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- PrezboGrand Maître
Jenny a écrit:roxanne a écrit:Il était en attente de procès. Le délire surtout, c'est que pour qu'il soit libre en attendant son procès, il fallait qu'il soit scolarisé et comme il était refusé partout, on l'a mis en internat avec des très jeunes filles, internat fort peu surveillé qui plus est.
Tu as raison, il état en conditionnelle...
https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Agnès_MarinTrois mois et demi après ce premier crime, le violeur obtenait sa sortie de maison d'arrêt, validée par quatre expertises psychiatriques, en échange d'un contrôle judiciaire, son père faisant valoir qu'il était admis au Lycée Cévenol, après avoir échoué à l'inscrire dans seize autres établissements.
Pour être précis, l'élève n'était pas en conditionnelle, puisque la conditionnelle est un aménagement de peine qui ne peut donc être décidée qu'après la condamnation. Il était inculpé pour un premier viol (déjà accompagné de détails sordides), il avait été dans un premier temps incarcéré en préventive, puis libéré en attendant le procès. Une des conditions de sa libération était qu'il soit scolarisé, le père avait donc fait le tour des internats jusqu'à en trouver un qui accepte l'élève. Le suivi scolaire et psychologique auquel il était astreint avait été par le suite complètement défaillant, les détails sont absolument effarants, les alertes sur la dangerosité du jeunes étaient criantes.
Le collège-lycée Cévenol, où il était scolarisé, était historiquement un établissement protestant sous contrat d'association. C'était un établissement sans portes ni grille prônant la responsabilisation et la non violence. Il avait aussi dissimulé beaucoup d'enfants juifs pendant la seconde GM. C'est suite à des difficultés financières qu'il s'était fait une spécialité d'accueillir des jeunes refusés de partout. En définitive, l'utopie pédagogique à été fracassée par une affaire désastreuse.
Honnêtement, cette affaire questionne de façon violemment inconfortable certaines positions progressistes, comme l'idée que la détention provisoire et la mise en détention des mineurs doivent rester l'exception.
(Les pages wiki sur l'affaire et le collège-lycée Cévenol sont assez complètes.)
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Jenny a écrit:roxanne a écrit:Il était en attente de procès. Le délire surtout, c'est que pour qu'il soit libre en attendant son procès, il fallait qu'il soit scolarisé et comme il était refusé partout, on l'a mis en internat avec des très jeunes filles, internat fort peu surveillé qui plus est.
Tu as raison, il état en conditionnelle...
https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Agnès_MarinTrois mois et demi après ce premier crime, le violeur obtenait sa sortie de maison d'arrêt, validée par quatre expertises psychiatriques, en échange d'un contrôle judiciaire, son père faisant valoir qu'il était admis au Lycée Cévenol, après avoir échoué à l'inscrire dans seize autres établissements.
Au risque de jouer les “avocats du diable”, un mineur en préventive est dans une maison d'arrêt : soit les lieux les plus surpeuplés du carcéral surpeuplé en France (en ce moment, la saison est bonne : on est à 144% dans les maisons d'arrêt) — sans rien dire de ceci qu'il n'y a en général pas de quartier des mineurs, et que l'on se contente d'un couloir. Ce qui signifie également pas de poursuite de l'insertion scolaire et ça, on en connaît les conséquences. Ceux qui n'y croient pas peuvent se renseigner sur l'Enfermement des mineurs — ça n'a pas changé depuis 2015, sauf peut-être en pire par endroits.
Je sais par avance que je ne convaincrai personne, car depuis une vingtaine d'années on voit progresser la pensée purement répressive et butée. Mais à part coller les mineurs en taule (où le traitement reçu — ou plutôt l'absence de traitement — est cause de récidive+réitération massive : ~8% pour les crimes, ~40% pour les délits, ~50% pour les stupéfiants, outrages, rébellions), il n'y aurait pas une autre solution ?
Et pour les mineurs comme pour les autres, il est aussi intéressant d'avoir des détails…
Les taux de récidives/réitération sont de : 11,8% pour les mesures et sanctions éducatives, 37,4% pour les mesures de substitution, 37,2% pour les emprisonnements avec sursis total, 66,7% pour les emprisonnements avec sursis partiel et 79,9% pour les emprisonnements fermes…
Et si l'on descend plus bas dans la note de l'INSEE, on apprendra que les moins de 18 ans sont les moins récidivistes+réitérants de toutes les classes d'âge (moins de 1% contre ~4% à 19, le pic étant situé entre 20 et 40 ans). L'explication la plus commune est que les mineurs récidivent d'autant moins qu'on les a peu emprisonné.
Où les mettre ? Certainement pas en maison d'arrêt ni en centrale sauf en cas de très stricte nécessité certainement pas dans les collèges et lycées etc. comme on le fait. Il y a 20 ans, je passais pour un ultra réactionnaire quand j'estimais que créer des centres éducatifs et ouverts et fermés était une nécessité (les premiers permettent de continuer la scolarité et ils devraient être directement liés aux établissement ; les seconds ont obligation de comporter la dimension scolaire en interne).
Mais il se trouve que les CEF — qui ont pour destination de recevoir les mineurs en situation de contrôle judiciaire, de conditionnelle ou de sursis avec mise à l'épreuve, avec obligation de résidence, pour 6 mois et avec éviction et retour en carcéral en cas de transgression — ne sont qu'environ 50 en France : soit dans les 400/600 places (si l'on suppose que chaque CEF est normalement pourvu en personnels nécessaires, environ ~30 personnes, dont médecin, psy, éducateur spé etc. — devinette : les CEF manquent-ils de personnels ?)…
Pour rappel, il y a environ ~200 000 / 220 000 mineurs délinquants (moins de 200000 en 2021, mais parfois plus) environ 90% de garçons pour 10% de filles (presque la même chose que chez les adultes). 90% font l'objet d'une réponse pénale — tous ne relevant pas du même degré de gravité évidemment, dont ~50% ont moins de 16 ans : 18% pour vols et recels aggravés, 9,6% pour vols et recels simple, 21% pour coup violences volontaires comptent, 5,7% pour viols et agressions sexuelles. Dans le détail, on peut aussi se rappeler que les poursuites et les mesures alternatives baissent régulièrement depuis une petite dizaine d'années. Faute de magistrats, de juges, etc., et pas faute de “volonté” évidemment.
Le tout pour ~50 CEF. Alors on dit qu'on met tous les autres en tôle sans aucune autre alternative ? Oui, très généralement. Jusqu'au jour où c'est son gosse qui se retrouve en tôle (là, en général, on change d'avis). Ou alors on les met en épreuve et on les scolarise…
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Si tu vales valeo.
- JennyMédiateur
Mais on est d'accord, ETO.
Vu la gravité des faits, sa place n'était pas dans un établissement scolaire, mais en CEF. Sauf que l'Etat ne s'y investit pas, pas plus que dans les prisons, qui sont dans un état particulièrement déplorable en France.
Vu la gravité des faits, sa place n'était pas dans un établissement scolaire, mais en CEF. Sauf que l'Etat ne s'y investit pas, pas plus que dans les prisons, qui sont dans un état particulièrement déplorable en France.
- SoiréeHabitué du forum
Complètement d'accord avec ta position étayée par les études statistiques pour ce qui est du constat, Epekeina. Pas du tout d'accord pour les conclusions bien entendu. Un CEF c'est une prison qui respecte l'obligation d'éducation, ça reste une prison.
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Jenny a écrit:Mais on est d'accord, ETO.
Vu la gravité des faits, sa place n'était pas dans un établissement scolaire, mais en CEF. Sauf que l'Etat ne s'y investit pas, pas plus que dans les prisons, qui sont dans un état particulièrement déplorable en France.
Exactement. Et pas plus dans les établissements scolaires. En fait, dans ceux-ci, c'est encore moins sur les questions de délinquance juvénile. En gros, en établissement, c'est à plus de 90% “délinquance = indiscipline”, donc circulez, il n'y a rien à voir et rien à financer, d'ailleurs les profs sont là pour s'en occuper (d'ailleurs une appli “yakaléformê” est disponible en ligne).
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- epekeina.tes.ousiasModérateur
Soirée a écrit:Complètement d'accord avec ta position étayée par les études statistiques pour ce qui est du constat, Epekeina. Pas du tout d'accord pour les conclusions bien entendu. Un CEF c'est une prison qui respecte l'obligation d'éducation, ça reste une prison.
On voit que tu ne sais pas de quoi tu parles. Une prison avec médecin, psy, éducateurs ça n'existe pas en France : va te renseigner sur les délais pour consulter un toubib dans une maison d'arrêt. Les CEF sont des structures intermédiaires et n'ont rien à voir avec les prisons telles qu'elles existent en France. La preuve, c'est que le taux de suicide dans les CEF est le même qu'en population générale au lieu d'être 7 fois supérieur (ou 8 fois quand l'année est bonne) comme c'est la tradition en milieu carcéral.
Et c'est justement parce qu'ils doivent avoir ces personnels et que cela coûte cher, qu'on n'en ouvre pas, ou qu'on les ouvre sans les doter ! Dire que ce sont des prisons est un excellent argument — pour refuser d'en ouvrir puisque, la preuve, n'est-ce pas, c'est que c'est immoral puisque ce sont des prisons. Et donc pour coller les mineurs en maisons d'arrêt ou les abandonner à eux-mêmes. Les belles âmes sont alors aussi heureuses que les gestionnaires bien réacs : seuls les mômes trinquent — mais du moment que la morale des uns et les porte-monnaie des autres sont satisfaits…
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- roxanneOracle
D'ailleurs, il est censé sortir un jour. Son propre père avait demandé un internement à vie en hôpital psychologique. Je me demande si la famille de la petite n'avait pas porté plainte contre la justice. Il est à noter qu'il n'avait pas été accepté dans un établissement public ni privé "ordinaire".
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Oui. Et les sorties “sèches” (sans rien ni avant ni après) sont majoritaires. Quant au secteur psy en France… Disons que les urgences dans les hôpitaux sont mieux loties.
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- SolovieïNiveau 10
@epekeina.tes.ousias : La distinction que tu rappelles est salutaire, il ne faut pas tout mélanger, c'est vrai. Mais un détail me gêne dans ton message, et je ne peux le passer sous silence. Tu écris "seuls les mômes trinquent". On dirait que tu parles d'enfants innocents, presque des victimes. Cela me choque.
- roxanneOracle
En l'occurrence, dans l'affaire du Chambon, une petite de 13 ans a té violée et brûlée. Donc, oui, c'est une victime.(même si j'entends bien que vous parlez aussi descoupables)Solovieï a écrit:@epekeina.tes.ousias : La distinction que tu rappelles est salutaire, il ne faut pas tout mélanger, c'est vrai. Mais un détail me gêne dans ton message, et je ne peux le passer sous silence. Tu écris "seuls les mômes trinquent". On dirait que tu parles d'enfants innocents, presque des victimes. Cela me choque.
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Solovieï a écrit:@epekeina.tes.ousias : La distinction que tu rappelles est salutaire, il ne faut pas tout mélanger, c'est vrai. Mais un détail me gêne dans ton message, et je ne peux le passer sous silence. Tu écris "seuls les mômes trinquent". On dirait que tu parles d'enfants innocents, presque des victimes. Cela me choque.
Ce sont des coupables lorsqu'ils sont jugés, des délinquants sous sanction lorsqu'ils sont condamnés. Quand ils sont en prison, ce sont aussi des victimes du système carcéral. Comme les prisonniers majeurs.
Le fait d'être délinquant, d'avoir commis un délit ou un crime, d'être jugé et condamné est une chose — que je ne remets pas en question (pour avoir un peu œuvré en milieu carcéral, je sais qu'il faudrait être décervelé pour le faire).
Mais je ne vois pas en quoi cela justifierait en quoi que ce soit les multiples et nombreux mauvais traitements, agressions, atteintes à la dignité, traitements dégradants et inhumains (etc.) dont les carcéralisés sont victimes (et ceci depuis des années). Le système carcéral fonctionne en transgression de ses propres codes et règlements et en contradiction avec un grand nombre de lois, et les prisonniers en sont les victimes.
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- SoiréeHabitué du forum
En fait le constat que tu fais disqualifie les prisons, je ne conteste pas la chose, mais de là à dire que les CEF sont autre chose que des prisons améliorées. J'ai déjà exprimé ma position abolitionniste, pas la peine de me jeter un qualificatif dévalorisant à la figure ("belles âmes", un autre disait "droits-de-l'hommistes" avec la même logique).
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Soirée a écrit:En fait le constat que tu fais disqualifie les prisons, je ne conteste pas la chose, mais de là à dire que les CEF sont autre chose que des prisons améliorées. J'ai déjà exprimé ma position abolitionniste, pas la peine de me jeter un qualificatif dévalorisant à la figure ("belles âmes", un autre disait "droits-de-l'hommistes" avec la même logique).
Non. Ce ne sont pas des prisons du tout : il n'y a pas de gardiens, il n'y a pas d'emmurement, de double porte, d'horaires d'extraction de cellules etc. — d'où le fait que la rupture de l'obligation de résidence, qui est très facile à réaliser, implique un retour ou un départ en milieu carcéral.
Et je maintiens qu'une réaction purement “abolitionniste”, sans rien à la place et en refusant toute structure alternative à la prison, n'a pas d'autre effet que de renforcer la pénalisation et la carcéralisation à outrance. D'où l'expression de belle âme, ou de position purement morale (et fort confortable) : il est très facile de dire qu'il faut supprimer les prisons — il est beaucoup plus difficile de traiter les questions de délinquance, et de délinquance juvénile, laquelle existe. Si tu veux dire que les systèmes de prévention et d'accompagnement (les éducateurs sociaux, etc.) sont aussi dans le même état que Verdun en 18, j'en suis d'accord. Mais c'est justement cela, le continuum carcéral en France.
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- SoiréeHabitué du forum
Si tu ne vois pas la contradiction entre ce que j'ai mis en gras et ce que j'ai mis en italiques, en ce qui me concerne je la vois, et c'est pour cela que je considère les CEF comme une prison améliorée et rien de plus. Et qu'en abolitionniste je considère que ce n'est pas une réponse pertinente à la délinquance juvénile. Pour moi ce n'est même pas une question de belle âme ou de confort mais simplement de pertinence ou non de la réponse. Nous avons une analyse divergente s'agissant de cette question politique, c'est tout.epekeina.tes.ousias a écrit:Soirée a écrit:En fait le constat que tu fais disqualifie les prisons, je ne conteste pas la chose, mais de là à dire que les CEF sont autre chose que des prisons améliorées. J'ai déjà exprimé ma position abolitionniste, pas la peine de me jeter un qualificatif dévalorisant à la figure ("belles âmes", un autre disait "droits-de-l'hommistes" avec la même logique).
Non. Ce ne sont pas des prisons du tout : il n'y a pas de gardiens, il n'y a pas d'emmurement, de double porte, d'horaires d'extraction de cellules etc. — d'où le fait que la rupture de l'obligation de résidence, qui est très facile à réaliser, implique un retour ou un départ en milieu carcéral.
Et je maintiens qu'une réaction purement “abolitionniste”, sans rien à la place et en refusant toute structure alternative à la prison, n'a pas d'autre effet que de renforcer la pénalisation et la carcéralisation à outrance. D'où l'expression de belle âme, ou de position purement morale (et fort confortable) : il est très facile de dire qu'il faut supprimer les prisons — il est beaucoup plus difficile de traiter les questions de délinquance, et de délinquance juvénile, laquelle existe. Si tu veux dire que les systèmes de prévention et d'accompagnement (les éducateurs sociaux, etc.) sont aussi dans le même état que Verdun en 18, j'en suis d'accord. Mais c'est justement cela, le continuum carcéral en France.
- SolovieïNiveau 10
epekeina.tes.ousias a écrit:Solovieï a écrit:@epekeina.tes.ousias : La distinction que tu rappelles est salutaire, il ne faut pas tout mélanger, c'est vrai. Mais un détail me gêne dans ton message, et je ne peux le passer sous silence. Tu écris "seuls les mômes trinquent". On dirait que tu parles d'enfants innocents, presque des victimes. Cela me choque.
Ce sont des coupables lorsqu'ils sont jugés, des délinquants sous sanction lorsqu'ils sont condamnés. Quand ils sont en prison, ce sont aussi des victimes du système carcéral. Comme les prisonniers majeurs.
Le fait d'être délinquant, d'avoir commis un délit ou un crime, d'être jugé et condamné est une chose — que je ne remets pas en question (pour avoir un peu œuvré en milieu carcéral, je sais qu'il faudrait être décervelé pour le faire).
Mais je ne vois pas en quoi cela justifierait en quoi que ce soit les multiples et nombreux mauvais traitements, agressions, atteintes à la dignité, traitements dégradants et inhumains (etc.) dont les carcéralisés sont victimes (et ceci depuis des années). Le système carcéral fonctionne en transgression de ses propres codes et règlements et en contradiction avec un grand nombre de lois, et les prisonniers en sont les victimes.
D'accord. Le fait est que tu auras du mal à gagner l'empathie de la plupart des interlocuteurs quand il est question de ce genre de "public". Le système carcéral n'est pas le seul organe à agir en contradiction avec ses règles ou avec les lois, je pense à l'EN...
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Soirée a écrit:
Si tu ne vois pas la contradiction entre ce que j'ai mis en gras et ce que j'ai mis en italiques, en ce qui me concerne je la vois, et c'est pour cela que je considère les CEF comme une prison améliorée et rien de plus. Et qu'en abolitionniste je considère que ce n'est pas une réponse pertinente à la délinquance juvénile. Pour moi ce n'est même pas une question de belle âme ou de confort mais simplement de pertinence ou non de la réponse. Nous avons une analyse divergente s'agissant de cette question politique, c'est tout.
Il n'y a pas de contradiction : ce sont des mesures alternatives à la prison (dans laquelle les transgressions sont elles-mêmes susceptibles de mesures carcérales supplémentaires, qui plus est). De plus, le taux de récidive + réitération y est bien moindre que les effets du carcéral.
Une alternative à la prison, ce n'est pas la prison : c'est ce qui permet d'éviter d'y aller. Supprimer les CEF (outre que cela ne changera rien vu le peu de places : 400 ou 600 de plus ou de moins, dans la statistique, ça ne se verra quasiment pas) implique la carcéralisation des mineurs en maisons d'arrêt (en centrale, où les conditions sont un peu moins mauvaises à certains égard, on ne met que les peines de plus de 10 ans).
Ne mettons donc aucun mineur en maison d'arrêt non plus. Mais alors où ? Vois-tu, j'ai été contacté en début de semaine pour un “cas”. Un mineur qui, après avoir agressé l'un des camarades (à qui il a cassé deux dents), a été exclu définitivement par un CD : il a ravagé le bureau de la principale (une chaise à travers la vitre, menace de mort et menaces d'incendie — sachant qu'il a déjà été pris pour tentative d'incendie) — avant de s'échapper et d'agresser… sa mère qui l'attendait dans la cours (mâchoire cassée, une côte cassée). La principale a été contrainte d'appeler la police qui a dû le menotter pour l'emmener. C'était son troisième établissement.
Il a 12 ans et ce n'est pas son début dans la carrière. Mais comme il n'y a pas de CEF, on l'a rescolarisé.
Mais sachant que les éducateurs déjà contactés refusent de s'occuper à nouveau de lui (ils l'ont tous eu et il les a tous épuisés), qu'ils sont tous en sur-occupation (plus que les maisons d'arrêt) et peuvent donc refuser, qu'il n'y a plus d'établissement où le rescolariser ce dont il n'est de toute façon plus question vu la gravité des faits, on va en faire quoi ? Probablement l'incarcérer en maison d'arrêt (préventive, puis peine courte) où personne ne s'occupera de lui (et certainement pas moi non plus, je n'ai plus l'énergie pour retourner en carcéral). Ou alors, si l'on supprime aussi les prisons, il suffit de le remettre dans la rue — ou de trouver une solution de placement (cela ne sera pas simple). Ce serait une solution : ne plus rien faire du tout et laisser aller. Car l'autre terme de l'alternative, une “réforme général” du tout, on peut toujours l'attendre — jusqu'à la semaine des quatre jeudis.
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- JennyMédiateur
ETO : l'angoisse pour l'établissement qui va le récupérer et pour sa famille.
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Solovieï a écrit:D'accord. Le fait est que tu auras du mal à gagner l'empathie de la plupart des interlocuteurs quand il est question de ce genre de "public". Le système carcéral n'est pas le seul organe à agir en contradiction avec ses règles ou avec les lois, je pense à l'EN...
Ce n'est pas une question d'“empathie” (ce n'est pas vraiment mon style). En l'occurrence, c'est une question élémentaire de droit. Mais aussi une question de coût sociale et d'efficacité pragmatique.
Car il y a un rapport direct entre les violences carcérales et l'absence de suivi scolaire (pour les mineurs) et de réinsertion durant la peine, d'un côté, et la récidive, la réitération, ainsi que l'aggravation des actes délinquants ensuite. La réciproque est également observable : moins un mineur est carcéralisé, moins il récidive — mais seulement s'il y a un suivi et une prises en charge efficace (sinon, le taux remonte). Et il y a aussi un rapport direct entre le refus — l'impossibilité faute de structure et de personnel — de traiter la délinquance juvénile et l'impuissance des établissements dans ce genre de cas (forcément : ce n'est pas fait pour).
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Si tu vales valeo.
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Jenny a écrit:ETO : l'angoisse pour l'établissement qui va le récupérer et pour sa famille.
Pas dans l'immédiat. Il ne sera pas dans un autre établissement : il n'y a pas d'autre établissement vu qu'il a déjà fait l'autre, et que les délits sont trop graves (et qu'il était déjà en mesure conditionnelle). Idem pour sa famille (qui n'en veut plus, du moins pour l'instant). Donc c'est très probablement direction la maison d'arrêt. En revanche, la question se reposera quand il sortira…
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Si tu vales valeo.
- Choup90Niveau 10
Je suis d'accord en tous points avec toi, @epekeina.tes.ousias
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Pour ma part, je ne suis pas spécialement surpris (malheureusement, faudrait-il ajouter) que dans certains cas, les profs soient totalement dépassés par les débordements de certains élèves. La situation s'est profondément dégradée dans les 5/6 dernières années. Pour ne rien dire du nombre croissant de gosses (de tous âges !) qui se retrouvent à la rue avec leurs parents, et qu'il faut ensuite récupérer en classe (!!), il y a l'effondrement de la psychiatrie (infantile aussi, surtout), de la médecine et l'état catastrophique des services sociaux et d'éducation. Alors quand on vient dire après aux profs que c'est une question de formation… Ce n'est pas une question de formation, ce ne sont tout simplement pas le même métier ni les mêmes institutions : j'aurais tendance à dire que le seul point commun, c'est que c'est mal payé aussi.
Là-dessus, comme ce sont des mineurs et qu'ils ne votent pas, largement issus des couches les plus défavorisées de la société (cf. les 14% de gens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté), lesquels ne sont pas les plus assidus non plus dans les urnes (les trois quarts ne votent pas), on comprend bien que les élus ne s'en soucient pas outre mesure — à quelques exceptions près, mais qui ne peuvent pas y faire grand-chose. Et allez donc convaincre l'opinion publique en ce moment qu'il faudrait “dépenser pour les voyous” : immédiatement on en voit qui sortent l'artillerie.
Le plus aberrant dans cette histoire, c'est que le coût social et économique de la délinquance est extrêmement élevée — et bien plus pour la délinquance juvénile que pour le grand banditisme (hors réseaux mafieux), puisqu'ils le sont plus longtemps. Et plus élevé que si l'on mettait le montant dans les services nécessaires. Des collègues d'éco et de socio m'avaient donnés des articles à lire : il y a différents modes de calcul et différentes évaluations, mais (en tenant compte des comparaisons internationales, par ex. du coût des investissements réalisés au Canada par rapport à leur efficacité), la situation actuelle est en France entre 1,5 et 3 fois plus coûteuse que les investissements qu'il faudrait faire. Oui, ça coûte en personnels, en locaux, etc., mais ils occupent des emplois, consomment etc., bref rapportent aussi à l'économie, alors que ce qui se fait est en réalité une perte sèche et un coût net. Et plus de délinquance juvénile non traitée, c'est moins d'adultes insérés dans l'économie et dans la société, puisque les études sont très compromises, donc moins de gens qui travaillent, et ainsi de suite : une vraie “spirale négative”. Et ceci pour ne rien dire des effets sur les établissements d'enseignement. Une vraie machine à échouer.
Là-dessus, comme ce sont des mineurs et qu'ils ne votent pas, largement issus des couches les plus défavorisées de la société (cf. les 14% de gens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté), lesquels ne sont pas les plus assidus non plus dans les urnes (les trois quarts ne votent pas), on comprend bien que les élus ne s'en soucient pas outre mesure — à quelques exceptions près, mais qui ne peuvent pas y faire grand-chose. Et allez donc convaincre l'opinion publique en ce moment qu'il faudrait “dépenser pour les voyous” : immédiatement on en voit qui sortent l'artillerie.
Le plus aberrant dans cette histoire, c'est que le coût social et économique de la délinquance est extrêmement élevée — et bien plus pour la délinquance juvénile que pour le grand banditisme (hors réseaux mafieux), puisqu'ils le sont plus longtemps. Et plus élevé que si l'on mettait le montant dans les services nécessaires. Des collègues d'éco et de socio m'avaient donnés des articles à lire : il y a différents modes de calcul et différentes évaluations, mais (en tenant compte des comparaisons internationales, par ex. du coût des investissements réalisés au Canada par rapport à leur efficacité), la situation actuelle est en France entre 1,5 et 3 fois plus coûteuse que les investissements qu'il faudrait faire. Oui, ça coûte en personnels, en locaux, etc., mais ils occupent des emplois, consomment etc., bref rapportent aussi à l'économie, alors que ce qui se fait est en réalité une perte sèche et un coût net. Et plus de délinquance juvénile non traitée, c'est moins d'adultes insérés dans l'économie et dans la société, puisque les études sont très compromises, donc moins de gens qui travaillent, et ainsi de suite : une vraie “spirale négative”. Et ceci pour ne rien dire des effets sur les établissements d'enseignement. Une vraie machine à échouer.
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Si tu vales valeo.
- JennyMédiateur
epekeina.tes.ousias a écrit:Ce n'est pas une question de formation, ce n'est tout simplement pas le même métier ni les mêmes institutions : j'aurais tendance à dire que le seul point commun, c'est que c'estmal payéaussi.
Encore plus mal payé.
Entièrement d'accord avec ton post par ailleurs. On refuse de dépenser ce qui est nécessaire et qui permettrait de faire des économies à long terme en plus de tous les autres bénéfices sur la société.
- ipomeeGuide spirituel
Choup90 a écrit:Je suis d'accord en tous points avec toi, @epekeina.tes.ousias
Oui, moi aussi. Et triste également.
- lene75Prophète
Je suis entièrement d'accord avec toi, ETO. Et pour connaître quelqu'un qui a bossé en CEF, ça n'a effectivement pas grand chose à voir avec la prison, et ils faisaient du bon boulot... avant qu'on leur supprime la plupart de leurs moyens.
Soit dit en passant, il me semble bien que c'est à ce genre de structures, ou au minimum à des CEO, que pense Attal quand il dit que les élèves radicalisés ne pourront pas continuer à être scolarisés dans des établissements ordinaires.
Ça me paraît relever du bon sens. Mais, outre le fait que ça ne pourra pas se faire en novembre, je crains que ce ne soit jamais mis en place :
- parce que ça coûte des sous, beaucoup de sous si on veut un encadrement de qualité ;
- parce qu'il va se faire tomber dessus, il va être accusé d'être un fasciste qui veut mettre les enfants en prison.
Soit dit en passant, il me semble bien que c'est à ce genre de structures, ou au minimum à des CEO, que pense Attal quand il dit que les élèves radicalisés ne pourront pas continuer à être scolarisés dans des établissements ordinaires.
Ça me paraît relever du bon sens. Mais, outre le fait que ça ne pourra pas se faire en novembre, je crains que ce ne soit jamais mis en place :
- parce que ça coûte des sous, beaucoup de sous si on veut un encadrement de qualité ;
- parce qu'il va se faire tomber dessus, il va être accusé d'être un fasciste qui veut mettre les enfants en prison.
- JennyMédiateur
Disons qu'il faudrait aussi revaloriser sérieusement les salaires pour pouvoir recruter et aussi former le personnel. Sans annonce précise avec un budget conséquent, ça restera du flan.
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