- NLM76Grand Maître
Évident ? Voire...Oudemia a écrit:N'aurait-elle pas choisi ces verbes parce que le subjonctif y est évident ?NLM76 a écrit:Tes exemples Iphigénie, pourraient être écartés de la comparaison avec celui d'@e-miette, du fait que tu utilises "pouvoir" et "savoir".
C'est une des raisons que je voie...
"C'est une des raisons que je peux trouver." me paraît tout à fait correct, tout comme "C'est un des gâteaux que je sais faire". La question est de repérer la nuance.
- IphigénieProphète
D'accord sur la notion d'éventuel plutot , j ai d'ailleurs hésité et peut-être choisi le mauvais terme.
On l' eût trouvé si on cherchait un grand parti, mais un ou deux autres étaient possibles ( dire le contraire serait très plat:
il y a -plein -de grands parti c'en etait un)
Un des gateaux que je sais faire c'est different de un des (rares) gateaux que je sache faire, un des gateaux que je fasse sans le rater.( ca me parait peu naturel mais possible,non?)
On l' eût trouvé si on cherchait un grand parti, mais un ou deux autres étaient possibles ( dire le contraire serait très plat:
il y a -plein -de grands parti c'en etait un)
Un des gateaux que je sais faire c'est different de un des (rares) gateaux que je sache faire, un des gateaux que je fasse sans le rater.( ca me parait peu naturel mais possible,non?)
- KamolNiveau 9
Bonjour,
Je lis p 288 du Livre scolaire 2016 de 3e https://fr.calameo.com/read/0005967295f29b161189e
sur un schéma concernant les fonctions liées au nom
"épithète : adjectif ou proposition subordonnée relative "
Il me semblait qu'eau collège, on parlait plutôt de fonction "complément de l'antécédent" pour la PSR (voire complément du nom, pour éviter le mot antécédent qui en déroute plus d'un).
Est-ce que, vous aussi, vous attendez fonction "épithète" pour les PSR ?
Je lis p 288 du Livre scolaire 2016 de 3e https://fr.calameo.com/read/0005967295f29b161189e
sur un schéma concernant les fonctions liées au nom
"épithète : adjectif ou proposition subordonnée relative "
Il me semblait qu'eau collège, on parlait plutôt de fonction "complément de l'antécédent" pour la PSR (voire complément du nom, pour éviter le mot antécédent qui en déroute plus d'un).
Est-ce que, vous aussi, vous attendez fonction "épithète" pour les PSR ?
- PonocratesExpert spécialisé
Je range tout cela ( épithète liée, épithète détachée, complément du nom et psr) sous l'appellation " expansion du nom", en distinguant bien les quatre éléments. Et la psr est complément de l'antécédent du pronom relatif qui l'ouvre. Mais il y a peut-être eu des nouveautés grammaticales dont je n'ai pas entendu parler.Kamol a écrit:Bonjour,
Je lis p 288 du Livre scolaire 2016 de 3e https://fr.calameo.com/read/0005967295f29b161189e
sur un schéma concernant les fonctions liées au nom
"épithète : adjectif ou proposition subordonnée relative "
Il me semblait qu'eau collège, on parlait plutôt de fonction "complément de l'antécédent" pour la PSR (voire complément du nom, pour éviter le mot antécédent qui en déroute plus d'un).
Est-ce que, vous aussi, vous attendez fonction "épithète" pour les PSR ?
_________________
"If you think education is too expensive, try ignorance ! "
"As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? "
- *Ombre*Grand sage
"épithète" est traditionnellement réservé à l'adjectif, au moins jusqu'à la fac.
Pour la relative, on se contente de "complément de l'antécédent".
C'est pénible, ces flottements terminologiques qui sèment la confusion dans le peu que savent les élèves.
Pour la relative, on se contente de "complément de l'antécédent".
C'est pénible, ces flottements terminologiques qui sèment la confusion dans le peu que savent les élèves.
- e-mietteNiveau 7
Merci Iphigénie, merci NLM76 pour ces réflexions explicatives (ou ces explications réflexives ) qui m'ont bien fait cogiter. J'irai me coucher moins bête ce soir. Ce qui est stimulant c'est d'avancer dans la compréhension fine de ce que peut suggérer tel ou tel choix d'écriture, et sans vous, là, je n'y serait pas parvenue. Pas de réponse péremptoire, certes, mais de belles pistes d'éclaircissement.Iphigénie a écrit:D'accord sur la notion d'éventuel plutot , j ai d'ailleurs hésité et peut-être choisi le mauvais terme.
On l' eût trouvé si on cherchait un grand parti, mais un ou deux autres étaient possibles ( dire le contraire serait très plat:
il y a -plein -de grands parti c'en etait un)
Un des gateaux que je sais faire c'est different de un des (rares) gateaux que je sache faire, un des gateaux que je fasse sans le rater.( ca me parait peu naturel mais possible,non?)
- InvitéInvité
Dans un cahier de TD, ils intègrent l'apposition au groupe nominal. :|
- IphigénieProphète
Pour ma part c'est à tâtons !e-miette a écrit:Merci Iphigénie, merci NLM76 pour ces réflexions explicatives (ou ces explications réflexives ) qui m'ont bien fait cogiter. J'irai me coucher moins bête ce soir. Ce qui est stimulant c'est d'avancer dans la compréhension fine de ce que peut suggérer tel ou tel choix d'écriture, et sans vous, là, je n'y serait pas parvenue. Pas de réponse péremptoire, certes, mais de belles pistes d'éclaircissement.Iphigénie a écrit:D'accord sur la notion d'éventuel plutot , j ai d'ailleurs hésité et peut-être choisi le mauvais terme.
On l' eût trouvé si on cherchait un grand parti, mais un ou deux autres étaient possibles ( dire le contraire serait très plat:
il y a -plein -de grands parti c'en etait un)
Un des gateaux que je sais faire c'est different de un des (rares) gateaux que je sache faire, un des gateaux que je fasse sans le rater.( ca me parait peu naturel mais possible,non?)
C'est rafraichissant pour tous de réfléchir aux subtilites de la langue, tu as raison!
- KamolNiveau 9
*Ombre* a écrit:"épithète" est traditionnellement réservé à l'adjectif, au moins jusqu'à la fac.
Oui, voilà, c'est là que j'en avais entendu parler ! Nous sommes bien d'accord qu'il est inutile d'embrouiller les élèves avec cela, alors. Je ne sais pas pourquoi les collègues du Livrescolaire ont fait ce choix...
- Laura HoltNiveau 1
Alors oui, selon la Grammaire du Français présentée comme référence pour le collège et le lycée depuis 2018 , la proposition subordonnée relative (adjective) a la fonction d'épithète. J'ai introduit cette terminologie cette année avec mes classes mais je pense que certains de mes collègues parlent encore de "complément de l'antécédent" ou de "complément du nom". Sans parler des cahiers d'exercices ou des manuels où on trouve... de tout ! Tout ceci ne nous facilite pas la tâche !
- KamolNiveau 9
Nizab a écrit:Dans un cahier de TD, ils intègrent l'apposition au groupe nominal. :|
Dans cette fameuse page du Livrescolaire aussi...
Moi, avec mes 5e, j'en étais bêtement restée à adjectif, GN prépositionnel et PSR pour les "expansions du nom"
- KamolNiveau 9
Ponocrates a écrit: Je range tout cela ( épithète liée, épithète détachée, complément du nom et psr) sous l'appellation " expansion du nom", en distinguant bien les quatre éléments. Et la psr est complément de l'antécédent du pronom relatif qui l'ouvre. Mais il y a peut-être eu des nouveautés grammaticales dont je n'ai pas entendu parler.
Je n'avais pas songé à utiliser l'appellation "expansions du nom" comme une sorte d'appellation générique pour fondre toutes les fonctions liées au nom.
Pour moi, c'était plus une étiquette sémantique pour nommer la leçon concernée et faire comprendre aux élèves l'intérêt de ces compléments qui étoffent le nom, donc le texte, dans une rédaction.
Mais en 3e, c'est bien une question de grammaire type brevet (voir brevet de l'an dernier), donc ils doivent savoir différencier ces fonctions, ce me semble...
Je n'ai pas le souvenir que, dans le corrigé de 2021, on attendait "épithète" pour la fonction de la PSR...
- PonocratesExpert spécialisé
J'utilise la catégorie "expansion du nom" par exemple quand j'évoque la description et les éléments qui permettent de l'analyser. Cela ne m'empêche pas, à l'intérieur de cette catégorie, de distinguer les quatre éléments.Kamol a écrit:Ponocrates a écrit: Je range tout cela ( épithète liée, épithète détachée, complément du nom et psr) sous l'appellation " expansion du nom", en distinguant bien les quatre éléments. Et la psr est complément de l'antécédent du pronom relatif qui l'ouvre. Mais il y a peut-être eu des nouveautés grammaticales dont je n'ai pas entendu parler.
Je n'avais pas songé à utiliser l'appellation "expansions du nom" comme une sorte d'appellation générique pour fondre toutes les fonctions liées au nom.
Pour moi, c'était plus une étiquette sémantique pour nommer la leçon concernée et faire comprendre aux élèves l'intérêt de ces compléments qui étoffent le nom, donc le texte, dans une rédaction.
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C'est le livre ? "
- IphigénieProphète
Laura Holt a écrit:Alors oui, selon la Grammaire du Français présentée comme référence pour le collège et le lycée depuis 2018 , la proposition subordonnée relative (adjective) a la fonction d'épithète. J'ai introduit cette terminologie cette année avec mes classes mais je pense que certains de mes collègues parlent encore de "complément de l'antécédent" ou de "complément du nom". Sans parler des cahiers d'exercices ou des manuels où on trouve... de tout ! Tout ceci ne nous facilite pas la tâche !
la grammaire du français en effet! (celle pour qui "je vais à Paris" contient un COI., ou qui propose d'analyser à l'identique:
qui veut voyager loin ménage sa monture: relative substantive sujet
et
celui qui veut voyager loin: relative substantive sujet.
Je suppose donc que:
celui dont je parle est mon frère est également une substantive sujet
Ya pas, c'est tellement clair!
- *Ombre*Grand sage
Laura Holt a écrit:Alors oui, selon la Grammaire du Français présentée comme référence pour le collège et le lycée depuis 2018 , la proposition subordonnée relative (adjective) a la fonction d'épithète. J'ai introduit cette terminologie cette année avec mes classes mais je pense que certains de mes collègues parlent encore de "complément de l'antécédent" ou de "complément du nom". Sans parler des cahiers d'exercices ou des manuels où on trouve... de tout ! Tout ceci ne nous facilite pas la tâche !
Le seul texte qui fasse référence, c'est les IO. Et celles-ci, dont la dernière mouture date de 2017, n'évoque pas cette expression pour les relatives, et ne fait certainement pas de "Je vais à Paris" une phrase avec un COI. S'engouffrer là-dedans, c'est se préparer à nouveau bien des difficultés - enfin, moins à nous qu'à nos élèves.
- Laura HoltNiveau 1
C'est évident ! Autant il peut être plaisant d'en débattre, d'y réfléchir entre collègues, autant appliquer ces "nouvelles" directives peut s'avérer périlleux en classe... Pour le complément circonstanciel de lieu / COI, j'élude : il serait intéressant de se pencher sur la notion de complément essentiel / non essentiel, mais mes 4e-3e oubliant déjà comment on identifie un COD d'une semaine sur l'autre...
- KamolNiveau 9
Pour conclure, vous, en 3e, vous attribuez la fonction "complément de l'antécédent" aux PSR, n'est-ce pas?
- NLM76Grand Maître
En fait, non, je ne pense pas que ce serait intéressant. Cette catégorie n'est pas très pertinente.Laura Holt a écrit:: il serait intéressant de se pencher sur la notion de complément essentiel / non essentiel..
- Laura HoltNiveau 1
Dans la mesure où le complément circonstanciel est présenté comme déplaçable ou supprimable, la question peut se poser. Dans certaines phrases (ex : Je vais à Paris), cela ne fonctionne pas. J'avoue lâchement ne pas aborder le cas, n'étant absolument pas convaincue par l'"option" COI non plus...
@Kamol, en 3e, j'accepte "épithète" et "complément de l'antécédent".
@Kamol, en 3e, j'accepte "épithète" et "complément de l'antécédent".
- *Ombre*Grand sage
Je confirme ce que dit NLM. C'est complètement scabreux parce que ces notions de complément essentiel ou non s'appuient exclusivement sur des critères de distribution eux-mêmes très labiles.
J'habite à Paris.
Selon moi, et toute personne qui veut que les mots de la grammaire aient un sens, "à Paris" précise le lieu où j'habite : c'est un complément de lieu (et toute autre précision est quasi superfétatoire).
Selon cette grammaire, c'est un COI, puisqu'on ne peut dire ni J'habite tout court, ni A Paris j'habite.
Outre qu'ici, COI ne veut plus rien dire, tu observeras que si on enrichit la phrase, avec, par exemple : J'habite un charmant duplex à Paris,,
1°) Tu as bien un COD, et voilà "habiter" transformé en verbe à double construction, ce qui est pour le moins audacieux.
2°) Ah mais non en fait, parce que du coup, "à Paris" devient déplaçable et supprimable et cesse donc d'être un COI.
Non mais franchement, tu vois le bouzin ? Et on voudrait que nos élèves s'en sortent avec ça ?
C'est quand même pas compliqué de faire CONCEVOIR le complément d'objet. Même mes 6e y arrivent. Et c'est rudement plus efficace.
J'habite à Paris.
Selon moi, et toute personne qui veut que les mots de la grammaire aient un sens, "à Paris" précise le lieu où j'habite : c'est un complément de lieu (et toute autre précision est quasi superfétatoire).
Selon cette grammaire, c'est un COI, puisqu'on ne peut dire ni J'habite tout court, ni A Paris j'habite.
Outre qu'ici, COI ne veut plus rien dire, tu observeras que si on enrichit la phrase, avec, par exemple : J'habite un charmant duplex à Paris,,
1°) Tu as bien un COD, et voilà "habiter" transformé en verbe à double construction, ce qui est pour le moins audacieux.
2°) Ah mais non en fait, parce que du coup, "à Paris" devient déplaçable et supprimable et cesse donc d'être un COI.
Non mais franchement, tu vois le bouzin ? Et on voudrait que nos élèves s'en sortent avec ça ?
C'est quand même pas compliqué de faire CONCEVOIR le complément d'objet. Même mes 6e y arrivent. Et c'est rudement plus efficace.
- *Ombre*Grand sage
Laura Holt a écrit:Dans la mesure où le complément circonstanciel est présenté comme déplaçable ou supprimable, la question peut se poser. Dans certaines phrases (ex : Je vais à Paris), cela ne fonctionne pas. J'avoue lâchement ne pas aborder le cas, n'étant absolument pas convaincue par l'"option" COI non plus...
@Kamol, en 3e, j'accepte "épithète" et "complément de l'antécédent".
Mais en fait, on s'en cogne, que le complément circonstanciel soit déplaçable ou pas. Des fois oui, des fois non. Ça dépend. C'est si complexe, les règles qui régissent la place des mots dans la phrase... Un complément qui précise une circonstance, c''est un complément circonstanciel, ou, encore une fois, tu enseignes une grammaire dont les mots sont vides de sens (et alors il ne faut pas se plaindre que les élèves ne comprennent pas ce qui n'a pas de sens).
C'est si compliqué que ça qu'il ait fallu tout changer ?
- Laura HoltNiveau 1
Je suis tout à fait d'accord avec vous deux, *Ombre* et NLM, la façon d'analyser ce groupe dans cette grammaire me gêne beaucoup. Il est toujours préférable de s'appuyer sur le sens, c'est évident. Mais il faut dire que cette idée de "déplaçable/supprimable" ou non a la vie dure ; nos élèves arrivent avec...
Et cette grammaire sous titrée "terminologie grammaticale", censée harmoniser l'enseignement de la grammaire pour les 1er et 2nd degrés ne fait que compliquer les choses (sur certaines notions du moins).
NB : J'aime beaucoup ton exemple *Ombre*!
Et cette grammaire sous titrée "terminologie grammaticale", censée harmoniser l'enseignement de la grammaire pour les 1er et 2nd degrés ne fait que compliquer les choses (sur certaines notions du moins).
NB : J'aime beaucoup ton exemple *Ombre*!
- *Ombre*Grand sage
Eh bien si les élèves arrivent avec, tu leur dis :
Maintenant, vous êtes grands, on va apprendre les choses sérieusement.
C'est ce que je fais régulièrement (enfin, moins maintenant que j'ai élu domicile dans un bon vieux nid de dinosaures où nous enseignons tous de la même façon, la Grammaire de 2020 bien calée sous nos fesses) et non seulement les élèves survivent, mais j'en ai régulièrement qui s'écrient (y compris de bons élèves) : "Aaaaah ! mais c'est ça, le COD ! J'avais pas bien compris, mais en fait c'est simple !"
Ben oui, si on laisse tomber les critères de déplacement et qu'on s'attache à la construction des verbes, c'est simple.
Maintenant, vous êtes grands, on va apprendre les choses sérieusement.
C'est ce que je fais régulièrement (enfin, moins maintenant que j'ai élu domicile dans un bon vieux nid de dinosaures où nous enseignons tous de la même façon, la Grammaire de 2020 bien calée sous nos fesses) et non seulement les élèves survivent, mais j'en ai régulièrement qui s'écrient (y compris de bons élèves) : "Aaaaah ! mais c'est ça, le COD ! J'avais pas bien compris, mais en fait c'est simple !"
Ben oui, si on laisse tomber les critères de déplacement et qu'on s'attache à la construction des verbes, c'est simple.
- et pour alimenter la réflexion...:
- La grammaire au collège : les termes du débatLorsque M. Blanquer est arrivé au Ministère de l’Education Nationale, il s’est répandu dans les médias en déclarations d’amour pour la grammaire. Il a dénoncé – non sans raisons – les renoncements en matière de contenus engendrés par la réforme « Collège 2016 » et publié quelques mois après son arrivée de nouveaux textes officiels[url=file:///C:/Users/Veronique/Desktop/enseignement/r%C3%A9flexions p%C3%A9da/SLL 2020 grammaire coll%C3%A8ge.docx#_ftn1][1][/url] qui restauraient bien des apprentissages passés par pertes et profits et revenaient à une terminologie grammaticale classique – autant de choses qui ne coûtent rien et étaient propres à rassurer des enseignants de Lettres fortement échaudés.Cette volonté de clarifier la nomenclature était sans doute nécessaire. En effet, si les causes de la déshérence linguistique qui afflige nos élèves sont multiples, les errements terminologiques que l’on a connus ces dernières années ne les ont guère aidés à fixer des connaissances. Pour évoquer le seul complément d’objet, les actuels collégiens ont entendu parler de prédicat, de complément de verbe, complément essentiel, et enfin de complément d’objet. Que peuvent-ils en retenir ? Rien. Le Ministre a donc tranché. Il a enterré le prédicat qui venait à peine d’être introduit dans les programmes et réaffirmé les notions de complément d’objet et complément circonstanciel, contre les nébuleux « compléments de phrase » ou « de verbe ».Nous aurions pu espérer que ces nouveaux textes auraient eu pour souci de créer en matière de nomenclature une stabilité indispensable à l’assimilation des concepts par de jeunes esprits ; mieux, que cette nomenclature fût le résultat d’une réflexion sur ces concepts et la meilleure manière d’y faire accéder les élèves. Or, il n’en fut rien.Dix-huit mois plus tard, la DGESCO publie une terminologie grammaticale[url=file:///C:/Users/Veronique/Desktop/enseignement/r%C3%A9flexions p%C3%A9da/SLL 2020 grammaire coll%C3%A8ge.docx#_ftn2][2][/url] qui entre en contradiction avec la terminologie officielle sur bien des points sur lesquels nous ne nous étendrons pas (par exemple le statut du conditionnel ou la nomenclature relative aux subordonnées) et qui surtout vient bousculer encore l’enseignement de la grammaire. En effet, cette grammaire confère à la notion de complément d’objet une extension telle que le concept traditionnel utilisé par les professeurs vole en éclats. Ainsi, dans « Je vais à Paris », elle analyse « à Paris » comme un COI, semant l’incompréhension jusque chez les tenants du complément essentiel de lieu.Ainsi, face à une nomenclature qui reste désespérément fluctuante et des injonctions de plus en plus inconciliables, les professeurs n’ont plus que leur jugement pour opérer des choix raisonnés : quels termes utiliser dans l’enseignement de la grammaire ? A quelle conception de la pédagogie et quelles représentations des élèves ces choix renvoient-ils ?COD, COI et transitivité : un objet qui a du sensOpérer des choix terminologiques en grammaire n’est pas anodin. Derrière ces choix, il y a une conception de la langue, mais aussi de son enseignement. L’acronyme COD (ou son corollaire, le COI) renvoie à des mots qui font sens, y compris pour de jeunes élèves. Le nom complément signifie « qui complète », le nom objet a le sens qu’il a dans être l’objet de (d’amour, d’attention, d’attaques…), c’est-à-dire qu’il désigne la personne ou la chose sur laquelle s’exerce l’action ; la mention direct ou indirect renvoie à la construction de ce complément, médiée ou non par une préposition. La notion de COD est donc liée à la construction du verbe, à la notion de transitivité ou, au contraire, d’intransitivité. Ces constructions ne sont d’ailleurs pas figées (un même verbe peut avoir des emplois transitifs ou intransitifs) et donnent lieu à des réflexions intéressantes et un travail sur le sens. Par exemple, le verbe décliner n’a pas le même sens dans son emploi intransitif (Mes parents commencent à décliner) et dans son emploi transitif (Nous avons décliné son invitation) ; d’un point de vue grammatical, ce n’est pas exactement la même chose que de dire J’habite une maison avec jardin ou J’habite à Paris. Dans le premier cas, on fait mention du lieu que l’on occupe : j’habite une maison avec jardin par opposition à un appartement, une grotte ou un manoir doté d’un parc de plusieurs hectares. La maison est bien l’objet de l’action d’habiter, au sens d’occuper un lieu, et le verbe est considéré comme transitif. Dans le deuxième cas, on précise non l’objet d’une action, mais le lieu où se déroule l’action de résider. Le verbe est considéré comme intransitif et le complément comme un complément de lieu (traditionnellement dit « circonstanciel ») [url=file:///C:/Users/Veronique/Desktop/enseignement/r%C3%A9flexions p%C3%A9da/SLL 2020 grammaire coll%C3%A8ge.docx#_ftn3][3][/url]. L’on pourrait d’ailleurs y insérer un COD : J’habite une chambre meublée Paris. Et la place des mots, qui est régie, en français, par toutes sortes de règles en concurrence les unes avec les autres (place figée du pronom, progression thématique qui va du connu à l’inconnu, mises en relief, évitement d’ambiguïtés…) n’entre pas en compte. Déplacer les termes de la phrase ne changera pas les rapports qu’ils entretiennent entre eux, ni leur fonction, au sens le plus courtant du terme (indiquer un lieu, un moment, l’objet de l’action). Dans cette approche, chercher la fonction d’un groupe, c’est chercher, comme son nom l’indique, le rôle de ce groupe dans la phrase, son apport sémantique et le lien qu’il entretient avec les autres termes de la phrase, et pas décrire ses propriétés distributionnelles supposées. Le mot fonction a ici un sens qui parle aux élèves, qui est, somme toute, celui du langage courant.L’on a donné délibérément un exemple délicat, où l’objet pourrait être confondu avec le lieu, pour montrer que, même dans de tels cas, le plus souvent, l’analyse précise de la construction du verbe en relation avec son sens permet de trancher. On remarque en outre que ces compléments ne sont pas repris par les mêmes pronoms interrogatifs ou relatifs. On dira, selon les cas, la maison que j’habite (pronom relatif COD) ou la ville où j’habite (pronom relatif complément de lieu). Mais en général, surtout quand le professeur y veille dans un souci de pédagogie, l’analyse de la construction des verbes est relativement simple. Un verbe est transitif (à l’exclusion des verbes d’état) quand on peut dire « quelque chose » ou « quelqu’un » après le verbe. On dit manger quelque chose, vouloir quelque chose, abimer quelque chose, prendre quelque chose, aimer quelqu’un, appeler quelqu’un : ce sont des verbes transitifs et le COD, c’est cette chose ou cette personne, tout simplement. Parfois, une préposition se glisse entre le verbe et l’objet (généralement à ou de) – penser à quelqu’un, se souvenir de quelque chose, dépendre de quelque chose : ce sont alors des COI. Cette façon de présenter les choses est somme toute assez simple, et, d’expérience, elle permet à tous les élèves d’identifier un COD ou un COI avec assurance en partant de la construction du verbe et en s’appuyant sur le sens de la phrase.Ce dernier point est tout sauf anecdotique. C’est au contraire le seul moyen de parvenir peu à peu à une appropriation des concepts et à une automatisation de la reconnaissance des groupes fonctionnels. L’élève s’appuie sur la connaissance du verbe, de sa construction dans la langue courante qui lui est familière, et sur sa compréhension de la phrase pour trouver le COD. En procédant ainsi, même un médiocre élève de 6e trouve facilement le COD dans des phrases aussi alambiquées que Le lutin donna à la princesse endormie depuis cent ans dans son lit d’ivoire et d’argent un anneau d’or avant de s’enfuir discrètement, ou La princesse le serra délicatement entre ses doigts fins aux ongles brillants, juste en se rappelant qu’on dit donner quelque chose, serrer quelque chose, et en se demandant quelle est cette chose dans la phrase.C’est parce qu’elle ne requiert rien d’autre que la compréhension de la phrase que cette démarche peut être progressivement automatisée, passer au rang de réflexe – ce qui est indispensable si l’on veut construire d’autres apprentissages nécessitant l’identification sûre du COD : l’emploi du bon pronom relatif, l’accord du participe passé employé avec l’auxiliaire avoir – ou tout simplement la compréhension de tout énoncé.En effet, un autre avantage de cette démarche, et non des moindres, est qu’elle oblige à faire attention au sens de la phrase. On ne cesse de nous répéter, enquête après enquête, à quel point nos élèves sont mauvais en lecture et compréhension. Les raisons de cette médiocrité sont nombreuses et excèdent le propos de ce texte, mais l’une de ces raisons nous intéresse ici : bien des élèves ne prêtent pas attention aux pronoms, ces « petits mots » si discrets, qui ressemblent souvent à des articles à peu près vides de sens, et ils perdent ainsi la chaîne référentielle, ne comprennent plus qui fait quoi. Or, la démarche décrite ci-dessus, parce qu’elle lie intimement le sens et l’analyse, oblige à faire attention à ces pronoms, à en élucider la référence, et permet de construire des compétences solides en grammaire, mais aussi d’améliorer sa compréhension.Je remarque incidemment que c’est cette démarche qu’utilise le lecteur expert face à un texte difficile. Je lisais récemment un roman de Pierre Michon, auteur contemporain à la langue riche et aux tournures étudiées, qui emploie volontiers toutes sortes d’inversions syntaxiques. Le sens d’une phrase, à première lecture, m’échappa. Que croyez-vous que je fis alors ? Pensez-vous que je tentai de déplacer quoi que ce soit dans une phrase déjà fort emmêlée ? Non, je pratiquai bravement ce que j’enseigne à mes élèves : repartir du verbe, de sa construction, chercher son complément d’objet en m’appuyant sur ce qui faisait sens ou non – et la phrase s’éclaira.Nous ne devrions pas perdre de vue, quand nous enseignons la langue, que notre but n’est pas de former des élèves capables de travailler sur des phrases écrites ad hoc, mais des élèves capables de tout lire, y compris, un jour, Proust ou Pierre Michon. Pense-t-on sérieusement que déplacer un groupe dans une phrase de Proust leur sera d’une quelconque utilité pour mieux comprendre celle-ci ?Belle marquise, vos compléments mourir me fontHélas ! il ne faut pas attendre d’être confronté à Proust pour voir les élèves patauger dans l’analyse.Quelle est donc cette autre démarche qui choisit de parler non de COD et de compléments (circonstanciels) de lieu, de temps, de manière, mais de compléments essentiels (ou de verbe) et facultatifs (ou de phrase) ? C’est une démarche qui se fonde sur les critères de distribution des compléments. Dans cette optique, l’on considère que tout complément qui ne peut être déplacé ou supprimé est un complément de verbe (ou encore complément essentiel). À l’inverse, un complément qui peut être déplacé et supprimé sera considéré comme un complément de phrase (ou encore facultatif, ou encore circonstanciel – la seule pluralité des termes employés dans cette démarche étant problématique). Dans cette logique, dans une phrase comme Je vais à Paris, attendu que l’on ne peut dire ni Je vais, point, ni À Paris je vais, on considère que « à Paris » est un complément essentiel du verbe aller. Mieux, la nouvelle terminologie publiée sur le site de l’Education Nationale considère qu’il s’agit d’un COI – et elle ne fait ainsi que pousser à son comble cette logique qui fonde l’analyse des fonctions sur de simples critères de distribution.Il n’y a donc plus de différence syntaxique entre J’habite à Paris et J’habite un vieil immeuble haussmannien, puisqu’on ne peut dire ni J’habite tout court, ni À Paris j’habite, ni Un vieil immeuble haussmannien j’habite. Et peu importent dans le fond les différences de sens entre les deux compléments, ou le fait qu’ils ne soient pas repris par les mêmes pronoms. Cette grammaire se fonde exclusivement sur la place des éléments de la phrase et évacue complètement la question du sens.Déroulons un peu cette logique.Tout d’abord, l’on remarque que bien des COD ou COI peuvent parfaitement être supprimés sans altérer le sens du verbe : Je mange du pain. Je mange. Je réfléchis à cette question. Je réfléchis. Je continue ma réflexion. Je continue. Ce simple critère est totalement insuffisant, puisqu’un verbe transitif est un verbe qui PEUT avoir un complément d’objet mais que, dans bien des cas, ce complément peut être omis. Il ne reste donc, pour identifier un COD ou un COI, que le critère de déplacement.On remarque en outre que les COI des verbes à double construction (parfois appelés compléments d’objet second) peuvent toujours être déplacés et supprimés : À son fils cadet, le meunier ne laissa que son chat, Le meunier ne laissa à son fils cadet que son chat, et Le meunier ne laissa que son chat sont autant de phrases correctes. On doit donc, en vertu des règles énoncées plus haut, en déduire que ce sont des compléments de phrase, ou complément circonstanciels, mais pas des compléments d’objet. Je ne saurais dire si l’absurdité de ce système va jusque-là (car cette même terminologie préconise bien de partir de la construction du verbe, sans s’émouvoir des contradictions qui s’ensuivent), en tout cas, l’on constate qu’il est impossible, à partir de ces critères de distribution, d’identifier correctement un COS. C’est pourtant ce que l’on attend de nos élèves. S’ils appliquent rigoureusement ce qu’on leur demande d’appliquer, ils ne peuvent qu’en conclure que les COS sont des compléments circonstanciels et pas des compléments d’objet. Et l’on se plaint ensuite qu’ils mélangent tout…Nous n’avons pour l’instant envisagé que des compléments appelés par la construction du verbe (appelés par sa construction) et l’affaire paraît déjà fort embrouillée, tant il y a déjà d’exceptions aux principes définissant les compléments essentiels.Poursuivons.Le petit chat boit du lait dans son bol.Le petit chat boit du lait.Le petit chat boit dans son bol.Le petit chat boit.* Dans son bol, le petit chat boit du lait.* Le petit chat, dans son bol, boit du lait.* Le petit chat, du lait dans son bol boit.(Si un léger vertige vous saisit à la lecture des dernières phrases, c’est tout à fait normal. Sachez que ce vertige est supposé favoriser la réflexion.)On constate que l’on peut supprimer « du lait », mais pas le déplacer. Mais bien qu’on puisse ici le supprimer (comme nous l’avons déjà remarqué, cette propriété est très instable), « du lait » est analysé comme COD : on dit boire quelque chose, l’action de boire s’exerce sur l’objet « du lait ». Certes, je n’en disconviens pas.On constate que l’on peut dire exactement la même chose de « dans son bol » on peut le supprimer, mais pas le déplacer.Or, l’on ne saurait, à partir des mêmes observations et des mêmes critères, tirer des conclusions différentes Il faut donc conclure, aussi absurde que cela puisse paraître, que « dans son bol » est un COI - ou alors les critères d’identification des groupes fonctionnels sont inopérants et conduisent à dire des âneries, car je n’ai fait que les appliquer rigoureusement.Il en va de même avec la phrase : Ta saleté de chat a encore fait pipi sur mon paillasson. Quoique le paillasson désignât le lieu du scandale, en bonne logique, si « À Paris » est un COI, « sur mon paillasson » est un COI aussi, puisqu’on ne peut pas le déplacer, ni le supprimer, puisque le problème, chacun en conviendra, n’est pas que le chat ait fait pipi, ce qui n’est jamais que sacrifier aux vicissitudes de la nature, mais qu’il ait fait pipi sur mon paillasson. Paillasson, COI. Cette analyse a beau heurter le bon sens et la compréhension spontanée de la phrase, il en va ainsi.On ne peut donc plus s’appuyer sur le sens des mots pour en fonder l’analyse : seuls les critères de distribution président à la détermination de la fonction des groupes, contre le sens, si nécessaire. « À Paris » est le lieu où je vais, mais c’est un complément d’objet, qu’on vous dit.Les conséquences de ce divorce entre sens et syntaxe sont désastreuses. S’il est une chose que les élèves réussissaient à comprendre, il y a peu encore, dans l’étude des fonctions, c’était bien les compléments circonstanciels. Parce que chacun comprend aisément que, lorsqu’on dit Paul est parti à huit heures, ou Paul est parti pour Paris, ou Paul est parti en train, l’on précise tantôt le temps, tantôt le lieu, tantôt le moyen, et que ces groupes sont donc des compléments circonstanciels de temps, de lieu, de moyen. Mais tout devient mouvant et incertain si l’on considère que deux compléments exprimant la destination seraient, selon la nomenclature d’Eduscol, tantôt complément circonstanciel. En effet, dans un phrase comme Paul est allé de Marseille à Paris, comme on peut parfaitement supprimer et déplacer « de Marseille », « de Marseille » est complément circonstanciel de lieu, mais « à Paris » COI (s’il faut que je redise pourquoi, c’est que vous êtes comme les élèves : à ce stade, vous avez renoncé à comprendre). Bref, les élèves ne sont plus sûrs de rien, et la compréhension de la phrase ne leur est d’aucun secours : il leur faut se livrer aux sacro-saintes manipulations. Et là, leur désarroi est immense. C’est alors que l’on touche au grandiose et que le professeur voit jaillir les questions : Madame, Ta saleté de chat sur mon paillasson a fait pipi, ça se dit ou ça se dit pas ? Et En train Paul est parti ?En effet, les élèves ne maîtrisent pas encore parfaitement la langue normée, et on leur demande d’identifier les catégories syntaxiques en déterminant a priori si un énoncé est correct ou non, alors que, souventes fois, ils n’en ont pas la moindre idée (et d’autant moins qu’ils viennent de milieux défavorisés, ce qui signifie qu’une fois de plus, cette démarche pénalise les élèves les plus en difficulté sur le plan linguistique). D’ailleurs, les seuls exemples ci-dessus suffisent à montrer que cette démarche produit un tel charabia que chacun y perd son latin, et les forums d’enseignants regorgent de questions destinées à savoir si tel énoncé est acceptable ou non, afin de déterminer si tel complément est essentiel ou pas. Si même des enseignants en Lettres n’y arrivent pas, que dire de nos pauvres élèves ?Et surtout à quoi bon tout cela ? Quel est le but d’une analyse qui n’éclaire pas le sens de la phrase ? Qui ne permet pas de corriger la syntaxe, puisque la conscience du fait que telle tournure est correcte ou non doit présider à la détermination des fonctions ? On n’a cessé de parler, ces dernières années, de grammaire qui fasse sens. Mais je ne vois rien là qui puisse faire sens pour les élèves, ni dans la démarche qui contredit trop souvent le sens de la phrase, ni dans ses objectifs qui restent nébuleux.Autre conséquence tout aussi grave de l’enseignement des fonctions à travers les seuls critères de distribution : cette démarche ne se contente pas de heurter le sens et de rendre extrêmement hasardeuse l’identification des fonctions syntaxiques, elle requiert des manipulations si complexes qu’il est impossible de les faire automatiquement. En d’autres termes, elle empêche la mise en place d’automatismes, la reconnaissance rapide et sûre des compléments d’objet et des compléments circonstanciels. Elle fait fi de nombreux autres critères syntaxiques (comme le fait que les pronoms interrogatifs ou relatifs utilisés pour reprendre un COD ou un complément circonstanciel ne sont pas les mêmes ou qu’un pronom complément circonstanciel, du simple fait de sa nature, ne pourra jamais être déplacé) et finit même par ruiner l’idée de construction du verbe sur laquelle la grammaire officielle prétend pourtant s’appuyer. En effet, la construction d’un verbe est fixe : On dit se souvenir de qqch, pas à, ni sur ou vers, dépendre de qqch. Si un verbe peut avoir plusieurs constructions, celles-ci affectent généralement son sens. Tenir qqch, ce n’est pas tenir à qqch, ni tenir de qqch. Aller est donné par tous les dictionnaires comme un verbe intransitif. L’emploi sans complément de lieu, s’il est rare (on juge généralement utile de préciser vers quel lieu l’on se déplace), existe : « Il allait, prenant tous les passages qui s’offraient à lui. » (Hugo, L’Homme qui rit) Faut-il demander au père Hugo de réviser sa copie ? Aller peut s’employer sans complément, mais aussi admettre toutes sortes de prépositions sans que son sens en soit affecté : aller à, vers, dans, sur, en haut de… Précisément parce que le complément ne fait pas partie de la construction du verbe. Il admet des compléments adverbiaux (aller dehors) alors que la fonction complément d’objet est censée être une fonction nominale (occupée par un nom ou son équivalent : un pronom, un verbe à l’infinitif, une proposition). Vouloir voir dans « À Paris » un COI du verbe aller, c’est fouler aux pieds la construction du verbe, l’emploi des pronoms, brouiller complètement la frontière entre complément d’objet et complément circonstanciel (on l’a vu plus haut : à peu près tout et n’importe quoi peut devenir COI – sauf le COS qui en est justement un), tourner le dos au sens des constituants de la phrase et empêcher finalement la construction de notions claires, réellement mobilisables dans le raisonnement.L’emploi systématique des critères de déplacement pour identifier les fonctions enferme les élèves dans des manipulations embrouillées et hasardeuses, les habitue au charabia et ne permet finalement pas, même quand on les applique avec habileté, de parvenir au but. Pourtant, partir réellement de la construction du verbe (on dit boire qqch, prendre qqch, se souvenir de qqch, mais pas aller qqch ni même à qqch) était relativement simple et permettait la mise en place d’automatismes, l’accès à de véritables concepts, et une attention permanente au sens de la phrase qui venait en soutien de l’analyse.Comment en sommes-nous arrivés à une complexité aussi folle et, surtout, à une telle inefficacité ? Quelles représentations des élèves ont présidé à la mise en œuvre et l’imposition Urbi et orbi d’une telle démarche – au point que, de façon totalement illégitime, cette démarche, qui devrait rester un choix pédagogique libre, est inscrite dans les programmes ?De la manipulation à la supercherieJe quitte ici le champ de l’analyse des méthodes promues dans ma discipline pour me risquer à une hypothèse sur les présupposés qui sous-tendent ces méthodes.De mon seul point de vue d’enseignante, je ne peux que constater une convergence troublante dans les transformations pédagogiques qui se sont opérées dans plusieurs disciplines. On est allé, quoi qu’on en dise, vers toujours moins d’abstraction et de raisonnement au profit du concret. En sciences, c’est la vogue des expérimentations, des Main à la Pâte et autres FabLab. Les Lettres n’ont pas échappé à ce mouvement général et l’on a vu apparaître la mode des manipulations, censées rendre concrètes et observables les règles qui régissent le fonctionnement de la langue (et dont on a vu l’efficacité). Les Instructions Officielles insistent sur le fait que ces manipulations sont supposées favoriser le raisonnement. Mais outre que l’on ne voit pas bien en quoi une autre approche, par exemple celle qui se base strictement sur la construction des verbes, la notion de transitivité et le sens des compléments, empêcherait le raisonnement, on a montré ci-dessus comment cette démarche embrouillée fait finalement obstacle au raisonnement. En géométrie, on fait construire aux élèves toutes sortes de figures, sur papier ou par logiciel, en pliage et découpage – mais en fait de raisonnement, on a abandonné les démonstrations. Cela dit beaucoup, non des intentions, sans doute, mais du résultat obtenu.Comme je ne suis qu’une modeste enseignante et que mon point de vue n’embrasse qu’un horizon restreint, je préfère laisser la parole, sur ce sujet, à plus expert que moi. Le sociologue Jean-Pierre Terrail a analysé, dans son essai Pour une école de l’exigence intellectuelle, ce qu’il appelle « le présupposé déficitariste » qui a présidé aux grandes réformes pédagogiques des années 70-80. L’école, selon ses observations, a dû repenser ses pratiques avec la massification de l’enseignement, mais ces transformations se sont accompagnées de l’idée que les classes populaires de plus en plus représentées au collège et au lycée n’étaient pas capables d’atteindre les mêmes objectifs que les autres, en tout cas pas de la même manière, pas de façon aussi abstraite. Depuis lors, nous sommes entraînés dans un mouvement continu vers toujours plus de concret, toujours plus de projets, de ludique, sous couvert de « donner du sens aux apprentissages ». Dans un article de L’Humanité, le philosophe Marcel Gauchet commente cette théorie de Terrail : « L’un des intérêts du livre de Jean-Pierre Terrail est de montrer que sous l’effet du « paradigme déficitariste », notre système scolaire est dans l’erreur depuis quarante ans. Elle méconnaît le principe d’égalité des intelligences et fonctionne sur une idée fausse du fonctionnement de l’esprit humain. Toute connaissance s’appuie sur des concepts. Or, notre enseignement a opté pour le refus de l’abstraction, considérant que « cela va leur passer au-dessus de la tête ». En théorie, on part de ce que les élèves sont capables de comprendre, ce qui est bien, mais en pratique on les laisse là où ils en sont. »[url=file:///C:/Users/Veronique/Desktop/enseignement/r%C3%A9flexions p%C3%A9da/SLL 2020 grammaire coll%C3%A8ge.docx#_ftn4][4][/url]Refus de l’abstraction. C’est bien de cela qu’il s’agit. Parce qu’on présuppose les élèves – certains élèves en tout cas – incapables (« cela va leur passer au-dessus de la tête »), on leur confisque cet accès essentiel à l’abstraction, on les enferme dans le concret des « manipulations ». Ce passage par le concret a beau être présenté comme une étape censée faciliter le raisonnement, la réalité est que, pour beaucoup d’élèves, « on les laisse là où ils sont ». En grammaire, en tout cas, on a monté une telle usine à gaz qu’on a embrouillé ce que l’on voulait éclairer et que l’on ne permet plus aux élèves d’accéder à un raisonnement sûr, qui leur permettrait non seulement d’écrire correctement (on a suffisamment déploré l’effondrement des compétences orthographiques des élèves), mais surtout d’accéder pleinement au logos, à la pensée.
Pour conclureLa valse des terminologies qui se sont succédé depuis des années pourrait paraître seulement agaçante. J’ai parfois entendu dire en salle de professeurs : « Mais qu’ils décident une bonne fois pour toute, dans un sens ou dans l’autre, peu importe, mais qu’ils arrêtent de nous changer la grammaire tous les deux ans ! »Il importe pourtant.L’adoption d’une nomenclature n’est pas anodine. En creux, celle trace-ci une démarche pédagogique, et elle se fonde sur une certaine conception de l’élève.Faire le choix de parler de complément essentiel ou facultatif, ou celui de considérer « à Paris » comme COI, c’est faire le choix de fonder l’identification de ces catégories syntaxiques sur des critères de déplacement / suppression dont on voit peu l’intérêt, qui ne disent rien sur le sens des éléments de la phrase et écrasent même des différences sémantiques essentielles. C’est condamner les élèves à des tripatouillages hasardeux – et finalement inefficaces – sans leur permettre d’abstraire aucun concept pourtant indispensable à une réelle réflexion. C’est les priver de l’accès à la pensée conceptuelle et s’indigner ensuite qu’ils raisonnent avec tant de peine.Choisir de parler de complément d’objet direct et indirect et de complément circonstanciel, dans l’extension traditionnelle de ces termes, en se fondant sur les notions de transitivité et d’intransitivité, sans s’enliser dans d’inextricables manipulations, c’est choisir de porter attention à ce qui est écrit (et pas à ce qu’on aurait pu écrire) jusque dans les effets de style ; c’est employer des termes qui ont un sens (le lieu est le lieu, le temps est le temps, l’objet est l’objet) et donc articuler en permanence analyse et sens. C’est surtout faire le choix de ne pas réduire l’enseignement de la grammaire à un catalogue de propriétés scabreuses mais d’en faire le lieu du développement de concepts, parce que la pensée a besoin des concepts. C’est s’inscrire dans l’héritage de la Grèce qui faisait de la grammaire la propédeutique à la philosophie, une étape essentielle à la plus noble mise en œuvre de la skholè.On l’aura compris, entre ces deux démarches, entre ces terminologies différentes, les membres de SLL ont fait leur choix. Parce que nous croyons tous les élèves capables par nature d’accéder à l’abstraction. Parce que nous croyons que cet accès à l’abstraction est essentiel pour développer le raisonnement et ne saurait être escamoté sans dommages. Parce que c’est notre mission, de développer le raisonnement de nos élèves, et que les professeurs peuvent la mener à bien si on leur en donne les moyens.Une nomenclature bien pensée est un de ces moyens.
[url=file:///C:/Users/Veronique/Desktop/enseignement/r%C3%A9flexions p%C3%A9da/SLL 2020 grammaire coll%C3%A8ge.docx#_ftnref1][1][/url] B.O du 26 juillet 2018 modifiant les programmes d’enseignement https://www.education.gouv.fr/bo/18/Hebdo30/MENE1820169A.htm
[url=file:///C:/Users/Veronique/Desktop/enseignement/r%C3%A9flexions p%C3%A9da/SLL 2020 grammaire coll%C3%A8ge.docx#_ftnref2][2][/url] On trouvera cette terminologie sur cette page : https://eduscol.education.fr/248/francais-cycles-2-et-3-etude-de-la-langue
[url=file:///C:/Users/Veronique/Desktop/enseignement/r%C3%A9flexions p%C3%A9da/SLL 2020 grammaire coll%C3%A8ge.docx#_ftnref3][3][/url] Pour la construction du verbe habiter, on pourra se référer à l’article du tlf : http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1938607920;
[url=file:///C:/Users/Veronique/Desktop/enseignement/r%C3%A9flexions p%C3%A9da/SLL 2020 grammaire coll%C3%A8ge.docx#_ftnref4][4][/url] https://www.humanite.fr/lexigence-peut-elle-permettre-de-lutter-contre-lechec-scolaire-600324
- InvitéInvité
On peut comprendre l'idée de dissocier les compléments circonstanciels pour ainsi dire programmés ou appelés par le sémantisme du verbe (aller requiert un lieu, une destination) et qui, de fait, n'ont de "circonstanciels" que le nom, de ceux qui ne le sont pas.*Ombre* a écrit:Laura Holt a écrit:Dans la mesure où le complément circonstanciel est présenté comme déplaçable ou supprimable, la question peut se poser. Dans certaines phrases (ex : Je vais à Paris), cela ne fonctionne pas. J'avoue lâchement ne pas aborder le cas, n'étant absolument pas convaincue par l'"option" COI non plus...
@Kamol, en 3e, j'accepte "épithète" et "complément de l'antécédent".
Mais en fait, on s'en cogne, que le complément circonstanciel soit déplaçable ou pas. Des fois oui, des fois non. Ça dépend. C'est si complexe, les règles qui régissent la place des mots dans la phrase... Un complément qui précise une circonstance, c''est un complément circonstanciel, ou, encore une fois, tu enseignes une grammaire dont les mots sont vides de sens (et alors il ne faut pas se plaindre que les élèves ne comprennent pas ce qui n'a pas de sens).
C'est si compliqué que ça qu'il ait fallu tout changer ?
Maintenant, on est au collège, pas en cours de linguistique ; s'ils comprennent ce qu'est une circonstance et y associent les notions de lieu, de temps, de manière, etc. ce sera déjà très bien.
- *Ombre*Grand sage
Oui, bien sûr. Je ne suis pas en train de dire que les travaux universitaires sur la valence ou les compléments essentiels sont du pipi de chat. Je dis juste que c'est totalement impropre à permettre à des enfants de construire leurs premières représentations de la grammaire. Ne serait-ce que parce que c'est tautologique. Il faut déjà savoir comment se construisent les verbes pour déterminer si certains compléments sont essentiels ou non. (Et je remarque sur ce forum que bien des enseignements eux-mêmes s'embrouillent dans cette question : la question "Est-ce que tel complément est un complément essentiel ou facultatif ?" est un marronnier de Néo. Alors si même les professeurs n' arrivent pas...)
- KamolNiveau 9
Parce que tu as des élèves qui pensent à te proposer "épithète" comme fonction de la PSR ? Fortiches!Laura Holt a écrit: @Kamol, en 3e, j'accepte "épithète" et "complément de l'antécédent".
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