[4e] Elèves qui ne savent pas repérer des compléments d'objet!

Peyrard Jean-Pierre a écrit:Et, si tout est aussi clair et net que vous le suggérez, pourquoi une préposition est-elle polysémique ?

Parce que ce sont des outils logiques et grammaticaux et que l'aptitude d'un mot à fonctionner comme pur outil logique est d'autant plus grande que son sémantisme est plus faible.

C'est justement parce que le sens de "avec" est beaucoup moins défini que "en compagnie de", qu'il peut entrer dans diverses sortes de constructions et de rapports logiques, comme "lire avec plaisir", "jouer avec Paul", "le dire avec des fleurs", "payer avec un gros billet", "etc.

Il me paraît donc assez vain de chercher à resémantiser à tout prix ces prépositions.

"Il me paraît donc assez vain de chercher à resémantiser à tout prix ces prépositions"
Pourquoi "à tout prix" ?
La question posée par une collègue hésitant entre le lieu et la manière n'était-elle pas intéressante ?
Quels sont les critères que vous retenez pour décider que l'analyse sémantique sera ou ne sera pas vaine ?

Je crois qu'il y a une erreur dans votre analyse, Jean-Pierre, quand vous parlez d'importance accordée aux repérages.
Pendant des années, on a congédié la grammaire de phrase au profit d'une linguistique hasardeuse justement censée être plus soucieuse des effets de sens, inféodant la grammaire aux discours (argumentatifs, explicatifs, etc.).
Cela, la baisse des horaires et le travail en séquence détruisant la logique des progressions grammaticale expliquent bien plus sûrement le désarroi des élèves qu'une importance accordée aux repérages dont j'eusse aimé qu'elle existât.

Ah, qu'il est difficile de s'entendre quand on ne s'entend pas ! Mes interventions ne me semblent pas dénoter un grand amour pour la linguistique... Diantre ! Me voici tombé dans la litote !

V.Marchais a écrit:Eh bien, grâce au niveau qui monte, j'ai pu m'inspirer de ces ouvrages pour ce travail. Notamment du Livre unique de Dumas, que tu connais peut-être ?

Je viens d’écrire une tartine, qui vient de s’envoler en raison d’une fausse manip !
Alors je reprends, en accéléré :
Je connais bien le Livre Unique (1958), mais il est quand même plutôt élémentaire. Connais-tu éventuellement quelque chose pour prendre le relais, même s'il s'agit d'un livre épuisé ?

Pour le passage CM-collège, il y a le Bien lire et bien dire (1962) qui, sur une vingtaine de thèmes, enchaîne les étapes suivantes pour chacun des chapitres :
-Vocabulaire (dans les textes donc en contexte, étude du vocabulaire, puis exercices écrits de reformulation, synonymes, signification entre autres par l’étymologie, exercices de recherches du sens de mots donnés, etc.)
-Grammaire (théorie, puis exercices d’écriture guidés et orthographe avec approche analytique)
-Langage (textes, exercices d’expression et de transformation guidés)
-Exercices de style (d’abord la phrase, avec des exercices d’imitation, puis on passe au paragraphe et enfin à l’écriture sans canevas avec réemploi de ce qui a été appris)

On passe du théorique au pratique, sans faire l’impasse sur le sens, au contraire, l’enfant est pris par la main, les mécanismes sont décortiqués devant lui et à aucun moment, on ne prend le risque de le perdre. Mais cela suppose peut-être que ces bases soient acquises suffisamment tôt.

Pour reprendre l’analogie avec la musique : il peut y avoir théorie sans sens (technique sans interprétation), mais il n’y a pas d’interprétation (style/sens) sans technique (théorie/grammaire). Même Mozart a eu un père prof qui lui a inculqué le solfège et la technique dès le plus jeune âge…

Peyrard Jean-Pierre a écrit:"Il me paraît donc assez vain de chercher à resémantiser à tout prix ces prépositions"
Pourquoi "à tout prix" ?
La question posée par une collègue hésitant entre le lieu et la manière n'était-elle pas intéressante ?
Quels sont les critères que vous retenez pour décider que l'analyse sémantique sera ou ne sera pas vaine ?

Si vous préférez, ce qui est significatif dans les prépositions, c'est moins leur sémantisme concret d'origine que leur capacité à s'en émanciper, et de passer du concret à l'abstrait.

De sorte que "dans", par exemple, ne situe plus seulement les choses au sein d'espaces concrets, mais au sein d'intervalles abstraits, de champs logiques.

Conséquence : il ne suffit pas d'employer "dans" pour avoir un complément de lieu (cf. "je passerai dans la jounée"...)

"Je vis dans un état d'angoisse" est ainsi bien plus proche de "je vis avec angoisse" que de "je vis dans un deux-pièces".

Peyrard Jean-Pierre a écrit:Ah, qu'il est difficile de s'entendre quand on ne s'entend pas ! Mes interventions ne me semblent pas dénoter un grand amour pour la linguistique... Diantre ! Me voici tombé dans la litote !

J'avais bien compris.
Je dis juste que les causes de la méconnaissance de la langue par les élèves ne me semblent pas s'expliquer par un quelconque excès de repérage. Bien au contraire.

Avril, j'apprécie beaucoup ces collections qui offraient une véritable
méthodologie de la rédaction et un apprentissage du style.
Je n'ai jamais caché m'en être directement inspirée pour créer mon
propre travail d'écriture dans la collection Terre des Lettres. J'ai
réinventé l'eau tiède les exercices d'imitation et le
travail du mot à la phrase (avec étude systématique du lexique à l'issue
des textes, travail qui avait disparu, et leçons thématiques de
vocabulaire) et de la phrase au paragraphe et au texte.
Oserai-je te suggérer d'y jeter un coup d'oeil si cette démarche t'intéresse ?
Je pense qu'il doit y avoir des chapitres de démonstration en ligne sur le site de Nathan. Sinon, je vais essayer de retrouver le fil où j'avais publié le contenu d'un chapitre entier en travail d'écriture.

V.Marchais a écrit:Avril, j'apprécie beaucoup ces collections qui offraient une véritable
méthodologie de la rédaction et un apprentissage du style.
Je n'ai jamais caché m'en être directement inspirée pour créer mon
propre travail d'écriture dans la collection Terre des Lettres. J'ai
réinventé l'eau tiède les exercices d'imitation et le
travail du mot à la phrase (avec étude systématique du lexique à l'issue
des textes, travail qui avait disparu, et leçons thématiques de
vocabulaire) et de la phrase au paragraphe et au texte.
Oserai-je te suggérer d'y jeter un coup d'oeil si cette démarche t'intéresse ?
Je pense qu'il doit y avoir des chapitres de démonstration en ligne sur le site de Nathan. Sinon, je vais essayer de retrouver le fil où j'avais publié le contenu d'un chapitre entier en travail d'écriture.

Bien sûr que cela m'intéresse. J'ai eu l'occasion de feuilleter le Terre des Lettres, si je me souviens bien c'était celui pour la 6ème. J'avais trouvé que c'était une superbe ressource pour les collégiens d'aujourd'hui, qui manquent cruellement d'outils ! Vraiment bravo ! Je vais retourner voir ça. Combien de niveaux y a-t-il dans cette collection ?

Et en dehors du Bien lire, y a-t-il d'autres vieux bouquins que tu pourrais recommander ?
J'ai pas mal utilisé les fascicules de Brault, magnifiques pour le vocabulaire et la rédaction.

Que penses-tu des livres de grammaire de la Librairie des Ecoles (édités aujourd'hui, mais qui s'arrêtent au primaire). Leurs exercices sont basés sur des textes d'auteurs, le temps consacré à leurs exercices de grammaire et d'orthographe sont des moment de pure beauté (quel dommage que Bled ait remplacé ses phrases jugées trop littéraires par des phrases "camion"). Y a-t-il quelque chose d'analogue pour prendre le relais au secondaire ?
Mon fils utilise au collège les Editions Traditions Monastiques (pour la grammaire) qui sont très bien, mais un peu arides.

En dehors du Bien lire et du Dumas, j'apprécie la collection Gabet-Gillard, une vieillerie qui date des années 1910 (pour mon édition), tout à fait inutilisable telle quelle (textes désuets, vocabulaire très rural, reflet de la France de l'époque, idéologie patriarcale...) mais aux exercices bien conçus. Ils font clairement partie de mes sources d'inspiration.

Je ne connais pas les livres de la Librairie des Écoles, mais je te recommande chaleureusement, pour la grammaire (et pas que), ceux du GRIP (oui, c'est du copinage, mais justifié), aux progressions rigoureuses, aux exercices bien ficelés et partant aussi de textes d'auteurs.

TDL existe maintenant pour les volumes 6e, 5e et 4e. Le volume de 3e sortira en avril. Il contient désormais une partie grammaire à la progression soignée, avec de nombreux exercices sur phrases d'auteur, là encore. Et bien sûr, c'est de la grammaire explicite, pas du bidouillage distributionnel - pas le genre de la maison.

Merci beaucoup, j'adore les vieilleries ou les oeuvres qui s'en inspirent

« Qui peut extraire une vérité neuve d'un savoir ancien a qualité pour enseigner » Confucius II, 11.

Je reviendrai plus longuement dans quelques jours.