- BaldredSage
Je ne l'ai pas encore lu, mais j'ai longtemps enseigné à Creil, j'ai fait mon stage sur le Plateau, puis suis revenu à Nogent/Oise Montataire aux grandes heures de la Commanderie. La douleur de la majorité de mes élèves, en particulier des filles, leur courage aussi m'avait déjà frappé.
L'angle choisi : le regard sur les filles, le poids social, la réputation expliquent tant de choses sur nos élèves qu'il m'a paru intéressant de citer l'article ici, en particulier sur le voile comme refuge et protection contre le regard masculin.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/26/la-reputation-une-enquete-sur-le-controle-constant-des-filles-de-creil_6196618_3232.html
L'angle choisi : le regard sur les filles, le poids social, la réputation expliquent tant de choses sur nos élèves qu'il m'a paru intéressant de citer l'article ici, en particulier sur le voile comme refuge et protection contre le regard masculin.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/26/la-reputation-une-enquete-sur-le-controle-constant-des-filles-de-creil_6196618_3232.html
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https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/26/la-reputation-une-enquete-sur-le-controle-constant-des-filles-de-creil_6196618_3232.html
« La Réputation » : une enquête sur le contrôle constant des « filles » de Creil
Partant du meurtre de Shaïna, poignardée et brûlée vive par son petit ami en 2021, la journaliste Laure Daussy explore comment les jeunes femmes de la ville de l’Oise sont transformées par les garçons et leur entourage en « filles faciles ».
Par Florent Georgesco
Déjà, il y a le choix du lieu où elles vont pouvoir discuter. Laure Daussy a rejoint Chaïda devant une médiathèque de Creil (Oise), mais elle est en train de fermer. Il faut trouver un café. Va pour Les Trois Rois, à côté, même si Chaïda ne s’y sent pas à l’aise. C’est la première fois qu’elle y vient, confie-t-elle à la journaliste de Charlie Hebdo – dont le livre, La Réputation (Les Echappés, 224 pages, 19,50 euros), pourrait être résumé à l’explication qu’ajoute alors la jeune fille : « Il y a trop de garçons. »
Laure Daussy a découvert la ville picarde – 35 000 habitants, 100 nationalités, passé industriel, présent ravagé par le chômage, tombereau des « pires clichés sur les quartiers populaires » quand on la googlise – en 2021, lors d’un rassemblement en la mémoire de Shaïna Hansye.
Deux ans plus tôt, l’adolescente avait été poignardée et brûlée vive par son petit ami. Elle avait 15 ans. A 13 ans, elle avait été victime d’un viol collectif. Depuis, par cette forme sidérante d’inversion propre à la « culture du viol », elle était devenue aux yeux des garçons de Creil la « fille facile » avec laquelle on peut tout se permettre. Le petit ami, vite arrêté et incarcéré, aurait dit à un voisin de cellule qu’il l’avait tuée parce qu’elle était enceinte et qu’il refusait d’être « le père d’un fils de *** ».
« Il y a trop de garçons »
« Il y a trop de garçons. » Il n’y a même qu’eux. Pour dicter ce qui est convenable et ce qui est indécent, ce qu’on peut dire, faire et même penser. Comment une horreur aussi totale que celle qui a frappé Shaïna a-t-elle pu surgir ici, dans ce coin de France ? Pour tenter de comprendre, Laure Daussy a décidé d’enquêter sur cette « fabrique des “filles faciles” ».
Elle est revenue régulièrement à Creil, a regardé, écouté, rencontré des proches de Shaïna, des avocats, des policiers, des sociologues, un imam et, surtout, des habitants. Quelques garçons, ceux qui voulaient bien parler. Davantage de filles, qui en avaient besoin. Avec eux tous, elle a retracé les étapes du calvaire de la jeune victime. Et discuté du reste, du mépris et du contrôle social constant dont les filles sont l’objet.
C’est ce que raconte Chaïda au café Les Trois Rois : les vêtements amples qu’elle est obligée de porter, le copain qu’elle voit en cachette, la piscine, impossible. Montrer ses formes, assumer d’avoir une sexualité ? « On va dire que tu l’as cherché. » « On » ? Tout le monde, expliquent Sarah, Eloïse, Mariama : partout, « on » se mêle de leur vie, « brigade des mœurs » informelle dont les regards pèsent sur chaque femme. Certaines se voilent pour avoir la paix. D’autres subissent, sans autre espoir que de quitter la ville.
Vibrant, touffu, souvent percutant, La Réputation ouvre sans doute trop de pistes d’analyse – ghettoïsation inexorable de la ville, poids d’un islam rigoriste, complaisance de certaines autorités… – pour les suivre jusqu’au bout, laissant un sentiment d’inachevé. Il n’empêche : il a de la force, de la lucidité, du courage. Ceux des filles de Creil et de leurs voix, qui retentissent et ne s’oublient pas.
- OudemiaBon génie
Il ne fait pas bon grandir là-bas, quelle tristesse...
- BaldredSage
Oudemia a écrit:Il ne fait pas bon grandir là-bas, quelle tristesse...
J'habite un village trrrrèèès français du Deep South où la mentalité est " Cacher vos poulettes, je lache mon coq".
Elever une fille est déjà un sport de combat, alors en être une...
- MrmojorisinNiveau 4
Tout cela m'évoque cette super vidéo. À voir si intéressé(e) : très choquant. https://www.youtube.com/watch?v=tR7Wi5uhawI
Victor.
Victor.
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Très bon livre que celui de L Daussy — tout comme ses articles dans Charlie.
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Si tu vales valeo.
- JennyMédiateur
Cette affaire m'avait beaucoup marquée, quelle horreur.
Merci pour l'info, ça a l'air intéressant.
Merci pour l'info, ça a l'air intéressant.
+1. Il y a quand même des coins où la meilleure alternative, c'est de partir le plus tôt possible...Oudemia a écrit:Il ne fait pas bon grandir là-bas, quelle tristesse...
- ErgoDevin
C'est clair...Il n’empêche : il a de la force, de la lucidité, du courage. Ceux des filles de Creil et de leurs voix, qui retentissent et ne s’oublient pas.
J'ai lu les articles, je ne sais pas trop encore quand j'aurai la disposition d'esprit (si je l'ai) de lire le livre et ce qu'il rappelle du Plateau et des Cavées. C'est une enquête importante.
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"You went to a long-dead octopus for advice, and you're going to blame *me* for your problems?" -- Once Upon a Time
"The gull was your ordinary gull." -- Wittgenstein's Mistress
« Cède, cède, cède, je le veux ! » écrivait Ronin, le samouraï. (Si vous cherchez un stulo-plyme, de l'encre, récap de juillet 2024)
- User20159Esprit éclairé
Baldred a écrit:J'habite un village trrrrèèès français du Deep South où la mentalité est " Cacher vos poulettes, je lache mon coq".
Elever une fille est déjà un sport de combat, alors en être une...
Merci @Baldred, de rappeler que les prédateurs c'est hélas partout...
Alors pas non plus besoin d'avoir une thèse en géo ou en socio pour se rendre compte que Creil, c'est terrible.
Cité dortoir, c'est les barres HLM du 93 à la campagne, à côté Saint-Denis ou Aulnay Sous Bois, que je connais bien, des pôles de culture et de bien être, j'exagère à peine.
- neomathÉrudit
Connaissant le personnage et ses passions tristes je crains que son livre soit de la même eau que son "enquête" sur le Planning Familial :
https://www.leplanning13.org/wp-content/uploads/2019/04/le-planning-familial-69-repond-a-charlie-hebdo.pdf
https://www.leplanning13.org/wp-content/uploads/2019/04/le-planning-familial-69-repond-a-charlie-hebdo.pdf
- PrezboGrand Maître
Puisqu'on en parle, il est effectivement intéressant de relire les enquêtes de Laure Daussy sur l'évolution du planning, par exemple ici :
https://charliehebdo.fr/2019/02/religions/quand-le-planning-familial-veut-renoncer-a-la-laicite/
https://charliehebdo.fr/2021/12/societe/lexique-trans-le-planning-familial-joue-a-chat-bite/
https://charliehebdo.fr/2019/02/religions/quand-le-planning-familial-veut-renoncer-a-la-laicite/
https://charliehebdo.fr/2021/12/societe/lexique-trans-le-planning-familial-joue-a-chat-bite/
- epekeina.tes.ousiasModérateur
C'est même très intéressant.
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Si tu vales valeo.
- DeliaEsprit éclairé
Maupassant a déjà traité la question dans Madame Baptiste une des nouvelles de Mademoiselle Fifi.
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Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Amadou Hampaté Ba
- CzarNiveau 9
Baldred a écrit:Oudemia a écrit:Il ne fait pas bon grandir là-bas, quelle tristesse...
J'habite un village trrrrèèès français du Deep South où la mentalité est " Cacher vos poulettes, je lache mon coq".
Elever une fille est déjà un sport de combat, alors en être une...
et le "coq" va aussi poignarder à mort et bruler une fille qu'il a mis enceinte ou pas à ce point?
- BaldredSage
Czar a écrit:Baldred a écrit:Oudemia a écrit:Il ne fait pas bon grandir là-bas, quelle tristesse...
J'habite un village trrrrèèès français du Deep South où la mentalité est " Cacher vos poulettes, je lache mon coq".
Elever une fille est déjà un sport de combat, alors en être une...
et le "coq" va aussi poignarder à mort et bruler une fille qu'il a mis enceinte ou pas à ce point?
Tu mélanges 2 choses je pense, par rapidité de lecture sans doute.
Je te remets le chapeau de l'article :
J'évoquais donc plutôt le sujet du livre: le regard des garcons sur les filles qui sont en effet soumises à un regard et un jugement constant, et de ce point de vue mon village méditerranéen est très... méditerranéen. La "réputation" faite aux filles est une forme de harcèlement très sournois, relayé par les réseaux sociaux jusque dans nos campagnes.Partant du meurtre de Shaïna, poignardée et brûlée vive par son petit ami en 2021, la journaliste Laure Daussy explore comment les jeunes femmes de la ville de l’Oise sont transformées par les garçons et leur entourage en « filles faciles ».
Mais sinon oui, une fille mineure de ce village s'est suicidée parce que le "père" a révélé son avortement. Je me renseignerai sur le nombre exacte de viols locaux si tu y tiens.
Les filles de la génération de mes enfants ont toutes quitté le village pour leurs études et leur vie professionnelle, les garçons du cru sont restés.
A vrai dire, je ne comprends pas bien le sens de ta remarque.
- lene75Prophète
Ce qu'explique le reportage cité plus haut, c'est que les filles qui sont violées sont ensuite, par un retournement de situation, considérées comme des putes. Pour le dire autrement, elles sont rendues coupables de ce dont elles sont victimes. C'est ce qui est arrivé à Shaïna : parce qu'elle avait été violée une première fois, elle est devenue l'objet de tous les garçons de la cité, jusqu'à son meurtre. C'est en ce sens que ce sont les garçons qui transforment les filles en "filles faciles", par un premier viol qui justifie tous les autres.
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Une classe, c'est comme une boîte de chocolats, on sait jamais sur quoi on va tomber...
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Une “causalité” perverse et meurtrière.
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Si tu vales valeo.
- IrulanHabitué du forum
Merci Mrmorjorisin, pour le lien vers le reportage de Marie s'infiltre ("Les banlieues (EP.4) - Les femmes (version longue)"), je pense qu'il résume la violence infligée aux jeunes filles de banlieue, même s'il existe évidemment bien d'autres endroits en France où les mentalités sont rétrogrades et repliées sur elles-mêmes.
Quand mon père m'envoyait chercher du pain dans une rue à HLM de ma ville (tout près de notre rue tranquille), j'étais harcelée (groupe d'hommes me proposant de faire un tour en voiture avec eux, type me hélant du haut de son appartement au xième étage, sans me dire aucun mot, juste avec des cris, remarques sur ma tenue...). Maintenant, je comprends mieux pourquoi. J'ai fait une partie de ma scolarité dans des écoles, puis un collège qui accueillait les gens de cette rue ou d'autres rues semblables, eh bien en tant que fille ça a été très difficile ; je me suis par exemple prise quelques claques sans vraiment saisir pourquoi. A la maternelle, je me faisais poursuivre parce que j'étais en jupe. Je tais tout ce que j'ai enduré. C'était hallucinant.
Et c'est ce que je retrouve avec le reportage, qui renvoie à une réalité que je connais tout en continuant à me glacer. Le moment où la police est appelée et refuse d'envoyer une brigade secourir une mineure en proie à la prostitution est horrible, surtout que l'on sent bien l'agacement de la policière (honte à elle). Le plus choquant, c'est lorsqu'une nouvelle alerte est donnée à la police pour un vol de scooter, et que la même policière propose immédiatement d'envoyer une équipe sur place...
Quand mon père m'envoyait chercher du pain dans une rue à HLM de ma ville (tout près de notre rue tranquille), j'étais harcelée (groupe d'hommes me proposant de faire un tour en voiture avec eux, type me hélant du haut de son appartement au xième étage, sans me dire aucun mot, juste avec des cris, remarques sur ma tenue...). Maintenant, je comprends mieux pourquoi. J'ai fait une partie de ma scolarité dans des écoles, puis un collège qui accueillait les gens de cette rue ou d'autres rues semblables, eh bien en tant que fille ça a été très difficile ; je me suis par exemple prise quelques claques sans vraiment saisir pourquoi. A la maternelle, je me faisais poursuivre parce que j'étais en jupe. Je tais tout ce que j'ai enduré. C'était hallucinant.
Et c'est ce que je retrouve avec le reportage, qui renvoie à une réalité que je connais tout en continuant à me glacer. Le moment où la police est appelée et refuse d'envoyer une brigade secourir une mineure en proie à la prostitution est horrible, surtout que l'on sent bien l'agacement de la policière (honte à elle). Le plus choquant, c'est lorsqu'une nouvelle alerte est donnée à la police pour un vol de scooter, et que la même policière propose immédiatement d'envoyer une équipe sur place...
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Ad augusta per angusta.
- Vieux_MongolFidèle du forum
Prezbo a écrit:Puisqu'on en parle, il est effectivement intéressant de relire les enquêtes de Laure Daussy sur l'évolution du planning, par exemple ici :
https://charliehebdo.fr/2019/02/religions/quand-le-planning-familial-veut-renoncer-a-la-laicite/
https://charliehebdo.fr/2021/12/societe/lexique-trans-le-planning-familial-joue-a-chat-bite/
Je trouvais, et je trouve toujours d'ailleurs, que la notion d'intersectionnalité était intéressante. Mais bon sang certains sont devenus totalement barjots.
- DalvarNiveau 6
Vieux_Mongol a écrit:Prezbo a écrit:Puisqu'on en parle, il est effectivement intéressant de relire les enquêtes de Laure Daussy sur l'évolution du planning, par exemple ici :
https://charliehebdo.fr/2019/02/religions/quand-le-planning-familial-veut-renoncer-a-la-laicite/
https://charliehebdo.fr/2021/12/societe/lexique-trans-le-planning-familial-joue-a-chat-bite/
Je trouvais, et je trouve toujours d'ailleurs, que la notion d'intersectionnalité était intéressante. Mais bon sang certains sont devenus totalement barjots.
C'est une notion intéressante en sciences sociales, après dans les milieux militants il y en a qui utilisent ça pour essayer d'unir des idéologies qui semblent un peu opposées.
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Vieux_Mongol a écrit:Prezbo a écrit:Puisqu'on en parle, il est effectivement intéressant de relire les enquêtes de Laure Daussy sur l'évolution du planning, par exemple ici :
https://charliehebdo.fr/2019/02/religions/quand-le-planning-familial-veut-renoncer-a-la-laicite/
https://charliehebdo.fr/2021/12/societe/lexique-trans-le-planning-familial-joue-a-chat-bite/
Je trouvais, et je trouve toujours d'ailleurs, que la notion d'intersectionnalité était intéressante. Mais bon sang certains sont devenus totalement barjots.
Devenus. Ou restés, c'est selon.
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Si tu vales valeo.
- StephieNiveau 5
Je viens de regarder le documentaire sur Youtube, et même si je n'ai pas appris grand chose, je suis retournée d'avoir entendu ces filles exprimer ce qu'elles subissent, et écoeurée d'avoir entendu toutes ces voix d'hommes... et pas seulement celles des gars de cité, mais celles aussi des potentiels clients pas gênés à l'idée de se faire une toute jeune fille.
Ne parlons même pas de l'accueil de la police...
Ne parlons même pas de l'accueil de la police...
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