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- KikiHabitué du forum
Hier après-midi (était-ce l'heure ?) j'ai fait lire à une 4e faible "Rêvé pour l'hiver" de Rimbaud. Les élèves étaient excités car il y avait le mot "baiser". "Dans chaque coin moelleux repose un nid de baisers fous". Comme le poème était dédicacé à une femme, je leur ai fait comprendre que c'était un moyen de séduire une femme ou de provoquer son admiration. Les élèves, que je trouve égocentriques car ils saisissent le moindre prétexte pour parler d'eux-mêmes, m'ont dit que ce poème était nul car "maintenant, il suffit d'envoyer un SMS écrit JTM pour choper la meuf." Ils trouvent aussi que la poésie c'est nul car c'est fatigant. Heureusement, il ne reste plus q'une semaine pour terminer cette séquence.
J'hésite donc à proposer à nouveau ce poème à des 4e.
Pensez-vous parfois parfois à vous censurer. Si oui pour quels textes ?
J'hésite donc à proposer à nouveau ce poème à des 4e.
Pensez-vous parfois parfois à vous censurer. Si oui pour quels textes ?
- Invité24Vénérable
je n'ai censuré dans ma carrière qu'un extrait d'un texte de balzac, pour des 6°:
une passion dans le désert, où un soldat perdu entretient une amitié avec une pnathère. J'ai coupé les allusions trop ambigues au corps de l'animal, genre " oh! quelle belle croupe, on dirait une femme!!!"
une passion dans le désert, où un soldat perdu entretient une amitié avec une pnathère. J'ai coupé les allusions trop ambigues au corps de l'animal, genre " oh! quelle belle croupe, on dirait une femme!!!"
- ysabelDevin
Jamais de censure... C'est un principe ; quand on commence on ne sait jamais quand on s'arrête.
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« vous qui entrez, laissez toute espérance ». Dante
« Il vaut mieux n’avoir rien promis que promettre sans accomplir » (L’Ecclésiaste)
- AbraxasDoyen
C'est choquant, de censurer Une passion dans le désert.
Tant qu'à faire, autant prendre un autre texte.
J'ai fait des manuels scolaires pendant des années, sans jamais rien sucrer. Mais j'avais fait la liste, à l'époque, de toutes les censures (jamais signalées) du Lagarde & Michard. Ces cons ont même laissé des pseudo-fautes de frappe ("châtié" au lieu de "châtré", dans la Ballade des dames du temps jadis), pour éviter les problèmes dans les écoles privées des années 60…
Tant qu'à faire, autant prendre un autre texte.
J'ai fait des manuels scolaires pendant des années, sans jamais rien sucrer. Mais j'avais fait la liste, à l'époque, de toutes les censures (jamais signalées) du Lagarde & Michard. Ces cons ont même laissé des pseudo-fautes de frappe ("châtié" au lieu de "châtré", dans la Ballade des dames du temps jadis), pour éviter les problèmes dans les écoles privées des années 60…
- AnguaGrand sage
Plutôt que de censurer, je change de texte quand j'ai un doute sur l'effet que ça peut produire... parfois, j'hésite, et j'ai de bonnes surprises quand j'ose.
Cette semaine, nous avons lu en 6e des versions folkloriques du Petit Chaperon Rouge en complément de celles de Grimm et Perrault (nivernaise et du Velay, dans le recueil Petits Classiques Larousse), j'appréhendais un peu... et en fait, même si certains ont pouffé (le contraire m'aurait inquiétée!) ont vraiment bien réagi. Bien sûr, on n'a pas évoqué la symbolique sexuelle de la scène, mais ils ont compris que le conte n'était pas réservé aux enfants et m'ont donné l'impression d'être fiers d'être considérés comme des grands, surtout quand l'un d'eux a remarqué que passé un certain âge, les allusions scato... ça ne faisait plus rire.
(je précise que tout 6e et enfantins qu'ils sont, c'est une très bonne classe)
Cette semaine, nous avons lu en 6e des versions folkloriques du Petit Chaperon Rouge en complément de celles de Grimm et Perrault (nivernaise et du Velay, dans le recueil Petits Classiques Larousse), j'appréhendais un peu... et en fait, même si certains ont pouffé (le contraire m'aurait inquiétée!) ont vraiment bien réagi. Bien sûr, on n'a pas évoqué la symbolique sexuelle de la scène, mais ils ont compris que le conte n'était pas réservé aux enfants et m'ont donné l'impression d'être fiers d'être considérés comme des grands, surtout quand l'un d'eux a remarqué que passé un certain âge, les allusions scato... ça ne faisait plus rire.
(je précise que tout 6e et enfantins qu'ils sont, c'est une très bonne classe)
- ysabelDevin
Abraxas a écrit:C'est choquant, de censurer Une passion dans le désert.
Tant qu'à faire, autant prendre un autre texte.
J'ai fait des manuels scolaires pendant des années, sans jamais rien sucrer. Mais j'avais fait la liste, à l'époque, de toutes les censures (jamais signalées) du Lagarde & Michard. Ces cons ont même laissé des pseudo-fautes de frappe ("châtié" au lieu de "châtré", dans la Ballade des dames du temps jadis), pour éviter les problèmes dans les écoles privées des années 60…
Oui, Montesquieu est censuré, De l'esclavage des nègres, il manque un argument hautement scandaleux
"Il est si naturel de penser que c'est la couleur qui constitue l'essence de l'humanité, que les peuples d'Asie, qui font des eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu'ils ont avec nous d'une manière plus marquée."
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- JohnMédiateur
"Il est si naturel de penser que c'est la couleur qui constitue l'essence de l'humanité, que les peuples d'Asie, qui font des eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu'ils ont avec nous d'une manière plus marquée."
Han, on me l'a effectivement fait étudier au lycée dans une version expurgée !!!
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- thrasybuleDevin
Ah le lagarde et michard: avec une copine, on s'était amusé à relever leurs sens désopilant de l'allusion et de l'euphémisme; je n'ai pas leur manuel sous la main mais je me souviens de l'article consacré à Gide et notamment de ses voyages en Afrique du nord où il découvre "les troublants secrets des oasis", ou un truc comme ça c'est sûr qu'après des années d'éducation calviniste, il devait avoir envie de se désaltérer!! Je me souviens aussi de leurs propos sur le deuxième sexe de Simone: ils résument sa thèse en y insérant sans cesse des modalisateurs comme "à l'en croire, la femme serait"...et terminent par "mais, de toute façon, son point de vue se trouve contredit par l'instinct maternel"...la messe est dite!!
- CathEnchanteur
Kiki a écrit: Les élèves, que je trouve égocentriques car ils saisissent le moindre prétexte pour parler d'eux-mêmes, m'ont dit que ce poème était nul car "maintenant, il suffit d'envoyer un SMS écrit JTM pour choper la meuf." Ils trouvent aussi que la poésie c'est nul car c'est fatigant.
Même genre de réaction en 2°pro. Je réponds d'un ton lourd de sous-entendu: "Ben ça dépend du genre de fille..."
- SessiExpert
cath5660 a écrit:Kiki a écrit: Les élèves, que je trouve égocentriques car ils saisissent le moindre prétexte pour parler d'eux-mêmes, m'ont dit que ce poème était nul car "maintenant, il suffit d'envoyer un SMS écrit JTM pour choper la meuf." Ils trouvent aussi que la poésie c'est nul car c'est fatigant.
Même genre de réaction en 2°pro. Je réponds d'un ton lourd de sous-entendu: "Ben ça dépend du genre de fille..."
Et je dirais aussi que ça dépend s'ils veulent passer la nuit avec elle ou la vie!
Je ne pense qu'il faille censurer. Je trouve que nos zozos ne sont déjà plus étonnés par rien (ou presque), voilà de quoi les surprendre et c'est bien. Surtout quand il s'agit de poésie et d'amour, leurs rires et leurs remarques c'est une façon de masquer leur gêne, parce qu'ils croient s'y connaître et ce genre de remarques prouve quand même que non. Ils jouent les durs mais ils sont souvent super complexés.
Quand je fais le Déserteur de Vian avec les 4°, je leur donne toujours en complément le Déserteur de Renaud. Je me suis aussi déjà posé la question de savoir si je devais couper des passages. Ce serait le comble pour cette chanson! Donc je laisse.
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- Tout ce que nous pouvons faire est d'ajouter à la création, le plus que nous le pouvons, pendant que d'autres travaillent à la destruction. C'est ce long, patient et secret effort qui a fait avancer réellement les hommes depuis qu'ils ont une histoire.-
Albert Camus
- RuthvenGuide spirituel
Je choisis mes textes afin de ne pas avoir à faire de coupes, en particulier chez Nietzsche dont la rhétorique apparemment racialiste supposerait des tonnes d'explication afin de lever les ambiguïtés...
Sinon, je modifie après coup mes cours en fonction de leur réception : je ne passerai plus Blue Velvet dans mon cours sur le désir, et je ne ferai plus ce splendide texte de Bataille qui m'a valu un très grand moment de solitude; j'évoque la thèse sans faire lire le texte :
G.Bataille L’érotisme
Ce qui dès l'abord est sensible dans l'érotisme est l'ébranlement, par un désordre pléthorique, d'un ordre expressif d'une réalité parcimonieuse, d'une réalité fermée.
La sexualité de l'animal met en jeu ce même désordre pléthorique, mais aucune résistance, aucune barrière ne lui est opposée. Librement, le désordre animal s'abîme dans une violence indéfinie. La rupture se consomme, un flot tumultueux se perd, puis la solitude de l'être discontinu se referme. La seule modification de la discontinuité individuelle dont l'animal estsusceptible est la mort. L'animal meurt, sinon, le désordre passé, la discontinuité intacte demeure.
Dans la vie humaine, au contraire, la violence sexuelle ouvre une plaie. Rarement la plaie se referme d'elle-même : il est nécessaire de la fermer. Même sans une constante attention, que fonde l'angoisse, elle ne peut demeurer fermée. L'angoisse élémentaire liée au désordre sexuel est significative de la mort. La violence de ce désordre, quand l'être qui l'éprouve a la connaissance de la mort, rouvre en lui l'abîme que la mort lui révéla. L'association de la violence de la mort et de la violence sexuelle a ce double sens. D'un côté, la convulsion de la chair est d'autant plus précipitée qu'elle est proche de la défaillance, et de l'autre la défaillance, à la condition qu'elle en laisse le temps, favorise la volupté. L'angoisse mortelle n'incline pas nécessairement à la volupté, mais la volupté, dans l'angoisse mortelle, est plus profonde.
L'activité érotique n'a pas toujours ouvertement cet aspect néfaste, elle n'est pas toujours cette fêlure mais, profondément, secrètement, cette fêlure étant le propre de la sensualité humaine est le ressort du plaisir. Ce qui, dans l'appréhension de la mort, retire le souffle, de quelque manière, au moment suprême, doit couper la respiration.
Le principe même de l'érotisme apparaît d'abord à l'opposé de cette horreur paradoxale. C'est la pléthore desorganes génitaux. C'est un mouvement animal en nous qui est l'origine de la crise. Mais la transe des organes n'est pas libre. Elle ne peut se donner cours sans l'accord de la volonté. La transe des organes dérange une ordonnance, un système sur lequel reposent l'efficacité et le prestige. L'être en vérité se divise, son unité se rompt, dès le premier instant de la crise sexuelle. A ce moment, la vie pléthorique de la chair se heurte à la résistance de l'esprit. Même l'accord apparent ne suffit pas : la convulsion de la chair, au delà du consentement, demande le silence, elle demande l'absence de l'esprit. Le mouvement charnel est singulièrement étranger à la vie humaine - il se déchaîne en dehors d'elle, à la condition qu'elle se taise, à la condition qu'elle s'absente. Celui qui s'abandonne à ce mouvement n'est plus humain, c'est à la manière des bêtes, une aveugle violence qui se réduit au déchaînement, qui jouit d'être aveugle, et d'avoir oublié. Un interdit vague et général s'oppose à la liberté de cette violence, que nous connaissons moins par une information donnée du dehors que, directement, par une expérience intérieure de son caractère inconciliable avec notre humanité fondamentale. L'interdit général n'est pas formulé. Il n'en appert dans le cadre des convenances que des aspects aléatoires, qui varient en raison des situations et des personnes, sans parler des temps et des régions. Ce que dit la théologie chrétienne du péché de la chair représente, aussi bien par une impuissance de l'interdiction énoncée que par l'outrance des commentaires multipliés (je songe à l'Angleterre de l'époque victorienne), l'aléa, l'inconsistance, en même temps la violence répondant à la violence, des réactions de refus. Seule l'expérience des états où nous sommes banalement dans l'activité sexuelle, de leur discordance devant les conduites socialement reçues, nous met à même de reconnaître un aspect inhumain de cette activité. La pléthore des organes appelle ce déchaînement de mécanismes étrangers à l'ordonnance habituelle des conduites humaines. Un gonflement de sang reverse l'équilibre sur lequel se fondait la vie. Une rage, brusquement, s'empare d'un être. Cette rage nous est familière, mais nous imaginons facilement la surprise de celui qui n'en aurait pas connaissance et qui, par une machination, découvrirait sans être vu les transports amoureux d'une femme dont la distinction l'aurait frappé. Il y verrait une maladie, l'analogue de la rage des chiens. Comme si quelque chienne enragée s'était substituée à la personnalité de celle qui recevait si dignement... C'est même trop peu parler de maladie. Pour le moment, la personnalité est morte. Sa mort, pour le moment, laisse la place à la chienne, qui profite du silence, de l'absence de la morte. La chienne jouit - elle jouit en criant - de ce silence et de cette absence. Le retour de la personnalité la glacerait, il mettrait fin à la volupté dans laquelle elle est perdue. Le déchaînement n'a pas toujours la violence impliquée dans ma représentation. Celle-ci n'en est pas moins significative d'une opposition première.
C'est d'abord un mouvement naturel, mais ce mouvement ne peut se donner libre cours sans briser une barrière. Si bien que, dans l'esprit, cours naturel et barrière renversée se confondent. Le cours naturel signifie la barrière renversée. La barrière renversée signifie le cours naturel. La barrière renversée n'est pas la mort. Mais de même que la violence de la mort renverse entièrement - définitivement - l'édifice de la vie, la violence sexuelle renverse en un point, pour un temps, la structure de cet édifice. La théologie chrétienne, en effet, assimile à la mort la ruine morale consécutive au péché de la chair. Il y a, nécessairement lié au moment de la volupté, une rupture mineure évocatrice de la mort - en contrepartie, l'évocation de la mort peut entrer dans la mise en branle des spasmes voluptueux. Le plus souvent, cela se réduit au sentiment d'une transgression dangereuse pour la stabilité générale et la conservation de la vie - sans laquelle serait impossible un libre déchaînement. Mais la transgression n'est pas seulement nécessaire en fait à cette liberté. Il arrive que, sans l'évidence d'une transgression, nous n'éprouvons plus ce sentiment de liberté qu'exige la plénitude de l’accomplissement sexuel. Si bien qu'une situation scabreuse est parfois nécessaire à l'esprit blasé pour accéder au réflexe de la jouissance finale (ou, sinon la situation elle-même, sa représentation poursuivie dans le temps de la conjonction, comme en un rêve éveillé).
Sinon, je modifie après coup mes cours en fonction de leur réception : je ne passerai plus Blue Velvet dans mon cours sur le désir, et je ne ferai plus ce splendide texte de Bataille qui m'a valu un très grand moment de solitude; j'évoque la thèse sans faire lire le texte :
G.Bataille L’érotisme
Ce qui dès l'abord est sensible dans l'érotisme est l'ébranlement, par un désordre pléthorique, d'un ordre expressif d'une réalité parcimonieuse, d'une réalité fermée.
La sexualité de l'animal met en jeu ce même désordre pléthorique, mais aucune résistance, aucune barrière ne lui est opposée. Librement, le désordre animal s'abîme dans une violence indéfinie. La rupture se consomme, un flot tumultueux se perd, puis la solitude de l'être discontinu se referme. La seule modification de la discontinuité individuelle dont l'animal estsusceptible est la mort. L'animal meurt, sinon, le désordre passé, la discontinuité intacte demeure.
Dans la vie humaine, au contraire, la violence sexuelle ouvre une plaie. Rarement la plaie se referme d'elle-même : il est nécessaire de la fermer. Même sans une constante attention, que fonde l'angoisse, elle ne peut demeurer fermée. L'angoisse élémentaire liée au désordre sexuel est significative de la mort. La violence de ce désordre, quand l'être qui l'éprouve a la connaissance de la mort, rouvre en lui l'abîme que la mort lui révéla. L'association de la violence de la mort et de la violence sexuelle a ce double sens. D'un côté, la convulsion de la chair est d'autant plus précipitée qu'elle est proche de la défaillance, et de l'autre la défaillance, à la condition qu'elle en laisse le temps, favorise la volupté. L'angoisse mortelle n'incline pas nécessairement à la volupté, mais la volupté, dans l'angoisse mortelle, est plus profonde.
L'activité érotique n'a pas toujours ouvertement cet aspect néfaste, elle n'est pas toujours cette fêlure mais, profondément, secrètement, cette fêlure étant le propre de la sensualité humaine est le ressort du plaisir. Ce qui, dans l'appréhension de la mort, retire le souffle, de quelque manière, au moment suprême, doit couper la respiration.
Le principe même de l'érotisme apparaît d'abord à l'opposé de cette horreur paradoxale. C'est la pléthore desorganes génitaux. C'est un mouvement animal en nous qui est l'origine de la crise. Mais la transe des organes n'est pas libre. Elle ne peut se donner cours sans l'accord de la volonté. La transe des organes dérange une ordonnance, un système sur lequel reposent l'efficacité et le prestige. L'être en vérité se divise, son unité se rompt, dès le premier instant de la crise sexuelle. A ce moment, la vie pléthorique de la chair se heurte à la résistance de l'esprit. Même l'accord apparent ne suffit pas : la convulsion de la chair, au delà du consentement, demande le silence, elle demande l'absence de l'esprit. Le mouvement charnel est singulièrement étranger à la vie humaine - il se déchaîne en dehors d'elle, à la condition qu'elle se taise, à la condition qu'elle s'absente. Celui qui s'abandonne à ce mouvement n'est plus humain, c'est à la manière des bêtes, une aveugle violence qui se réduit au déchaînement, qui jouit d'être aveugle, et d'avoir oublié. Un interdit vague et général s'oppose à la liberté de cette violence, que nous connaissons moins par une information donnée du dehors que, directement, par une expérience intérieure de son caractère inconciliable avec notre humanité fondamentale. L'interdit général n'est pas formulé. Il n'en appert dans le cadre des convenances que des aspects aléatoires, qui varient en raison des situations et des personnes, sans parler des temps et des régions. Ce que dit la théologie chrétienne du péché de la chair représente, aussi bien par une impuissance de l'interdiction énoncée que par l'outrance des commentaires multipliés (je songe à l'Angleterre de l'époque victorienne), l'aléa, l'inconsistance, en même temps la violence répondant à la violence, des réactions de refus. Seule l'expérience des états où nous sommes banalement dans l'activité sexuelle, de leur discordance devant les conduites socialement reçues, nous met à même de reconnaître un aspect inhumain de cette activité. La pléthore des organes appelle ce déchaînement de mécanismes étrangers à l'ordonnance habituelle des conduites humaines. Un gonflement de sang reverse l'équilibre sur lequel se fondait la vie. Une rage, brusquement, s'empare d'un être. Cette rage nous est familière, mais nous imaginons facilement la surprise de celui qui n'en aurait pas connaissance et qui, par une machination, découvrirait sans être vu les transports amoureux d'une femme dont la distinction l'aurait frappé. Il y verrait une maladie, l'analogue de la rage des chiens. Comme si quelque chienne enragée s'était substituée à la personnalité de celle qui recevait si dignement... C'est même trop peu parler de maladie. Pour le moment, la personnalité est morte. Sa mort, pour le moment, laisse la place à la chienne, qui profite du silence, de l'absence de la morte. La chienne jouit - elle jouit en criant - de ce silence et de cette absence. Le retour de la personnalité la glacerait, il mettrait fin à la volupté dans laquelle elle est perdue. Le déchaînement n'a pas toujours la violence impliquée dans ma représentation. Celle-ci n'en est pas moins significative d'une opposition première.
C'est d'abord un mouvement naturel, mais ce mouvement ne peut se donner libre cours sans briser une barrière. Si bien que, dans l'esprit, cours naturel et barrière renversée se confondent. Le cours naturel signifie la barrière renversée. La barrière renversée signifie le cours naturel. La barrière renversée n'est pas la mort. Mais de même que la violence de la mort renverse entièrement - définitivement - l'édifice de la vie, la violence sexuelle renverse en un point, pour un temps, la structure de cet édifice. La théologie chrétienne, en effet, assimile à la mort la ruine morale consécutive au péché de la chair. Il y a, nécessairement lié au moment de la volupté, une rupture mineure évocatrice de la mort - en contrepartie, l'évocation de la mort peut entrer dans la mise en branle des spasmes voluptueux. Le plus souvent, cela se réduit au sentiment d'une transgression dangereuse pour la stabilité générale et la conservation de la vie - sans laquelle serait impossible un libre déchaînement. Mais la transgression n'est pas seulement nécessaire en fait à cette liberté. Il arrive que, sans l'évidence d'une transgression, nous n'éprouvons plus ce sentiment de liberté qu'exige la plénitude de l’accomplissement sexuel. Si bien qu'une situation scabreuse est parfois nécessaire à l'esprit blasé pour accéder au réflexe de la jouissance finale (ou, sinon la situation elle-même, sa représentation poursuivie dans le temps de la conjonction, comme en un rêve éveillé).
- OdalisqFidèle du forum
Question pas évidente je trouve...
Peut-on étudier la Vénus de Rimbaud au lycée ou encore évoquer la rupture moderne en peinture d'un Courbet et de son fameux chef-d'oeuvre sans voir débarquer des parents d'élèves?
Avis à ceux qui ont tenté des textes ou des oeuvres susceptibles de choquer...
Peut-on étudier la Vénus de Rimbaud au lycée ou encore évoquer la rupture moderne en peinture d'un Courbet et de son fameux chef-d'oeuvre sans voir débarquer des parents d'élèves?
Avis à ceux qui ont tenté des textes ou des oeuvres susceptibles de choquer...
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- CathEnchanteur
John a écrit:"Il est si naturel de penser que c'est la couleur qui constitue l'essence de l'humanité, que les peuples d'Asie, qui font des eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu'ils ont avec nous d'une manière plus marquée."
Han, on me l'a effectivement fait étudier au lycée dans une version expurgée !!!
Je l'explique en bac pro, les élèves sont épouvantés en découvrant l'existence des eunuques.
Peut-être plus que par les détails sur l'esclavage...
Pour ceux qui veulent en savoir plus...:
http://www.weblettres.net/spip/article.php3?id_article=367
- RuthvenGuide spirituel
Odalisq a écrit:Question pas évidente je trouve...
Peut-on étudier la Vénus de Rimbaud au lycée ou encore évoquer la rupture moderne en peinture d'un Courbet et de son fameux chef-d'oeuvre sans voir débarquer des parents d'élèves?
Avis à ceux qui ont tenté des textes ou des oeuvres susceptibles de choquer...
En lycée, je n'ai jamais eu aucun retour négatif des parents même de la part des familles assez traditionalistes, pourtant je mobilise parfois des thèmes et des textes susceptibles de choquer. Tout dépend du contexte de l'étude ; si c'est sérieux et cohérent d'un point de vue culturel, le texte ne choque pas et je ne crois pas que les familles interviennent. Il est vrai qu'ils sont en Terminale et qu'on passe peut-être plus de choses au prof de philo...
PS. Pour ceux qui s'intéressent aux eunuques, je conseille la lecture du Traité des eunuques (1707) de Charles Ancillon avec l'intro. de Michela Gardini, chez L'Harmattan/Bergamo University Press, 2007
- ysabelDevin
j'adore quand je fais ce texte ; innocemment je demande aux garçons : vos avis jeunes hommes, que préférez-vous ? châtrés ou esclaves ?
Evidemment ça a toujours son effet. Les filles sont mortes de rire et les garçons sont unanimes : ils préfèrent être esclaves entiers qu'eunuques libres
Evidemment ça a toujours son effet. Les filles sont mortes de rire et les garçons sont unanimes : ils préfèrent être esclaves entiers qu'eunuques libres
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- ysabelDevin
Odalisq a écrit:Question pas évidente je trouve...
Peut-on étudier la Vénus de Rimbaud au lycée ou encore évoquer la rupture moderne en peinture d'un Courbet et de son fameux chef-d'oeuvre sans voir débarquer des parents d'élèves?
Avis à ceux qui ont tenté des textes ou des oeuvres susceptibles de choquer...
jamais eu de pb...
Cette semaine on va voir en textes complémentaires des blasons féminins dont Le blason de Brassens, des textes d'Apollinaire assez osés. On travaille sur le littéraire pas sur autre chose.
Et les élèves sont toujours soufflés de voir comment les auteurs peuvent parler de sexualité de manière aussi délicate finalement ; et ils sont contents d'apprendre plein de mots !
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- AbraxasDoyen
Le ponpon, c'est Pantagruel — chapitre III, et ce que lui ont fait les fameux duettistes.
LM 1956 : "HA, Badebec, ma mignonne, ma mie, jamais je ne te verrai…"
LM 1972 : "Ha ! Badebec, ma mignonne, ma mie, ma pantoufle, ma savate, jamais je ne te verrai…"
Texte de Rabelais : "Ha, Badebec, ma mignonne, m'amye, mon petit con (toutesfois elle en avait bien troys arpens et deux sexterées), ma tendrette, ma braguette, ma savate, ma pantofle, jamais je ne te verray ! "
Qui est cap' de donner "petit con de trois arpents" comme exemple d'oxymore ? Vous canez, hein ? Vous préférez en rester aux classiques, "nuit blanche", "obscure clarté", "femme intelligente"…
Tt-tt, auto-censure, quand tu nous tiens…
LM 1956 : "HA, Badebec, ma mignonne, ma mie, jamais je ne te verrai…"
LM 1972 : "Ha ! Badebec, ma mignonne, ma mie, ma pantoufle, ma savate, jamais je ne te verrai…"
Texte de Rabelais : "Ha, Badebec, ma mignonne, m'amye, mon petit con (toutesfois elle en avait bien troys arpens et deux sexterées), ma tendrette, ma braguette, ma savate, ma pantofle, jamais je ne te verray ! "
Qui est cap' de donner "petit con de trois arpents" comme exemple d'oxymore ? Vous canez, hein ? Vous préférez en rester aux classiques, "nuit blanche", "obscure clarté", "femme intelligente"…
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- thrasybuleDevin
J'ai étudié l'an dernier Là-bas de Huysmans:au dernier moment, j'ai coupé la scène finale de la messe noire qui était, à mots couverts, ce qui n'était pas le cas du prêtre, une scène de fellation avec un enfant de choeur avec en prime une parodie de la communion... mais la scène en elle-même était assez trash mais l'écriture artiste du romancier a permis sans doute d'éviter les réactions des parents..en tout cas je n'ai eu aucun retour et l'oeuvre a été présentée au bac
- JohnMédiateur
Qui est cap' de donner "petit con de trois arpents" comme exemple d'oxymore ?
Chiche ? Moi je leur donnais jusque là "le pénible fardeau de n'avoir rien à faire".
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- ysabelDevin
Abraxas a écrit:Le ponpon, c'est Pantagruel — chapitre III, et ce que lui ont fait les fameux duettistes.
LM 1956 : "HA, Badebec, ma mignonne, ma mie, jamais je ne te verrai…"
LM 1972 : "Ha ! Badebec, ma mignonne, ma mie, ma pantoufle, ma savate, jamais je ne te verrai…"
Texte de Rabelais : "Ha, Badebec, ma mignonne, m'amye, mon petit con (toutesfois elle en avait bien troys arpens et deux sexterées), ma tendrette, ma braguette, ma savate, ma pantofle, jamais je ne te verray ! "
Qui est cap' de donner "petit con de trois arpents" comme exemple d'oxymore ? Vous canez, hein ? Vous préférez en rester aux classiques, "nuit blanche", "obscure clarté", "femme intelligente"…
Tt-tt, auto-censure, quand tu nous tiens…
ici ça implique aussi de donner la définition de con car les élèves l'ignorent... je sens que je vais m'y amuser cette semaine quand je vais faire le texte de Brassens
Eh ! j'avais raté cela ! non mais c'est quoi ça... mine de rien on laisse glisser des choses qui fâchent !
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- JohnMédiateur
Qui est cap' de donner "petit con de trois arpents" comme exemple d'oxymore ? Vous canez, hein ? Vous préférez en rester aux classiques, "nuit blanche", "obscure clarté", "femme intelligente"…
Eh ! j'avais raté cela ! non mais c'est quoi ça... mine de rien on laisse glisser des choses qui fâchent !
Moi ça ne m'avait pas fâché. Les femmes sont susceptibles...
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- AbraxasDoyen
Et effectivement, "con", plus personne ne sait.
Pour la petite histoire et les élèves, le passage du concret à l'abstrait date de la fin du Premier empire — première occurrence écrite dans une lettre de Stendhal des années 1830.
Mais en littérature au moins, ça continue à s'utiliser dans son sens premier. Je n'irai pas jusqu'à donne rune liste des bons auteurs pornographiques, que de toute façon tout le monde a dans sa bibliothèque, n'est-ce pas, John…
Pour la petite histoire et les élèves, le passage du concret à l'abstrait date de la fin du Premier empire — première occurrence écrite dans une lettre de Stendhal des années 1830.
Mais en littérature au moins, ça continue à s'utiliser dans son sens premier. Je n'irai pas jusqu'à donne rune liste des bons auteurs pornographiques, que de toute façon tout le monde a dans sa bibliothèque, n'est-ce pas, John…
- kaoriNiveau 5
Rhooo!! qui n'en veut de ma massue, qui n'en veut?
Ah, John a des auteurs comme ça dans sa bibliothèque??? tttttt...
Abraxas, 'cest pas bien de dénoncer ses petits camarades!
Ah, John a des auteurs comme ça dans sa bibliothèque??? tttttt...
Abraxas, 'cest pas bien de dénoncer ses petits camarades!
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Tu la vois ma massue tu la vois?
- lilith888Grand sage
thrasybule a écrit:J'ai étudié l'an dernier Là-bas de Huysmans:au dernier moment, j'ai coupé la scène finale de la messe noire qui était, à mots couverts, ce qui n'était pas le cas du prêtre, une scène de fellation avec un enfant de choeur avec en prime une parodie de la communion... mais la scène en elle-même était assez trash mais l'écriture artiste du romancier a permis sans doute d'éviter les réactions des parents..en tout cas je n'ai eu aucun retour et l'oeuvre a été présentée au bac
honnêtement, il y a plus choquant que cette scène là dans Là-bas ! tous les exemples des sévices de Gilles de Ray sur les enfants valent leur pesant d'or !
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