les romans de Jack London, de James Olivier Curwood ou de Mayne Reid."

Alors, c'est quoi aujourd'hui "la littérature de jeunesse" ?

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C'est tout à fait possible.
Je crois cependant que pour éviter que le débat ne s'organise en "pour" et "contre", ou ne tourne en disputes générationnelles, il faudrait avoir sur la "littérature de jeunesse" un point de vue un peu historique. Or ce n'est pas facile. La fiche Wikipédia sur la Bibliothèque verte, par exemple, ne retient dans sa liste d'auteurs que les plus récents, ceux qui ont publié justement quand la jaquette de la collection a cessé d'être verte. Donc elle fait l'impasse sur une foule d'oeuvres qui ont formé des générations de lecteurs jusque dans les années soixante. D'autre part, il faudrait se demander à partir de quand cette "littérature de jeunesse" entre en jeu dans les exercices scolaires. Pour ma génération, par exemple, les volumes de la Bibliothèque verte ainsi que ceux de la collection Rouge et or entraient dans la bibliothèque de l'école primaire, mais les manuels de lecture courante ne contenaient pas ce genre de textes. De même, au niveau de la maternelle, les Petits livres d'or et les Albums du Père Castor, nous les lisions chez nous - ou on nous les lisait - mais en classe les maîtresses nous lisaient des histoires prises ailleurs.

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Justement, faisons un peu d'histoire. À partir de quand - de quelles IO - et sous quelle forme, cette "littérature jeunesse" "fourre-tout" a-t-elle conquis droit de cité au collège ? Jusque ma dernière année d'exercice au collège, en 1979, elle était inconnue.

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Mareuil croule sous le poids des ans, mais il ne peut être que "malheureux"
Bien sûr que ces livres n'ont pas disparu du jour au lendemain, mais leur ont succédé d'autres séries ( le changement de jaquette de la Bibliothèque verte traduit un changement de la ligne éditoriale) dont la teneur n'était pas la même : texte plus simple, infantilisation des intrigues et des personnages.

Il y a eu plusieurs changements :
À sa création en 1924, elle est conçue pour rééditer les grands classiques de la littérature de jeunesse, en particulier les auteurs du fonds Hetzel racheté par Hachette : elle prend la suite de la Bibliothèque d'éducation et de récréation d'Hetzel. La première version s'intitule ainsi Nouvelle bibliothèque d'éducation et de récréation. Au début, les ouvrages de Jules Verne sont édités dans la Collection Jules Verne, puis ils intégreront également la Bibliothèque verte.
Les livres se présentent sous forme cartonnée, en toile verte, avec jaquette illustrée en couleurs. À partir de 1959, la jaquette disparait, et la couverture cartonnée porte l'illustration avec un pelliculage."

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fraisedesbois
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La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par fraisedesbois Jeu 23 Fév 2012 - 10:21
* mode schtroumph grognon peace and love on *
j'aime pas quand des gens que j'estime s'écharpent.
je me sens terriblement impuissante, à la fois un peu sidérée que l'échange ne passe pas entre ceux-là, à la fois pressentant ce qui coince sans parvenir à le mettre utilement en mots, comme "solidaire" de deux points de vue qui à mon sens diffèrent oui mais sans besoin de s'exclure (les points de vue).
* mode schtroumph grognon peace and love off *

la lecture de ce fil est très intéressante, j'inclue dans son intérêt les achoppements sur des points qui ne sont pas si souvent discuté
(achoppements que j'aimerai moins brutaux pour les gens qui y reçoivent une réponse)(je n'ai pas écrit moins brutaux de la part des gens qui les écrivent, je ne juge pas les intentions, je suis tristoune du résultat généralisé que je suppose)

A Tuin a écrit:Mais alors, il y a quelque chose qui m'échappe : dans un sens, il n'y a jamais eu autant de livres à portée des enfants, mais il y a de plus en plus d'élèves mauvais en lecture et en orthographe. Ce n'est pas cohérent Razz
sauf si... c'est très exactement cohérent au contraire (comme l'a relevé Doublecasquette)

Rikki a écrit:Je ne sais pas trop ce qui est un "classique" et ce qui ne l'est pas.
=> Les livres pour enfants, en général, j'aime bien, mais ce qui me fait suer, c'est leur exploitation.
La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 2252222100

Mareuil a écrit:Et si j'osais, j'irais jusqu'à dire que le souci de rendre les élèves lecteurs était moins obsessionnel qu'il paraît l'être devenu depuis quelques années. J'ai toujours lu beaucoup et de tout, certains de mes condisciples lisaient beaucoup moins ou parfois seulement le pire. Je n'ai pas eu l'impression que cela avait une influence démesurée sur le destin scolaire des uns et des autres.
ô combien d'accord sur la première phrase.
une petite question filoute sur la dernière phrase : restreindre le pire au champ des classiques suffirait-il à limiter l'influence du comment de la littérature sur le destin scolaire ?
(et pour ma part, il se peut bien que la réponse soit effectivement "peut être", mais alors la définition du classique comme étant ce qui reste quand le reste est passé est une définition bien plus subtile qu'elle ne pourrait en avoir l'air... "où (est-ce qu'un classique devient un classique parce qu'il reste)" me semble une précision pas si triviale).

JEMS a écrit:A l'heure où les enfants et les ados se désintéressent de toute forme de lecture au profit d'une bouillie indigeste faite de sms et autres ignominies écrites sur les réseaux sociaux, il est nécessaire de la défendre à tout prix.
toute la question est de savoir comment la défendre.
personnellement, comme maman de mes enfants, quand je vois mon fils de CE1 passer plusieurs mois à coup de fiches hebdomadaires sur "Flocon d'Argent" album ribambelle, je respire lentement.
personnellement, comme lectrice et mamans de jeunes lecteurs tendance boulimiques, je ne peux pas tout trouver bon juste parce que c'est un livre. je pense que certains livres desservent franchement la littérature jeunesse. et passé le temps pendant lequel j'aime mieux proposer des livres que j'estime à mes enfants, je les laisse lire tout ce qu'ils souhaitent lire. je parle là de, à la maison, ce qui en substance, n'a rien à voir avec la question posée. juste pour dire que défendre la lecture oui, à tout prix, peut être que non. je me demande si on en n'est pas là justement parce que "à tout prix"...


alors à l'école :

peu de souvenir ordonné de ce que j'ai lu, parce que je lisais beaucoup à la maison (du classique et du contemporain), mais je me souviens d'avoir lu à l'Ecole : Le petit prince en CM et d'avoir eu le Lagarde et Michard à partir de la 6ème.

je ne pense pas qu'il n'y ai qu'une seule suffisamment bonne façon de procéder.
je ne pense pas que privilégier les classiques puisse être une garantie suffisante.
je veux bien réfléchir à savoir si cette garantie est nécessaire car je ne trouve pas insensé de réfléchir à ce qui pourrait être la "méthode" la plus adaptée au plus grand nombre (d'enfants et d'instituteurs).
évidemment je ne l'érigerai pas davantage, cette éventuelle "méthode" (le mot est trompeur, évidemment c'est aussi un choix philosophique, pas juste un choix méthodo), en prescription, que la liste de 2004.

cette liste de 2004 je l'ai parcourue. c'est à dire j'ai lu les titres et auteurs qui y sont, et j'ai soigneusement évité de lire les présentations (instinct de survie). et ... j'ai beaucoup ri.
Spoiler:
alors cette liste : dedans, il n'y a pas forcément tous mes coups de coeur mais il y en a quelques uns. dans ceux que j'ai lu, ne vois pas trop d'horreur "en soi" même si je pense qu'il y a mieux dans la littérature jeunesse, et même chez l'Ecole des loisirs, que "Le cheval qui sourit".
"Joker", que j'ai lu, est nettement meilleur que la bouillie servie conjointement en commentaire, et est nettement meilleur également SANS cette présentation.

si cette liste n'est qu'indicative, à destination de ceux qui n'ont pas le temps ou le goût de fureter entre les innombrables titres, pourquoi pas (compte tenu qu'elle contient également des classiques) ?
prosaïquement, ça sera toujours moins pire que certaines ribambelles...

comme toute liste, toujours, dans une liste, il en manque, et toujours, il y en a dans la liste qui sont jugés moins dignes d'y être.
pourquoi est-ce si différent lorsque l'on remplace "liste de 2004" par "classiques", dénomination qui finalement renvoie d'une certaine manière elle aussi à une liste ?




ce débat autour de la "littérature jeunesse" ne découle-t-il pas principalement de la transformation imposée à l'Ecole ces dernières années ? n'est-ce pas juste le transfert vers l'école de ce que la société ne veut plus se donner les moyens d'assurer ?
l'Ecole idéale pour moi, serait bien différente.
la société idéale également.

dans les conditions actuelles (de la société et de l'école), dans le cadre des programmes imposés, dans le temps imparti pour les réaliser (sic, sic, sic), la littérature jeunesse, ça me parait loin d'être une horreur en soi, et je pense que bien employée, c'est même une jolie réponse utile.


bon, je suis hors-sujet, hein ? :Oups:


mais en tous cas, je lis vos interventions avec intérêt Smile

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:lecteur:  Il faut beaucoup d'indisciplinés pour faire un peuple libre -
Georges Bernanos, Les enfants humiliés, 1949
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La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par doublecasquette Jeu 23 Fév 2012 - 10:51
fraisedesbois a écrit:quand je vois mon fils de CE1 passer plusieurs mois à coup de fiches hebdomadaires sur "Flocon d'Argent" album ribambelle, je respire lentement.

mdr
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La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par Mufab Jeu 23 Fév 2012 - 10:54
Mareuil a écrit:
Mufab a écrit:
Mareuil a écrit:Help !
Un esprit malicieux hantant ce fil aurait-il le pouvoir de faire dire à mes posts autre chose que ce que je crois écrire ?

Je n'ai pas le temps, là, de vous citer pages 1 à 3. Mais chacun sait lire, ici.



Chacun peut donc lire ; Voici mes posts de la page 1 à la page 3 :

Allez, je me décide à lancer ce topic sur la "littérature de jeunesse quoi t'est-ce ?"

Incipit emprunté à un ami encore plus âgé que moi qui n'ai que 65 ans : "Tout cela me rappelle les romans de Jack London, de James Olivier Curwood ou de Mayne Reid."

(...)

Ah la la, c'était page 4, me suis trompée...




Mareuil a écrit:Dans la liste officielle figure le résumé d'un récit de cette Madame Morgenstern dont parle plus haut Clarinette.
Résumé de Joker :
"Hubert Noël est un vieil instituteur qui pratique une pédagogie sortant de l’ordinaire : au début de l’an- née scolaire, il offre à chaque élève un jeu de cartes particulier ne comportant que des jokers : un joker pour rester au lit, un joker pour être en retard à l’école, un joker pour dormir en classe, un joker pour faire le clown... Mais il passionne aussi ses élèves en les initiant tant à la vie qu’aux matières scolaires. L’institution, représentée par la directrice, n’apprécie guère, et finit par obtenir sa mise en retraite. Le message de cette histoire est inscrit dans le récit, p. 57 : « Quand on naît, on a automatique- ment des jokers. »
Ce livre suscite chez les élèves un questionnement existentiel, sur leur propre vie, sur l’école, et peut être à l’origine de maints débats. Il est aussi possible de caractériser les personnages d’enfants selon la façon dont ils utilisent, ou thésaurisent les jokers. S’interroger sur les valeurs de l’école, sur les rapports des enseignants et de leurs élèves à travers ce récit conduira à chercher dans la littérature d’autres apprentissages de la vie mis en scène. La réception par les élèves s’appuiera sur les éléments donnés par le texte pour dresser le portrait du maître d’école : qu’est-ce qui le rend sympathique et aux yeux de qui ? Ce texte pourra donner lieu à des mises en jeu et à des réécritures pour l’adapter éventuellement dans une perspective de mise en scène. "
Je connais pas cet auteur et n'en ai rien lu, mais ce résumé ne m'inspire rien de bon. Je soupçonne - ai-je tort - une sorte de fable pesamment didactique.


En ce qui concerne les marques de mépris à mon encontre, je peux en proposer quelques-unes, si vous le souhaitez. Mais la lecture du fil "Groupe Nominal" suffira.

Je précise qu'aucune excuse, ni publique, ni privée, n'a été encore formulée.
Mufab
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La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par Mufab Jeu 23 Fév 2012 - 10:57
J'aime beaucoup Flocon d'Argent.
Mufab
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La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par Mufab Jeu 23 Fév 2012 - 11:00
Et que les collègues se saisissent de la fraîcheur et de l'humour de ce texte pour faire écrire à leurs élèves des réponses un peu construites (des phrases, oui, on en est là), ne me choque en aucune façon.
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Mareuil
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La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par Mareuil Jeu 23 Fév 2012 - 11:00
"Je ne connais pas cet auteur et n'en ai rien lu, mais ce résumé ne m'inspire rien de bon. Je soupçonne - ai-je tort - une sorte de fable pesamment didactique."

Est-ce là un jugement sur le livre lui-même ? La question "ai-je tort ?" est-elle la marque d'un jugement péremptoire ?
Mufab
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La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par Mufab Jeu 23 Fév 2012 - 11:07
(Question : ce sujet avait été ouvert à l'origine dans Loisirs, ou je m'égare encore ?)
fugue
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La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par fugue Jeu 23 Fév 2012 - 11:50
Mareuil a écrit:En attendant, je soumets à la réflexion de tous, ce texte de C. Poslaniec sur lequel je reviendrai, et dont le mérite est de situer la question de la LJ dans une perspective historique, même si cette perspective est discutable.
http://lije.univ-lemans.fr/ColloqueLIJE/pdf/3.pdf

Texte très intéressant.

Mareuil, pour recentrer sur le débat, que reprochez-vous exactement à la LDJ, ou, plus exactement, en quoi son utilisation en primaire vous semble-t-il nuire à l'enseignement de la littérature?
Parce que vous la trouvez indigente (style, vocabulaire...)?
Parce que les longues exploitations en classe font qu'au final, les élèves n'ont que peu lu?
Parce que vous craignez que nos élèves ne puissent se constituer une culture commune, chaque maître puisant au gré de ses envies dans un trop vaste répertoire?

Autre question: Faites-vous une différence entre LDJ contemporaine et LDJ plus ancienne (Comtesse de Ségur, Hector Malot, Marcel Aymé...)?
doctor who
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La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par doctor who Jeu 23 Fév 2012 - 12:20
fugue a écrit:
Mareuil a écrit:En attendant, je soumets à la réflexion de tous, ce texte de C. Poslaniec sur lequel je reviendrai, et dont le mérite est de situer la question de la LJ dans une perspective historique, même si cette perspective est discutable.
http://lije.univ-lemans.fr/ColloqueLIJE/pdf/3.pdf

Texte très intéressant.

Mareuil, pour recentrer sur le débat, que reprochez-vous exactement à la LDJ, ou, plus exactement, en quoi son utilisation en primaire vous semble-t-il nuire à l'enseignement de la littérature?
Parce que vous la trouvez indigente (style, vocabulaire...)?
Parce que les longues exploitations en classe font qu'au final, les élèves n'ont que peu lu?
Parce que vous craignez que nos élèves ne puissent se constituer une culture commune, chaque maître puisant au gré de ses envies dans un trop vaste répertoire?

Autre question: Faites-vous une différence entre LDJ contemporaine et LDJ plus ancienne (Comtesse de Ségur, Hector Malot, Marcel Aymé...)?

Pour ma part, plutôt la deuxième solution. Et puis aussi un certain a priori contre l'obligation d'aimer lire, qui est une injonction très paradoxale.
La notion de culture commune est à mon avis une ânerie. La culture, c'est la culture, point. Si elle devient "commune", ce n'est plus de la littérature, mais du catéchisme nationaliste, occidentaliste ou cosmopolite (aucun n'est meilleur que l'autre, d'ailleurs).


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Mon blog sur Tintin (entre autres) : http://popanalyse.over-blog.com/
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fugue
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La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par fugue Jeu 23 Fév 2012 - 12:35
doctor who a écrit:
fugue a écrit:
Mareuil a écrit:En attendant, je soumets à la réflexion de tous, ce texte de C. Poslaniec sur lequel je reviendrai, et dont le mérite est de situer la question de la LJ dans une perspective historique, même si cette perspective est discutable.
http://lije.univ-lemans.fr/ColloqueLIJE/pdf/3.pdf

Texte très intéressant.

Mareuil, pour recentrer sur le débat, que reprochez-vous exactement à la LDJ, ou, plus exactement, en quoi son utilisation en primaire vous semble-t-il nuire à l'enseignement de la littérature?
Parce que vous la trouvez indigente (style, vocabulaire...)?
Parce que les longues exploitations en classe font qu'au final, les élèves n'ont que peu lu?
Parce que vous craignez que nos élèves ne puissent se constituer une culture commune, chaque maître puisant au gré de ses envies dans un trop vaste répertoire?

Autre question: Faites-vous une différence entre LDJ contemporaine et LDJ plus ancienne (Comtesse de Ségur, Hector Malot, Marcel Aymé...)?

Pour ma part, plutôt la deuxième solution. Et puis aussi un certain a priori contre l'obligation d'aimer lire, qui est une injonction très paradoxale.
La notion de culture commune est à mon avis une ânerie. La culture, c'est la culture, point. Si elle devient "commune", ce n'est plus de la littérature, mais du catéchisme nationaliste, occidentaliste ou cosmopolite (aucun n'est meilleur que l'autre, d'ailleurs).


Pour les trop longues exploitations, je vous rejoins. Pour l'obligation d'aimer lire par contre, je ne vois pas bien; on voudrait tous que nos élèves aiment lire, non?


Dernière édition par fugue le Jeu 23 Fév 2012 - 12:48, édité 1 fois (Raison : Je fais n'importe quoi avec les quotes...)
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par Mufab Jeu 23 Fév 2012 - 12:41
Mais non ! On t'a dit que c'était obsessionnel, chez les instits, et que, scolairement, les élèves s'en tiraient sans.
Peu importe de les dégoûter en leur donnant des textes qu'ils ne comprennent pas (et là, oui, il faudra parfois des heures par phrase), et dont ils n'ont ni le début, ni la fin - tiens, idee à moins de leur proposer un résumé en "Digest ?" Je n'avais pas pensé à ça...
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par fraisedesbois Jeu 23 Fév 2012 - 13:42
doublecasquette a écrit:
fraisedesbois a écrit:quand je vois mon fils de CE1 passer plusieurs mois à coup de fiches hebdomadaires sur "Flocon d'Argent" album ribambelle, je respire lentement.
mdr
chipie Smile

Mufab a écrit:J'aime beaucoup Flocon d'Argent.
Et que les collègues se saisissent de la fraîcheur et de l'humour de ce texte pour faire écrire à leurs élèves des réponses un peu construites (des phrases, oui, on en est là), ne me choque en aucune façon.
I love you
je découvre partiellement, avec un serrement au coeur et un cri de révolte aux neurones, que c'est grosso modo comme cela qu'il est nécessaire de travailler face à ces classes, qui ne sont probablement d'ailleurs pas les "pires".
si j'estimais indigne, choquant ou délétère les activités dans la classe de mon fils, j'aurais fait autre chose que de respirer un bon coup (je suis nantie d'un solide caractère de cochon et d'une vivacité de réaction que je ne sais pas toujours brider). j'ai de l'estime pour cette maitresse, je n'ai aucune idée de comment je procèderai si j'étais à sa place et aucune prétention sur la question, j'ai confiance en elle, et en mon fils.

j'ai conscience de l'avoir facile, à pouvoir faire confiance à mes enfants, à pouvoir m'en remettre à ce qu'ils en ressentent, et à être en mesure d'intervenir (à tort ou à raison) quand ils sont mal à l'aise.
c'est d'ailleurs partie de ce qui me dérange : quid des enfants qui n'ont que l'Ecole pour rencontrer un livre et qui n'ont pas des parents en mesure de les aider à la maison (je n'ai pas dit remplacer ou suppléer le maitre) ?

et je n'ai pas de réponse, et je ne dis surtout pas que c'est un problème alors qu'ils y rencontrent Flocon d'Argent. peut être que justement, cet album à la fois moderne et conte, est une voie de choix. peut être bien que mes réticences devant les illustrations et parfois le style sont crétines et un brin snobinardes.

autre question (que je pose parce que je me la pose en me relisant) :
est-il raisonnable de déplacer le problème à l'état socio-culturel dans lequel sont les élèves ?
je veux dire peut-on répondre "nous étudions de la littérature jeunesse parce qu'il n'est plus possible, dans l'état de la société actuelle, de demander autre chose" ?

(je ne dis pas que c'est ce que tu dis Mufab Wink je dis qu'en schématisant c'est un peu ce que je dis moi, et je ne suis pas sure que ce soit très pertinent à la revoyure....)

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par Mufab Jeu 23 Fév 2012 - 14:11
Mais je ne "déplace le problème" nulle part.

Quelle "autre chose" veut-on demander à des mômes de 8 ans qui savent tout juste lire ?

Je m'use à poser cette question depuis le départ. Et là j'avoue me lasser.

Quelle autre chose ? Hormis des extraits dont j'ai dit ce que je pensais(), et je me sens un peu seule à le penser, c'est fou, je vais de surprise en surprise..., et hormis aussi les HLM du bonheur.


Dernière édition par Mufab le Jeu 23 Fév 2012 - 14:26, édité 3 fois (Raison : lien, déplacement, etc.)
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par Mareuil Jeu 23 Fév 2012 - 14:17
fraisedesbois a écrit:* mode schtroumph grognon peace and love on *
j'aime pas quand des gens que j'estime s'écharpent.
je me sens terriblement impuissante, à la fois un peu sidérée que l'échange ne passe pas entre ceux-là, à la fois pressentant ce qui coince sans parvenir à le mettre utilement en mots, comme "solidaire" de deux points de vue qui à mon sens diffèrent oui mais sans besoin de s'exclure (les points de vue).
* mode schtroumph grognon peace and love off *

la lecture de ce fil est très intéressante, j'inclue dans son intérêt les achoppements sur des points qui ne sont pas si souvent discuté
(achoppements que j'aimerai moins brutaux pour les gens qui y reçoivent une réponse)(je n'ai pas écrit moins brutaux de la part des gens qui les écrivent, je ne juge pas les intentions, je suis tristoune du résultat généralisé que je suppose)

A Tuin a écrit:Mais alors, il y a quelque chose qui m'échappe : dans un sens, il n'y a jamais eu autant de livres à portée des enfants, mais il y a de plus en plus d'élèves mauvais en lecture et en orthographe. Ce n'est pas cohérent Razz
sauf si... c'est très exactement cohérent au contraire (comme l'a relevé Doublecasquette)

Rikki a écrit:Je ne sais pas trop ce qui est un "classique" et ce qui ne l'est pas.
=> Les livres pour enfants, en général, j'aime bien, mais ce qui me fait suer, c'est leur exploitation.
La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 2252222100

Mareuil a écrit:Et si j'osais, j'irais jusqu'à dire que le souci de rendre les élèves lecteurs était moins obsessionnel qu'il paraît l'être devenu depuis quelques années. J'ai toujours lu beaucoup et de tout, certains de mes condisciples lisaient beaucoup moins ou parfois seulement le pire. Je n'ai pas eu l'impression que cela avait une influence démesurée sur le destin scolaire des uns et des autres.
ô combien d'accord sur la première phrase.
une petite question filoute sur la dernière phrase : restreindre le pire au champ des classiques suffirait-il à limiter l'influence du comment de la littérature sur le destin scolaire ?
(et pour ma part, il se peut bien que la réponse soit effectivement "peut être", mais alors la définition du classique comme étant ce qui reste quand le reste est passé est une définition bien plus subtile qu'elle ne pourrait en avoir l'air... "où (est-ce qu'un classique devient un classique parce qu'il reste)" me semble une précision pas si triviale).

JEMS a écrit:A l'heure où les enfants et les ados se désintéressent de toute forme de lecture au profit d'une bouillie indigeste faite de sms et autres ignominies écrites sur les réseaux sociaux, il est nécessaire de la défendre à tout prix.
toute la question est de savoir comment la défendre.
personnellement, comme maman de mes enfants, quand je vois mon fils de CE1 passer plusieurs mois à coup de fiches hebdomadaires sur "Flocon d'Argent" album ribambelle, je respire lentement.
personnellement, comme lectrice et mamans de jeunes lecteurs tendance boulimiques, je ne peux pas tout trouver bon juste parce que c'est un livre. je pense que certains livres desservent franchement la littérature jeunesse. et passé le temps pendant lequel j'aime mieux proposer des livres que j'estime à mes enfants, je les laisse lire tout ce qu'ils souhaitent lire. je parle là de, à la maison, ce qui en substance, n'a rien à voir avec la question posée. juste pour dire que défendre la lecture oui, à tout prix, peut être que non. je me demande si on en n'est pas là justement parce que "à tout prix"...


alors à l'école :

peu de souvenir ordonné de ce que j'ai lu, parce que je lisais beaucoup à la maison (du classique et du contemporain), mais je me souviens d'avoir lu à l'Ecole : Le petit prince en CM et d'avoir eu le Lagarde et Michard à partir de la 6ème.

je ne pense pas qu'il n'y ai qu'une seule suffisamment bonne façon de procéder.
je ne pense pas que privilégier les classiques puisse être une garantie suffisante.
je veux bien réfléchir à savoir si cette garantie est nécessaire car je ne trouve pas insensé de réfléchir à ce qui pourrait être la "méthode" la plus adaptée au plus grand nombre (d'enfants et d'instituteurs).
évidemment je ne l'érigerai pas davantage, cette éventuelle "méthode" (le mot est trompeur, évidemment c'est aussi un choix philosophique, pas juste un choix méthodo), en prescription, que la liste de 2004.

cette liste de 2004 je l'ai parcourue. c'est à dire j'ai lu les titres et auteurs qui y sont, et j'ai soigneusement évité de lire les présentations (instinct de survie). et ... j'ai beaucoup ri.
Spoiler:
alors cette liste : dedans, il n'y a pas forcément tous mes coups de coeur mais il y en a quelques uns. dans ceux que j'ai lu, ne vois pas trop d'horreur "en soi" même si je pense qu'il y a mieux dans la littérature jeunesse, et même chez l'Ecole des loisirs, que "Le cheval qui sourit".
"Joker", que j'ai lu, est nettement meilleur que la bouillie servie conjointement en commentaire, et est nettement meilleur également SANS cette présentation.

si cette liste n'est qu'indicative, à destination de ceux qui n'ont pas le temps ou le goût de fureter entre les innombrables titres, pourquoi pas (compte tenu qu'elle contient également des classiques) ?
prosaïquement, ça sera toujours moins pire que certaines ribambelles...

comme toute liste, toujours, dans une liste, il en manque, et toujours, il y en a dans la liste qui sont jugés moins dignes d'y être.
pourquoi est-ce si différent lorsque l'on remplace "liste de 2004" par "classiques", dénomination qui finalement renvoie d'une certaine manière elle aussi à une liste ?




ce débat autour de la "littérature jeunesse" ne découle-t-il pas principalement de la transformation imposée à l'Ecole ces dernières années ? n'est-ce pas juste le transfert vers l'école de ce que la société ne veut plus se donner les moyens d'assurer ?
l'Ecole idéale pour moi, serait bien différente.
la société idéale également.

dans les conditions actuelles (de la société et de l'école), dans le cadre des programmes imposés, dans le temps imparti pour les réaliser (sic, sic, sic), la littérature jeunesse, ça me parait loin d'être une horreur en soi, et je pense que bien employée, c'est même une jolie réponse utile.


bon, je suis hors-sujet, hein ? :Oups:


mais en tous cas, je lis vos interventions avec intérêt Smile

On va essayer de continuer. Là, je n'ai pas le temps, la réponse à vos réflexions plutôt riches est remise.
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La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 Empty Re: La littérature de jeunesse, c'est quoi ?

par fraisedesbois Jeu 23 Fév 2012 - 14:43
Mufab a écrit:Mais je ne "déplace le problème" nulle part.

toi non fleurs2 mais moi un peu Wink

Quelle "autre chose" veut-on demander à des mômes de 8 ans qui savent tout juste lire ?
Je m'use à poser cette question depuis le départ. Et là j'avoue me lasser.
Quelle autre chose ? Hormis des extraits dont j'ai dit ce que je pensais, et je me sens un peu seule à le penser, c'est fou, je vais de surprise en surprise... ()

les textes du "manuel virtuel" te semblent tous illisibles par les élèves de primaire ?
j'ai un avis.. dont je sais les biais, c'est pourquoi je te demande le tien, à mon avis plus pertinent que le mien et ce, à plusieurs titres

un extrait est par essence un truc qui ne dira rien à un élève de primaire ?
argh ? je suis surprise, sans penser aux extraits du manuel virtuel en particulier, mais parce que dans l'absolu, extraire un poème ou une description, un dialogue, une lettre, un passage d'un classique -ou d'autre chose, aie ouillle, non pas la tête- ne me parait pas rédhibitoire en soi.
je vois bien ce qu'il peut y avoir de problématique, hein, je pense que choisir un extrait est un vrai travail.
mais dans la vraie vie, les histoires s'écrivent de petits morceaux qu'on assemble-découvre-construit peu à peu, pourquoi donc ne pourrait-on pas picorer un livre ?
c'est trop à la fois que de demander à un élève de se lancer pour lire un petit bout rattaché à rien ? (ça ne me paraitrait pas insensé que tu me répondes oui, si je transpose à la piscine, oui, mettre un enfant qui ne sait pas nager au milieu d'une piscine et lui demander de faire 2m ce n'est pas pareil que de le faire partir du bord)
en fait, je n'aurais jamais pensé que ça puisse être un souci :shock:

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par Mufab Jeu 23 Fév 2012 - 14:57
Extraire un passage d'un livre lu en intégralité pour se pencher dessus en tant que description, ou dialogue, ou portrait, ou ce que l'on veut d'autre, bien sûr que c'est enrichissant. Car il s'inscrit dans un ensemble : il est en tension, en quelque sorte, avec ce que l'on sait du reste. (Et il est même difficile de faire autrement, à moins de parler rapidement dans le vide avec qui n'en aurait lu que le résumé, par exemple.)

Picorer un livre inconnu, oui, pourquoi pas... Je préfèrerais re-picorer de mémoire.

Oui, les extraits me semblent ardus pour mes Ce2, mais je veux bien essayer...
Bien que je ne comprenne pas bien le sens de la manip et ce qu'il y a à en tirer, pour être sincère. Les faire briller dans la cour d'école en proclamant "Moi, Zébulon, 8 ans, j'ai lu Dumas" ? Bof-bof. Ou "Moi, ma Littérature, elle porte une majuscule ?"

D'autre part, tu le sais mieux que moi je crois, le processus de lecture n'est sans doute pas le même que celui de l'écriture - que tu décris à raison il me semble, morcelée - parce que l'auteur (mises à part les expériences d'écritures automatiques) a une idée très forte (mais pas forcément claire, j'ai pas dit ça) du résultat. C'est lui qui tient les commandes. Le lecteur découvre, et se laisse emmener, ou pas. Autant faire le chemin en entier... Et si c'est trop tôt, ben c'est trop tôt.
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par doctor who Jeu 23 Fév 2012 - 15:55
A mon avis, l'argument de la trop grande difficulté des morceaux choisis issus de classiques ne tient pas (s'ils sont bien choisis, bien sûr).

L'exploitation de la littérature de jeunesse à l'école élémentaire en est justement à préféré l'étude de textes dits "réticents" (dixit Catherine Tauveron, dont vous trouverez la prose partout sur le net), c'est-à dire difficiles à comprendre sans faire tout un travail d'inférences (hypothèses de compréhension face à l'implicite d'une phrase ou d'un récit).

D'où des textes assez tordus, énigmatiques. La lecture devient énigme à résoudre. Et quand le texte d'origine est trop simple, on le complique : on le met dans le désordre, on le coupe en petits bouts, afin de faire faire des hypothèses sur la suite. Bref, toute une orthopédie de la lecture, assez spectaculaire, mais aussi assez artificielle.

Total, on se retrouve avec des textes artificiellement conçus pour l'apprentissage. Je ne trouve pas cela moins rédhibitoire que des morceaux choisis mal choisis.

Contrairement à Mareuil, je ne crains pas une déscolarisation de l'apprentissage de la lecture, mais une scolarisation de la lecture en tant que loisir.


Pour se faire une idée de ce qu'on peut critiquer dans cette approche de la littérature de jeunesse, lire Démougin : Enseigner le français et la littérature : du linguistique à l’anthropologique
La note 9 est très significative de ce que j'entends par "scolarisation" de la lecture.

Bref, les littératures enfantine et adolescente sont instrumentalisées. Je ne vois pas comment on peut donner le goût de lire ainsi.

Pour donner un point de comparaison, il y a deux méthodes pour apprendre aux petits élèves à résoudre des problèmes mathématiques.
Soit on fait des séquences didactiques ad hoc, explicites, des cours sur la lecture de consigne, et on estime avoir réglé le problème (ce qui n'est jamais le cas, et on recommence deux ans après, jusqu'à la fac).
Soit on décide de leur en faire faire, des problèmes, dès l'apprentissage du calcul et de la numération (et peut-être même avant, si tant est qu'un problème n'est pas forcément numérique). Mais des problèmes faisables, guidés par l'instit, directement lié à ce qu'on vient de voir en classe.

C'est pareil en littérature au primaire. S'étaler pendant 4 semaines sur un album pour travailler une compétence générale de lecture, c'est se garantir de devoir recommencer la même chose la semaine suivante.

De ce que je viens de dire découle qu'il n'y a pas lieu de s'interdire de parler d'albums pour la jeunesse en classe, de les faire lire, même pourquoi pas d'y rester un peu plus longtemps, quand on sent que c'est intéressant. Mais ce travail ne remplace pas celui d'une fréquentation régulière de textes divers et consistants. A mon avis, les deux sont souhaitables.



Sinon, pour répondre à Fugue, c'est l'obligation d'aimer lire qui me répugne. Je connais plein de gens qui lisent très peu, très peu de romans en tout cas, et qui sont très pointus dans un ou plusieurs domaines très différents, et qui sont très intelligents.

Une mère d'élève de seconde un peu prout prout me demandait, catastrophée, ce qu'elle pouvait faire pour donner le goût de lire (sous-entendu, des romans, quels qu'ils soient, même les mêmes indigences qu'elle-même doit s'envoyer le soir avant de se coucher). Puis elle me confie, déçue, que son fils ne lit que la revue Historia, mais alors, assidûment. Je me suis bien marré, et lui ait répondu que tout allait bien, madame la Marquise...
Les discours sur le goût de lire me font souvent penser à cette mère, bien castratrice.


Et puis, finalement, je préfère un élève qui s'éclate à faire l'équitation et connaît son sujet sur le bout des doigts qu'une Bovary de 15 ans qui a dévoré tous les Marce Lévy.

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par Mareuil Jeu 23 Fév 2012 - 15:59
"Contrairement à Mareuil, je ne crains pas une déscolarisation de l'apprentissage de la lecture, mais une scolarisation de la lecture en tant que loisir."
Ou ma langue a fourché - c'est possible - ou j'ai parlé de "déculturation de l'école". Ce n'est pas sans rapports, mais ce nest pas la même chose.
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par fraisedesbois Jeu 23 Fév 2012 - 16:12
Mufab a écrit:Extraire un passage d'un livre lu en intégralité pour se pencher dessus en tant que description, ou dialogue, ou portrait, ou ce que l'on veut d'autre, bien sûr que c'est enrichissant. Car il s'inscrit dans un ensemble : il est en tension, en quelque sorte, avec ce que l'on sait du reste.
oui, je vois comment cette articulation crée un mouvement jusqu'à l'élève et peut faire s'approcher qui n'oserait pas a priori Smile et du coup l'intérêt d'un tout.

(Et il est même difficile de faire autrement, à moins de parler rapidement dans le vide avec qui n'en aurait lu que le résumé, par exemple.)
point de vue de "profane" (je ne suis pas instit du tout), je n'imaginais pas qu'il était difficile de mettre un extrait en résonance avec un autre extrait d'une autre histoire en profitant d'un parallèle... (mouaip, en l'écrivant je crois que je réalise un peu mieux la naïveté de mes présupposés :shock: )

Oui, les extraits me semblent ardus pour mes Ce2, mais je veux bien essayer...
avant mon fils en CE1, j'ai vu ma fille en CE2 lire... Le journal d'Anne Franck. en classe. avec expo à la clef.
pareil, j'ai respiré doucement.

Bien que je ne comprenne pas bien le sens de la manip et ce qu'il y a à en tirer, pour être sincère. Les faire briller dans la cour d'école en proclamant "Moi, Zébulon, 8 ans, j'ai lu Dumas" ? Bof-bof. Ou "Moi, ma Littérature, elle porte une majuscule ?"
je doute que ce soit l'idée Wink
moi je personnellement, je trouve ça dommage [gerbant en fait, mais gerbant c'est pas chic] que la Littérature soit à quelqu'un en particulier et pas absolument à tout le monde, ou bien qu'il faille être en 6ème pour y avoir "droit".
bien sûr que tout n'est pas lisible tout de suite, et peut être bien que tu as entièrement raison "si c'est trop tôt, bein c'est trop tôt."
mais j'ai du mal à argumenter proprement, cependant il me semble que :
- la littérature de jeunesse, c'est pas la seule chose qu'un enfant de 8 ans peut aimer ET gagner à écouter, voire à lire quand c'est possible
- les parents sont déjà très "si c'est trop tôt, c'est trop tôt", et j'aime bien quand d'autres prennent le risque quand même de tenter autre chose (bon, enfin ça s'appliquerait pas à tout ce que je dis là La littérature de jeunesse, c'est quoi ?  - Page 8 3795679266 )

je ne sais pas si je suis très claire humhum

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par Mufab Jeu 23 Fév 2012 - 16:17
Je crois que c'est "Marc" Lévy.

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