Assassinat de notre collègue Samuel Paty

Audrey, ton collègue pose une vraie question, qui est très bien traitée dans le bouquin de Kintzler, Penser la laïcité. Elle explique justement que le deal de la laïcité, c'est de protéger la liberté de culte à condition que les religions renoncent à leur prétention politique. C'est le problème central de la séparation de l'Église et de l'État, que la religion cesse d'avoir une prétention politique, qu'on retrouve dans la question de l'islam politique. Ton collègue n'y apporte pas forcément la bonne réponse, mais sa question est la question centrale de la laïcité : celle du conflit entre la loi divine et la loi humaine. C'était déjà celle d'Antigone, par ailleurs, et c'est celle que nombre de nos élèves se posent aussi... notamment sur la question de l'homosexualité.

Je compatis, Audrey. Je ne sais pas comment j’aurais réagi  à ta place.

lene75 a écrit:Audrey, ton collègue pose une vraie question, qui est très bien traitée dans le bouquin de Kintzler, Penser la laïcité. Elle explique justement que le deal de la laïcité, c'est de protéger la liberté de culte à condition que les religions renoncent à leur prétention politique. C'est le problème central de la séparation de l'Église et de l'État, que la religion cesse d'avoir une prétention politique, qu'on retrouve dans la question de l'islam politique. Ton collègue n'y apporte pas forcément la bonne réponse, mais sa question est la question centrale de la laïcité : celle du conflit entre la loi divine et la loi humaine. C'était déjà celle d'Antigone, par ailleurs, et c'est celle que nombre de nos élèves se posent aussi... notamment sur la question de l'homosexualité.

Mon collègue a clairement évoqué dans son propos la séparation de l'Eglise et de l'Etat, qui pour lui était une façade, un truc intenable. Merci Lene...

Franchement, je suis super mal en pensant à cette discussion. Vraiment. Faire un job dont on revendique ne pas partager les valeurs met pour le moins en question l'intégrité du collègue, capable de mentir au quotidien face aux élèves, de s'accommoder d'un mensonge permanent... et sur le plan humain, simplement, ça ne me le rend pas sympathique, le mot est faible.

henriette a écrit:C'est un fil d'hommage à Samuel Paty, le sujet du collègue d'Untel et de sa conception de l'homosexualité y est totalement hors-sujet. Merci de débattre de ça dans "J'hallucine" ou un fil comme ça, mais pas ici.

Pardon.
La journée ayant été chargée émotionnellement, et la digression découlant directement de ce qui est en lien avec le sujet, j'ai débordé du cadre, sans en avoir conscience...Ceci dit Henriette, la remarque aurait pu être faite avec un peu plus de douceur, je pense, non?

Christian-HG-TZR67 merci.

Plusieurs de mes 6e m'ont demandé si on ne pouvait pas faire une séance d'écriture de poèmes en hommage à Samuel Paty. C'était adorable. Ca pourra être un thème pour ceux qui voudront l'adopter, mais je vais prévoir aussi un autre thème le jour venu.

Dans le lycée où je travaille la consigne était «vous pouvez, si vous le voulez, rendre hommage à Samuel PATY, par exemple à telle heure, ou comme ci ou comme ca». Dans ces circonstances, en technologie, je crois bien avoir été le seul en fait à lui rendre hommage.

Samuel PATY, mes élèves et moi t’avons rendu hommage aujourd’hui et nous le ferons à nouveau les années prochaines.

Ici, collège REP, absolument aucune communication autour de cette journée, aucune mention même dans le semainier édité par la direction. Ce matin en salle des profs, j'entends le chef dire à une collègue (qui s'étonnait de ne voir aucun hommage prévu sous quelque forme que ce soit) : « bon, je peux vous envoyer un lien Eduscol... mais je ne pense pas qu'on fera quelque chose aujourd'hui, on n'aura pas le temps de monter quelque chose ce matin [sic !] ». Ben tu m'étonnes !

Y a de ces lumières... Ou une mauvaise foi sans vergogne. Ou les deux. :/

Tangleding a écrit:Y a de ces lumières... Ou une mauvaise foi sans vergogne. Ou les deux. :/

On dirai une technique pour étouffer le feu: vous pouvez si vous le voulez,…

Chez nous, minute de silence, ainsi que la dernière heure de cours de chaque classe consacrée à notre convenance à la laïcité, le rôle de l'école...
Nous avions reçu depuis une bonne semaine plusieurs messages de la direction en ce sens ainsi que des pistes et liens pour la dernière heure.

J'ai pour ma part travaillé avec les élèves sur les symboles et valeurs de la République. Ce n'était pas du luxe : en ULIS comme en SEGPA la majorité des élèves ne connaît pas la date du 14 juillet et encore moins ce qui se cache derrière. En revanche, plusieurs ont pu verbaliser des choses très justes sur les notions de laïcité, d'égalité, de liberté. Ce thème est travaillé très régulièrement par les collègues d'HG en inclusions. Et chez moi aussi avec mes 3e sortants, ce d'autant que la question tombe à l'oral du CFG.

Posture impeccable durant la minute de silence, droits comme des i derrière leur chaise. On avait pris le temps de définir ensemble un peu avant ce qu'elle signifiait.

Malavita a écrit:
En revanche, ce qui m'a bien agacé, c'est le discours de deux collègues sur, je maîtrise pas le sujet, donc je ne fais rien, pour l'une et pour l'autre pour qui la laïcité = discrimination et que l'on ferait mieux de faire comme en Angleterre et aux États-Unis. Bref, c'est une méconnaissance totale et depuis 2015, rien n'a bougé et la grande majorité de mes collègues de LP ne font aucun effort pour défendre les valeurs de la République et surtout pour se documenter, se renseigner... J'ai de plus en plus de mal à garder mon calme face à ce genre de discours. Honnêtement, je ne pense même pas qu'une formation sur la laïcité suffise et pourtant ils en auraient bien besoin.

L'école est laïque, c'est pour cela que n'importe qui peut la fréquenter, recevoir le même enseignement (c'est de cela dont il s'agit) et y enseigner et donc de diffuser ou non des caricatures qui plaisent ou déplaisent. On ne va pas refaire le débat puisqu'il n'a pas lieu d'être. Par contre ne pas confondre : les caricatures de Charlie qu'évoquait notre collègue n'ont rien à voir avec la laïcité mais avec le liberté d'expression et d'opinion. Enfin, contrairement à ce que l'on entend dans les médias il n'existe pas de "droit au blasphème" mais la liberté d'expression.

Pour ce que tu décris et que décrivait Audrey, oui, c'est malheureusement effarant. Nous avons dans mon établissement une personne du même genre et l'année dernière je m'étais demandé à quoi ressemblerait son "hommage" sachant que bien sûr il devait condamner le cours de notre collègue Samuel Paty en son fort intérieur. Audrey j'espère que la charmante personne dont tu parles ne sera jamais amenée à venir faire un complément de service dans mon établissement.

Chez nous tout s'est, semble-t-il, déroulé sans incident (semble-t-il car pas de retour négatif en SdP). Minute de silence dans tout l'établissement, chacun dans sa salle, après une sonnerie qui marquait le début et la fin de la minute pour que ce soit coordonné entre tous. Certains ont consacré la séance, d'autre non, ce qui était mon cas. J'avais préféré en parler et expliquer mardi à mes élèves que j'avais ce vendredi pour que ne demeure que la minute de silence vendredi, sans discussion. L'émotion était présente, pour moi comme pour les élèves, seulement l'émotion et l'hommage et pas les "discussions".

J'ai eu quelques questions l'heure d'après avec une autre classe car le professeur qui les avait durant l'hommage avait expliqué mais indiqué "vous demanderez à M. Jacq qui est plus à même de le faire" (sympa le copain !). Nous avons évoqué donc cela en fin de cours (quand il y a eu les questions) mais nous sommes restés sur les victimes du terrorisme et pourquoi un hommage spécifique pour Samuel Paty. Ils ont très bien compris.

J'ai été là encore effaré lorsque un certain nombre d'élèves m'ont indiqué que l'année d'avant ils n'avaient pas fait l'hommage à Samuel Paty dans leur classe (élèves absents, pas en cours, ou pas d'hommage dans leur classe ou établissement ?) ! En même temps (Macron hors de mon corps !) les élèves que j'avais l'après-midi mon demandé si on pouvait "en parler". Je leur ai rappelé que la minute de silence était le matin et que l'année dernière nous en avions "parlé" pendant une matinée entière (c'était moi qui était avec eux ce matin là). 1/3 ne s'en souvenait plus ! J'ai l'impression de pisser dans un violon parfois !

Par contre, en lisant ce sujet, je reste de nouveau effaré (ça fait la troisième fois) de voir le décalage entre le blabla médiatique ("toutes les classes de France ont rendu hommage") et la réalité en constatant le nombre d'établissements où rien n'était prévu, organisé, ou même où rien n'a été fait.

Pour ce qui est des "formations à la laïcité", je n'y crois pas un instant.
Elles peuvent être utiles à ceux qui souhaitent les avoir, n'ont pas les connaissances historiques de la laïcité et veulent les avoir.
Pour les oiseaux décrits par Malavita et Audrey cela ne sert à rien. Pour ces gens-là ce n'est pas de la méconnaissance mais une volonté d'opposition et une volonté de méconnaissance. Il y a juste que ces gens n'ont rien à faire dans l’Éducation nationale, tout comme le collègue de mon établissement puisqu'ils ne partagent les valeurs de la République.

Chez nous rien n'avait été prévu... Il n'y a strictement rien eu, juste un mail pour nous dire qu'on pouvait en parler à l'heure de l'hommage... Mais j'avoue qu'avec la classe que j'avais à ce moment-là (bruits de films pornos regardés sur les téls, bruits de canard, insultes, menaces, élèves qui se courent après avec le spray anti bactéries, tricheries, mensonges, hypocrisie, impossible d'en placer une, une salle remplie de gaillards deux fois plus grands et gros que moi, qui sont contre moi, contestent tout ce que je dis, refusent de sortir quand je les exclue, me crient dessus, qqs uns ayant déjà un petit "business" pour financer leur iphone13), je n'ai pas eu le courage d'aborder le sujet... Je m'en prenais plein la g***le simplement parce que j'essayais de faire cours. J'essayais de survivre, je n'avais plus dénergie ni même de cerveau en état de fonctionner normalement donc j'ai zappé...

Ça a l'air sympa ton collège...

Les établissements dont le collectif est laminé ont rencontré la force d'inertie de leur direction, c'est malheureux à dire. Cet hommage n'a absolument pas été porté par le MEN sinon pour la façade et pour les caméras, là où elles se trouvaient, évidemment.

C'est la triste réalité. Il faut espérer qu'un peu partout les collègues vont prendre conscience de cela et surtout de la nécessité absolue de ne compter que sur nos propres forces collectives.

Lisak40 a écrit:Chez nous rien n'avait été prévu... Il n'y a strictement rien eu, juste un mail pour nous dire qu'on pouvait en parler à l'heure de l'hommage... Mais j'avoue qu'avec la classe que j'avais à ce moment-là (bruits de films pornos regardés sur les téls, bruits de canard, insultes, menaces, élèves qui se courent après avec le spray anti bactéries, tricheries, mensonges, hypocrisie, impossible d'en placer une, une salle remplie de gaillards deux fois plus grands et gros que moi, qui sont contre moi, contestent tout ce que je dis, refusent de sortir quand je les exclue, me crient dessus, qqs uns ayant déjà un petit "business" pour financer leur iphone13), je n'ai pas eu le courage d'aborder le sujet... Je m'en prenais plein la g***le simplement parce que j'essayais de faire cours. J'essayais de survivre, je n'avais plus dénergie ni même de cerveau en état de fonctionner normalement donc j'ai zappé...

"la classe que j'avais à ce moment-là (bruits de films pornos regardés sur les téls, bruits de canard, insultes, menaces, élèves qui se courent après avec le spray anti bactéries, tricheries, mensonges, hypocrisie, impossible d'en placer une, une salle remplie de gaillards deux fois plus grands et gros que moi, qui sont contre moi, contestent tout ce que je dis, refusent de sortir quand je les exclue"

Mais comment est-ce possible ? Que fait ta direction ?
(précision : oui, je dévie)

Intervention d'une enseignante de l'APHG ce matin sur Inter à propos de l'hommage.
https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-du-week-end/l-invite-du-week-end-du-samedi-16-octobre-2021

Jacq a écrit:
L'école est laïque, c'est pour cela que n'importe qui peut la fréquenter, recevoir le même enseignement (c'est de cela dont il s'agit) et y enseigner et donc de diffuser ou non des caricatures qui plaisent ou déplaisent. On ne va pas refaire le débat puisqu'il n'a pas lieu d'être. Par contre ne pas confondre : les caricatures de Charlie qu'évoquait notre collègue n'ont rien à voir avec la laïcité mais avec le liberté d'expression et d'opinion. Enfin, contrairement à ce que l'on entend dans les médias il n'existe pas de "droit au blasphème" mais la liberté d'expression.

Je suis d'accord, la laïcité est un principe philosophico-politique, inscrit dans la constitution, et reposant aussi sur un corpus de lois. On ne renégocie pas tout, les professeurs sont là pour informer pas pour faire des plateaux télé. Toutefois, je mets un bémol sur l'absence de lien entre liberté d'expression et laïcité. Ces deux notions se recoupent en de nombreux points et sont parfois très liées. Il n'existe pas de "blasphème" en France parce qu'il y a des lois sur la liberté d'expression,  mais cette liberté vient aussi  de ce que la République a dès le début, bien avant la diffusion du terme laïcité, assez récent, fait le choix de placer la loi civile au-dessus des croyances. C'est même une idée  murie pendant le siècle des Lumières, et chère à Voltaire notamment. Dans le cas précis des caricatures, cette liberté d'expression est étroitement liée à la laïcité telle que la France la conçoit : il ne peut y avoir de "blasphème" dans la loi, ce terme n'existe tout simplement pas,  puisque la République ne reconnaît  à aucune croyance ou culte une valeur ou une force supérieure aux lois civiles. La liberté d'expression dans ce domaine découle donc de notre principe de laïcité. Ce n'est pas une évidence dans toutes les républiques ou régimes se qualifiant  ainsi:  il en existe dans lesquelles la religion est inscrite dans la constitution, et où les caricatures pourraient être un "blasphème" ou tout au moins une injure.

Lisak40 comment faire autrement que de protéger dans ces conditions ?

Ici, minute de silence chacun dans sa classe suivi d'une heure dédiée à l'hommage. J'ai mal dormi, je ne savais pas trop quoi aborder ou comment l'aborder même si j'ai passé plusieurs heures à y réfléchir et à préparer quelque chose. J'appréhendais d'éventuelles remarques d'autant que les médias ont fait écho d'une situation concernant notre collège et je n'aurais pas su répondre aux questions des élèves qui s'y seraient rapportées. J'ai rappelé les faits, j'ai rappelé que chacun était responsable de ses actes et de ses paroles notamment sur les réseaux sociaux, j'ai rappelé que Samuel Part a simplement fait son travail comme le font tous les professeurs d'histoire-géographie en France et qu'il a abordé des notions qui font partie du programme, j'ai évoqué le rôle des enseignants, j'ai passé une vidéo sur la laïcité et j'ai terminé avec la chanson One. J'avais la gorge nouée, j'ai pas mal bafouillé, j'aurais préféré que l'on soit deux. Mais ça s'est bien passé, l'AESH m'a dit que c'était bien. Je n'ai pas beaucoup laissé de place aux questions, il pouvaient cependant les écrire sur une feuille que j'avais distribué. Une élève m'a demandé ce qu'il était advenu du terroriste (et là j'ai eu un début de remarque d'un élève qui s'est repris et tu aussitôt) mais c'est à peu près tout comme question spontanée. Ils ont respecté ce moment solennel en tout cas.

Cela me frappe le nombre d'établissement où la minute de silence a été renvoyée dans les classes, laissant les enseignants seuls. C'est plutôt lâche.

Isis39 a écrit:Cela me frappe le nombre d'établissement où la minute de silence a été renvoyée dans les classes, laissant les enseignants seuls. C'est plutôt lâche.

Pas "plutôt ": ca l'est. Certains se défaussent avec une intensité inversement.t proportionnelle à leur capacité à nous faire porter tous les torts quand la situation s'envenime, voire qu'il est trop tard.
( ici, mail reçu à 7h45 le matin-même pour dire que oui un hommage éventuellement... Et que chacun fasse comme il le sente surtout.... )

Chez nous, la minute de silence aura lieu mardi, après que les 6e auront eu un cours dispensé par leur professeur d'HG. On a reçu le message hier matin.

Isis39 a écrit:Intervention d'une enseignante de l'APHG ce matin sur Inter à propos de l'hommage.
https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-du-week-end/l-invite-du-week-end-du-samedi-16-octobre-2021

Je l'ai écoutée et grandement appréciée ce matin.
Mon mari a même dit "qui parle? c'est bien ce qu'elle dit. Les journalistes semblent tout déçus, parce qu'elle est intelligente, nuancée, tout en étant déterminée. Pas de hurlement, pas de gesticulations, ils sont déçus, mais pas nous!"

Merci

J'irai écouter son intervention dans la journée !

freche a écrit:Chez nous, la minute de silence aura lieu mardi, après que les 6e auront eu un cours dispensé par leur professeur d'HG. On a reçu le message hier matin.

Et hop ! C'est encore les professeurs d'HG qui doivent faire le boulot.