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tannat
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par tannat Sam 17 Avr 2021 - 20:12
Bonjour à tous et toutes,

Quelqu'un saurait-il m'expliquer l'accord en gras ci-dessous (s'il vous plait):

Ne vous pouvant donner ces ouvrages antiques
Pour votre Saint-Germain, ou pour Fontainebleau,
Je les vous donne (Sire) en ce petit tableau
Peint, le mieux que j'ai pu, des couleurs poétiques :

Qui mis sous votre nom devant les yeux publiques
Si vous le daignez voir en son jour le plus beau,
Se pourra bien vanter d'avoir hors du tombeau
Tiré des vieux Romains les poudreuses reliques

P. 159, "Au roi", Les Antiquités de Rome.


Dernière édition par tannat le Dim 18 Avr 2021 - 17:23, édité 1 fois

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« Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent.  » Samuel Beckett
« C'est un malheur que les hommes ne puissent d'ordinaire posséder aucun talent sans avoir quelque envie d'abaisser les autres.» Vauvenargues
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par Hardy-Laclos Sam 17 Avr 2021 - 20:15
Ne serait-ce pas tout simplement pour créer une harmonie visuelle entre poétiques et publiques ?

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par Invité Sam 17 Avr 2021 - 20:46
ThomCarver a écrit:Ne serait-ce pas tout simplement pour créer une harmonie visuelle entre poétiques et publiques ?

Je dirais également qu'il s'agit d'une rime pour l’œil...mais il est fort possible que je me trompe !
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par tannat Sam 17 Avr 2021 - 20:49
Tout d'abord merci, à vous deux, pour cette première réponse.
Cependant, je me demande pourquoi cela n'apparaît pas dans les notes...

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par Séréna Sam 17 Avr 2021 - 21:15
Montaigne emploie "publique" quel que soit le genre du nom il me semble. Au XVIe beaucoup d'adjectifs ont été formés sur un modèle étymologique (public en fait partie) , puis, par analogie, refaits en "diabolicq", "mathematicq", etc. L'orthographe n'était pas bien fixée et on a gardé des traces de cette confusion avec les adjectifs en -ique: public, mais aussi politique, rustique, poétique...


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par tannat Sam 17 Avr 2021 - 21:22
C'est aussi ce que je me suis dit mais ce qui me gêne c'est que l'orthographe a été modernisée, par ailleurs, il me semble.

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par ernya Sam 17 Avr 2021 - 21:33
Il faut forcément que ce soient les mêmes lettres qui riment, rien de choquant donc, ni qui doive forcément être indiqué en notes.
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par tannat Sam 17 Avr 2021 - 23:27
Merci désolée

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par Delia Dim 18 Avr 2021 - 10:49
La rime n'est pas que pour les yeux :
pu/bli/ques : trois syllabes, le S final empêche l'élision ;
pu/blic ou pu/blics : deux syllabes.

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par tannat Dim 18 Avr 2021 - 11:17
Mais compte-t-on la finale en fin de vers ici ?
Je comptais ainsi :
"Qui /mis/ sous/ vo/tre/ nom /de/vant/ les /yeux/ pu/bliques"
 
Et donc "publiques" en deux syllabes seulement.

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par supernan Dim 18 Avr 2021 - 11:33
Delia a écrit:La rime n'est pas que pour les yeux :
pu/bli/ques  : trois syllabes, le S final empêche l'élision ;
pu/blic ou pu/blics : deux syllabes.

Je ne vois vraiment pas pourquoi ''publiques'' formerait trois syllabes🤔
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par Médée Dim 18 Avr 2021 - 11:35
supernan a écrit:
Delia a écrit:La rime n'est pas que pour les yeux :
pu/bli/ques  : trois syllabes, le S final empêche l'élision ;
pu/blic ou pu/blics : deux syllabes.

Je ne vois vraiment pas pourquoi ''publiques'' formerait trois syllabes🤔

Pareil. Je trouve la même chose que Tannat.

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par Invité Dim 18 Avr 2021 - 13:21
Pour faire un alexandrin, c'est forcément deux syllabes en effet.
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par e-Wanderer Dim 18 Avr 2021 - 14:09
Séréna a écrit:Montaigne emploie "publique" quel que soit le genre du nom il me semble. Au XVIe beaucoup d'adjectifs ont été formés sur un modèle étymologique (public en fait partie) , puis, par analogie, refaits en "diabolicq", "mathematicq", etc. L'orthographe n'était pas bien fixée et on a gardé des traces de cette confusion avec les adjectifs en -ique: public, mais aussi politique, rustique, poétique...

Oui, de même on trouve au sonnet CLXXXI "les grands thermes publiques", et pour le substantif, au sonnet CXXXIII, "leurs trafiques".
Voici ce que dit Ferdinand Brunot, Histoire de la langue française, t. II, p. 287-88 (chapitre "Formes du substantif et de l'adjectif") :

On pourrait croire que Palsgrave est de parti pris quand il réclame au masculin mirificq plutôt que mirifique, s'il n'avait pris soin de nous rapporter les exemples analogues qu'il trouvait chez Lemaire : bellicq, bucolicq, diabolicq, gallicq, mathematicq, mirificq, olimpicq, publicq, sophysticq, tirannicq. Lui-même, bien entendu, est loin d'adopter uniformément ce système, et il écrit à peu près 20 fois ique pour 2 fois icq. Néanmoins ni lui ni Lemaire n'ont inventé cet ic, icq qui n'est pas non plus un pur latinisme. On le trouve dans les textes : art poëtic (Pasquier, Rech. Livre VII […]), ecclestiastics (…); rustics (…). Et l'on sait combien les hésitations de la langue moderne ont été longues pour quelques-uns : hebraïque, laïque, publique. Au XVIe siècle, l'usage me paraît être en général d'écrire par que : angélique (Mar., III, 6); erratique (Mont., III, 11); éthicque (Mar., III, 241); fantastique (…); laïque (…); melancolique (…), poëtique (…); publique (Sylv., Isag., 70; Mar. I, 79, 171 (…); pudique (…) rusticque (…).

Vous me pardonnerez de ne pas avoir recopié toutes les attestations… Mais effectivement, les mêmes phénomènes se retrouvent chez Marot, Montaigne, Saint-Gelais etc.

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par Angelene Dim 18 Avr 2021 - 14:36
Donc on écrivait publique quel que soit le genre...
Par contre la rime ne concerne pas l'orthographe, et il y a bien deux syllabes. D'ailleurs DB fait rimer haut et tombeau.
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par tannat Dim 18 Avr 2021 - 16:44
Merci beaucoup à tous... Je planche sur ce sonnet qui m'intrigue et pour mieux comprendre le dernier (le XXXII).

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par Hocam Dim 18 Avr 2021 - 17:15
Angelene a écrit:
Par contre la rime ne concerne pas l'orthographe

C'est-à-dire ?

Angelene a écrit:D'ailleurs DB fait rimer haut et tombeau.

Non, le passage cité par tannat contient une erreur. Je ne sais pas d'où provient cette erreur mais dans mon édition (Le Livre de Poche, annotée par François Roudaut), page 159, j'ai :

Du Bellay a écrit:Si vous le daignez voir en son jour le plus beau,
Se pourra bien vanter d'avoir hors du tombeau

Je ne trouve pas trace d'une version haut/tombeau sur les moteurs de recherche.
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par tannat Dim 18 Avr 2021 - 17:25
Hocam a écrit:

Non, le passage cité par tannat contient une erreur. Je ne sais pas d'où provient cette erreur mais dans mon édition (Le Livre de Poche, annotée par François Roudaut), page 159, j'ai :

Du Bellay a écrit:Si vous le daignez voir en son jour le plus beau,
Se pourra bien vanter d'avoir hors du tombeau

Je ne trouve pas trace d'une version haut/tombeau sur les moteurs de recherche.

Et vous avez raison, c'est une étourderie de ma part. Désolée, j'ai corrigé.

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Astolphe33
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par Astolphe33 Dim 18 Avr 2021 - 17:42
En effet, la rime tombeau/haut semble bien improbable en un temps où les consonnes finales se prononçaient généralement à la rime. Ainsi vous ne pouvez pas faire rimer toujours avec jour ou tour au singulier. Ce qu'on a appelé après coup rime pour l'œil n'a guère de sens dans les siècles plus anciens, la rime est toujours affaire de sonorité (j'enfonce une porte ouverte).

Juste pour s'amuser : Ronsard, Abrégé de l'art poétique français.
« La rime n'est autre chose qu'une consonance et cadence de syllabes, tombant sur la fin des vers, laquelle je veux que tu observes tant aux masculins qu'aux féminins, de deux entières et parfaites syllabes ou pour le moins d'une aux masculins pourvu qu'elle soit résonnante, et d 'un son entier et parfait. » Exemples de rimes féminines donnés ensuite : France/Espérance, chère/mère.
On comprend donc que Ronsard considère que la rime féminine touche deux syllabes, la seconde incluant le E atone dit improprement muet : Fran/ce, Espéran/ce, la seconde forcément atone évidemment.
Confirmation plus loin à propos des alexandrins :
« lesquels sont composés de douze à treize syllabes, les masculins de douze, les féminins de treize »

Chose évidente pour les gens du Sud 8-) – lesquels ne mangent pas les syllabes atones dans les alexandrins, et entendent parfaitement (car ils la prononcent) dans la rime féminine cette 13e syllabe tout sauf muette. Ce qu'on a institué comme règle uniforme (alexandrin = 12 syllabes) est partiellement fidèle à la réalité acoustique – sauf pour ceux qui prononcent publique comme public.

La chanson en est témoin, du moins dans sa prosodie classique. Exemple avec Trénet : « La mer / a bercé mon cœur / pour la viiiii-eeeee"

Mais si vous écoutez des enregistrements d'archives des années 50, par exemple Edwige Feuillère dans Bérénice, elle prononce parfaitement cette 13e syllabe des rimes féminines, et fait entendre l'harmonie particulière qui distingue vie et vit (pas taper). On pourrait parler des heures de l'écart aujourd'hui entre l'antienne sur "la musicalité du vers racinien" et le fait qu'on le prive (dans la prononciation qui s'est installée et où le E atone morfle grave) d'une partie de ses valeurs musicales (l'écrasement actuel des différences vocaliques n'aide pas, mais c'est un autre sujet).
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par tannat Dim 18 Avr 2021 - 17:52
Merci pour toutes ces informations.
Autre question qui n'a rien à voir avec la prononciation ou l'écriture des vers :
Quelqu'un sait-il si le chiffre trois a un lien avec la Nekuia (ou Nekyia) ?

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par Astolphe33 Dim 18 Avr 2021 - 18:06
tannat a écrit:
Quelqu'un sait-il si le chiffre trois a un lien avec la Nekuia (ou Nekyia) ?

Comment ça ? Tu peux préciser stp ? Et c'est à propos d'un passage dans Du Bellay ?
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par tannat Dim 18 Avr 2021 - 18:20
Oui Sonnet I : je trouve deux occurrence du chiffre trois et même du GN "trois fois". J'ai cherché et trouvé que lors de la Nekuia d'Ulysse, il tente par trois fois de serrer sa mère dans ses bras et trois fois il échoue => Symbolique, non ? d'autant que la mère d'Ulysse, Anticlée, explique la chose "l'ombre prend sa volée et s'enfuit comme un songe" lorsque l'âme quitte les os blanchis...
Mais j'hésite, car j'ai peur de me tromper. C'est peut-être un lien avec Virgile (et du coup la catabase et non la Nekuia). Bref, je rame un peu parce que je m'interroge sur tout et que j'ai peur de me tromper.

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par Astolphe33 Dim 18 Avr 2021 - 18:45
Le "trois fois", "par trois fois", a je crois une valeur rituelle/magique assez diffuse dans la culture antique. Dans Phèdre de Racine, Œnone à l'acte I : "Les ombres par trois fois ont obscurci les cieux… Et le jour a trois fois chassé la nuit obscure…" Je ne crois pas que ce soit spécifiquement lié au royaume des morts, plutôt à quelque chose de rituel, de sacré. Mais je dis ça un peu en l'air.
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par tannat Dim 18 Avr 2021 - 19:04
Sonnet I a écrit:Divins Esprits, dont la poudreuse cendre
Gît sous le faix de tant de murs couverts,
Non votre los, qui vif par vos beaux vers
Ne se verra sous la terre descendre,

Si des humains la voix se peut étendre
Depuis ici jusqu'au fond des enfers,
Soient à mon cri les abîmes ouverts
Tant que d'abas vous me puissiez entendre.

Trois fois cernant sous le voile des cieux
De vos tombeaux le tour dévotieux,
A haute voix trois fois je vous appelle :

J'invoque ici votre antique fureur,
En cependant que d'une sainte horreur
Je vais chantant votre gloire plus belle.

Invocation des Mânes et non des muses (ou de la Muse) et sans doute plus encore des poètes disparus... S'agit-il de faire resurgir des Enfers les âmes des poètes disparus, pour obtenir d'eux la fureur divine qui génère une parole créatrice et féconde ?

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par Astolphe33 Dim 18 Avr 2021 - 19:16
tannat a écrit:
Invocation des Mânes et non des muses (ou de la Muse) et sans doute plus encore des poètes disparus... S'agit-il de faire resurgir des Enfers les âmes des poètes disparus, pour obtenir d'eux la fureur divine qui génère une parole créatrice et féconde ?
Il me semble que c'est à peu près ça. Une invocation magique, comme quand on fait surgir les morts dans la nécromancie, et qui place le poète dans une posture de célébration de ces puissances tutélaires (les "esprits" des poètes antiques). Avec toujours l'ambiguïté que cette célébration (geste typiquement lyrique, "célébrer jusques à l'extrémité", c'est le but du poète lyrique selon Ronsard) se confond avec une mise en scène, une "scénographie" sacrée "à l'antique", qui met en relief la voix propre du poète moderne, la force de sa voix : le poème est à la fois centré sur VOUS et sur JE.
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