lecture commune de février : Undset ou Haushofer

De mon côté, j'ai lu Une poignée de vies de Marlen Haushofer. Dans les années 50, en Autriche, une femme (Betty) revient après 20 ans d'absence dans la maison dans laquelle elle vivait avec sa famille. La prenant pour une acheteuse potentielle, l'actuelle propriétaire l'héberge. Dans la chambre, elle tombe sur une boîte de photographies qui la replonge dans le passé. L'écriture est plutôt envoûtante mais j'ai attendu tout au long quelque chose qui n'est jamais arrivé. J'ai trouvé l'ensemble décevant et plutôt invraisemblable (ni son ancienne meilleure amie ni son fils ne la reconnaissent... 20 ans d'absence ne transforment pas quelqu'un, il me semble).

J'ai lu aussi Vigdis la farouche de Sigrid Undset, une sorte de saga autour de Vigdis, jeune Norvégienne dont s'éprend Ljot, un marin islandais. Leur amour naissant est tué dans l'oeuf par une terrible trahison de Ljot dont je ne dévoilerai pas la teneur pour ceux qui liraient ce titre. L'ensemble est très prenant, les coups du sort s'enchaînent... Un livre qui m'a beaucoup plu.

lulucastagnette a écrit:De mon côté, j'ai lu Une poignée de vies de Marlen Haushofer. Dans les années 50, en Autriche, une femme (Betty) revient après 20 ans d'absence dans la maison dans laquelle elle vivait avec sa famille. La prenant pour une acheteuse potentielle, l'actuelle propriétaire l'héberge. Dans la chambre, elle tombe sur une boîte de photographies qui la replonge dans le passé. L'écriture est plutôt envoûtante mais j'ai attendu tout au long quelque chose qui n'est jamais arrivé. J'ai trouvé l'ensemble décevant et plutôt invraisemblable (ni son ancienne meilleure amie ni son fils ne la reconnaissent... 20 ans d'absence ne transforment pas quelqu'un, il me semble).

Comme je l'ai dit plus tôt assez perplexe aussi de cette lecture.
Par contre, l'autrice précise que Élisabeth s'est teint les cheveux et qu'elle à des lunettes teintées et elle reste finalement très peu de temps (48 h à peine...tous les retours en arrière se déroulent sur une nuit d'insomnie)...Ce qui peut rendre vraisemblable qu'elle ne soit pas reconnue.

Spoiler:

J'ai fini de lire Le Mur invisible. Que dire ? Ce livre est un petit miracle.
Comme pour Dans la masure, le style est simple, direct, comme une ligne pure faisant écho à l'élan vital qui aide l'héroïne à subsister. L'histoire se déploie avec finesse et réalisme, et l'on finit réellement par croire avoir trouvé le journal de la narratrice. Cette dernière, robinsonne malgré elle, vit depuis deux ans séparée du reste du monde par un mur invisible dont il ne sera jamais beaucoup question dans le roman.

Aucun ennui ne m'a pris à la lecture des saisons qui défilent, des rituels et du labeur quotidien de l'héroïne. Au contraire : je n'ai pu que difficilement lâcher le livre. Le plus fort, le plus développé et le plus émouvant réside dans la relation que la narratrice développe avec ses animaux. Elle veille sur eux, et eux sur elle d'une certaine façon. Cette relation belle et triste devient peu à peu déchirante... mais je m'arrêterai là sur ce point.
La narratrice semble divulguer trop de choses, mais cela rend son récit plus vraisemblable puisqu'elle écrit sans volonté de créer du suspense. On en apprend quand même de plus en plus, par dévoilements successifs ; il est évident que cela est fait exprès de la part de Marlen Haushofer, même si j'aurais préféré être surprise.
J'ai aussi aimé le fait que la femme (elle n'a pas de nom) n’ait pas de connaissances particulières.

Une belle œuvre !

Mara-Jade a écrit:J'ai fini de lire Le Mur invisible. Que dire ? Ce livre est un petit miracle.
Comme pour Dans la masure, le style est simple, direct, comme une ligne pure faisant écho à l'élan vital qui aide l'héroïne à subsister. L'histoire se déploie avec finesse et réalisme, et l'on finit réellement par croire avoir trouvé le journal de la narratrice. Cette dernière, robinsonne malgré elle, vit depuis deux ans séparée du reste du monde par un mur invisible dont il ne sera jamais beaucoup question dans le roman.

Aucun ennui ne m'a pris à la lecture des saisons qui défilent, des rituels et du labeur quotidien de l'héroïne. Au contraire : je n'ai pu que difficilement lâcher le livre. Le plus fort, le plus développé et le plus émouvant réside dans la relation que la narratrice développe avec ses animaux. Elle veille sur eux, et eux sur elle d'une certaine façon. Cette relation belle et triste devient peu à peu déchirante... mais je m'arrêterai là sur ce point.
La narratrice semble divulguer trop de choses, mais cela rend son récit plus vraisemblable puisqu'elle écrit sans volonté de créer du suspense. On en apprend quand même de plus en plus, par dévoilements successifs ; il est évident que cela est fait exprès de la part de Marlen Haushofer,  même si j'aurais préféré être surprise.
J'ai aussi aimé le fait que la femme (elle n'a pas de nom) n’ait pas de connaissances particulières.

Une belle œuvre !

Merci Mara-Jade pour ton compte rendu.
Je n'ai pas su être aussi précise.
Je suis d'accord avec toi : Si elle révèle certains événements c'est parce qu'elle n'écrit pas un roman. Ces révélations rendent son récit d'autant plus poignant. J'en étais triste à l'avance. J'aurais voulu ralentir le déroulement du récit.

J'anticipe pour la lecture du mois de Mars.
Bien que inconditionnelle de Richard Powers, je serais bien tentée par Patrice Jean.
Vous êtes plusieurs à en parler avec enthousiasme.

Bonjour à tous,
j'ai terminé la lecture de Printemps de Sigrid Undset, auteur que je ne connaissais pas du tout avant ce mois de février et ne crois pas en avoir lu d'autres avis ici.
Torkild et Rose sont amis d'enfance. Torkild aime Rose depuis toujours mais elle préfère attendre le grand amour qui la transportera et qu'elle ne doute pas de reconnaître quand il se présentera. Finalement, ce grand amour n'arrive pas, et, lassée d'attendre, elle se convainc qu'elle aime Torkild et accepte de l'épouser. Leur premier enfant est mort-né et Torkild se fait la promesse de ne plus jamais en avoir d'autre, il est persuadé qu'il ne peut avoir de descendance saine et qu'il doit expier une faute de jeunesse. Sans raconter l'intrigue jusqu'à la fin, le rythme est très lent, et on pourrait aussi avoir l'impression qu'il ne se passer rien tant la narration est vouée à l'introspection, aux sentiments, aux émotions des personnages principaux, amoureux, mais jamais en même temps. Pour finir, c'est Betzy, la brave fille de la campagne, mariée sans amour mais heureuse dans sa vie familiale qui, sous ses airs dévergondés, formule les avis les plus sages.
Cela dit, les aléas vécus par le couple principal m'ont parfois donné l'impression que l'auteur les traitait avec une grande distance, presque de l'ironie, mais je pense que c''est plutôt une interprétation de ma part, due au côté "tout ça pour ça" qui m'a parfois agacée dans cette lecture. Je ne suis pas toujours sufisamment sensible au romantisme lorsqu'il se présente.

J'ai fini à mon tour Dans la Mansarde, de Marlen Haushofer. Je ne refais pas de résumé, déjà donné par Mara-Jade. Je dirai juste qu'on retrouve dans ce roman tout ce qui caractérise Marlen Haushofer : une écriture simple, sans affectation, comme détachée de tout, au service d'une introspection sans concessions ; les grands thèmes qui parcourent toute son oeuvre : l'incommunicabilité, la difficulté à être pleinement, le sentiment de rester en retrait du monde, de la vie. Dans La Mansarde, le personnage principal ne se sent en quelque sorte plus autorisée à vivre normalement depuis un événement traumatique dont on ne saura rien, et qui l'a conduite à vivre deux ans coupée du monde, enfermée dans la surdité. Je n'ai pas lu Le Mur invisible, mais la proximité des sujets, jusque dans la durée exacte de l'isolement, m'a frappée. Ni dans l'un, ni dans l'autre récit, nous n'aurons d'explication au sujet de cette situation peu banale. L'intérêt n'est pas là. Finalement, peu importent les raisons, il semble que, pour Haushofer, nous soyons tous condamnés à l'incompréhension, l'imposture, un simulacre de vie, et que seul l'art - l'écriture, pour elle, le dessin, pour son personnage - permette d'échapper à la folie. Si l'ensemble est très pessimiste, il s' exprime une fragilité qui procède d'une grande sensibilité, laquelle confère à l'écriture beaucoup de délicatesse et de poésie, derrière son apparente simplicité. Peut-être peut-on, pour retrouver un sens qui se dérobe, se raccrocher à la beauté du monde, notamment à celle, fragile, de la nature ?
Une belle lecture, malgré quelques passages un peu longs. Haushofer est une autrice que j'aime bien.

J'ai pu entretemps me procurer le deuxième volume de la trilogie Kristin Lavransdatter : je vais finir le mois avec lui.

J’ai adoré moi aussi Le Mur invisible, vivre avec le personnage au jour le jour et au rythme des saisons.
Pour Patrice Jean, je suis très réservée : je viens de commencer L’homme surnuméraire et cela me met très mal à l’aise. J’ai l’impression d’un livre écrit par le petit frère de Zemmour, avec un drôle de regard sur les femmes et les combats féministes actuels, et une espèce de victimisation des hommes. Cela me laisse un arrière goût bizarre…je poursuis pour voir, mais j’ai hâte de connaître d’autres avis.

cléo a écrit:J’ai adoré moi aussi Le Mur invisible, vivre avec le personnage au jour le jour et au rythme des saisons.
Pour Patrice Jean, je suis très réservée : je viens de commencer L’homme surnuméraire et cela me met très mal à l’aise. J’ai l’impression d’un livre écrit par le petit frère de Zemmour, avec un drôle de regard sur les femmes et les combats féministes actuels, et une espèce de victimisation des hommes. Cela me laisse un arrière goût bizarre…je poursuis pour voir, mais j’ai hâte de connaître d’autres avis.

Il est urgent d'attendre alors

cléo a écrit:J’ai adoré moi aussi Le Mur invisible, vivre avec le personnage au jour le jour et au rythme des saisons.
Pour Patrice Jean, je suis très réservée : je viens de commencer L’homme surnuméraire et cela me met très mal à l’aise. J’ai l’impression d’un livre écrit par le petit frère de Zemmour, avec un drôle de regard sur les femmes et les combats féministes actuels, et une espèce de victimisation des hommes. Cela me laisse un arrière goût bizarre…je poursuis pour voir, mais j’ai hâte de connaître d’autres avis.

Il faut poursuivre la lecture je pense car le chapitre 2 renverse un peu la donne (et la suite de l'Homme surnuméraire me semble plus réussie, comme le roman Tour d'Ivoire au passage). Il y a des moments de bravoure vraiment excellents et savoureux, notamment l'analyse que propose le pédant universitaire du chapitre 1 dans la suite... Mais c'est vrai que Patrice Jean se moque vraiment des idées à la mode et des lieux communs d'une idéologie qui imprègne une certaine bonne conscience de gauche et il tape fort. Mais juste ...il montre bien les contradictions de ces intellectuels qui jouent les révolutionnaires et les subversifs tout en ayant des rêves petits bourgeois et un goût de la distinction qui leur fait mépriser foncièrement le bas peuple considéré comme vulgaire, inculte et totalement infréquentable dans la réalité. C'est vraiment drôle par moments et la satire du discours universitaire est vraiment savoureuse. J'y ai reconnu certains des tics à la mode dans les années 80 et les allusions multiples à Genette, à Deleuze, à Jakobson, à Badiou, à Derrida, à la déconstruction m'ont fait sourire car ça m'a rappelé ma jeunesse lointaine où je savais ce qu'était la bonne littérature, autoréférentielle bien sûr,  et où j'avais de grandes idées que je partageais dans les bars parisiens avec des grands esprits supérieurs.
Mais ça ne va pas plaire à tout le monde c'est clair... Ce n'est pas une lecture consensuelle. Comme Philippe Roth, Houellebecq ou un autre roman vraiment savoureux que j'ai lu récemment : Le Voyant d'Étampes d'Abel Quentin. Il faut aimer l'autodérision et l'humour vache.

Je suis en tous points d'accord avec Mutis.
On peut, par un jugement (trop) rapide, classer Jean dans les auteurs réacs. C'est en réalité un satiriste sans concession, qui dit la difficulté de penser vraiment à l'heure du prêt-à-penser, du culte de l'image et du politiquement correct.

Je poursuis alors…

cléo a écrit:Je poursuis alors…

Oui, j'ai été un peu décontenancé aussi par le chapitre I de l'Homme surnuméraire mais j'ai mieux compris par la suite. Et dans le chapitre II et les suivants j'ai trouvé la veine satirique féroce qui m'avait vraiment fait rire et sourire dans Tour d'Ivoire. Mais ce n'est pas seulement drôle. Il y a des aperçus d'une cruauté réelle digne des grands moralistes du 17ème siècle, de Céline, de Cioran ou de Proust. C'est jubilatoire à mon avis et c'est un miroir qui nécessite parfois pas mal d'autodérision... Et pour moi, c'est un grand auteur, beaucoup moins consensuel et médiatique que des Nothomb, des Schmitt qui sont inoffensifs et gentillets. Et beaucoup plus subtil et subversif à mon goût.

Bonsoir à tous et merci de m'avoir permis de découvrir Marlen Haushofer que je ne connaissais pas du tout.
J'ai profité des derniers moments de vacances de la zone B pour lire Le Mur invisible, en suivant vos conseils. Quand je suis allée l'emprunter à la médiathèque, la bibliothécaire m'a dit qu'elle l'avait justement lu récemment et son commentaire était qu'elle s'était sentie seule, ce qui m'a un peu refroidie et fait différer légèrement cette lecture. J'avais d'ailleurs emporté aussi Le voyant d'Etampes qui me faisait de l'oeil sur son présentoir et je vois qu'il en est question ici aussi. Je ne l'ai pas encore ouvert.
Pour revenir au Mur invisible, je n'ajouterai rien à vos résumés, seulement que cette lecture m'a beaucoup plu et que même si le récit pouvait sembler répétitif, ce n'est absolument pas le cas, j'ai suivi et partagé avec plaisir le quotidien de l'héroïne et de ses bêtes, la sérénité qui se dégage d'elles, et son opiniâtreté, bien qu'elle se dévalorise trop facilement comme pour minimiser ce qu'elle accomplit.

Adren a écrit:Bonsoir à tous et merci de m'avoir permis de découvrir Marlen Haushofer que je ne connaissais pas du tout.
J'ai profité des derniers moments de vacances de la zone B pour lire Le Mur invisible, en suivant vos conseils. Quand je suis allée l'emprunter à la médiathèque, la bibliothécaire m'a dit qu'elle l'avait justement lu récemment et son commentaire était qu'elle s'était sentie seule, ce qui m'a un peu refroidie et fait différer légèrement cette lecture. J'avais d'ailleurs emporté aussi Le voyant d'Etampes qui me faisait de l'oeil sur son présentoir et je vois qu'il en est question ici aussi. Je ne l'ai pas encore ouvert.
Pour revenir au Mur invisible, je n'ajouterai rien à vos résumés, seulement que cette lecture m'a beaucoup plu et que même si le récit pouvait sembler répétitif, ce n'est absolument pas le cas, j'ai suivi et partagé avec plaisir le quotidien de l'héroïne et de ses bêtes, la sérénité qui se dégage d'elles, et son opiniâtreté, bien qu'elle se dévalorise trop facilement comme pour minimiser ce qu'elle accomplit.

Bonsoir
Pour compléter la dernière remarque de @Adren
Il ne faut pas oublier que ce livre a été écrit au début des années 60. Je pense que les femmes , même de fiction, n'avaient pas l'habitude de se mettre en avant. Le syndrome de l'imposteur déjà.
Pour autant le livre n'a  pas vieilli. Il est intemporel. Les thèmes abordés sont universels. Il me semble qu'il reste longtemps en mémoire. Un sentiment étrange, pénétrant reste dans le cœur. A la fois doux et douloureux.

Bonsoir à tous.
Je ne veux pas jouer le rôle de " l'inspecteur des travaux finis" mais est ce qu'on réfléchit pour la lecture de Mars?
On pourait relancer le même sondage ?
Si Ombre veut bien continuer à s'en charger.

Oui, à quel auteur va-t-on s'intéresser ? Un auteur contemporain ? Patrice Jean, peut-être (je ne connais pas du tout). D'ailleurs, je ne connais que les auteurs "classiques" (= étudiés).

Pas de problème.
C'est ici :
https://www.neoprofs.org/t136050-lecture-commune-de-mars#5372016

Merci Ombre .