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- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
D'accord, je comprends ce qui t'a fait penser cela. Non, pour moi, un mètre se définit comme une structure syllabo-accentuelle. Compte à la fois le nombre de syllabes et la place de deux accents : celui qu'engendre la césure (pour les mètres complexes), et celui qu'engendre la fin du vers. Cette structure est fixe, elle ne dépend pas de la syntaxe mais la transcende. En même temps, elle ne peut pas être sensible si la syntaxe ne la révèle pas. Il faut donc une certaine récurrence pour déterminer le schéma qui vaut pour l'ensemble du texte. Parfois, chez Rimbaud par exemple, cette détermination est impossible, on peut alors défendre qu'il est impossible de déterminer la place de la césure, qu'il est trop rapide de parler de tel ou tel type de mètre. Mais chez Hugo comme dans le poème qui nous occupe, ce n'est clairement pas le cas, c'est le schéma de l'alexandrin qui apparaît : 12 syllabes, deux hémistiches égaux.
On peut discuter l'idée que la structure métrique transcende la structure syntaxique, mais je ne parviens pas à lire Hugo dans le sens d'une disparition de cette structure. Je ne vois vraiment pas ce qui peut aller dans ce sens, les mots qu'il emploie impliquent une tension et non un effacement, une disjonction et non une destruction. Quant aux poètes du XIXe, certains - je ne sais plus précisément lesquels - ils n'hésitaient pas à placer la césure contre la syntaxe. J'ai retrouvé un article où l'on retrouve un peu tout ce que j'ai dit ici, l'auteur cite une lettre de Laforgue où le poète scande ainsi son vers :
"Marie, si tu / savais combien je t'aime !"
On peut discuter l'idée que la structure métrique transcende la structure syntaxique, mais je ne parviens pas à lire Hugo dans le sens d'une disparition de cette structure. Je ne vois vraiment pas ce qui peut aller dans ce sens, les mots qu'il emploie impliquent une tension et non un effacement, une disjonction et non une destruction. Quant aux poètes du XIXe, certains - je ne sais plus précisément lesquels - ils n'hésitaient pas à placer la césure contre la syntaxe. J'ai retrouvé un article où l'on retrouve un peu tout ce que j'ai dit ici, l'auteur cite une lettre de Laforgue où le poète scande ainsi son vers :
"Marie, si tu / savais combien je t'aime !"
- ben034Niveau 1
nitescence a écrit:
Non, non, un vers de 12 syllabes n'est pas forcément un alexandrin : c'est un dodécasyllabe. Un alexandrin est un dodécasyllabe particulier avec césure à l'hémistiche, mais rien ne permet d'inférer qu'on a ici un alexandrin, d'autant plus que Rimbaud s'amusait précisément à disloquer l'alexandrin. Plutôt que de dire on a un alexandrin avec une césure enjambante, il serait plus exacte de dire que ce n'est pas sûr qu'il s'agisse d'un alexandrin du fait de la place de la césure. Si vous considérez d'emblée que tous les vers de 12 syllabes sont des alexandrins, alors vous ne comprenez plus ce vers de Victor Hugo : "J'ai disloqué / ce grand ni-ais / d'alexandrin". Il y a bien 12 syllabes, mais ce n'est pas pour autant un alexandrin...
En effet. J'ai parlé un peu vite: un vers de 12 syllabes n'a pas forcément qu'une césure. J'ai relu certaines de mes notes et j'avais noté certains trimètres avec une césure à l'hémistiche, ce qui est à l'évidence une erreur. La différence entre alexandrin et dodécasyllabe est en ce sens pertinente: peut-on savoir dans quel livre on la trouve? Aquien n'en parle pas dans La versification appliquée aux textes et je ne me souviens pas l'avoir lu dans Gardes-Tamine (mais ça remonte à longtemps, ma mémoire peut me faire défaut).
Néanmoins, je persiste à dire qu'ici nous ne sommes pas en présence d'un trimètre 4+4+4, puisque le rythme est 5+4+3. Un trimètre a une structure rythmique régulière. Ici, il s'agit d'un vers semi-ternaire, autrement dit d'un vers à trois mesures hétérosyllabiques. Il me paraît imprudent de ne pas faire correspondre les virgules aux césures. Dites-moi si je me trompe.
Encore merci pour ces précisions Nitescence.
- ben034Niveau 1
Non, ici il ne s'agit pas d'un trimètre. Là-dessus il faut que tout le monde soit d'accord.e-Wanderer a écrit:Oui, bien sûr. La césure (à place fixe, à la 6e syllabe, on n'a pas le choix !) n'est pas marquée ici. On a donc un système 4/4/4 (le fameux trimètre) qui a la particularité de comprendre 2 coupes enjambantes (placées à la tombée de l'accent, comme il est usuel).
- nitescenceÉrudit
Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:D'accord, je comprends ce qui t'a fait penser cela. Non, pour moi, un mètre se définit comme une structure syllabo-accentuelle. Compte à la fois le nombre de syllabes et la place de deux accents : celui qu'engendre la césure (pour les mètres complexes), et celui qu'engendre la fin du vers. Cette structure est fixe, elle ne dépend pas de la syntaxe mais la transcende. En même temps, elle ne peut pas être sensible si la syntaxe ne la révèle pas. Il faut donc une certaine récurrence pour déterminer le schéma qui vaut pour l'ensemble du texte. Parfois, chez Rimbaud par exemple, cette détermination est impossible, on peut alors défendre qu'il est impossible de déterminer la place de la césure, qu'il est trop rapide de parler de tel ou tel type de mètre. Mais chez Hugo comme dans le poème qui nous occupe, ce n'est clairement pas le cas, c'est le schéma de l'alexandrin qui apparaît : 12 syllabes, deux hémistiches égaux.
On peut discuter l'idée que la structure métrique transcende la structure syntaxique, mais je ne parviens pas à lire Hugo dans le sens d'une disparition de cette structure. Je ne vois vraiment pas ce qui peut aller dans ce sens, les mots qu'il emploie impliquent une tension et non un effacement, une disjonction et non une destruction. Quant aux poètes du XIXe, certains - je ne sais plus précisément lesquels - ils n'hésitaient pas à placer la césure contre la syntaxe. J'ai retrouvé un article où l'on retrouve un peu tout ce que j'ai dit ici, l'auteur cite une lettre de Laforgue où le poète scande ainsi son vers :
"Marie, si tu / savais combien je t'aime !"
Tu reprends la position de Benoît de Cornulier mais je ne pense pas qu'on puisse plaquer ainsi un schéma métrique a priori, surtout au XIXe siècle qui remet en cause ce genre de règles.
- nitescenceÉrudit
ben034 a écrit:Non, ici il ne s'agit pas d'un trimètre. Là-dessus il faut que tout le monde soit d'accord.e-Wanderer a écrit:Oui, bien sûr. La césure (à place fixe, à la 6e syllabe, on n'a pas le choix !) n'est pas marquée ici. On a donc un système 4/4/4 (le fameux trimètre) qui a la particularité de comprendre 2 coupes enjambantes (placées à la tombée de l'accent, comme il est usuel).
Je parlais du vers de Hugo qui est un trimètre et non un alexandrin, quoi qu'en dise Benoît de Cornulier qui plaque dessus une grille de lecture incompatible avec la nouvelle forme de vers que fait émerger le romantisme
- nitescenceÉrudit
ben034 a écrit:nitescence a écrit:
Non, non, un vers de 12 syllabes n'est pas forcément un alexandrin : c'est un dodécasyllabe. Un alexandrin est un dodécasyllabe particulier avec césure à l'hémistiche, mais rien ne permet d'inférer qu'on a ici un alexandrin, d'autant plus que Rimbaud s'amusait précisément à disloquer l'alexandrin. Plutôt que de dire on a un alexandrin avec une césure enjambante, il serait plus exacte de dire que ce n'est pas sûr qu'il s'agisse d'un alexandrin du fait de la place de la césure. Si vous considérez d'emblée que tous les vers de 12 syllabes sont des alexandrins, alors vous ne comprenez plus ce vers de Victor Hugo : "J'ai disloqué / ce grand ni-ais / d'alexandrin". Il y a bien 12 syllabes, mais ce n'est pas pour autant un alexandrin...
En effet. J'ai parlé un peu vite: un vers de 12 syllabes n'a pas forcément qu'une césure. J'ai relu certaines de mes notes et j'avais noté certains trimètres avec une césure à l'hémistiche, ce qui est à l'évidence une erreur. La différence entre alexandrin et dodécasyllabe est en ce sens pertinente: peut-on savoir dans quel livre on la trouve? Aquien n'en parle pas dans La versification appliquée aux textes et je ne me souviens pas l'avoir lu dans Gardes-Tamine (mais ça remonte à longtemps, ma mémoire peut me faire défaut).
Néanmoins, je persiste à dire qu'ici nous ne sommes pas en présence d'un trimètre 4+4+4, puisque le rythme est 5+4+3. Un trimètre a une structure rythmique régulière. Ici, il s'agit d'un vers semi-ternaire, autrement dit d'un vers à trois mesures hétérosyllabiques. Il me paraît imprudent de ne pas faire correspondre les virgules aux césures. Dites-moi si je me trompe.
Encore merci pour ces précisions Nitescence.
Je crois qu'on trouve ça chez Mazeylera (?), désolé, je ne me souviens plus de l'orthographe exacte (c'est de la phonétique), qui est la bible du jury de l'agrég, qui valorise la syntaxe plus que la métrique et son côté mécanique parfois en décalage avec la syntaxe
- User14996Niveau 10
nitescence a écrit:ben034 a écrit:nitescence a écrit:
Non, non, un vers de 12 syllabes n'est pas forcément un alexandrin : c'est un dodécasyllabe. Un alexandrin est un dodécasyllabe particulier avec césure à l'hémistiche, mais rien ne permet d'inférer qu'on a ici un alexandrin, d'autant plus que Rimbaud s'amusait précisément à disloquer l'alexandrin. Plutôt que de dire on a un alexandrin avec une césure enjambante, il serait plus exacte de dire que ce n'est pas sûr qu'il s'agisse d'un alexandrin du fait de la place de la césure. Si vous considérez d'emblée que tous les vers de 12 syllabes sont des alexandrins, alors vous ne comprenez plus ce vers de Victor Hugo : "J'ai disloqué / ce grand ni-ais / d'alexandrin". Il y a bien 12 syllabes, mais ce n'est pas pour autant un alexandrin...
En effet. J'ai parlé un peu vite: un vers de 12 syllabes n'a pas forcément qu'une césure. J'ai relu certaines de mes notes et j'avais noté certains trimètres avec une césure à l'hémistiche, ce qui est à l'évidence une erreur. La différence entre alexandrin et dodécasyllabe est en ce sens pertinente: peut-on savoir dans quel livre on la trouve? Aquien n'en parle pas dans La versification appliquée aux textes et je ne me souviens pas l'avoir lu dans Gardes-Tamine (mais ça remonte à longtemps, ma mémoire peut me faire défaut).
Néanmoins, je persiste à dire qu'ici nous ne sommes pas en présence d'un trimètre 4+4+4, puisque le rythme est 5+4+3. Un trimètre a une structure rythmique régulière. Ici, il s'agit d'un vers semi-ternaire, autrement dit d'un vers à trois mesures hétérosyllabiques. Il me paraît imprudent de ne pas faire correspondre les virgules aux césures. Dites-moi si je me trompe.
Encore merci pour ces précisions Nitescence.
Je crois qu'on trouve ça chez Mazeylera (?), désolé, je ne me souviens plus de l'orthographe exacte (c'est de la phonétique), qui est la bible du jury de l'agrég, qui valorise la syntaxe plus que la métrique et son côté mécanique parfois en décalage avec la syntaxe
J. Mazaleyrat
- e-WandererGrand sage
Là où tu fais erreur, c'est que tu te fondes sur la ponctuation pour délimiter les mesures, et non pas sur les accents. Ce qui équivaudrait ici à introduire deux coupes lyriques (et en plus pour obtenir un alexandrin irrégulier 5/4/3 !). La coupe lyrique est possible avant une ponctuation forte :ben034 a écrit:Non, ici il ne s'agit pas d'un trimètre. Là-dessus il faut que tout le monde soit d'accord.e-Wanderer a écrit:Oui, bien sûr. La césure (à place fixe, à la 6e syllabe, on n'a pas le choix !) n'est pas marquée ici. On a donc un système 4/4/4 (le fameux trimètre) qui a la particularité de comprendre 2 coupes enjambantes (placées à la tombée de l'accent, comme il est usuel).
J'aime. / (coupe lyrique) Ne pense pas // (césure) qu'au moment que je t'aime
Innocente à mes yeux je m'approuve moi-même,…
Ou pour des raisons métriques ou syntaxique, pour tomber sur une structure rythmique régulière ou pour délimiter une structure syntaxique particulière : comme ci-après chez Apollinaire, pour mettre en valeur deux trimètres et délimiter une circonstancielle de temps :
Et tous les lys / quand vos soldats / ô roi Hérode
L'emmenèrent / (coupe lyrique) Se sont flétris / dans mon jardin.
Mais le vers de Rimbaud, qui ne comporte que des ponctuations faibles (virgules) est parfaitement fluide : il n'y a aucune raison d'introduire un phénomène aussi spectaculaire que la coupe lyrique, qui suppose une dissociation de l'accent et de la coupe et une suspension de la voix jusqu'à la fin du [e] atone. C'est pourquoi je parle de trimètre avec deux coupes enjambantes : les coupes s'appuient sur la tombée naturelle des accents, il n'y a pas besoin de forcer les choses.
Un soldat jeu/ne, bouche ouver/te, tête nue
Je réponds par la même occasion à Sylvain. Tu suis la position théorique de Benoît de Cornulier, ce que je peux comprendre. L'idée générale est qu'on s'attend toujours, s'agissant d'un alexandrin, à une structure 6//6 (et c'est difficilement contestable). Là où je suis moins d'accord, c'est si l'on dit qu'on entend toujours cette structure et qu'on en tire argument pour réfuter la notion de trimètre : c'est un peu extrême, car ça dépend des cas.
Il y a potentiellement superposition de deux systèmes concurrents (par exemple dans le 2e vers d'Apollinaire que je cite, ou dans l'exemple de Hugo "J'ai disloqué ce grand // niais d'alexandrin" (jusque-là on est toujours à peu près d'accord, car on peut suspecter une valeur expressive à cette césure, un effet de sens etc.), mais il y a des cas où la logique du trimètre l'emporte nettement. C'est le cas du premier vers d'Apollinaire que je cite : on ne va jamais marquer une césure (donc un accent) sur un déterminant séparé du substantif ! C'est absurde, aussi bien au plan métrique qu'au plan syntaxique et il n'y a aucun effet d'interprétation à tirer d'une telle lecture. Et c'est aussi le cas du vers de Rimbaud que nous commentons : on ne va pas marquer une césure en plaçant un accent sur bou//che et introduire une césure enjambante (ce qui est, contrairement à la coupe enjambante, irrégulier), alors qu'on a la possibilité de se référer tout simplement au système du trimètre… Ça me paraîtrait complètement contre-intuitif.
- User5899Demi-dieu
Ca demeure un alexandrin, et Hugo disloque ce type de vers de bien d'autres façons, en jouant sur rejets, contre-rejets et enjambement. Prenez simplement "Nox" au début de Châtiments.nitescence a écrit:Disloquer l'alexandrin, c'est briser sa structure métrique (abolir la césure à l'hémistiche donc). On parle alors de trimètre romantique (4 + 4 + 4).
- User17706Bon génie
ben034 a écrit: puisque le rythme est 5+4+3.
[...] Il me paraît imprudent de ne pas faire correspondre les virgules aux césures.
« Coupes » plutôt, et effectivement, aucune lecture à voix haute ici ne peut beaucoup différer de 4, 4, 4. Une lecture qui couperait en 5-4-3 serait « marseillaise » au sens d'Abraxas : « Un soldat jeuneuh, bouch(e) ouverteuh, tête nu(e) ». Mais même à Marseille on ne fait pas ça, si ?
La lecture à voix haute fait comprendre que les virgules ne décident ici de rien, non ? Comme tout le monde, je lis « un soldat jeune, bouch(e) ouverte, tête nu(e) ».
Désolé de débarquer dans un fil où je n'ai rien à faire, ces trucs-là, je ne peux pas m'empêcher.
- User17706Bon génie
J'en profite pour demander s'il y a un ouvrage qui présente le minimum incontestable à ce sujet.
Le QSJ de Michèle Aquien ? autre chose ?
- nitescenceÉrudit
Cripure a écrit:Ca demeure un alexandrin, et Hugo disloque ce type de vers de bien d'autres façons, en jouant sur rejets, contre-rejets et enjambement. Prenez simplement "Nox" au début de Châtiments.nitescence a écrit:Disloquer l'alexandrin, c'est briser sa structure métrique (abolir la césure à l'hémistiche donc). On parle alors de trimètre romantique (4 + 4 + 4).
non, cripure, un trimètre N'est pas forcément un alexandrin : on peut bien sûr faire coexister coupes et césure a l'hémistiche (c'est ce que fait benoît de Cornulier), mais ici marquer une pause à grand // niais me paraît inapproprié parce que ça suppose de plaquer une grille a priori à un vers qui ne s'y prête pas.
_________________
Mordre. Mordre d'abord. Mordre ensuite. Mordre en souriant et sourire en mordant. (avec l'aimable autorisation de Cripure, notre dieu à tous)
- nitescenceÉrudit
Mazaleyrat, la référence à l'agrég en tout cas...
PauvreYorick a écrit:
J'en profite pour demander s'il y a un ouvrage qui présente le minimum incontestable à ce sujet.
Le QSJ de Michèle Aquien ? autre chose ?
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
nitescence a écrit:Tu reprends la position de Benoît de Cornulier mais je ne pense pas qu'on puisse plaquer ainsi un schéma métrique a priori, surtout au XIXe siècle qui remet en cause ce genre de règles.
On "plaque" un schéma quand on le décèle. Examiner chaque vers de façon indépendante, et en déterminer la structure accentuelle à partir de la seule syntaxe, cela revient à dire qu'un mètre n'a pas de structure accentuelle propre. Il ne se définit plus que par le nombre de syllabes, et je ne vois même plus comment parler de césure.
Ce n'est pas une invention de Cornulier. Boileau :
"Que toujours dans vos vers, le sens, coupant les mots,
Suspende l'hémistiche, en marque le repos."
Refus de l'enjambement interne, pour faire concorder la métrique, qui ne bouge pas, avec les groupes de sens. Au XIXe siècle, il n'y a pas de consensus là-dedans (voir article). De fait, le XIXe siècle est bien trop complexe pour qu'on puisse poser un "c'est comme ça et pas autrement". C'est pourquoi je n'ai pas parlé du XIXe siècle en général, mais de Hugo. Rimbaud, lui, pratique clairement autre chose, qui peut aller dans le sens que tu dis. Mais pas Hugo. Pas Laforgue non plus, manifestement.
On peut refuser la discordance entre syntaxe et métrique, et dire que tout passe par la syntaxe, que pour chaque vers il faut étudier l'organisation syntaxique pour déterminer l'organisation accentuelle. Mais alors je ne vois pas ce qu'il reste de la définition du mètre, à par des syllabes, justement, le mètre n'ayant plus de structure accentuelle propre. Quant à la césure, je ne vois même pas pourquoi la retenir, si elle doit systématiquement se confondre avec un accent de fin de groupe, ou s'effacer.
- trompettemarineMonarque
Gérard Dessons, Henri Meschonnic, Traité du rythme, Des vers et des proses, Dunod, 1998 (surtout à partir de la page 119)
(mais pas facile, je trouve)
(mais pas facile, je trouve)
- User17706Bon génie
Ses Éléments de métrique française de fin 1970 ou début 1980 chez Colin, c'est ça ?nitescence a écrit:Mazaleyrat, la référence à l'agrég en tout cas...
- nitescenceÉrudit
Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:nitescence a écrit:Tu reprends la position de Benoît de Cornulier mais je ne pense pas qu'on puisse plaquer ainsi un schéma métrique a priori, surtout au XIXe siècle qui remet en cause ce genre de règles.
On "plaque" un schéma quand on le décèle. Examiner chaque vers de façon indépendante, et en déterminer la structure accentuelle à partir de la seule syntaxe, cela revient à dire qu'un mètre n'a pas de structure accentuelle propre. Il ne se définit plus que par le nombre de syllabes, et je ne vois même plus comment parler de césure.
Ce n'est pas une invention de Cornulier. Boileau :
"Que toujours dans vos vers, le sens, coupant les mots,
Suspende l'hémistiche, en marque le repos."
Refus de l'enjambement interne, pour faire concorder la métrique, qui ne bouge pas, avec les groupes de sens. Au XIXe siècle, il n'y a pas de consensus là-dedans (voir article). De fait, le XIXe siècle est bien trop complexe pour qu'on puisse poser un "c'est comme ça et pas autrement". C'est pourquoi je n'ai pas parlé du XIXe siècle en général, mais de Hugo. Rimbaud, lui, pratique clairement autre chose, qui peut aller dans le sens que tu dis. Mais pas Hugo. Pas Laforgue non plus, manifestement.
On peut refuser la discordance entre syntaxe et métrique, et dire que tout passe par la syntaxe, que pour chaque vers il faut étudier l'organisation syntaxique pour déterminer l'organisation accentuelle. Mais alors je ne vois pas ce qu'il reste de la définition du mètre, à par des syllabes, justement, le mètre n'ayant plus de structure accentuelle propre. Quant à la césure, je ne vois même pas pourquoi la retenir, si elle doit systématiquement se confondre avec un accent de fin de groupe, ou s'effacer.
bon, j'avoue : j'en veux beaucoup à Cornulier à propos de ses analyses de rimbaud et j'ai peut-être tendance à généraliser mais sur le vers de Hugo je maintiens qu'on peut le lire comme un trimètre et que la césure n'est pas nécessaire et ça me semble même commandé même par le sens du vers dans ce cas précis.
_________________
Mordre. Mordre d'abord. Mordre ensuite. Mordre en souriant et sourire en mordant. (avec l'aimable autorisation de Cripure, notre dieu à tous)
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
e-Wanderer a écrit:Là où je suis moins d'accord, c'est si l'on dit qu'on entend toujours cette structure et qu'on en tire argument pour réfuter la notion de trimètre : c'est un peu extrême, car ça dépend des cas.
Il y a potentiellement superposition de deux systèmes concurrents (par exemple dans le 2e vers d'Apollinaire que je cite, ou dans l'exemple de Hugo "J'ai disloqué ce grand // niais d'alexandrin" (jusque-là on est toujours à peu près d'accord, car on peut suspecter une valeur expressive à cette césure, un effet de sens etc.), mais il y a des cas où la logique du trimètre l'emporte nettement. C'est le cas du premier vers d'Apollinaire que je cite : on ne va jamais marquer une césure (donc un accent) sur un déterminant séparé du substantif ! C'est absurde, aussi bien au plan métrique qu'au plan syntaxique et il n'y a aucun effet d'interprétation à tirer d'une telle lecture. Et c'est aussi le cas du vers de Rimbaud que nous commentons : on ne va pas marquer une césure en plaçant un accent sur bou//che et introduire une césure enjambante (ce qui est, contrairement à la coupe enjambante, irrégulier), alors qu'on a la possibilité de se référer tout simplement au système du trimètre… Ça me paraîtrait complètement contre-intuitif.
Il s'agirait donc de subordonner la structure métrique à l'interprétation qu'on peut en tirer : on accepte le décalage si on peut en dire quelque chose, sinon, on l'évite. Mais pourquoi ? Pourquoi ne pas accepter aussi le bizarre, l'étrange, le truc sur lequel on tique ? Le sens de telles choses, c'est aussi qu'elles aient le droit d'exister, que la poésie puisse prendre ses libertés avec la logique syntaxique, l'intuitif, le naturel. Je ne sais pas, pour Apollinaire. Mais cela me rappelle :
Pareil à la
Feuille morte
Là aussi, j'accentuerais "la". Je n'y vois rien d'autre qu'une provocation, parce que le mot introduit un mot féminin, qui désigne ce à quoi se compare le poète.
Je rejoins tout de même en partie le "ça dépend". Chez Hugo, je n'ai certainement pas envie d'éviter cette discordance, d'une part parce que je ne lis rien en rapport avec le trimètre dans les vers que j'ai cités, d'autre part parce que cette discordance y est souvent très riche. Mais d'autres poètes ont d'autres conceptions (manifestes, ou décelables dans leurs oeuvres) et alors nul ne sert de s'obstiner.
nitescence a écrit:mais sur le vers de Hugo je maintiens qu'on peut le lire comme un trimètre et que la césure n'est pas nécessaire et ça me semble même commandé même par le sens du vers dans ce cas précis.
Oh, mais je ne nie pas qu'on le puisse. Pour tout dire, moi, mon école, c'est Meschonnic et Dessons. J'ai lu Cornulier, mais je ne m'en souviens plus guère.
- e-WandererGrand sage
De toute façon, Benoît de Cornulier est très intéressant à lire : loin de moi l'idée de rejeter par principe ses propositions, souvent très stimulantes. Après, il faut aussi les prendre pour ce qu'elles sont : des propositions, notamment fondées sur les acquis des sciences cognitives.
Par exemple la "règle des 8 syllabes", selon laquelle (c'est la conclusion qu'il tire à partir d'expériences concrètes faites sur un panel de lecteurs contemporains) l'oreille humaine ne serait pas capable d'appréhender plus de 8 syllabes en un seul mouvement. C'est intéressant pour penser le fait qu'on césure seulement les vers qui vont au-delà de ces 8 syllabes (décasyllabe et alexandrin), pour appréhender aussi ce qu'il appelle les vers semi-ternaires (4/8 ou 8/4) dans la poésie contemporaine. Mais on peut aussi se demander par exemple, si les lecteurs de siècles plus anciens avaient la même perception que nous, ou réfléchir sur le fait que, dans la musique indienne ou le jazz, on a parfois des rythmes très complexes, à 9, 11 ou même 13 temps (et dont je ne suis pas sûr qu'il fassent l'objet d'une décomposition). Etc. Comme toute théorie, ça permet de rendre des faits pensables, mais il ne faut pas forcément s'en rendre prisonnier.
Par exemple la "règle des 8 syllabes", selon laquelle (c'est la conclusion qu'il tire à partir d'expériences concrètes faites sur un panel de lecteurs contemporains) l'oreille humaine ne serait pas capable d'appréhender plus de 8 syllabes en un seul mouvement. C'est intéressant pour penser le fait qu'on césure seulement les vers qui vont au-delà de ces 8 syllabes (décasyllabe et alexandrin), pour appréhender aussi ce qu'il appelle les vers semi-ternaires (4/8 ou 8/4) dans la poésie contemporaine. Mais on peut aussi se demander par exemple, si les lecteurs de siècles plus anciens avaient la même perception que nous, ou réfléchir sur le fait que, dans la musique indienne ou le jazz, on a parfois des rythmes très complexes, à 9, 11 ou même 13 temps (et dont je ne suis pas sûr qu'il fassent l'objet d'une décomposition). Etc. Comme toute théorie, ça permet de rendre des faits pensables, mais il ne faut pas forcément s'en rendre prisonnier.
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
Mais je ne m'appuie pas sur les sciences cognitives moi. :'(
- ben034Niveau 1
A aucun moment il n'est question d'accentuer des e caducs... d'où les coupes lyriques.coupes » plutôt, et effectivement, aucune lecture à voix haute ici ne peut beaucoup différer de 4, 4, 4. Une lecture qui couperait en 5-4-3 serait « marseillaise » au sens d'Abraxas : « Un soldat jeuneuh, bouch(e) ouverteuh, tête nu(e) ». Mais même à Marseille on ne fait pas ça, si ?
J'accentue les mêmes syllabes que toi, en respectant les coupes à la ponctuation.La lecture à voix haute fait comprendre que les virgules ne décident ici de rien, non ? Comme tout le monde, je lis « un soldat jeune, bouch(e) ouverte, tête nu(e) ».
- ben034Niveau 1
M'éloigner de la ponctuation, même faible, est trop complexe pour moi.Là où tu fais erreur, c'est que tu te fondes sur la ponctuation pour délimiter les mesures, et non pas sur les accents. Ce qui équivaudrait ici à introduire deux coupes lyriques (et en plus pour obtenir un alexandrin irrégulier 5/4/3 !). La coupe lyrique est possible avant une ponctuation forte :
J'aime. / (coupe lyrique) Ne pense pas // (césure) qu'au moment que je t'aime
Innocente à mes yeux je m'approuve moi-même,…
Ou pour des raisons métriques ou syntaxique, pour tomber sur une structure rythmique régulière ou pour délimiter une structure syntaxique particulière : comme ci-après chez Apollinaire, pour mettre en valeur deux trimètres et délimiter une circonstancielle de temps :
Et tous les lys / quand vos soldats / ô roi Hérode
L'emmenèrent / (coupe lyrique) Se sont flétris / dans mon jardin.
Mais le vers de Rimbaud, qui ne comporte que des ponctuations faibles (virgules) est parfaitement fluide : il n'y a aucune raison d'introduire un phénomène aussi spectaculaire que la coupe lyrique, qui suppose une dissociation de l'accent et de la coupe et une suspension de la voix jusqu'à la fin du [e] atone. C'est pourquoi je parle de trimètre avec deux coupes enjambantes : les coupes s'appuient sur la tombée naturelle des accents, il n'y a pas besoin de forcer les choses.
Un soldat jeu/ne, bouche ouver/te, tête nue
Pour les vers de Baudelaire
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues [...]
Le jour décroît; la nuit augmente, souviens-toi!
Aquien propose un découpage semi-ternaire 5+4+3. C'est précisément la même démarche que j'applique à Rimbaud.
- barègesÉrudit
ben034 a écrit:A aucun moment il n'est question d'accentuer des e caducs... d'où les coupes lyriques.coupes » plutôt, et effectivement, aucune lecture à voix haute ici ne peut beaucoup différer de 4, 4, 4. Une lecture qui couperait en 5-4-3 serait « marseillaise » au sens d'Abraxas : « Un soldat jeuneuh, bouch(e) ouverteuh, tête nu(e) ». Mais même à Marseille on ne fait pas ça, si ?
Je crois qu'il ne parle pas d'accentuer des e caducs mais de les laisser entendre.
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