- pseudo-intelloSage
... et de solide pour faire face à la potentielle partie de élèves qui ne seraient pas traumatisés.jeromebr a écrit:Je suis bien d'accord avec toi, en sachant qu'il faudra quelqu'un de bien solide face à une classe sans doute traumatisée.Tamerlan a écrit:Bien au contraire. Le meilleur hommage possible est de continuer la mission.berzeko a écrit:perso jamais je n'accepterai le poste après ça ne serait-ce que par respect pour l'enseignantMiss Messy a écrit:Entre tristesse et colère … j'anticipe déjà sur la rentrée début novembre et une question : qui vont-ils mettre pour remplacer notre collègue devant ses classes ? Un contractuel sans expérience ? Il serait préférable qu'une personne expérimentée soit présente au moins quelques semaines dans ce collège, non ? A tout hasard, un IPR ?
Je réfléchissais, justement : que faire dans ce cas ? Le contexte mis en place par les élèves / parents d'élèves / etc. était à prendre au sérieux. Par exemple, dans le as où j'aurais rencontré une situation semblable, ce qui m'aurait paru le plus pertinent dans mon cas, ça aurait été d'obtenir une autorisation d'absence immédiate, pour mon mari et moi, et si besoin le droit (le droit n'est pas l'obligation) d'aller nous planquer chez mes parents à 30 bornes jusqu'à ce que les conditions mises en place pour un retour et une reprise sans danger soient assurées.pogonophile a écrit:
Et c'est bien ça qui me chiffonne : rétrospectivement, c'est facile à dire.
Rétrospectivement, on peut déplorer qu'il n'y ait pas eu une protection policière, qui aurait été nécessaire. Sauf que personne n'aurait pu le dire, personne ne l'a réclamé pas même, à ma connaissance, la victime, parce que c'est un événement inédit.
Rétrospectivement, on peut regretter que la protection fonctionnelle n'ait pas été mise en place comme elle aurait dû, mais ce n'est jamais qu'une protection juridique : elle n'aurait rien empêché, tout comme l'enregistrement de la plainte.
Rétrospectivement, on peut dire que l'institution aurait dû faire ci ou faire ça.
Mais la vérité c'est que personne n'a rien vu venir.
Mais j'ai comme un gros doute sur l'humanité de ma hiérarchie et sa propension à m'accorder des congés pour ma sécurité et celle des mes proches.
Il me semble que oui, car la liberté de conscience, la liberté d'expression, et le droit au blasphème font partie des droits inaliénables dans notre pays, et Samuel Paty était professeur d'histoire-géo-EMC.pogonophile a écrit:peut-on utiliser avec des élèves de 4e des supports qui demandent un recul que les adultes ont du mal à montrer ?
Moi, ce qui me chique, c'est que montrer des caricatures à des élèves soit considéré comme un risque en France en 2020.Ramanujan974 a écrit:
Désolé si je choque, mais ce n'est pas à un enseignant dans son coin, même si on est des centaines à le faire, de prendre des risques pour sa vie/sa famille dans l'exercice de son métier. Je n'ai pas signé pour ça, contrairement à un pompier ou un soldat. Surtout vu comme on est soutenu.
Elyas a écrit:C'est l'enfer, les sites d'information ne vérifient pas la véracité des photographies.
La bande de [modéré].
- Pontorson50Fidèle du forum
À Ponocrates , ne pas se méprendre, je tiens, toutes les semaines, des propos, même et surtout distanciés, qui suscitent des désaccords. Et je ne me sens en rien responsable des violences possibles en retour. Quand je parle de responsabilité, il s agit de celle qui nous incombe, et que notre collègue a assumé jusqu qu au bout, faire face à des désaccords que le contenu d' une norme ne manque jamais de déclencher.
- Marcelle DuchampExpert spécialisé
zigmag17 a écrit:Ce qui est extraordinaire, c'est le postulat de départ, tranquillement admis et jamais remis en cause: il serait naturel qu'un enseignant doive prendre des précautions et proposer à des élèves de quitter le cours s'il s'avère que le contenu de ce dernier serait pour eux "choquant". L'enseignant agit avec tolérance et par anticipation, c'est tout à son honneur. Mais cela dans un Etat de droit ne devrait jamais être. Nous devrions pouvoir assurer des cours sans devoir nous poser au préalable la question de savoir si par hasard leur contenu peut entraîner un déchaînement de violence.
De ce fait, tout le raisonnement est biaisé. Il devrait être possible de réagir en considérant le problème à la racine, et de dire: tu es un élève en France aujourd'hui, au XXIe siècle, tu assistes à un cours dans l'Ecole de la République qui ici est laïque et ouverte à toutes les croyances et même -on n'en parle JAMAIS- à l'athéisme, tu as le droit de ne pas être d'accord, cela s'appelle l'esprit critique et le débat, mais si tu penses que c'est trop insupportable pour toi, d'abord laisse les autres exprimer leur point de vue, ensuite choisis un mode d'instruction différent (le CNED, par exemple, puisque le distanciel est à la mode).
Ne nions pas les problèmes. Bravo à ceux ici qui disent que "oui oui on va leur montrer les caricatures à ces petits élèves, afin qu'ils comprennent qu'enseigner la liberté d'expression c'est notre job".
Vous savez quoi? Depuis une quinzaine d'années à peu près sont arrivés dans mes classes des élèves qui dans le meilleur des cas passent une heure de cours la tête tournée sans jamais me regarder quand le contenu du cours ne le leur plaît pas; et je ne parle pas de grammaire ou de conjugaison hein. Des thèmes d'actualité, ou des textes, ou des oeuvres picturales, qui les heurtent en raison de convictions religieuses clairement énoncées. Cette attitude ostentatoire est difficile à prouver donc à contrer. Dans l'entre-deux, il existe les "empêcheurs d'enseigner en rond", qui hurlent ou s'exclament pour les mêmes raisons, empêchent le cours d'avancer et parfois oui, me traitent de "blanche et de Française qui si elle n'est pas contente n'a qu'à partir" (cela m'est arrivé dans mon précédent établissement et j'aimerais bien que mes propos soient conservés ici car c'est la vérité , une vérité que certains collègues ne peuvent même pas imaginer, moi-même si je n'avais pas travaillé dans certains contextes je n'y aurais pas cru). La dernière étape j'imagine, c'est celle qui a trouvé son aboutissement tragique hier.
Alors évidemment ce sont quelques élèves à la marge , heureusement. Mais à cause d'eux, évidemment aussi qu'il faut bien réfléchir à la manière dont le programme va être traité: allons-y, parlons de Simone Veil et de l'avortement, des droits des femmes, sujets sensibles s'il en est, devant une audience prête à en découdre avec des arguments plus que fallacieux basés sur une idéologie extrémiste; parlons aussi de cet AED attendu par une petite bande avec des battes de base-ball à la sortie du lycée parce qu'il avait osé discuter une thèse créationniste énoncée par un élève pendant une heure d'étude.
Depuis quelques années, faire certains cours relève du rodéo, de l'équilibrisme, de l'exploit. Et bien sûr que l'auto-censure existe. Hélas. Si l'EN était claire avec ça, tout ceci n'arriverait pas, c'est aussi simple que cela: parole de l'enseignant sacrée donc respectée, cours appliqués, le tout dans le respect de chacun.
Parce que le monde est entré dans l'école, parce que le monde parfois a des côtés obscurs, parce que les élèves ne sortent pas de nulle part et que certains font au lycée ce qu'ils font à l'extérieur: ils battent le rappel des troupes pour aller donner "une bonne leçon" à celui ou celle qui n'entre pas dans leurs vues étroites.
Je ne comprends pas pourquoi il ne faut pas parler de "cité " ici (ou de "quartier")? J'ai dû rater quelques messages. Néanmoins, pourquoi occulter une certaine réalité?
L'angélisme et la bien-pensance nous font un tort énorme. J'ai travaillé longtemps dans un lycée polyvalent en milieu très urbain, en SEP, avec des élèves qui apprenaient leurs sourates en cours de français pour les réciter à l'imam le soir et ne faisaient cas ni de leur enseignante (puisque femme) ni de ses propos (puisque laïcs donc par nature irrecevables). Les collègues de sections avec des élèves de type Abibac, Bachibac etc, vivaient leur métier à des années-lumière du nôtre, en LP. On peut se payer le luxe d'avoir un raisonnement purement intellectuel quand on n'est pas confronté quotidiennement à une hostilité qui fait qu'en filigrane il y a toujours l'idée qu'après un cours il "pourrait se passer quelque chose" (appel de parents mécontents, arrivée d'une bande dans le lycée "pour discuter" etc).
Si je n'avais pas travaillé en LP je n'aurais jamais pu admettre que notre société est aussi fondée sur cette part obscure, cela m'aurait semblé délirant et faux. Pourtant c'est une réalité.
D'ailleurs j'ai demandé une mutation il y a quelques années; je suis désormais dans un LP beaucoup plus tranquille, dans lequel pour l'instant aucune conviction religieuse extrémiste n'est exprimée, ni de ce fait n'empêche de faire cours. Eh bien oserai-je dire que je suis beaucoup plus détendue? Je fais des cours sans arrière-pensée, tels qu'ils doivent être faits. Il y a des débats en classe bien sûr, mais rien qui fasse l'objet d'un ressentiment ou d'une haine posés a priori sur mon enseignement ou ma personne.
Tout cela n'est pas normal.
Je rebondis sur tes propos.
J’ai souvent abordé des thèmes qu’on pourrait juger sensible comme la nudité dans l’Histoire de l’Art avec images à l’appui, des œuvres sur la Shoah, sur les caricatures en abordant évidemment Charlie Hebdo. Et effectivement, on doit prendre des pincettes. Et ces pincettes se retrouvent à plusieurs niveau: pour anecdote, je faisais une visite du Musée d’Orsay sur le thème du réalisme avec des 4e. On avait fini un peu plus tôt et la guide avait évoqué l’Origine du Monde sans oser passer ds cette salle. Je lui demande si on peut y aller finalement puisqu’on avait du temps devant nous. Elle a été très étonnée de ma demande et m’a questionnée sur mes élèves et leur futur perception face à l’œuvre. Ils étaient en 4e, classe mixte avec beaucoup d’élèves musulmans, mais moi je les jugeais aptes à voir l’œuvre et en parler puisqu’on avait évoqué un jour en cours d’Histoire de l’Art la question de la nudité au fil du temps.
Son inquiétude a montré l’œuvre m’a vraiment choquée et surtout cette phrase « vous êtes une des rares profs qui me demandent ça, on m’exclue systématiquement cette œuvre du parcours! ». Finalement on a pas pu la voir car un élève s’est perdu ds le musée et le temps de le retrouver on a perdu tout notre temps, mais 5 ans plus tard, je m’en rappelle.
En arts plastiques nous sommes souvent amenés à discuter d’œuvres et d’artistes avec les élèves et ces dernières années, je me rends compte que c’est de plus en plus difficile. Pourtant j’ai eu la chance de ne pas enseigner dans des endroits sensibles mais je me suis heurtée à des familles et des élèves bien bas de plafond.
La veille de faire mon AVC, j’ai subi une attaque de la part de 3 élèves de 4e qui m’ont reproché d’aborder l’homosexualite de Léonard de Vinci. Je répondais juste à une question d’un élève qui me demandait la nature de la relation entre de Vinci et Salai.
Je m’en rappellerai toute ma vie, j’ai été dégoûtée de leurs insultes homophobes et leur mépris vis à vis de moi.
Je leur ai passé un bal et j’espérai pouvoir leur montrer ds le futur des œuvres qui ouvriraient leur esprit critique, mais bon, manque de pot, je n’ai jamais pu revenir enseigner à ces enfants.
Ce qui m’inquiète désormais c’est la suite de cet attentat. Que va t’on attendre de nous?
_________________
Je m’excuse par avance des fautes d’accord, de grammaire, de syntaxe et de conjugaison que je peux laisser passer dans mes écrits. Je suis aphasique suite à un AVC et je réapprends à écrire depuis presque 5 ans. J'ai un grand problème avec le subjonctif et le genre des mots!
- chmarmottineGuide spirituel
Très attristé d'apprendre l'assassinat d'un collègue d'histoire-géographie-EMC. Sous le choc aussi en découvrant les dessins de ses élèves réalisés en avril 2019 autour d'une exposition qu'il avait créée sur les valeurs de Liberté, d'égalité et de fraternité. #SamuelPaty pic.twitter.com/ru0qBmf0qB
— Arnaud LEONARD (@Leonard_Bangkok) October 17, 2020
- neomathÉrudit
MendianteRousse a écrit:
Ce matin, j'avais cours, (je suis passé en salle des profs voir si quelque chose était prévu, rien de spécial) je pensais que les élèves seraient intrigués, choqués. Qu'on en dirait quelques mots. Grand moment de solitude.
Je m'étonne de votre étonnement. Souvenez vous après les attentats de Charlie, les peines de prison ferme pour un mot de travers, les enfants des écoles convoqués par la police sur dénonciation de leurs enseignants.
Les musulmans de France se souviennent, eux, et savent très bien que quoi qu'ils disent, leurs propos seront utilisés contre eux. Que dans ce pays, un crime commis par un musulman est un crime musulman dont tous les musulmans doivent répondre.
Alors dans ces circonstances, quel parent serait assez fou pour ne pas donner à ses enfants la consigne stricte de se taire ?
- PonocratesExpert spécialisé
À un moment donné, quand les convictions des élèves, ou de leurs parents, c'est que la République n'est pas légitime pour imposer ses lois, que ses valeurs ne sont que des chimères par rapport à un texte religieux - quel qu'il soit- et que moi-même je n'ai pas évoquer sa façon de voir parce que mon sexe et mes croyances supposées ou véritables font de moi un être inférieur, je ne vois pas très bien comment je peux parler sans " attaquer frontalement leur convictions". S'ils sont blessés que l'on ne pense pas comme eux, c'est dommage pour eux, mais c'est précisément cela, la liberté d'expression. Cette blessure narcissique là est inévitable, sauf à raser les murs et à dire que toutes les opinions se valent.
Grillée par Mutis
Grillée par Mutis
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"If you think education is too expensive, try ignorance ! "
"As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? "
- zigmag17Guide spirituel
"Esquiver lâchement": j'invite quiconque intéressé par la question à venir enseigner dans certaines classes que je connais.
Je veux bien faire preuve de courage. Je l'ai déjà fait d'ailleurs, ce qui a donné lieu à des réflexions du CdE de l'époque, qui m'ont beaucoup aidée: le fameux "Que faites-vous en classe pour susciter de pareilles réactions?" m'a achevée et marquée à vie. Cela commence par là: si l'on accordait à l'enseignant a priori toute confiance en son professionnalisme et en ses capacités de réflexion sur les cours qu'il dispense, ce genre de remarque n'existerait pas et le monde de l'EN n'en tournerait que mieux.
Après, je veux bien voir dans une classe gangrenée -terme choisi à dessein- par le fanatisme religieux, un PA ou un CdE, ou d'autres enseignants aussi, dispenser une leçon de tolérance avec à l'appui les fameuses caricatures. Juste pour voir ce que cela donne, admirer ce courage, et prendre exemple.
Je veux bien faire preuve de courage. Je l'ai déjà fait d'ailleurs, ce qui a donné lieu à des réflexions du CdE de l'époque, qui m'ont beaucoup aidée: le fameux "Que faites-vous en classe pour susciter de pareilles réactions?" m'a achevée et marquée à vie. Cela commence par là: si l'on accordait à l'enseignant a priori toute confiance en son professionnalisme et en ses capacités de réflexion sur les cours qu'il dispense, ce genre de remarque n'existerait pas et le monde de l'EN n'en tournerait que mieux.
Après, je veux bien voir dans une classe gangrenée -terme choisi à dessein- par le fanatisme religieux, un PA ou un CdE, ou d'autres enseignants aussi, dispenser une leçon de tolérance avec à l'appui les fameuses caricatures. Juste pour voir ce que cela donne, admirer ce courage, et prendre exemple.
- blancheExpert
Message de la FSU 54 : Rassemblement ce samedi 17 à 17h place Maginot à Nancy en la mémoire de notre collègue sauvagement assassiné. Les enseignants continueront à former la jeunesse aux principes de la démocratie, la liberté d'expression est indiscutable. L’Éducation est le rempart à l'obscurantisme.
- Hermione0908Modérateur
Merci Malaga, par ton témoignage, de lui rendre sa légitimité professionnelle.
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Certaines rubriques de Neoprofs.org sont en accès restreint.
Pour en savoir plus, c'est par ici : https://www.neoprofs.org/t48247-topics-en-acces-restreint-forum-accessible-uniquement-sur-demande-edition-2021
- VoltigeurHabitué du forum
Attentat de Conflans : le rôle d'un agitateur radicalisé pointé du doigt
https://www.lepoint.fr/societe/conflans-le-role-d-un-agitateur-radicalise-pointe-du-doigt-17-10-2020-2396831_23.php
_________________
«Quand tout le monde pense la même chose, c'est que plus personne ne pense» (Walter Lippman)
- CathEnchanteur
Voilà.zigmag17 a écrit:Ce qui est extraordinaire, c'est le postulat de départ, tranquillement admis et jamais remis en cause: il serait naturel qu'un enseignant doive prendre des précautions et proposer à des élèves de quitter le cours s'il s'avère que le contenu de ce dernier serait pour eux "choquant". L'enseignant agit avec tolérance et par anticipation, c'est tout à son honneur. Mais cela dans un Etat de droit ne devrait jamais être. Nous devrions pouvoir assurer des cours sans devoir nous poser au préalable la question de savoir si par hasard leur contenu peut entraîner un déchaînement de violence.
De ce fait, tout le raisonnement est biaisé. Il devrait être possible de réagir en considérant le problème à la racine, et de dire: tu es un élève en France aujourd'hui, au XXIe siècle, tu assistes à un cours dans l'Ecole de la République qui ici est laïque et ouverte à toutes les croyances et même -on n'en parle JAMAIS- à l'athéisme, tu as le droit de ne pas être d'accord, cela s'appelle l'esprit critique et le débat, mais si tu penses que c'est trop insupportable pour toi, d'abord laisse les autres exprimer leur point de vue, ensuite choisis un mode d'instruction différent (le CNED, par exemple, puisque le distanciel est à la mode).
Ne nions pas les problèmes. Bravo à ceux ici qui disent que "oui oui on va leur montrer les caricatures à ces petits élèves, afin qu'ils comprennent qu'enseigner la liberté d'expression c'est notre job".
Vous savez quoi? Depuis une quinzaine d'années à peu près sont arrivés dans mes classes des élèves qui dans le meilleur des cas passent une heure de cours la tête tournée sans jamais me regarder quand le contenu du cours ne le leur plaît pas; et je ne parle pas de grammaire ou de conjugaison hein. Des thèmes d'actualité, ou des textes, ou des oeuvres picturales, qui les heurtent en raison de convictions religieuses clairement énoncées. Cette attitude ostentatoire est difficile à prouver donc à contrer. Dans l'entre-deux, il existe les "empêcheurs d'enseigner en rond", qui hurlent ou s'exclament pour les mêmes raisons, empêchent le cours d'avancer et parfois oui, me traitent de "blanche et de Française qui si elle n'est pas contente n'a qu'à partir" (cela m'est arrivé dans mon précédent établissement et j'aimerais bien que mes propos soient conservés ici car c'est la vérité , une vérité que certains collègues ne peuvent même pas imaginer, moi-même si je n'avais pas travaillé dans certains contextes je n'y aurais pas cru). La dernière étape j'imagine, c'est celle qui a trouvé son aboutissement tragique hier.
Alors évidemment ce sont quelques élèves à la marge , heureusement. Mais à cause d'eux, évidemment aussi qu'il faut bien réfléchir à la manière dont le programme va être traité: allons-y, parlons de Simone Veil et de l'avortement, des droits des femmes, sujets sensibles s'il en est, devant une audience prête à en découdre avec des arguments plus que fallacieux basés sur une idéologie extrémiste; parlons aussi de cet AED attendu par une petite bande avec des battes de base-ball à la sortie du lycée parce qu'il avait osé discuter une thèse créationniste énoncée par un élève pendant une heure d'étude.
Depuis quelques années, faire certains cours relève du rodéo, de l'équilibrisme, de l'exploit. Et bien sûr que l'auto-censure existe. Hélas. Si l'EN était claire avec ça, tout ceci n'arriverait pas, c'est aussi simple que cela: parole de l'enseignant sacrée donc respectée, cours appliqués, le tout dans le respect de chacun.
Parce que le monde est entré dans l'école, parce que le monde parfois a des côtés obscurs, parce que les élèves ne sortent pas de nulle part et que certains font au lycée ce qu'ils font à l'extérieur: ils battent le rappel des troupes pour aller donner "une bonne leçon" à celui ou celle qui n'entre pas dans leurs vues étroites.
Je ne comprends pas pourquoi il ne faut pas parler de "cité " ici (ou de "quartier")? J'ai dû rater quelques messages. Néanmoins, pourquoi occulter une certaine réalité?
L'angélisme et la bien-pensance nous font un tort énorme. J'ai travaillé longtemps dans un lycée polyvalent en milieu très urbain, en SEP, avec des élèves qui apprenaient leurs sourates en cours de français pour les réciter à l'imam le soir et ne faisaient cas ni de leur enseignante (puisque femme) ni de ses propos (puisque laïcs donc par nature irrecevables). Les collègues de sections avec des élèves de type Abibac, Bachibac etc, vivaient leur métier à des années-lumière du nôtre, en LP. On peut se payer le luxe d'avoir un raisonnement purement intellectuel quand on n'est pas confronté quotidiennement à une hostilité qui fait qu'en filigrane il y a toujours l'idée qu'après un cours il "pourrait se passer quelque chose" (appel de parents mécontents, arrivée d'une bande dans le lycée "pour discuter" etc).
Si je n'avais pas travaillé en LP je n'aurais jamais pu admettre que notre société est aussi fondée sur cette part obscure, cela m'aurait semblé délirant et faux. Pourtant c'est une réalité.
D'ailleurs j'ai demandé une mutation il y a quelques années; je suis désormais dans un LP beaucoup plus tranquille, dans lequel pour l'instant aucune conviction religieuse extrémiste n'est exprimée, ni de ce fait n'empêche de faire cours. Eh bien oserai-je dire que je suis beaucoup plus détendue? Je fais des cours sans arrière-pensée, tels qu'ils doivent être faits. Il y a des débats en classe bien sûr, mais rien qui fasse l'objet d'un ressentiment ou d'une haine posés a priori sur mon enseignement ou ma personne.
Tout cela n'est pas normal.
- User20401Vénérable
Merci, Malaga. Pensées à toi et tes collègues.
- gauvain31Empereur
Condorcet a écrit:Ce moyen existe et s'appelle la méthode historique pensée, réfléchie, débattue depuis des générations. Définir, expliquer, décanter, multiplier les focales, enrichir le regard : en définitive, tout ce qui ne rend pas l'individu, quel qu'il soit, d'où qu'il vienne, prisonnier d'un carcan idéologique.
Cette méthode a exactement son équivalent pour les sciences dont les SVT où là aussi nous sommes par définition sensibilisés au fait que des élèves sont aussi prisonniers de carcans idéologiques comme tu le dis si bien Condorcet. Et il n'est parfois pas simple de les en faire sortir.
- SphinxProphète
J'ai découvert ce matin. Je suis horrifiée. Triste. Très en colère.
Maintenant on peut être assassiné en pleine rue pour avoir fait son travail.
Je ne peux être à aucun rassemblement, étant à l'étranger, mais j'allume une bougie à la fenêtre.
Une pensée pour sa famille, ses amis, ses collègues, ses élèves.
Maintenant on peut être assassiné en pleine rue pour avoir fait son travail.
Je ne peux être à aucun rassemblement, étant à l'étranger, mais j'allume une bougie à la fenêtre.
Une pensée pour sa famille, ses amis, ses collègues, ses élèves.
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An education was a bit like a communicable sexual disease. It made you unsuitable for a lot of jobs and then you had the urge to pass it on. - Terry Pratchett, Hogfather
"- Alors, Obélix, l'Helvétie c'est comment ? - Plat."
- CeladonDemi-dieu
Tous les jours, mes "convictions sont attaquées frontalement".
Et alors ?
Et alors ?
- jaybeNiveau 9
Ramanujan974 a écrit:Ce qui s'est passé est horrible. Toute personne sensée est d'accord avec ça.
Moi, je suis perplexe à la lecture de certains messages de ce fil : ceux qui veulent à leur tour montrer les caricatures à leurs élèves.
Il y a un côté "Idéal à défendre et vision sacerdotale du métier" que je ne partage pas.
Désolé si je choque, mais ce n'est pas à un enseignant dans son coin, même si on est des centaines à le faire, de prendre des risques pour sa vie/sa famille dans l'exercice de son métier. Je n'ai pas signé pour ça, contrairement à un pompier ou un soldat. Surtout vu comme on est soutenu.
Mon job est d'enseigner ma discipline. Point barre. Je ne crois pas du tout à "la formation de citoyens éclairés"...
Si je voyais Macron et Blanquer brandir les caricatures et porter un brassard "Je suis Charlie", je verrais peut-être les choses d'un autre oeil. Ou que tous les IG/IPR/IEN/Recteurs/DASEN de France fassent une tournée des écoles pour expliquer les caricatures.
Mais il y a plus de chances que je gagne à Euromillions.
Ce qui est le plus triste, c'est que ça ne s'arrêtera pas. Je ne vois pas ce qu'il faudrait faire, en supposant que tout soit possible.
Je ne crois pas que c'est être lâche de penser ça, on ne peut pas raisonner avec l'irrationnel. Il reste la colère et la résignation.
En mathématiques, on peut faire apprendre qu'il n'existe pas de texte contenant une vérité indiscutable révélée aux hommes, mais que les connaissances s'acquièrent par la rationalité, et que certaines sont encore inaccessibles à l'heure actuelle. Qu'il y a eu des changements de paradigmes importants dans l'histoire des sciences et des mathématiques lorsque des personnes ont eu la perspicacité de remettre en cause ce qui était alors supposé comme des vérités premières inaltérables. Si un professeur de mathématiques estime qu'il n'a pas à faire prendre conscience de cela à ses élèves, je peux lui conseiller un autre métier, vu qu'il n'a pas compris grand-chose à "sa" matière.
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Les mathématiciens ne sont pas des gens qui trouvent les mathématiques faciles ; comme tout le monde, ils savent qu'elles sont difficiles, mais ça ne leur fait pas peur !
- ProvenceEnchanteur
Beau message reçu ce matin de la part de la rectrice d'Orléans-Tours.
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Mesdames et Messieurs les membres de la communauté éducative,
Un professeur d’histoire, de géographie et d’éducation morale et civique a été assassiné ce vendredi 16 octobre. Le grief de son meurtrier est un cours qu’il avait donné sur la liberté d’expression, un cours d’éducation morale et civique du programme de quatrième. Sa mort nous laisse stupéfaits, profondément indignés mais déterminés à vous soutenir, à vous protéger dans l’exercice de votre métier, si noble, si essentiel.
Vous formez les enfants pour qu’ils deviennent des citoyens libres, libres de croire ou de ne pas croire, pour qu’ils comprennent et chérissent cette liberté d’expression consubstantielle à la République, à la démocratie, inscrite dès 1789 dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Vous formez de futurs citoyens, vous leur apprenez le raisonnement scientifique, vous les guidez pour qu’ils exercent leur esprit critique. Vous leur transmettez nos valeurs, celles de la République dont l’École est un pilier majeur. Ce que vous incarnez est précieux, irremplaçable. Vous pouvez compter sur moi, sur notre institution et toutes les forces républicaines de la société pour vous garantir le respect, la sécurité et la sérénité qui vous sont dus dans l’exercice de votre mission.
Katia BÉGUIN
Rectrice de la région académique Centre-Val de Loire
Rectrice de l'académie d'Orléans-Tours
Chancelière des universités
- JacqGuide spirituel
Je n'ai pas la volonté de polémiquer sur rien du tout... Une pensée pour tous, famille, collègues, élèves. C'est tellement épouvantable.
- PoupoutchModérateur
Je fais partie des rares collègues qui ont eu cours ce matin, et il se trouve que j'ai dans mes deux groupes du samedi énormément d'élèves musulmans.
Je n'ai pas trop souhaité m'étendre sur le sujet. Je ne crois pas aux réactions à chaud et sous le coup du choc, je suis plus à mon aise quand j'ai réussi à mettre un peu de recul.
Mais ce que j'ai dit aux élèves, qui m'ont d'abord parlé de maladresse, de choses qui "ne se font pas", sans acrimonie mais avec une certaine innocence, naïveté, c'est que la vie en société implique, parfois, que nos sensibilités soient blessées. Que, lorsque notre sensibilité est blessée il est juste, normal, que l'on puisse l'exprimer (c'est cela aussi, la liberté d'expression). Qu'il existe pour cela d'abord la discussion (je suis en plein dans "les pouvoirs de la parole", comment l'illustrer mieux qu'en rappelant les vertus du dialogue ?) et éventuellement des actions légales. Mais rien, rien, ne justifie que l'on assassine un professeur ou qui que ce soit parce que notre sensibilité à été heurtée. Ce n'est pas comme cela que l'on résout les problèmes.
Je n'ai pas trop souhaité m'étendre sur le sujet. Je ne crois pas aux réactions à chaud et sous le coup du choc, je suis plus à mon aise quand j'ai réussi à mettre un peu de recul.
Mais ce que j'ai dit aux élèves, qui m'ont d'abord parlé de maladresse, de choses qui "ne se font pas", sans acrimonie mais avec une certaine innocence, naïveté, c'est que la vie en société implique, parfois, que nos sensibilités soient blessées. Que, lorsque notre sensibilité est blessée il est juste, normal, que l'on puisse l'exprimer (c'est cela aussi, la liberté d'expression). Qu'il existe pour cela d'abord la discussion (je suis en plein dans "les pouvoirs de la parole", comment l'illustrer mieux qu'en rappelant les vertus du dialogue ?) et éventuellement des actions légales. Mais rien, rien, ne justifie que l'on assassine un professeur ou qui que ce soit parce que notre sensibilité à été heurtée. Ce n'est pas comme cela que l'on résout les problèmes.
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Lapin Émérite, celle qui Nage en Lisant ou Inversement, Dompteuse du fauve affamé et matutinal.
"L'intelligence est une maladie qui peut se transmettre très facilement mais dont on peut guérir très rapidement et sans aucune séquelle"
- chmarmottineGuide spirituel
Le procureur confirme les informations données jusqu'ici.
Les vidéos, les dépôts de plainte, la revendication, ...
Le renvoi de la jeune fille n'aurait pas de rapport avec les caricatures.
Les vidéos, les dépôts de plainte, la revendication, ...
Le renvoi de la jeune fille n'aurait pas de rapport avec les caricatures.
- ElyasEsprit sacré
Vous savez que le forum est rempli de collègues conflanais et de collègues qui sont dans ce collège ou y ont été et qui vivent mal en ce moment. Merci de rester pudique sur certains points.
- AudreyOracle
Ajonc35 a écrit:Que dire de plus que n'auraient dit bon nombre des posts précédents?
Pour moi stupeur, nausée, chagrin et tout d'abord à celui de sa famille et de son cercle proche qu'il soit professionnel ou amical. Un peu, beaucoup, tétanisée par cette nouvelle.
Je rajoute qu'il y a deux ou trois ans, j'avais travaillé le sujet des libertés et donc de la liberté religieuse à travers "Persépolis" et donc de la religion musulmane qu'il ne fallait pas confondre avec terrorisme et je terminais par les libertés en France. J'ai subi les assauts d'un parent fou, furieux qui m'indiquait que je n'avais pas à enseigner cela sans pour autant avoir le soutien de ma Direction qui subissait aussi ce parent. Et je dois remercier deux collègues qui ont enfin mis ce parent à sa place. Ouf, ce n'est pas aller plus loin. mais si j'avais eu le soutien "l'assaut" aurait été plus court. Le parent, un Français sans doute de culture catholique donc des irrationnels, "irraisonnables" il y en a partout.
L'an dernier en 3e j'ai dû moi aussi avoir une conversation tendue avec deux élèves qui suite au travail sur "Persépolis" avaient déclaré dans leur évaluation avoir été choquées par la manque de respect de l'islam exprimé dans cette oeuvre... j'ai demandé conseil à mon collègue d'HG, histoire de ne pas faire de boulettes, et la discussion s'est relativement bien passée, les élèves sont restées tout à fait courtoises, mesurées dans leur argumentation, mais quand l'entretien s'est terminé, j'étais certaine de n'avoir en rien modifié leur perception des choses. Ça m'a laissé un goût amer.
- sandGuide spirituel
Quelle barbarie... Pauvre homme, pauvre famille...
- PoupoutchModérateur
Tu fais bien de le rappeler, Elyas, et je me rends compte que, dans ma hâte de poster mon message, je n'ai pas pris le temps de dire l'évidence : je pense très fort à la famille, aux collègues et aux élèves de ce professeur.Elyas a écrit:Vous savez que le forum est rempli de collègues conflanais et de collègues qui sont dans ce collège ou y ont été et qui vivent mal en ce moment. Merci de rester pudique sur certains points.
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Lapin Émérite, celle qui Nage en Lisant ou Inversement, Dompteuse du fauve affamé et matutinal.
"L'intelligence est une maladie qui peut se transmettre très facilement mais dont on peut guérir très rapidement et sans aucune séquelle"
- AudreyOracle
Rassemblement en mémoire de notre collègue demain à 15h à Bourg-en-Bresse devant la préfecture.
L'info est visible sur le site du Snes, n'hésitez pas à aller sur les sites des sections départementales.
L'info est visible sur le site du Snes, n'hésitez pas à aller sur les sites des sections départementales.
- PoupoutchModérateur
A Lille, il y aura un rassemblement aujourd'hui et un autre demain. 15h à chaque fois.
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