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- CasparProphète
Taillevent a écrit:La problématique est effectivement différente là-bas. L'impensé semble ne pas être "d'autres peuvent écrire dans notre langue" mais plutôt, "il est possible d'écrire dans d'autres langues". La proportion de traductions parmi les publications est terriblement faible (environ 6% au Royaume-Uni, 3% aux États-Unis).Caspar a écrit:En Angleterre il y a des rayons "fiction" où toutes les nationalités sont mélangées (mais on trouve assez peu de littérature traduite par rapport à une librairie française).
Oui, ils sont très insulaires culturellement et ils ont beaucoup de choix s'ils recherchent un peu d'exotisme grâce aux nombreux écrivains issus du Commonwealth, c'est riche.
Quand je vais dans une libraire anglaise et que je trouve un roman traduit du français c'est toujours un grand moment.
- NLM76Grand Maître
Comme le dit @trompettemarine, la question n'est pas celle de l'étiquetage, mais celle du fond. On pourrait aussi s'étriper pendant des siècles pour savoir à partir de quel moment une traduction en français d'une œuvre en langue étrangère (tiens, que veut dire "étrangère" ici ?...) devient de la littérature française.
En tout cas, une chose est sûre pour moi : un Ahmadou Kourouma est un géant de la littérature française.
En revanche, si vous parlez de la littérature camerounaise, il est évident que vous ne parlez pas de la littérature "en camerounais", ce qui est absurde, mais de la littérature écrite par des gens du Cameroun.
En tout cas, une chose est sûre pour moi : un Ahmadou Kourouma est un géant de la littérature française.
En revanche, si vous parlez de la littérature camerounaise, il est évident que vous ne parlez pas de la littérature "en camerounais", ce qui est absurde, mais de la littérature écrite par des gens du Cameroun.
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- gregforeverGrand sage
Dans mon idée il faudrait les qualifier comme eux souhaitent être reconnus. Parce qu un colonisé n
a peut-être pas envie d être classé comme français mais comme écrivain francophone ou par exemple Algérien d expression française. Pareil pour les territoires extra marins Antillais d expression française ou français. Le choix leur revient selon moi.
a peut-être pas envie d être classé comme français mais comme écrivain francophone ou par exemple Algérien d expression française. Pareil pour les territoires extra marins Antillais d expression française ou français. Le choix leur revient selon moi.
- NLM76Grand Maître
On peut être un écrivain canadien, belge, suisse, camerounais, tchèque, et écrire de la littérature française. Non ?
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- TailleventFidèle du forum
Ça dépend.NLM76 a écrit:On peut être un écrivain canadien, belge, suisse, camerounais, tchèque, et écrire de la littérature française. Non ?
Si l'écrivain réside en France, ça peut être de la littérature française. Ça sera une question complexe, qui dépendra du public visé, de la réalité de la réception, de l'auto-définition de l'auteur.
Si l'écrivain réside dans un autre pays que celui dont il a la citoyenneté, ça sera plutôt de la littérature francophone.
Si l'écrivain est dans son pays d'origine/de citoyenneté, non. Ça sera de la littérature canadienne, belge, suisse, camerounaise, tchèque (en précisant "de langue française" au besoin"). On pourra l'inclure dans la grande catégorie "littérature francophone" quand c'est pertinent.
Je vais citer la définition donnée par Le Robert à l'adjectif "français" : Qui appartient, est relatif à la France et à ses habitants.
- Une passanteEsprit éclairé
Taillevent a écrit:Ça dépend.NLM76 a écrit:On peut être un écrivain canadien, belge, suisse, camerounais, tchèque, et écrire de la littérature française. Non ?
Si l'écrivain réside en France, ça peut être de la littérature française. Ça sera une question complexe, qui dépendra du public visé, de la réalité de la réception, de l'auto-définition de l'auteur.
Si l'écrivain réside dans un autre pays que celui dont il a la citoyenneté, ça sera plutôt de la littérature francophone.
Si l'écrivain est dans son pays d'origine/de citoyenneté, non. Ça sera de la littérature canadienne, belge, suisse, camerounaise, tchèque (en précisant "de langue française" au besoin"). On pourra l'inclure dans la grande catégorie "littérature francophone" quand c'est pertinent.
Je vais citer la définition donnée par Le Robert à l'adjectif "français" : Qui appartient, est relatif à la France et à ses habitants.
Totalement d'accord avec cela !
- frecheGrand sage
Baldred a écrit:
J'ajoute que la mode de la sacralisation de la littérature patrimoniale commence à me fatiguer.
Je suis enseignante de sciences et je ne sais pas ce qu'on appelle littérature patrimoniale. J'ai cherché sur internet sans trouver de défnition claire.
- TailleventFidèle du forum
Vaste question.
Je ne pense pas qu'il sera possible de trouver une "définition claire" au sens où elle serait univoque et acceptée par tous. Ce qui entre dans cette notion varie suivant le contexte (chronologique, géographique, idéologique, institutionnel). L'existence même de ce concept est parfois mise en cause.
Je vais donc me contenter de citer la définition qui est utilisée dans mon travail.
Mon plan d'étude parle de faire lire des "œuvres phares", définies ainsi : "Au sens où le débat intellectuel, la réflexion critique et la création littéraire ne cessent de s’y référer."
Je ne pense pas qu'il sera possible de trouver une "définition claire" au sens où elle serait univoque et acceptée par tous. Ce qui entre dans cette notion varie suivant le contexte (chronologique, géographique, idéologique, institutionnel). L'existence même de ce concept est parfois mise en cause.
Je vais donc me contenter de citer la définition qui est utilisée dans mon travail.
Mon plan d'étude parle de faire lire des "œuvres phares", définies ainsi : "Au sens où le débat intellectuel, la réflexion critique et la création littéraire ne cessent de s’y référer."
- NLM76Grand Maître
Ah non, non,non. Donner la définition du Robert ne clôt pas le débat. Surtout quand elle est tronquée. Voir ici.Taillevent a écrit:Ça dépend.NLM76 a écrit:On peut être un écrivain canadien, belge, suisse, camerounais, tchèque, et écrire de la littérature française. Non ?
Si l'écrivain réside en France, ça peut être de la littérature française. Ça sera une question complexe, qui dépendra du public visé, de la réalité de la réception, de l'auto-définition de l'auteur.
Si l'écrivain réside dans un autre pays que celui dont il a la citoyenneté, ça sera plutôt de la littérature francophone.
Si l'écrivain est dans son pays d'origine/de citoyenneté, non. Ça sera de la littérature canadienne, belge, suisse, camerounaise, tchèque (en précisant "de langue française" au besoin"). On pourra l'inclure dans la grande catégorie "littérature francophone" quand c'est pertinent.
Je vais citer la définition donnée par Le Robert à l'adjectif "français" : Qui appartient, est relatif à la France et à ses habitants.
Le Robert a écrit:
- français, adjectif - Du français (langue). La grammaire française.
De même qu'il est évident que la grammaire française ne concerne pas que le français de France, il est clair qu'on peut (on peut : on n'est pas obligé) parler de littérature française en considérant la littérature écrite en français.
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- DesolationRowEmpereur
Je suis étonné qu'on considère comme une évidence qu'il faille classer des textes en fonction de la nationalité ou du pays de résidence de leur auteur. Un texte est un objet qui vaut par lui-même et doit être jugé pour lui-même, certainement pas en fonction de la carte d'identité ou des intentions de celui qui l'a écrit. S'il est écrit en langue française, il relève de la littérature française. Le reste, c'est du classement utile pour les manuels scolaires et la politique culturelle, mais ça n'a rien à voir avec la littérature.
- TailleventFidèle du forum
Au temps pour moi. Je n'avais pas de volonté de la tronquer, j'ai simplement l'habitude des dictionnaires papier, qui classent d'abord par catégorie grammaticale et par sens seulement en deuxième lieu.NLM76 a écrit:Ah non, non,non. Donner la définition du Robert ne clôt pas le débat. Surtout quand elle est tronquée. Voir ici.Taillevent a écrit:Ça dépend.NLM76 a écrit:On peut être un écrivain canadien, belge, suisse, camerounais, tchèque, et écrire de la littérature française. Non ?
Si l'écrivain réside en France, ça peut être de la littérature française. Ça sera une question complexe, qui dépendra du public visé, de la réalité de la réception, de l'auto-définition de l'auteur.
Si l'écrivain réside dans un autre pays que celui dont il a la citoyenneté, ça sera plutôt de la littérature francophone.
Si l'écrivain est dans son pays d'origine/de citoyenneté, non. Ça sera de la littérature canadienne, belge, suisse, camerounaise, tchèque (en précisant "de langue française" au besoin"). On pourra l'inclure dans la grande catégorie "littérature francophone" quand c'est pertinent.
Je vais citer la définition donnée par Le Robert à l'adjectif "français" : Qui appartient, est relatif à la France et à ses habitants.Le Robert a écrit:
- français, adjectif - Du français (langue). La grammaire française.
De même qu'il est évident que la grammaire française ne concerne pas que le français de France, il est clair qu'on peut (on peut : on n'est pas obligé) parler de littérature française en considérant la littérature écrite en français.
Je vais simplement dire une chose pour appuyer la proposition que je faisais : l'idée que "français" ne signifie pas dans ce cas "de nationalité française" peut être une évidence pour certains en France, je peux vous garantir qu'elle ne l'est pas dès que vous passez la frontière, même quand le terme est associé à "littérature". (Et je maintiens également que cette ambiguïté arrange certains discours en France.)
- IphigénieProphète
qui a dit que la patrie de l'écrivain, c'est la langue? Le propre de la littérature c'est d'outrepasser les frontières non? Enfin j'ai du mal à lire les écrivains pour leur patrie: même quand je lis (en traduction) Primo Levi ou Tchékov, ou etc ils appartiennent au monde, je me fiche un peu de leur nationalité propre, non? (ce qui ne veut pas dire des réalités qu'ils décrivent.) (Enfin peut-être qu'appartenant culturellement à une enclave (Nice) qui n'a cessé de changer de patrie et même de langue jusqu'à une date relativement récente, je n'ai pas la fibre patriotique très aiguë?
- TailleventFidèle du forum
Tout à fait ! Mais je posais la question du fait que, en français, je suis d'abord supposé traiter de la littérature francophone.Iphigénie a écrit:qui a dit que la patrie de l'écrivain, c'est la langue? Le propre de la littérature c'est d'outrepasser les frontières non? Enfin j'ai du mal à lire les écrivains pour leur patrie: même quand je lis (en traduction) Primo Levi ou Tchékov, ou etc ils appartiennent au monde, je me fiche un peu de leur nationalité propre, non? (ce qui ne veut pas dire des réalités qu'ils décrivent.)
On doit se ressembler à ce niveau : je vis dans un pays où le niveau de patriotisme est très bas en comparaison internationale, avec des manifestations très discrètes et je passe pour "peu patriote", c'est dire !Iphigénie a écrit:(Enfin peut-être qu'appartenant culturellement à une enclave (Nice) qui n'a cessé de changer de patrie et même de langue jusqu'à une date relativement récente, je n'ai pas la fibre patriotique très aiguë?
- YiyhaalaNiveau 6
Dans la tête d'un francophone, la littérature française est celle exclusivement produite par les français. Par contre, la littérature africaine, pour un africain, est la littérature produite par des africains. On parle ainsi de littérature africaine francophone et anglophone, voire lusophone.
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Apart from the known and the unknown what else is there?
- dandelionVénérable
Mais pour la langue anglaise, on ne sait pas forcément si l’écrivain est canadien ou américain par exemple. Il est sans doute plus juste de parler de littérature de langue anglaise, ou de langue française, mais dans le langage courant, cela a peu de chances de passer.
Il me semble aussi qu’il y a sans doute des inconvénients à la tendance des Français à considérer que tout écrivain qui s’exprime en français est français, mais il y a aussi des avantages, dont celui de l’acceptation. Ce n’est pas forcément mal de ne pas coller une étiquette sur une oeuvre après tout. Et le fait d’être francophone permet aussi d’accéder plus facilement à la nationalité française il me semble, non?
Il me semble aussi qu’il y a sans doute des inconvénients à la tendance des Français à considérer que tout écrivain qui s’exprime en français est français, mais il y a aussi des avantages, dont celui de l’acceptation. Ce n’est pas forcément mal de ne pas coller une étiquette sur une oeuvre après tout. Et le fait d’être francophone permet aussi d’accéder plus facilement à la nationalité française il me semble, non?
- TailleventFidèle du forum
Idée très intéressante, je le reconnais. Ceci dit, je peine à y adhérer.dandelion a écrit:Il me semble aussi qu’il y a sans doute des inconvénients à la tendance des Français à considérer que tout écrivain qui s’exprime en français est français, mais il y a aussi des avantages, dont celui de l’acceptation.
D'abord, parce que cette vision, n'est pas appliquée de manière inconditionnelle ; c'est très rare que "tous" les auteurs écrivant en français soient considérés comme français. Dans les faits, ça ne concerne, comme on le mentionnait il y a quelques messages, que les "meilleurs" auteurs (quoi que ça signifie). Je trouve que c'est une vision assez particulière de l'acceptation que de l'accorder mais seulement à ceux qui sont bons, dit autrement, seulement à ceux qui rehaussent le niveau de la littérature française (avec toujours cette ambiguïté sur ce que ça signifie). Il me semble aussi que cette application sous-entend une hiérarchie dont j'ai déjà assez dit ce qu'elle me semblait avoir de problématique.
Certes, mais du moment qu'on parle de littérature française ou francophone, on le fait. Toute précision supplémentaire à littérature est une étiquette.dandelion a écrit:Ce n’est pas forcément mal de ne pas coller une étiquette sur une oeuvre après tout.
- NLM76Grand Maître
Quoi qu'il en soit, le problème n'est pas celui de l'étiquette. En tout, cas en tant que professeur de français, et que professeur de Lettres, enseignant en France, j'enseigne prioritairement la littérature écrite en français, en me centrant davantage sur les auteurs liés à la France (Rabelais, Montaigne,etc. mais aussi Simenon, Kundera...), mais en essayant de ne pas négliger les auteurs qui écrivent en français, mais sont moins liés à la France (Kourouma, Hébert etc.). Je conçois que les choses soient un peu différente pour qui enseigne la littérature française ou francophone en Suisse ou au Sénégal, ou au Québec, par exemple. Et je conçois fort bien qu'en dehors de la France, la différence entre "littérature francophone" et "littérature française" apparaisse plus nettement. On peut être béninois, et avoir envie de connaître la littérature française au sens strict, ou au contraire, avoir envie de connaître d'une façon ou d'une autre tout l'ensemble de la littérature d'expression française (de France, de Belgique, de Suisse, du Canada, d'Afrique francophone), comme une espèce de système, ou tout l'ensemble de la littérature africaine comme un système (francophone, anglophone, lusophone (?), mandingue, swahilie, mvett, arabophone, berbérophone, etc.).
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- dandelionVénérable
@ Taillevent Est-ce que tu pourrais donner des exemples d’écrivains d’expression française qui seraient renvoyés à leur origine car pas assez ‘bons’?
Il y a aussi une particularité française liée à Paris, qui fait que certains artistes, quoiqu’étrangers, sont perçus comme ‘français’ car ayant vécu longuement en France. Même un écrivain dont on ne pourrait guère douter qu’il est suisse, comme Charles-Ferdinand Ramuz, a vécu à Paris.
New-York ou Londres ont un rôle sans doute équivalent, accueillant dans leur sein des personnes de toutes origines mais qui peuvent vouloir se considérer comme ‘Britanniques’ ou ‘New-Yorkais’? Il n’y a pas de rayon spécifique pour les écrivains canadiens aux Etats-Unis à ma connaissance, non plus que pour les britanniques ou néo-zélandais.
Une autre question, bien sûr, est celle des marchés ouverts aux écrivains de langue française en dehors de la France, et d’éventuels attendus que je qualifierai prudemment d’ethniques ou folkloriques. A mon sens, c’est quand l’écrivain a un nom à consonance non-française, et n’est pas blanc (et qu’on le sait, parce que pour Dumas, par exemple, je ne sais pas si c’est tellement mentionné), que l’on a plus tendance à le considérer comme non-français. Pourtant je ne pense pas que Senghor ou Césaire soient suspectés de médiocrité. Le terme de francophonie peut, je te rejoins sur ce point, être condescendant, un peu comme le terme world music, comme si on s’étonnait que certaines personnes, du fait de leur origine, puissent exceller dans la littérature ou la musique.
Bien sûr tout cela est encore brouillé par le passé colonial très récent. Albert Camus est-il un écrivain algérien?
Il y a aussi une particularité française liée à Paris, qui fait que certains artistes, quoiqu’étrangers, sont perçus comme ‘français’ car ayant vécu longuement en France. Même un écrivain dont on ne pourrait guère douter qu’il est suisse, comme Charles-Ferdinand Ramuz, a vécu à Paris.
New-York ou Londres ont un rôle sans doute équivalent, accueillant dans leur sein des personnes de toutes origines mais qui peuvent vouloir se considérer comme ‘Britanniques’ ou ‘New-Yorkais’? Il n’y a pas de rayon spécifique pour les écrivains canadiens aux Etats-Unis à ma connaissance, non plus que pour les britanniques ou néo-zélandais.
Une autre question, bien sûr, est celle des marchés ouverts aux écrivains de langue française en dehors de la France, et d’éventuels attendus que je qualifierai prudemment d’ethniques ou folkloriques. A mon sens, c’est quand l’écrivain a un nom à consonance non-française, et n’est pas blanc (et qu’on le sait, parce que pour Dumas, par exemple, je ne sais pas si c’est tellement mentionné), que l’on a plus tendance à le considérer comme non-français. Pourtant je ne pense pas que Senghor ou Césaire soient suspectés de médiocrité. Le terme de francophonie peut, je te rejoins sur ce point, être condescendant, un peu comme le terme world music, comme si on s’étonnait que certaines personnes, du fait de leur origine, puissent exceller dans la littérature ou la musique.
Bien sûr tout cela est encore brouillé par le passé colonial très récent. Albert Camus est-il un écrivain algérien?
- TailleventFidèle du forum
Je vais essayer à partir de la littérature romande, qui est celle que je connais le mieux.dandelion a écrit:@ Taillevent Est-ce que tu pourrais donner des exemples d’écrivains d’expression française qui seraient renvoyés à leur origine car pas assez ‘bons’?
Il y a aussi une particularité française liée à Paris, qui fait que certains artistes, quoiqu’étrangers, sont perçus comme ‘français’ car ayant vécu longuement en France. Même un écrivain dont on ne pourrait guère douter qu’il est suisse, comme Charles-Ferdinand Ramuz, a vécu à Paris.
Le cas de Ramuz est intéressant parce que ceux qui le critiquent le font souvent en en faisant un écrivain régionaliste ou en critiquant sa langue, avec souvent l'idée qu'il écrirait mal le français parce qu'il serait étranger. En voici un bel exemple :
Ici, l'idée va même encore plus loin, avec l'idée qu'il n'aurait le "droit" d'utiliser le français que s'il le fait correctement, c'est-à-dire comme un Français.Mais qu'il [Ramuz] soit un écrivain français, non, jamais je ne me résignerai à une hypothèse aussi dénuée de vraisemblance Écrivain français S'il veut l'être, qu'il apprenne notre langue !… Et s'il ne veut pas l'apprendre, qu'il en emploie une autre !
Auguste Bailly, "Chronique des livres : C. F. Ramuz, L'Amour du monde" dans Candide (Paris), 10 septembre 1925.
cité ici : https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=edl-002%3A2003%3A0%3A%3A768
C'est aussi le genre de propos que j'ai plusieurs fois entendu dans des conversations avec des gens issus du monde du livre (libraires, éditeurs, enseignants…)
Je suis d'accord avec chaque mot écrit ici.dandelion a écrit:Une autre question, bien sûr, est celle des marchés ouverts aux écrivains de langue française en dehors de la France, et d’éventuels attendus que je qualifierai prudemment d’ethniques ou folkloriques. A mon sens, c’est quand l’écrivain a un nom à consonance non-française, et n’est pas blanc (et qu’on le sait, parce que pour Dumas, par exemple, je ne sais pas si c’est tellement mentionné), que l’on a plus tendance à le considérer comme non-français. Pourtant je ne pense pas que Senghor ou Césaire soient suspectés de médiocrité. Le terme de francophonie peut, je te rejoins sur ce point, être condescendant, un peu comme le terme world music, comme si on s’étonnait que certaines personnes, du fait de leur origine, puissent exceller dans la littérature ou la musique.
- AurevillyHabitué du forum
Merci, Taillevent, pour la référence au texte sur Ramuz. Passionnant.
- TailleventFidèle du forum
Je lis à l'instant quelque chose qui me renvoie au débat qu'on avait eu ici.
Je parcourais les nouveautés à paraître de Gallimard en catégorie "littérature étrangère". Un peu surpris, j’aperçois dans la liste un livre de Patrick Chamoiseau. Après vérification d'une nationalité étrangère qui m'aurait échappé, je vais vérifier la catégorisation du livre par Gallimard. En fait, il est dans deux cases : littérature française et littérature des Antilles et d'Amérique. De manière amusante, je n'ai pas retrouvé cela pour d'autres auteurs martiniquais comme Confiant ou Glissant. Je me demande ce qui a valu cet étrange honneur à Chamoiseau.
Edit : J'ai posé la question à Gallimard à propos de la différence des auteurs. Ils ont très rapidement répondu. Apparemment, ils sont en train d'uniformiser leur pratique, d'où la présence d'incohérences à ce stade.
Je parcourais les nouveautés à paraître de Gallimard en catégorie "littérature étrangère". Un peu surpris, j’aperçois dans la liste un livre de Patrick Chamoiseau. Après vérification d'une nationalité étrangère qui m'aurait échappé, je vais vérifier la catégorisation du livre par Gallimard. En fait, il est dans deux cases : littérature française et littérature des Antilles et d'Amérique. De manière amusante, je n'ai pas retrouvé cela pour d'autres auteurs martiniquais comme Confiant ou Glissant. Je me demande ce qui a valu cet étrange honneur à Chamoiseau.
Edit : J'ai posé la question à Gallimard à propos de la différence des auteurs. Ils ont très rapidement répondu. Apparemment, ils sont en train d'uniformiser leur pratique, d'où la présence d'incohérences à ce stade.
- profdoctoujoursNiveau 6
NLM76 a écrit:Comme le dit @trompettemarine, la question n'est pas celle de l'étiquetage, mais celle du fond. On pourrait aussi s'étriper pendant des siècles pour savoir à partir de quel moment une traduction en français d'une œuvre en langue étrangère (tiens, que veut dire "étrangère" ici ?...) devient de la littérature française.
En tout cas, une chose est sûre pour moi : un Ahmadou Kourouma est un géant de la littérature française.
En revanche, si vous parlez de la littérature camerounaise, il est évident que vous ne parlez pas de la littérature "en camerounais", ce qui est absurde, mais de la littérature écrite par des gens du Cameroun.
C'est drôle que tu dise ça car aujourd'hui justement, une élève en exposé a qualifié Le Monde de Narnia de roman "français. Son raisonnement : je l'ai lu en français, donc ça fait partie des romans français.
Pour ma part je préfère le terme "littérature francophone" car c'est plus clair que les auteurs ne sont pas forcément français. Pareil pour la musique qui a été mentionné plutôt d'ailleurs. Je trouve qu'en parlant de "littérature française", on a tendance à gommer le fait que tous les grands auteurs de la littérature francophone ne sont pas français mais peuvent venir d'autres pays également. Et ce d'autant plus que le terme de "francophone" est en général utilisé uniquement pour des auteurs non blancs, qui se trouvent alors à part des autres, sans doute car on leur prête une forme "d'exotisme"...
- NLM76Grand Maître
Ça me paraît justement être un argument contre le terme de littérature francophone; ça a l'air de dire qu'à partir du moment où ça n'est pas un blanc, ce n'est pas de la littérature française. Calvin, Rousseau, Simenon, Nothomb, Ionesco, Kundera, Beckett, Staël, Constant, Ramuz, Jaccottet, Rougemont, Cohen, Rodenbach, Verhaeren, Maeterlinck, Norge, Andrée Chédid relèvent de la littérature française, sans aucun doute : est-ce parce qu'ils sont européens ? Pourquoi faudrait-il dénier aux auteurs noirs, ou nés en Afrique le fait que la langue française leur appartient aussi, et pas seulement la francophonie ? Bon il est vrai qu'aux auteurs québecois aussi on tend à dénier le titre d'écrivains français.profdoctoujours a écrit:
Pour ma part je préfère le terme "littérature francophone" car c'est plus clair que les auteurs ne sont pas forcément français. Pareil pour la musique qui a été mentionné plutôt d'ailleurs. Je trouve qu'en parlant de "littérature française", on a tendance à gommer le fait que tous les grands auteurs de la littérature francophone ne sont pas français mais peuvent venir d'autres pays également. Et ce d'autant plus que le terme de "francophone" est en général utilisé uniquement pour des auteurs non blancs, qui se trouvent alors à part des autres, sans doute car on leur prête une forme "d'exotisme"...
Mais bon, ça ne vaut pas d'en faire une querelle, et l'on comprend bien qu'on utilise plutôt tel ou tel adjectif dans telle ou telle situation.
Tiens au fait, Césaire et Le Clézio c'est de la littérature française, ou francophone ?
Et puis aussi, tant qu'on y est, ne pas oublier que Molière, La Fontaine et Hugo sont des auteurs francophones.
Au fait, j'oubliais : Marco Polo et Casanova.
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- MathadorEmpereur
C'est curieux que tu cite Andrée Chedid comme autrice européenne, alors qu'elle est née en Égypte, originaire du Levant et a immigré en France à 26 ans.NLM76 a écrit:Ça me paraît justement être un argument contre le terme de littérature francophone; ça a l'air de dire qu'à partir du moment où ça n'est pas un blanc, ce n'est pas de la littérature française. Calvin, Rousseau, Simenon, Nothomb, Ionesco, Kundera, Beckett, Staël, Constant, Ramuz, Jaccottet, Rougemont, Cohen, Rodenbach, Verhaeren, Maeterlinck, Norge, Andrée Chédid relèvent de la littérature française, sans aucun doute : est-ce parce qu'ils sont européens ? Pourquoi faudrait-il dénier aux auteurs noirs, ou nés en Afrique le fait que la langue française leur appartient aussi, et pas seulement la francophonie ?
Mais je suis d'accord avec toi sur l'idée du choix du terme français ou francophone selon le degré de proximité de l'auteur avec la culture majoritaire de la France métropolitaine.
(question bonus au cas où ce ne serait pas assez complexe: l'œuvre de Frédéric Mistral fait-elle partie de la littérature française ?)
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"There are three kinds of lies: lies, damned lies, and statistics." (cité par Mark Twain)
« Vulnerasti cor meum, soror mea, sponsa; vulnerasti cor meum in uno oculorum tuorum, et in uno crine colli tui.
Quam pulchrae sunt mammae tuae, soror mea sponsa! pulchriora sunt ubera tua vino, et odor unguentorum tuorum super omnia aromata. » (Canticum Canticorum 4:9-10)
- NLM76Grand Maître
C'est plus ou moins ça. Les termes sont polysémiques.
Il y a cependant des problèmes sous-jacents intéressants. Par exemple, quand j'enseigne Ahmadou Kourouma, je suis quand même gêné aux entournures par mon manque de connaissance de l'Afrique (un peu moins maintenant parce que j'ai bossé), afin d'expliquer le texte à mes élèves, en particulier quand il s'agit d'estimer la part de caricature et la part d'exactitude quasi historique de ce qui est "rapporté". J'ai aussi besoin de me renseigner vraiment sur la culture malinké, et les griots.
Même peut-être s'agit-il aussi de la question de la connaissance de l'islam. Pour Rabelais, par exemple, j'ai quelques armes pour expliquer le sous-texte plus ou moins chrétien. Mais quant aux questions soulevées par le rapport entre animisme et islam en Afrique noire qu'il peut soulever, je suis encore plus circonspect. Je me trouve aussi un peu trop faiblard quant à l'histoire (linguistique) du français en Afrique. Autrement dit, en tant que professeur de français, je suis professeur de littérature en français, liée à la France... et quand je m'aventure un peu hors de cette zone de "confort" (très relatif), il faut que je le fasse avec davantage d'humilité.
Il y a cependant des problèmes sous-jacents intéressants. Par exemple, quand j'enseigne Ahmadou Kourouma, je suis quand même gêné aux entournures par mon manque de connaissance de l'Afrique (un peu moins maintenant parce que j'ai bossé), afin d'expliquer le texte à mes élèves, en particulier quand il s'agit d'estimer la part de caricature et la part d'exactitude quasi historique de ce qui est "rapporté". J'ai aussi besoin de me renseigner vraiment sur la culture malinké, et les griots.
Même peut-être s'agit-il aussi de la question de la connaissance de l'islam. Pour Rabelais, par exemple, j'ai quelques armes pour expliquer le sous-texte plus ou moins chrétien. Mais quant aux questions soulevées par le rapport entre animisme et islam en Afrique noire qu'il peut soulever, je suis encore plus circonspect. Je me trouve aussi un peu trop faiblard quant à l'histoire (linguistique) du français en Afrique. Autrement dit, en tant que professeur de français, je suis professeur de littérature en français, liée à la France... et quand je m'aventure un peu hors de cette zone de "confort" (très relatif), il faut que je le fasse avec davantage d'humilité.
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- uneodysséeNeoprof expérimenté
Je suis tout à fait d’accord avec toi : nous sommes avant tout professeurs de littérature française écrite à peu près en France et en français… parce que notre formation était restreinte à cela ! Nous la complétons ensuite par intérêt personnel, en fonction de l’énergie, du temps, de la motivation que nous avons à y mettre…
Quel que soit l’adjectif que l’on choisit, il faudrait l’appliquer à tout… «française» ne dirait rien de précis (un peu comme quand on dit auteure sans appuyer trop sur le e, ou comment féminiser sans que ça s’entende), «francophone» dirait : j’inclus là-dedans tout ce qui s’écrit en français, même aux antipodes ou sous la plume d’un Martien…
Pour Frédéric Mistral… que faisons-nous des troubadours du Moyen-Âge ? Est-il dans une case différente ? C’est le propre des catégories que de ne pas rendre compte de la réalité
Quel que soit l’adjectif que l’on choisit, il faudrait l’appliquer à tout… «française» ne dirait rien de précis (un peu comme quand on dit auteure sans appuyer trop sur le e, ou comment féminiser sans que ça s’entende), «francophone» dirait : j’inclus là-dedans tout ce qui s’écrit en français, même aux antipodes ou sous la plume d’un Martien…
Pour Frédéric Mistral… que faisons-nous des troubadours du Moyen-Âge ? Est-il dans une case différente ? C’est le propre des catégories que de ne pas rendre compte de la réalité
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