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Azad
Azad
Habitué du forum

[1ere] Séquence sur la mort... Empty [1ere] Séquence sur la mort...

par Azad Dim 26 Déc - 16:32
Oui, je sais, ce n'est pas très gai... Mais à dire vrai, je regarde les manuels qui proposent pour le plus souvent des textes politiques, ou sur l'éducation ou encore sur l'esclavage, et je ne vois pas vraiment comment cela pourrait motiver mes élèves de 1ère. Je me suis donc dit que travailler sur l'argumentation à travers le thème de la mort pouvait plus leur parler (mais je me trompe peut-être).

Seulement voilà, j'ai ressorti mon poche de Montaigne, et en le parcourant, je me rends compte que ce serait mission suicide de le faire avec mes élèves. Bref, je cherche des textes accessibles sur la question... Si vous avez des idées...

Merci d'avance.
John
John
Médiateur

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par John Dim 26 Déc - 16:36
http://un2sg4.unige.ch/athena/sade/sade_dia.html

http://www.lettres.ac-versailles.fr/spip.php?article625

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"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
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Abraxas
Doyen

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par Abraxas Dim 26 Déc - 17:02
Baudelaire, of course :



Sinon, plus directement :



Et une énorme littérature sur le sujet. Ronsard, par exemple (les sonnets sur la mort).
Capessou
Capessou
Habitué du forum

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par Capessou Dim 26 Déc - 17:15
Joël tu as probablement une bonne idée...

De mon côté, je ne le ferai pas.
Si tu veux bien lire mon point de vue, je te le donne, malheureusement sans répondre à ta question.

Chaque année j'ai des élèves touchés par un deuil et je me souviens trop avoir moi-même pleuré en classe... obligée de sortir pour ne pas écouter, ne supportant pas d'être confrontée à nouveau à ça... en cours de français, SVT ou autres... A 12 ans, j'ai perdu mon père. Et j'ai mis 10 ans à m'en remettre... Normal...

Par contre, quand tu auras fait ta séquence, je serais curieuse de savoir si ça a marché, et si tu n'as eu de soucis avec les élèves endeuillés.
Ruthven
Ruthven
Guide spirituel

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par Ruthven Dim 26 Déc - 17:19
Bossuet, Sermon sur la mort
Vous serez peut-être étonnés que je vous adresse à la mort pour être instruits de ce que vous êtes; et vous croirez que ce n’est pas bien représenter l’homme, que de le montrer où il n’est plus. Mais, si vous prenez soin de vouloir entendre ce qui se présente à nous dans le tombeau, vous accorderez aisément qu’il n’est point de plus véritable interprète ni de plus fidèle miroir des choses humaines.
La nature d’un composé ne se remarque jamais plus distinctement que dans la dissolution de ses parties. Comme elles s’altèrent mutuellement par le mélange, il faut les séparer pour les bien connaître. En effet, la société de l’âme et du corps fait que le corps nous paraît quelque chose de plus qu’il n’est, et l’âme, quelque chose de moins; mais lorsque, venant à se séparer, le corps retourne à la terre, et que l’âme aussi est mise en état de retourner au ciel, d’où elle est tirée, nous voyons l’un et l’autre dans sa pureté. Ainsi nous n’avons qu’à considérer ce que la mort nous ravit, et ce qu’elle laisse en son entier; quelle partie de notre être tombe sous ses coups, et quelle autre se conserve dans cette ruine; alors, nous aurons compris ce que c’est que l’homme: de sorte que je ne crains point d’assurer que c’est du sein de la mort et de ses ombres épaisses que sort une lumière immortelle pour éclairer nos esprits touchant l’état de notre nature. Accourez donc, ô mortels, et voyez dans le tombeau du Lazare ce que c’est que l’humanité: venez voir dans un même objet la fin de vos desseins et le commencement de vos espérances; venez voir tout ensemble la dissolution et le renouvellement de votre être; venez voir le triomphe de la vie dans la victoire de la mort: Veni et vide.
O mort, nous te rendons grâces des lumières que tu répands sur notre ignorance: toi seule nous convaincs de notre bassesse, toi seule nous fais connaître notre dignité: si l’homme s’estime trop, tu sais déprimer son orgueil; si l’homme se méprise trop, tu sais relever son courage; et, pour réduire toutes ses pensées à un juste tempérament, tu lui apprends ces deux vérités, qui lui ouvrent les yeux pour se bien connaître: qu’il est méprisable en tant qu’il passe, et infiniment estimable en tant qu’il aboutit à l’éternité.
John
John
Médiateur

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par John Dim 26 Déc - 17:20
Je l'ai déjà mis Razz

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thrasybule
Devin

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par thrasybule Dim 26 Déc - 17:20
Mortel pense quel est dessous la couverture
D’un charnier mortuaire un corps mangé de vers,
Décharné, dénervé, où les os découverts,
Dépoulpés, dénoués, délaissent leur jointure :

Ici l’une des mains tombe de pourriture,
Les yeux d’autre côté détournés à l’envers
Se distillent en glaire, et les muscles divers
Servent aux vers goulus d’ordinaire pâture :

Le ventre déchiré cornant de puanteur
Infecte l’air voisin de mauvaise senteur,
Et le nez mi-rongé difforme le visage ;

Puis connaissant l’état de ta fragilité,
Fonde en Dieu seulement, estimant vanité
Tout ce qui ne te rend plus savant et plus sage.

Jean-Baptiste Chassignet (1570? - 1635?), Le Mépris de la vie et consolation contre la mort.

Ruthven
Ruthven
Guide spirituel

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par Ruthven Dim 26 Déc - 17:23
Pascal Pensées, Seuil,

37 Métiers.
La douceur de la gloire est si grande qu’à quelque objet qu’on l’attache, même à la mort, on l’aime.
68 Quand je considère la petite durée de ma vie absorbée dans l’éternité précédente et suivante- memoria hospitis unius diei praetereuntis- le petit espace que je remplis et même que je vois abîmé dans l’infinie immensité des espaces que j’ignore et qui m’ignorent, je m’effraye et m’étonne de me voir ici plutôt que là, car il n’y a point de raison pourquoi ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors. Qui m’y a mis? Par l’ordre et la conduite de qui ce lieu et ce temps a(-t-)il été destiné à moi?
133 Divertissement.
Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser.
134 Nonobstant ces misères il veut être heureux et ne veut être qu’heureux, et ne peut ne vouloir pas l’être.
Mais comment s’y prendra(-t-)il. Il faudrait pour bien faire qu’il se rendît immortel, mais ne le pouvant il s’est avisé de s’empêcher d’y penser.
138 Divertissement.
La mort est plus aisée à supporter sans y penser que la pensée de mort sans péril.
139 Divertissement.
On charge les hommes dès l’enfance du soin de leur honneur, de leur bien, de leurs amis, et encore du bien et de l’honneur de leurs amis, on les accables d’affaires, de l’apprentissage des langues et d’exercices, et on leur fait entendre qu’ils ne sauraient être heureux, sans que leur santé, leur honneur, leur fortune, et celles de leurs amis soient en bon état, et qu’une seule chose qui manque les rendra malheureux. Ainsi on leur donne des charges et des affaires qui les font tracasser dès la pointe du jour. Voilà direz-vous une étrange manière de les rendre heureux; que pourrait-on faire de mieux pour les rendre malheureux? Comment, ce qu’on pourrait faire: il ne faudrait que leur ôter tous ces soucis, car alors ils se verraient, ils penseraient à ce qu’ils sont, d’où ils viennent, où ils vont, et ainsi on ne peut trop les occuper et les détourner. Et c’est pourquoi, après leur avoir tant préparé d’affaires, s’ils ont quelque temps de relâche, on leur conseille de l’employer à se divertir, et jouer, et s’occuper toujours tout entiers.
Que le coeur de l’homme est creux et plein d’ordure.
401 Nous souhaitons la vérité et ne trouvons en nous qu’incertitude.
Nous recherchons le bonheur et ne trouvons que misère et mort.
Nous sommes incapables de ne pas souhaiter la vérité et le bonheur et sommes incapables ni de certitude ni de bonheur.
Ce désir nous est laissé tant pour nous punir que pour nous faire sentir d’où nous sommes tombés.
414 Misère.
La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement. Et cependant c’est la plus grande de nos misères. Car c’est cela qui nous empêche principalement de songer à nous et qui nous fait perdre insensiblement. Sans cela nous serions dans l’ennui, et cet ennui nous pousserait à chercher un moyen plus solide d’en sortir, mais le divertissement nous amuse et nous fait arriver insensiblement à la mort.
427... Qu’ils apprennent au moins quelle est la religion qu’ils combattent avant que de la combattre. Si cette religion se vantait d’avoir une vue claire de Dieu, et de le posséder à découvert et sans voile, ce serait la combattre que de dire qu’on ne voit rien dans le monde qui le montre avec cette évidence. Mais puisqu’elle dit, au contraire, que les hommes sont dans les ténèbres et dans l’éloignement de Dieu, qu’il s’est caché à leur connaissance, que c’est même le nom qu’il se donne dans les Ecritures, Deus absconditus; et, enfin, si elle travaille également à établir ces deux choses: que Dieu a établi des marques sensibles dans l’Eglise pour se faire reconnaître à ceux qui le chercheraient sincèrement; et qu’il les a couvertes néanmoins de telle sorte qu’il ne sera aperçu que de ceux qui le cherchent de tout leur coeur, quel avantage peuvent-ils tirer, lorsque dans la négligence où ils font profession d’être de chercher la vérité, ils crient que rien ne la leur montre, puisque cette obscurité où ils sont, et qu’ils objectent à l’Eglise, ne fait qu’établir une des choses qu’elle soutient, sans toucher à l’autre, et établit sa doctrine, bien loin de la ruiner?
Il faudrait, pour la combattre, qu’ils criassent qu’ils ont fait tous les efforts pour la chercher partout, et, même dans ce que l’Eglise propose pour s’en instruire, mais sans aucune satisfaction. S’ils parlaient de la sorte, ils combattraient à la vérité une de ses prétentions. Mais j’espère montrer ici qu’il n’y a personne raisonnable qui puisse parler de la sorte; et j’ose même dire que jamais personne ne l’a fait. On sait assez de quelle manière agissent ceux qui sont dans cet esprit. Ils croient avoir fait de grands efforts pour s’instruire, lorsqu’ils ont employé quelques heures à la lecture de quelque livre de l’Ecriture, et qu’ils ont interrogé quelque ecclésiastique sur les vérités de la foi. Après cela, ils se vantent d’avoir cherché sans succès dans les livres et parmi les hommes. Mais, en vérité, je leur dirais ce que j’ai dit souvent, que cette négligence n’est pas supportable. Il ne s’agit pas ici de l’intérêt léger de quelque personne étrangère, pour en user de cette façon; il s’agit de nous-mêmes et de notre tout.
L’immortalité de l’âme est une chose qui nous importe si fort, qui nous touche si profondément qu’il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l’indifférence de savoir ce qui en est. Toutes nos actions et nos pensées doivent prendre des routes si différentes, selon qu’il y aura des biens éternels à espérer ou non, qu’il est impossible de faire une démarche avec sens et jugement, qu’en les réglant par la vue de ce point, qui doit être notre dernier objet.
Ainsi notre premier intérêt et notre premier devoir est de nous éclaircir sur ce sujet, d’où dépend toute notre conduite. Et c’est pourquoi entre ceux qui n’en sont pas persuadés, je fais une extrême différence de ceux qui travaillent de toutes leurs forces à s’en instruire, à ceux qui vivent sans s’en mettre en peine et sans y penser.
Je ne puis avoir que de la compassion pour ceux qui gémissent sincèrement dans ce doute, qui le regardent comme le dernier des malheurs, et qui, n’épargnant rien pour en sortir, font de cette recherche leurs principales et leurs plus sérieuses occupations.
Mais pour ceux qui passent leur vie sans penser à cette dernière fin de la vie, et qui, par cette seule raison qu’ils ne trouvent pas en eux-mêmes les lumières qui les en persuadent, négligent de les chercher ailleurs, et d’examiner à fond si cette opinion est de celles que le peuple reçoit par une simplicité crédule, ou de celles qui, quoique obscures d’elles-mêmes, ont néanmoins une fondement très solide et inébranlable, je les considère d’une manière toute différente.
Cette négligence en une affaire où il s’agit d’eux-mêmes, de leur éternité, de leur tout, m’irrite plus qu’elle ne m’attendrit; elle m’étonne et m’épouvante: c’est un monstre pour moi. Je ne dis pas ceci par le zèle pieux d’une dévotion spirituelle. J’entends au contraire qu’on doit avoir ce sentiment par un principe d’intérêt humain et par un intérêt d’amour-propre: il ne faut pour cela que voir ce que voient les personnes les moins éclairées.
Il ne faut pas avoir l’âme fort élevée pour comprendre qu’il n’y a point ici de satisfaction véritable et solide, que tous nos plaisirs ne sont que vanité, que nos maux sont infinis, et qu’enfin la mort, qui nous menace à chaque instant, doit infailliblement nous mettre, dans peu d’années, dans l’horrible nécessité d’être éternellement ou anéantis ou malheureux.
Il n’y a rien de plus réel que cela, ni de plus terrible. Faisons tant que nous voudrons les braves: voilà la fin qui attend la plus belle vie du monde. Qu’on fasse réflexion là-dessus, et qu’on dise ensuite s’il n’est pas indubitable qu’il n’y a de bien en cette vie qu’en l’espérance d’une autre vie, qu’on est heureux qu’à mesure qu’on s’en approche, et que, comme il n’y aura plus de malheurs pour ceux qui avaient une entière assurance de l’éternité, il n’y a point aussi de bonheur pour ceux qui n’en ont aucune lumière.
C’est donc assurément un grand mal que d’être dans ce doute; mais c’est au moins un devoir indispensable de chercher, quand on est dans ce doute; et ainsi celui qui doute et qui ne recherche pas est tout ensemble et bien malheureux et bien injuste. Que s’il est avec cela tranquille et satisfait, qu’il en fasse profession, et enfin qu’il en fasse le sujet de sa joie et de sa vanité, je n’ai point de termes pour qualifier une si extravagante créature.
Où peut-on prendre ces sentiments? Quel sujet de joie trouve-t-on à n’attendre plus que des misères sans ressources? Quel sujet de vanité de se voir dans des obscurités impénétrables, et comment se peut-il faire que ce raisonnement se passe dans un homme raisonnable?
« Je ne sais qui m’a mis au monde, ni ce que c’est que le monde, ni que moi-même; je suis dans une ignorance terrible de toutes choses; je ne sais ce que c’est que mon corps, que mes sens, que mon âme et cette partie même de moi qui pense ce que je dis, qui fait réflexion sur tout et sur elle-même, et ne se connaît non plus que le reste.
« Je vois ces effroyables espaces de l’univers qui m’enferment, et je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue, sans que je sache pourquoi je suis plutôt placé en ce lieu qu’en un autre, ni pourquoi ce peu de temps qui m’est donné à vivre m’est assigné à ce point plutôt qu’à un autre de toute l’éternité qui m’a précédé et de toute celle qui me suit. Je ne vois que des infinités de toutes parts, qui m’enferment comme un atome et comme une ombre qui ne dure qu’un instant sans retour. Tout ce que je connais est que je dois bientôt mourir; mais ce que j’ignore le plus est cette mort même que je ne saurais éviter.
« Comme je ne sais d’où je viens, aussi je ne sais où je vais; et je sais seulement qu’en sortant de ce monde je tombe pour jamais ou dans le néant, ou dans les mains d’un Dieu irrité, sans savoir à laquelle de ces deux conditions je dois être éternellement en partage. Voilà mon état, plein de faiblesse et d’incertitude. Et, de tout cela, je conclus que je dois donc passer tous les jours de ma vie sans songer à chercher ce qui doit m’arriver. Peut-être que je pourrais trouver quelque éclaircissement dans mes doutes; mais je n’en veux pas prendre la peine, ni faire un pas pour le chercher; et après, en traitant avec mépris ceux qui se travailleront de ce soin - (quelque certitude qu’ils en eussent, c’est un sujet de désespoir, plutôt que de vanité) - je veux aller, sans prévoyance et sans crainte, tenter un si grand événement, et me laisser mollement conduire à la mort, dans l’incertitude de l’éternité de ma condition future. »
Qui souhaiterait d’avoir pour ami un homme qui discourt de cette manière? qui le choisirait entre les autres pour lui communiquer ses affaires? qui aurait recours à lui dans ses afflictions? et enfin à quel usage de la vie on le pourrait destiner?
En vérité, il est glorieux à la religion d’avoir pour ennemis des hommes si déraisonnables; et leur opposition lui est si peu dangereuse, qu’elle sert au contraire à l’établissement de ses vérités. Car la foi chrétienne ne va presque qu’à établir ces deux choses: la corruption de la nature, et la rédemption de Jésus-Christ. Or, je soutiens que s’ils ne servent pas à montrer la vérité de la rédemption par la sainteté de leurs moeurs, ils servent au moins admirablement à montrer la corruption de la nature, par de sentiments si dénaturés.
Rien n’est si important à l’homme que son état; rien ne lui est si redoutable que l’éternité. Et ainsi, qu’il se trouve des hommes indifférents à la perte de leur être et au péril d’une éternité de misères, cela n’est point naturel. Ils sont tout autres à l’égard de toutes les autres choses: ils craignent jusqu’aux plus légères, ils les prévoient, ils les sentent; et ce même homme qui passe tant de jours et de nuits dans la rage et dans le désespoir pour la perte d’une charge ou pour quelque offense imaginaire à son honneur, c’est celui-là même qui sait qu’il va tout perdre par la mort, sans inquiétude et sans émotion. C’est une chose monstrueuse de voir dans un même coeur et en même temps cette sensibilité pour les moindres choses et cette étrange insensibilité pour les plus grandes. C’est un enchantement incompréhensible, et un assoupissement surnaturel, qui marque une force toute-puissante qui le cause.
Il faut qu’il y ait un étrange renversement dans la nature de l’homme pour faire gloire d’être dans cet état, dans lequel il semble incroyable qu’une seule personne puisse être. Cependant l’expérience m’en fait voir un si grand nombre, que cela serait surprenant si nous ne savions que la plupart de ceux qui s’en mêlent se contrefont et ne sont pas tels en effet. Ce sont des gens qui ont ouï dire que les belles manières du monde consistent à faire ainsi l’emporté. C’est ce qu’ils appellent avoir secoué le joug, et qu’ils essayent d’imiter. Mais il ne serait pas difficile de leur faire entendre combien ils s’abusent en cherchant par là de l’estime. Ce n’est pas le moyen d’en acquérir, je dis même parmi les personnes du monde qui jugent sainement des choses et qui savent que la seule voie d’y réussir est de se faire paraître honnête, fidèle, judicieux et capable de servir utilement son ami, parce que les hommes n’aiment naturellement que ce qui peut leur être utile. Or, quel avantage y a-t-il pour nous à ouïr dire à un homme qu’il a donc secoué le joug, qu’il ne croit pas qu’il y ait un Dieu qui veille sur ses actions, qu’il se considère comme seul maître de sa conduite, et qu’il ne pense en rendre compte qu’à soi-même? Pense-t-il nous avoir porté par là à avoir désormais bien de la confiance en lui, et en attendre des consolations, des conseils et des secours dans tous les besoins de la vie? Prétendent-ils nous avoir bien réjoui, de nous dire qu’ils tiennent que notre âme n’est qu’un peu de vent et de fumée et encore de nous le dire d’un ton de voix fier et content? Est-ce donc une chose à dire gaiement? et n’est-ce pas une chose à dire tristement, au contraire, comme la chose du monde la plus triste?
S’ils y pensaient sérieusement, ils verraient que cela est si mal pris, si contraire au bon sens, si opposé à l’honnêteté, et si éloigné en toutes manières de ce bon air qu’ils cherchent, qu’ils seraient plutôt capables de redresser que de corrompre ceux qui auraient quelque inclination à les suivre. Et, en effet, faites-leur rendre compte de leurs sentiments et des raisons qu’ils ont de douter de la religion; ils vous diront des choses si faibles et si basses, qu’ils vous persuaderont du contraire. C’était ce que leur disait un jour fort à propos une personne: « Si vous continuez à discourir de la sorte, leur disait-il, en vérité vous me convertirez. » Et il avait raison, car qui n’aurait horreur de se voir dans des sentiments où l’on a pour compagnons des personnes si méprisables?
Ainsi ceux qui ne font que feindre ces sentiments seraient bien malheureux de contraindre leur naturel pour se rendre les plus impertinents des hommes. S’ils sont fâchés dans le fond de leur coeur de n’avoir pas plus de lumière, qu’ils ne le dissimulent pas: cette déclaration ne sera point honteuse. Il n’y a de honte qu’à n’en point avoir. Rien n’accuse davantage une extrême faiblesse d’esprit que de ne pas connaître quel est le malheur d’un homme sans Dieu; rien ne marque davantage une mauvaise disposition du coeur que de ne pas souhaiter la vérité des promesses éternelles; rien n’est plus lâche que de faire le brave contre Dieu. Qu’ils laissent donc ces impiétés à ceux qui sont assez mal nés pour en être véritablement capables; qu’ils soient au moins honnêtes gens s’ils ne peuvent être chrétiens, et qu’ils reconnaissent enfin qu’il n’y a que deux sortes de personnes qu’on puisse appeler raisonnables: ou ceux qui servent Dieu de tout leur coeur parce qu’ils le connaissent, ou ceux qui le cherchent de tout leur coeur parce qu’ils ne le connaissent pas.
Mais pour ceux qui vivent sans le connaître et sans le chercher, ils se jugent eux-mêmes si peu dignes de leur soin, qu’ils ne sont pas dignes du soin des autres et qu’il faut avoir toute la charité de la religion qu’ils méprisent pour ne les pas mépriser jusqu’à les abandonner dans leur folie. Mais, parce que cette religion nous oblige de les regarder toujours, tant qu’ils seront en cette vie, comme capables de la grâce qui peut les éclairer, et de croire qu’ils peuvent être dans peu de temps plus remplis de foi que nous ne sommes, et que nous pouvons au contraire tomber dans l’aveuglement où ils sont, il faut faire pour eux ce que nous voudrions qu’on fît pour nous si nous étions à leur place, et les appeler à avoir pitié d’eux-mêmes, et à faire au moins quelques pas pour tenter s’ils ne trouveront pas de lumières. Qu’ils donnent à cette lecture quelques-unes de ces heures qu’ils emploient si inutilement ailleurs: quelque aversion qu’ils y apportent, peut-être rencontreront-ils quelque chose, et pour le moins ils n’y perdront pas beaucoup. Mais pour ceux qui y apporteront une sincérité parfaite et une véritable désir de rencontrer la vérité, j’espère qu’ils auront satisfaction, et qu’ils seront convaincus des preuves d’une religion si divine, que j’ai ramassées ici, et dans lesquelles j’ai suivi à peu près cet ordre...
428 Avant que d’entre dans les preuves de la religion chrétienne, je trouve nécessaire de représenter l’injustice des hommes qui vivent dans l’indifférence de chercher la vérité d’une chose qui leur est si importante, et qui les touche de si près.
De tous leurs égarements, c’est sans doute celui qui les convainc le plus de folie et d’aveuglement, et dans lequel il est le plus facile de les confondre par les premières vues du sens commun et par les sentiments de la nature. Car il est indubitable que le temps de cette vie n’est qu’un instant, que l’état de la mort est éternel, de quelque nature qu’il puisse être, et qu’ainsi toutes nos actions et nos pensées doivent prendre des routes si différentes selon l’état de cette éternité, qu’il est impossible de faire une démarche avec sens et jugement qu’en la réglant par la vue de ce point qui doit être notre dernier objet.
Il n’y a rien de plus visible que cela et qu’ainsi, selon les principes de la raison, la conduite des hommes est tout à fait déraisonnable, s’ils ne prennent une autre voie. Que l’on juge donc là-dessus de ceux qui vivent sans songer à cette dernière fin de la vie, qui se laissant conduire à leur inclination et à leurs plaisirs sans réflexion et sans inquiétude, et, comme s’ils pouvaient anéantir l’éternité en en détournant leur pensée, ne pensent à se rendre heureux que dans cet instant seulement.
Cependant cette éternité subsiste, et la mort, qui la doit ouvrir et qui les menace à toute heure, les doit mettre infailliblement dans peu de temps dans l’horrible nécessité d’être éternellement ou anéantis ou malheureux, sans qu’ils sachent laquelle de ces éternités leur est à jamais préparée.
Voilà sans doute d’une terrible conséquence. Ils sont dans le péril de l’éternité de misères; et sur cela, comme si la chose n’en valait pas la peine, ils négligent d’examiner si c’est de ces opinions que le peuple reçoit avec une facilité trop crédule, ou de celles qui, étant obscures d’elles-mêmes, ont un fondement très solide, quoique caché. Ainsi ils ne savent s’il y a vérité ou fausseté dans la chose, ni s’il y a force ou faiblesse dans les preuves. Ils les ont devant les yeux; ils refusent d’y regarder, et, dans cette ignorance, ils prennent le parti de faire tout ce qu’il faut pour tomber dans ce malheur au cas qu’il soit, d’attendre à en faire l’épreuve à la mort, d’être cependant fort satisfaits en cet état, d’en faire profession et enfin d’en faire vanité. Peut-on penser sérieusement à l’importance de cette affaire sans avoir horreur d’une conduite aussi extravagante?
Ce repos dans cette ignorance est une chose monstrueuse, et dont il faut faire sentir l’extravagance et la stupidité à ceux qui y passent leur vie, en la leur représentant à eux-mêmes, pour les confondre par la vue de leur folie. Car voici comme raisonnent les hommes quand ils choisissent de vivre dans cette ignorance de ce qu’ils sont et sans rechercher d’éclaircissement. « Je ne sais », disent-ils.
434 Qu’on s’imagine un nombre d’hommes dans les chaînes, et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voient leur propre condition dans celle de leurs semblables, et, se regardant les uns et les autres avec douleur et sans espérance, attendent à leur tour. C’est l’image de la condition des hommes.
641 Notre nature est dans le mouvement, le repos entier est la mort.
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thrasybule
Devin

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par thrasybule Dim 26 Déc - 17:24
A propos de la mort du petit frère dans L'amant de Duras
« Il faudrait prévenir les gens de ces choses-là. Leur apprendre que l’immortalité est mortelle, qu’elle peut mourir, que c’est arrivé, que cela arrive encore. Qu’elle ne se signale pas en tant que telle, jamais, qu’elle est la duplicité absolue. Qu’elle n’existe pas dans le détail mais seulement dans le principe. Que certaines personnes peuvent en receler la présence, à condition, qu’elles ignorent le faire. [… Que c’est tandis qu’elle se vit que la vie est immortelle, tandis qu’elle est en vie. Que l’immortalité ce n’est pas une question de plus ou de moins de temps, que ce n’est pas une question d’immortalité, que c’est une question d’autre chose qui reste ignoré. Que c’est aussi faux de dire qu’elle est sans commencement ni fin que de dire qu’elle commence et qu’elle finit avec la vie de l’esprit du moment que c’est de l’esprit qu’elle participe et de la poursuite du vent. Regardez les sables morts des déserts, le corps mort des enfants : l’immortalité ne passe pas par là, elle s’arrête et contourne. »
Ruthven
Ruthven
Guide spirituel

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par Ruthven Dim 26 Déc - 17:25
Dostoïevski Les Frères Karamazov, trad.E.Guertik, Livre de Poche, 1972 p.78-79 (I, ii, 6)

-En général, je demande de nouveau la permission de me récuser à ce sujet, répéta Pierre Alexandrovitch, et à la place, je vais vous raconter, messieurs, une autre anecdote, sur Ivan Fédorovitch lui-même, fort intéressante et des plus caractéristiques. Pas plus tard qu’il y a cinq jours, dans une société principalement féminine, il a déclaré solennellement, au cours d’une discussion, que sur toute la terre, il n’est rigoureusement rien qui force les hommes à aimer leurs semblables, qu’il n’existe aucune loi de la nature ordonnant à l’homme d’aimer l’humanité et que s’il y a eu et qu’il y ait encore de l’amour sur la terre, ce n’est pas en vertu d’une loi naturelle, mais uniquement parce que les hommes croyaient en leur immortalité. Ivan Fédorovitch ajouta, entre parenthèses, que c’est en cela que consiste toute la loi naturelle, de sorte que si l’on détruit dans l’humanité la foi dans son immortalité, cela fera tarir aussitôt en elle non seulement tout amour, mais encore toute force vive qui permette de continuer la vie du monde. Bien mieux: il n’y aura alors plus rien d’immoral, tout sera permis, même l’anthropophagie. Mais cela n’est pas tout encore: il conclut en affirmant que pour tout individu, tels que nous maintenant par exemple, qui ne croit ni en Dieu ni en son immortalité, la loi morale de la nature de la nature doit immédiatement devenir le contraire absolu de l’ancienne loi religieuse, et que l’égoïsme poussé jusqu’à la scélératesse doit non seulement être permis à l’homme, mais reconnu pour une issue indispensable, la seule raisonnable et presque la plus noble dans sa situation. D’après un tel paradoxe, vous pouvez juger, messieurs, de tout le reste que proclame et qu’a peut-être l’intention de proclamer encore notre cher excentrique et amateur de paradoxes Ivan Fédorovitch. (...)
-Est-il possible que vous ayez vraiment cette conviction quant aux conséquences de la disparition chez les hommes de la croyance à l’immortalité de leur âme? demanda tout à coup le staretz à Ivan Fédorovitch.
-Oui, j’ai affirmé cela. Il n’y a pas de vertu s’il n’y a pas d’immortalité.
-Vous êtes heureux si vous croyez ainsi, ou bien très malheureux.
-Pourquoi malheureux? demanda Ivan Fédorovitch en souriant.
-Parce que, selon toute vraisemblance, vous ne croyez vous-mêmes ni à l’immortalité de votre âme, ni même à ce que vous avez écrit sur l’Eglise et ses problèmes.
-Peut-être avez-vous raison!... Pourtant je ne plaisantais pas tout à fait... avoua soudain étrangement Ivan Fédorovitch, en rougissant d’ailleurs vivement.
-Vous ne plaisantiez pas tout à fait, c’est vrai. Cette idée n’est pas encore résolue dans votre coeur, et elle le tourmente. Mais le martyr aussi aime quelquefois se divertir de son désespoir, également comme par désespoir. Pour le moment, vous aussi vous vous divertissez par désespoir à des articles de revue et à des discussions mondaines, sans croire à votre dialectique et vous en moquant amèrement, à part vous... Cette question n’est pas résolue en vous et c’est en cela qu’est votre grande souffrance, car elle exige impérieusement une résolution.
-Mais peut-elle être résolue en moi? Résolue dans le sens positif? questionnait étrangement Ivan Fédorovitch en regardant toujours le staretz avec un sourire inexplicable.
-Si elle ne peut être résolue dans le sens positif, elle ne le sera jamais non plus négativement, vous connaissez vous-même cette propriété de votre coeur; et c’est là son tourment. Mais remerciez le Créateur de vous avoir donné un coeur élevé, capable d’éprouver un tel tourment, de « méditer sur les choses célestes et de les rechercher, car notre demeure est aux cieux ». Dieu vous accorde que votre coeur trouve la solution encore sur terre, et qu’il bénisse vos voies!
Ruthven
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par Ruthven Dim 26 Déc - 17:25
Extrait du Septième Sceau d’I.Bergman
-Je veux me confesser avec loyauté, mais mon coeur est vide. Le vide est le miroir de mon visage. Je suis pris de dégoût et d’épouvante. Mon mépris des hommes m’a rejeté de leur communauté. Je vis dans un monde de fantômes, prisonnier de mes rêves.
-Mais tu ne veux pas mourir.
-Si, je le veux
-Qu’attends-tu?
-La connaissance
-Ou des garanties.
-Appelle ça comme tu veux. Est-ce si impensable de comprendre Dieu avec ses sens? Pourquoi se cache-t-il derrière des promesses à demi-articulées et des miracles invisibles? Croire aux croyants, si on ne croit pas. Qu’advient-il de nous qui voulons mais ne pouvons croire, de ceux qui ne veulent ni ne peuvent croire? Pourquoi ne puis-je tuer Dieu en moi? Pourquoi continue-t-il de vivre de façon douloureuse et avilissante? Je veux le chasser de mon coeur. Mais il reste une moqueuse réalité qui me poursuit. Tu m’entends. Je veux savoir. Pas croire. Pas supposer, mais savoir. Je veux que Dieu me tende la main mais il se tait. Des ténèbres je crie vers lui., mais il n’y a personne.
-C’est peut-être cela.
-Alors la vie est une crainte insensée! On ne peut vivre face à la mort et au néant de tout.
-La plupart ne pensent ni à la Mort ni au Néant.
-Puis ils touchent au cap et voient les ténèbres.
-Oui, ce jour là.
-Je comprends. A notre crainte, il nous faut faire une image que nous appelons Dieu
-Tu t’alarmes.
-La mort m’a visité ce matin. Nous jouons aux échecs. Ce délai me permet de vaquer à une affaire importante
-Quelle affaire?
-Ma vie durant, j’ai cherché, erré, discouru. Tout était dénué de sens. Je le dis sans amertume ni contrition car je sais qu’il en est de même pour tous. Je veux utiliser ce délai à quelque chose qui ait un sens.
-C’est pourquoi tu joues aux échecs avec la Mort?
-C’est une habile tacticienne. Mais je n’ai encore perdu aucune pièce.
-Comment espères-tu la déjouer?
-Elle n’a pas découvert ma combinaison. Je détruirai l’un de ses flancs.
[La Mort se dévoile]
-Je m’en souviendrai.
-Traîtresse, tu m’as trompée
-Maintenant je te laisse. La prochaine fois, le délai sera expiré pour toi et tes amis.
-Tu me révéleras tes secrets?
-Je n’ai pas de secrets
-Alors tu ne sais rien?
-Non, rien.
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par Ruthven Dim 26 Déc - 17:26
Kant Anthropologie GF Flammarion (trad. A.Renaut)
La mort, aucun homme ne peut en faire l’expérience en lui-même (car faire une expérience relève de la vie), mais on ne peut la percevoir que chez d’autes. Quant à savoir si mourir est douloureux, on ne peut en juger par le râle ou la convulsion du mourant; bien plutôt ne semble-t-il s’agir là que d’une pure réaction mécanique de la force vitale et peut-être d’une douce impression de libération progressive à l’égard de la douleur. La crainte de la mort, qui est naturelle à tous les hommes, même aux plus malheureux, et jusqu’au plus sage, n’est donc pas un effroi devant le fait de mourir, mais elle porte, comme Montaigne le dit justement, sur l’idée d’avoir péri, c’est-à-dire d’être mort: c’est là une idée que le candidat à la mort se figure conserver encore en lui après le trépas en se représentant le cadavre, qui n’est plus lui, comme étant pourtant encore lui-même dans la nuit de la tombe ou en n’importe quel autre lieu. Illusion qu’on ne peut ici supprimer, car elle réside dans la nature de la pensée comme dialogue que l’on tient avec soi-même et sur soi-même. L’idée que « je ne suis pas » ne peut aucunement exister; en effet, si je ne suis pas, je ne peux pas non plus être conscient que je ne suis pas. Sans doute puis-je dire: je ne suis pas en bonne santé, et concevoir à mon propos, dans une perspective négative, des prédicats de ce genre (comme cela se produit pour tous les termes); mais, quand on parle à la première personne, nier le sujet lui-même, d’une manière telle que celui-ci s’anéantit lui-même, est une contradiction.
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par thrasybule Dim 26 Déc - 17:26
N’espérons plus, mon âme, aux promesses du monde
Sa lumière est un verre, et sa faveur une onde
Que toujours quelque vent empêche de calmer.
Quittons ses vanités, lassons-nous de les suivre;

C’est Dieu qui nous fait vivre,

C’est Dieu qu’il faut aimer.

En vain, pour satisfaire à nos lâches envies,
Nous passons près des rois tout le temps de nos vies
À souffrir des mépris et ployer les genoux :
Ce qu’ils peuvent n’est rien; ils sont comme nous sommes,

Véritablement hommes,

Et meurent comme nous.

Ont-ils rendu l’esprit, ce n’est plus que poussière
Que cette majesté si pompeuse et si fière
Dont l’éclat orgueilleux étonne l’univers;
Et dans ces grands tombeaux où leurs âmes hautaines

Font encore les vaines,

Ils sont mangés des vers.

Là se perdent ces noms de maîtres de la terre,
D’arbitres de la paix, de foudres de la guerre;
Comme ils n’ont plus de sceptre, ils n’ont plus de flatteurs,
Et tombent avec eux d’une chute commune

Tous ceux que leur fortune

Faisait leurs serviteurs.

Paraphrase du psaume CXLV, Malherbe.

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par Ruthven Dim 26 Déc - 17:27
Lévinas E. Le temps et l’autre, PUF
« La mort et l’avenir »
C’est pourquoi la mort n’est jamais un présent. C’est un truisme. L’adage antique destiné à dissiper la crainte de la mort: Si tu es, elle n’est pas; si elle est, tu n’es pas, - méconnaît sans doute tout le paradoxe de la mort, puisqu’il efface notre relation avec la mort qui est une relation unique avec l’avenir. Mais du moins cet adage insiste-t-il sur cet éternel avenir de la mort. Le fait qu’elle déserte tout présent ne tient pas à notre évasion devant la mort et à un impardonnable divertissement à l’heure suprême, mais au fait que la mort est insaisissable, qu’elle marque la fin de la virilité et de l’héroïsme du sujet. Le maintenant, c’est le fait que je suis maître, maître du possible, maître de saisir le possible. La mort n’est jamais maintenant. Quand la mort est là, je ne suis plus là, non point parce que je suis néant, mais parce que je ne suis pas à même de saisir. Ma maîtrise, ma virilité, mon héroïsme de sujet ne peut être virilité ni héroïsme par rapport à la mort. Il y a dans la souffrance au sein de laquelle nous avons saisi ce voisinage de la mort - et encore sur le plan du phénomène - ce retournement de l’activité du sujet en passivité. Non point dans l’instant de souffrance où, acculé à l’être, je le saisis encore, où je suis encore sujet de la souffrance, mais dans le pleur et le sanglot, vers lesquels la souffrance s’invertit; là où la souffrance atteint à sa pureté, où il n’y a plus rien entre nous et elle, la suprême responsabilité de cette assomption extrême tourne en suprême irresponsabilité, en enfance. C’est cela le sanglot et par là précisément il annonce la mort. Mourir, c’est revenir à cet état d’irresponsabilité, c’est être la secousse enfantine du sanglot.
Vous me permettrez de revenir encore une fois à Shakespeare (...). Le héros de la tragédie n’assume-t-il pas la mort? Je me permettrai d’analyser très brièvement la fin de Macbeth. Macbeth apprend que la forêt de Birnam marche sur le château de Dunsinane, et c’est le signe de la défaite: la mort approche. Quand ce signe se réalise, Macbeth dit: « Souffle, vent! Viens, naufrage! » Mais tout de suite après: « Sonne la cloche d’alarme, etc... Nous mourrons au moins notre harnais sur le dos. » Le second signe de la défaite ne s’est pas encore produit. Les sorcières n’avaient-elles pas prédit qu’un homme né d’une femme ne pouvait rien contre Macbeth? Mais voici Macduff qui n’est pas né d’une femme. La mort est pour maintenant. « Maudite sois la langue qui me parle ainsi, crie Macbeth à Macduff qui lui apprend sa puissance sur lui, car elle a découragé la meilleure partie de l’homme que je suis ... Je ne combattrai pas avec toi. »
Voilà cette passivité, quand il n’y a plus d’espoir. Voilà ce que j’ai appelé la fin de la virilité. Mais immédiatement l’espoir renaît, et voici les derniers mots de Macbeth: « Bien que le bois de Birnam soit venu à Dunsinane et que je t’aie en face de moi, toi qui n’es pas né de la femme, j’essayerai cependant ma dernière chance. »
Il y a, avant la mort, toujours une dernière chance, que le héros saisit, et non pas la mort. Le héros est celui qui aperçoit toujours une dernière chance; c’est l’homme qui s’obstine à trouver des chances. La mort n’est donc jamais assumée; elle vient. Le suicide est un concept contradictoire. L’éternelle imminence de la mort fait partie de son essence. Dans le présent où la maîtrise du sujet s’affirme, il y a espoir. L’espoir ne s’ajoute pas à la mort par une espèce de salto-mortale, par une espèce d’inconséquence; il est dans la marge même qui, au moment de la mort, est donnée au sujet qui va mourir. Spiro- spero. De cette impossibilité d’assumer la mort, Hamlet précisément est un long témoignage. Le néant est impossible. C’est lui qui aurait laissé à l’homme la possibilité d’assumer la mort d’arracher à la servitude de l’existence une suprême maîtrise. « To be or not to be » est une prise de conscience de cette impossibilité de s’anéantir.
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thrasybule
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par thrasybule Dim 26 Déc - 17:27
Et Jankelevitch, Jason t'as un texte de lui?
Iphigénie
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par Iphigénie Dim 26 Déc - 17:32
to be or not to be
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par Ruthven Dim 26 Déc - 17:33
thrasybule a écrit:Et Jankelevitch, Jason t'as un texte de lui?

Je n'ai rien de scanné, mais il y a des extraits ici :

http://www.philocours.com/disse/diss-mort.html
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thrasybule
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par thrasybule Dim 26 Déc - 17:34
Merci je copie-colle les extraits
" La mort est à peine pensable : dans ce concept d’une totale nihilisation, on ne trouve rien où se prendre, aucune prise à laquelle l’entendement puisse s’accrocher. La " pensée " du rien est un rien de la pensée, le néant de l’objet annihilant le sujet : pas plus qu’on ne voit une absence, on ne pense un rien ; en sorte que penser le rien, c’est ne penser à rien, et c’est donc ne pas penser. La pseudo-pensée de la mort n’est qu’une variété de somnolence. "


Dès lors, problème : en quoi peut bien consister la " méditation de la mort " que l’on trouve chez les sages de l’Antiquité ? Le sage ne penserait-il alors à rien du tout, puisqu’il n’y a rien à penser sur la mort ? ?


Disons que ce n’est pas une pensée claire, puisque sans matière, mais une pensée naissante et toujours inachevée, une sorte de rêverie. Telle musique ou telle poésie va éveiller en nous une sorte de mélancolie, mais on ne sait au juste à quoi on pense –il n’y a rien là à penser.


Deux solutions possibles : faute de penser la mort,



penser sur la mort, autour de la mort, à propos de la mort


penser à autre chose qu’à la mort, et par exemple à la vie


" L’indicibilité tient évidemment au caractère vague, confus et diffus, à l’indétermination même de l’événement qui écourte notre temps vital. (…) Le caractère évasif de la finitude mortelle est comme un défi au logos, si la vocation du logos est de déterminer et de préciser. "


" non seulement il est impossible d’en donner l’idée à un autre, mais il est avant tout impossible d’en avoir la moindre idée soi-même ; la mort n’est pas à proprement parler une expérience que je désespérerais de vous transmettre : elle est bien plutôt ce que personne n’a jamais éprouvé, ce dont personne n’a jamais goûté la saveur, ni a fortiori ne peut imaginer la tonalité qualitative. (…) personne ne détient le secret de la mort. "


" On sait que la mort arrivera, mais comme on ne sait pas ce qu’est la mort, on ne sait pas, en somme, ce qui arrivera ; et de même qu’on ne sait pas quand, on ne sait pas non plus en quoi consiste ce qui va arriver, ni davantage si ce qui va arriver " consiste " en quelque chose (…) le fait de la mort est certain, mais il s’en faut de beaucoup qu’il soit clair … "


" Non, d’aucune façon l’instant mortel n’est objet de connaissance ni matière à spéculation ou à raisonnement ; d’aucune manière la simultanéité fulgurante, qui est contemporanéité resserrée aux dimensions de l’instant, et finalement annulée, n’est vécue dans une expérience psychologique et consciente –puisque toute conscience est soit anticipatrice soit retardataire ; d’aucune manière la coupe instantanée de la mort n’est une chose, Res, car si elle était " quelque chose ", sa masse serait objet de vision ou de discours ; mais elle ne serait plus l’instant ."


" La mort () n’est pas un objet comme les autres : c’est un objet qui, étranglant l’être pensant, met fin et coupe court à l’exercice de la pensée. La mort se retourne contre la conscience de mourir ! (…) le plus grand sage du monde, frappé d’une attaque d’apoplexie, cesse pour toujours de penser. Comment la sagesse des sages peut-elle dépendre d’un transport au cerveau ? (…) la pensée prend conscience de la mort, et, par cet acte, la survole ;mais, étant elle-même la pensée immortelle d’un être pensant mortel, elle perd cette position dominante, et elle est à son tour maîtrisée par ce qu’elle maîtrise ou (avec d’autres métaphores) englobée par ce qu’elle englobe ; la conscience de la mort est elle-même enveloppée de mort, immergée dans la mort ; dans la mort elle se meut ; elle vit dans la mort. L’homme transcende la mort, et en même temps il reste intérieur à cette mort ; il est à la fois dehors et dedans ; donc il est dedans ; dedans avant tout ! (…) L’être pensant (..) est finalement mortel. Et il est si bien englobé par sa mort que même quand il adopte sur elle une optique transcendante, c’est pour se voir vieillir : ce qui est vécu ne reste à vivre que dans l’illusoire présent de l’insouciance ; mais les insouciants meurent comme les soucieux, et plus tôt encore ! L’homme surconscient obéré par la mort a beau prendre conscience de la nécessité de mourir en général, il reste, devant sa propre mort, relativement inconscient. "


" Mystérieuse et pourtant problématique, la mort est le mystérieux problème auquel il manque toujours une détermination pour être vraiment objet de pensée ; ou ce qui revient au même : la mort est le mystère problématique dont nous prenons par la pensée inépuisablement conscience. La mort est " presque " intelligible, mais il y a en elle un je-ne-sais-quoi atmosphérique, un résidu irréductible qui suffit à la rendre insaisissable. L’insaisissable, l’inépuisable, l’insondable de la mort sollicitent en nous un besoin insatiable d’approfondir qui est en quelque sorte notre mauvaise conscience. Nous avons sur la mort l’optique du spectateur, et nous sommes pourtant plongés en elle comme dans un destin exclusif de toute perspective : le centre est partout et la circonférence nulle part. La mort est donc à la fois objective et tragique. Si la conscience était absolument soustraite à la mort, la mort serait un objet naturel d’expérience, un curieux objet, mais un objet, ou un concept pour notre réflexion, un objet entre autres, un concept parmi tant d’autres, un problème comme tous les autres. Mais la mort, en admettant même qu’elle ne nihilise pas la pensée, supprime l’existence personnelle et psychosomatique de l’être pensant. Cette abolition de toute la personne est le mystère englobant par excellence. "


" (l’homme) se sait mortel, mais à proprement parler il ne " sait " pas qu’il mourra. D’une part en tant que le mortel connaît en général sa mortalité, il englobe la mort par la conscience et il semble avoir barre sur cette mort ; et en tant qu’il ignore les déterminations circonstancielles de sa mort-propre, il est au dedans du destin, et l’événement futur garde vis-à-vis du condamné à mort l’avantage de l’initiative, le bénéfice de la surprise, la supériorité de la position dominante. "


Very Happy
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par Ruthven Dim 26 Déc - 17:34
La lettre de Pascal sur la mort de son père (17 octobre 1651)
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thrasybule
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par thrasybule Dim 26 Déc - 17:36
Ruthven a écrit:La lettre de Pascal sur la mort de son père (17 octobre 1651)
Connais pas
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thrasybule
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par thrasybule Dim 26 Déc - 17:37
La fin d'Une mort si douce du Castor sur la mort de sa mère, je ne retrouve pas le texte
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thrasybule
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par thrasybule Dim 26 Déc - 17:38
Je cherche le bouquin et je copie la fin
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par Ruthven Dim 26 Déc - 17:41
Miguel de Unamuno, Le sentiment tragique de la vie

« En contemplant la campagne verte et sereine ou en contemplant des yeux clairs, fenêtres d’une âme soeur de la mienne, ma conscience se dilate, je ressens comme la diastole de l’âme, je m’imbibe de la vie ambiante, et je crois en mon avenir; mais au même instant la voix du mystère me susurre à l’oreille: tu cesseras d’être! me frôle avec l’aile de l’Ange de la mort, et la systole de l’âme m’inonde les entrailles spirituelles de sang divin. »

« Si nous mourons tous tout entier, à quoi bon tout? Pourquoi? C’est le pourquoi du Sphinx qui nous corrode la moelle de l’âme, c’est le père de l’angoisse qui nous donne l’amour de l’espoir. »

« Qu’est-ce que cet arrière-goût de la vie, la joie de vivre, de quoi l’on nous parle aujourd’hui? La faim de Dieu, la soif de l’éternité, de la survie, nous étouffera toujours cette pauvre jouissance de la vie qui passe et ne demeure pas. C’est l’amour effréné de la vie, l’amour qui la veut sans fin, c’est lui qui nous pousse le plus à l’angoisse de la mort. »

« Je ne veux pas mourir, non, je ne le veux pas, ni ne veux le vouloir; je veux vivre toujours, toujours; et vivre moi, ce pauvre moi que je suis et que je me sens être aujourd’hui. »

« La solution catholique de notre problème, de notre unique problème vital, du problème de l’immortalité et du salut éternels de l’âme individuelle, satisfait la volonté, et par cela même la vie; mais si l’on veut la rationaliser avec la théologie dogmatique, elle ne satisfait pas la raison. Et celles-ci a ses exigences, aussi impérieuses que celles de la vie. »

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thrasybule
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par thrasybule Dim 26 Déc - 17:43
P..mes parents ont complètement rangé la bibli , je ne retrouve pas le Beauvoir
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thrasybule
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par thrasybule Dim 26 Déc - 17:50
"Il n'y a pas de mort naturelle : rien de ce qui arrive çà l'homme n'est jamais naturel puisque sa présence met le monde en question. Tous les hommes sont mortels : mais pour chaque homme sa mort est un accident, et, même s'il la connaît et y consent, une violence indue"
Voilà
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