Enseigner le latin, quelle plaie.

Je suis passée à temps partiel cette année et mon CDE m'a automatiquement "privée" de latin (un peu pour me punir d'être à temps partiel... Il fait venir un prof à 1h d'ici juste pour assurer le latin...) Eh bien; j'ai encore un peu honte de le dire mais c'est comme un soulagement...
J'ai vraiment l'impression qu'en LCA, on doit toujours se justifier; j'ai fait la tournée des classes l'an passé mais je n'ai annoncé aucune festivité (pas de voyages, pas de sorties et même pas de mythologie...), les quelques élèves qui ont signé se sont inscrits (en théorie) pour travailler...
On court après les heures, on court après les élèves et le public est de moins en moins enclin à apprendre quoi que ce soit. Peut-être que je suis fatiguée ou désabusé mais l'amour de ma matière ne suffit plus à encaisser les coups.
Enseigner le français est plus légitime et donc un peu plus facile de ce point de vue-là (encore qu'il faille maintenant tout justifier y compris l'intérêt d'avoir une orthographe correcte et de savoir analyser une phrase). Aucun collègue (même s'ils sont très sympas) ne considère le latin comme une matière... Juste une option pour la frime... Et surtout aucun boulot pour le prof, bref pour tout le monde le latin c'est inutile et rébarbatif

J'ai proposé de mettre une heure de grec pour compléter mon mi-temps: réponse pas de sous; à la place on ouvre une option LCE ou un truc du genre...

J'ai eu l'impression, en juin dernier, que même certaines de mes collègues de lettres au lycée ne voyaient pas l'intérêt du latin...

J'intégrais aussi mes collègues de lettres dans "aucun collègue"... ils font du projet... eux... Si je faisais un EPI latin-anglais-svt, je gagnerais beaucoup en crédibilité...

Un mélange de sentiments depuis quelques années, surtout depuis la désinvolture affichée par l'Institution pendant la réforme 2016 vis-à-vis des langues anciennes : oui, oui, on a bien programmé votre disparition, mais où y voyez-vous un problème ? C'est un mélange d'un tiers de détachement et de trois tiers de dégoût. C'est à 120 % la certitude que si c'était à refaire, je ne m'embêterais pas à passer le capes de lettres classiques.

Ce fil est désespérant. @A rebours, je crois que tu décroches la palme. Courage.

boneminealsace a écrit:Je suis passée à temps partiel cette année et mon CDE m'a automatiquement "privée" de latin (un peu pour me punir d'être à temps partiel... Il fait venir un prof à 1h d'ici juste pour assurer le latin...) Eh bien; j'ai encore un peu honte de le dire mais c'est comme un soulagement...
J'ai vraiment l'impression qu'en LCA, on doit toujours se justifier; j'ai fait la tournée des classes l'an passé mais je n'ai annoncé aucune festivité (pas de voyages, pas de sorties et même pas de mythologie...), les quelques élèves qui ont signé se sont inscrits (en théorie) pour travailler...
On court après les heures, on court après les élèves et le public est de moins en moins enclin à apprendre quoi que ce soit. Peut-être que je suis fatiguée ou désabusé mais l'amour de ma matière ne suffit plus à encaisser les coups.
Enseigner le français est plus légitime et donc un peu plus facile de ce point de vue-là (encore qu'il faille maintenant tout justifier y compris l'intérêt d'avoir une orthographe correcte et de savoir analyser une phrase). Aucun collègue (même s'ils sont très sympas) ne considère le latin comme une matière... Juste une option pour la frime... Et surtout aucun boulot pour le prof, bref pour tout le monde le latin c'est inutile et rébarbatif

J'aurais pu écrire une bonne partie de ce message!
1° on doit toujours se justifier : mais c'est tellement vrai... je ressassais constamment la même chose mais j'ai décidé que, cette année, ce serait terminé.
2° on court après les heures & les élèves : très juste aussi. Je me bats depuis plusieurs années pour conserver les quelques heures qui me sont accordées ; chaque nouvelle rentrée est un stress supplémentaire.
3° je me disais aujourd'hui que, pour muter, il faudrait presque que je passe le concours LM et éventuellement une certif LC derrière, mais j'aime tellement le latin, la culture antique, que ça me semble inconcevable. J'aurais l'impression d'être amputée de ce qui fonde, en partie, ma vocation (au collège, déjà, je savais que je voulais devenir prof de LC).
4° hélas, c'est bien vrai : peu de collègues reconnaissent les LCA à leur juste valeur. Et le pire, c'est que les autres n'ont aucun problème à l'assumer.

A rebours a écrit:Mon CDE m'a dit en ces mots "C'est du gaspillage d'heures pour les bons élèves", en parlant du latin.
Voilà.

Encore un qui n'a pas été littéraire, ou mauvais, ou qui a adopté les "postures" managériales. Lui as-tu mis, gentiment et poliment bien entendu, son paquet dans la tronche ?

marjolie.june a écrit:J'ai eu l'impression, en juin dernier, que même certaines de mes collègues de lettres au lycée ne voyaient pas l'intérêt du latin...

Louiseetcie a écrit:

J'aurais pu écrire une bonne partie de ce message!
1° on doit toujours se justifier : mais c'est tellement vrai... je ressassais constamment la même chose mais j'ai décidé que, cette année, ce serait terminé.
2° on court après les heures & les élèves : très juste aussi. Je me bats depuis plusieurs années pour conserver les quelques heures qui me sont accordées ; chaque nouvelle rentrée est un stress supplémentaire.
3° je me disais aujourd'hui que, pour muter, il faudrait presque que je passe le concours LM et éventuellement une certif LC derrière, mais j'aime tellement le latin, la culture antique, que ça me semble inconcevable. J'aurais l'impression d'être amputée de ce qui fonde, en partie, ma vocation (au collège, déjà, je savais que je voulais devenir prof de LC).
4° hélas, c'est bien vrai : peu de collègues reconnaissent les LCA à leur juste valeur. Et le pire, c'est que les autres n'ont aucun problème à l'assumer.

Le problème est que la dégradation est telle que nombre de collègues n'ont jamais fait de latin, idem pour les CDE dont un tiers n'a jamais enseigné, et dont les deux autres tiers sont pas forcément littéraires même dans des matières où cela aurait été impensable fut un temps, les LM bien entendu où le niveau de recrutement devient catastrophique, mais aussi les langues romanes, l'HG par exemple. Il leur manque un élément essentiel, une bougie pour faire tourner correctement le moteur, mais sous un certain seuil de culture, on ne voit justement pas ce qui manque. Un peu comme nos élèves, c'est triste à dire. L'idéologie du "pratique" dont nous avons été bassinés pendant plusieurs années (et ça continue) au détriment de la formation de l'esprit, issue du pédagogisme, joue aussi son rôle mortifère, idéologie qui croise comme à chaque fois celle des marchands qui dirigent de fait la société. C'est allé très vite, très très vite, même si le vers est dans le fruit depuis longtemps. J'ai -hélas- fait le chemin inverse et sans être encore Mathusalem le temps n'est pas si loin où il était impensable en série littéraire correcte de ne opas faire de latin, et où une bonne partie des générations immédiatement devant moi avait fait du latin. Il y avait plus de latinistes, voire d'hellénistes, dans les services de l'administration où j'exerçais que dans un établissement scolaire, où le professeur de LC est un paria isolé.

Comme d'habitude, je suis d'accord avec Lefteris.

J'ajoute aussi, dans les désagréments, un truc qui me pèse de plus en plus chaque année, et qui vient de cette manie de mettre les latinistes dans toutes les classes (ça ne sert à rien, soyons francs) : l'angoisse de l'emploi du temps pourri. J'en ai marre de stresser chaque année et de voir mon EDT être de pire en pire. Ras-le-bol.

Lefteris, à ce CDE ancien enseignant d'une matière littéraire, j'ai répondu que ces bons élèves avaient droit eux aussi à un enseignement.
Je n'ai pas été capable de rétorquer quoi que ce soit d'autre face à une remarque si pitoyable...

Par ailleurs je rejoins Fop au sujet de l'edt. Ce soir les latinistes ont râlé à cause des heures de latin en fin de journée, notamment la dernière heure du vendredi... Je réponds à chaque fois que ce n'est pas à moi qu'il faut se plaindre, et que je placerais mes cours ailleurs si je le pouvais.
Les pauvres, on fait tout pour les dissuader. Et nous aussi...

Lefteris, à ce CDE ancien enseignant d'une matière littéraire, j'ai répondu que ces bons élèves avaient droit eux aussi à un enseignement.
Je n'ai pas été capable de rétorquer quoi que ce soit d'autre face à une remarque si pitoyable...

Par ailleurs je rejoins Fop au sujet de l'edt. Ce soir les latinistes ont râlé à cause des heures de latin en fin de journée, notamment la dernière heure du vendredi... Je réponds à chaque fois que ce n'est pas à moi qu'il faut se plaindre, et que je placerais mes cours ailleurs si je le pouvais.
Les pauvres, on fait tout pour les dissuader. Et nous aussi...

Fires of Pompeii a écrit:Comme d'habitude, je suis d'accord avec Lefteris.

J'ajoute aussi, dans les désagréments, un truc qui me pèse de plus en plus chaque année, et qui vient de cette manie de mettre les latinistes dans toutes les classes (ça ne sert à rien, soyons francs) : l'angoisse de l'emploi du temps pourri. J'en ai marre de stresser chaque année et de voir mon EDT être de pire en pire. Ras-le-bol.

De pire en pire pour de moins en moins de latin. Comme je l'ai écrit dans un autre fil, pour 17 H00 au total et 6H00 de latin, je fais deux journées de près de 12 H00 d'amplitude, et je viens 5 jours. Tout passe après les projets, les desiderata des uns et des autres. La maltraitance des enseignants de LC est devenue systémique. Ce n'était pas toujours rose avant, loin de là, mais depuis 2016, nous sommes morts. On bouge encore, comme un poulet décapité, mais c'est fini...

Pourtant, not'bon ministre a été très clair à ce sujet :

La circulaire Blanquer de janvier 2018 a écrit:
L'enseignement facultatif de LCA ne doit pas, dans la mesure du possible, être positionné systématiquement en début ou fin de journée, ni pendant la pause méridienne : son attractivité pourrait être remise en cause alors même que des efforts sont accomplis pour son développement.

https://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=125517
Bizarrement, elle est peu suivie d'effet...

La circulaire Blanquer de janvier 2018 a écrit:
L'enseignement facultatif de LCA ne doit pas, dans la mesure du possible, être positionné systématiquement en début ou fin de journée, ni pendant la pause méridienne : son attractivité pourrait être remise en cause alors même que des efforts sont accomplis pour son développement.

J’ai été surprise, en la recherchant il y a quelques jours, de retrouver cette circulaire signée Jean-Marc Huart.
Dans mes souvenirs, c'était signé Jean-Mimi.

henriette a écrit:Pourtant, not'bon ministre a été très clair à ce sujet :

La circulaire Blanquer de janvier 2018 a écrit:
L'enseignement facultatif de LCA ne doit pas, dans la mesure du possible, être positionné systématiquement en début ou fin de journée, ni pendant la pause méridienne : son attractivité pourrait être remise en cause alors même que des efforts sont accomplis pour son développement.

https://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=125517
Bizarrement, elle est peu suivie d'effet...

Ma direction s'efforce quand même de la suivre quand c'est possible.

Kilmeny a écrit:

Hypermnestre a écrit:
Cette semaine je vais être présente 20h au lycée pour faire les inscriptions de 2nde et essayer de les convaincre jusqu'au bout…

Comment réagissent les collègues des autres options ? Si je faisais cela, je frôlerais l'incident diplomatique, voire la lapidation verbale.

Excuse-moi, je n'avais pas vu la question.
Tous les collègues d'option sont invités à être présents.
Je suis la seule à venir.
Il n'y a aucun problème car ils savent à quel point ces jours sont cruciaux pour moi : en revoyant les élèves déjà vus lors de mon passage au collège, en parlant aux parents, je double mes effectifs. Mes collègues savent aussi que je suis loyale : j'œuvre aussi pour que tous les élèves choisissent une option et ne prêche pas que pour ma paroisse ; quand un élève hésite entre latin et autre chose, je le conseille en toute objectivité et le laisse trancher. Et comme je suis la seule professeur présente, je conseille sur les LV3, l'euro, autrefois les enseignements d'explo…
Bref, aucun souci avec les collègues (ils me sont même plutôt reconnaissants ).
D'une façon générale, je fais beaucoup de choses qui me déplaisent et que je ne m'attendais pas à faire quand je suis entrée dans ce métier, mais j'ai une limite : je ne tire pas dans les pattes des collègues (et une autre : je n'appâte pas les élèves avec la nourriture).
Le jour où je tombe à ce stade de démagogie ou de filsdep****ie, c'est vraiment que je serai au fond du trou, et je songerai à la reconversion.

Bonjour à vous,

J'ai lu vos message et je suis en ce moment dans une situation peu agréable.

Cette année, mes latinistes 3e ont latin en S4 après deux heures d'EPS et une heure de libre (leurs copains non latinistes finissent à 15h30 et eux à 17h20, sympa non ?). De plus, une semaine sur deux, une classe de troisième n'a pas d'heures de cours le mercredi sauf les latinistes qui ont latin en M4.

C'est très gentil, ont puni bien les élèves qui ont choisi cette matière. J'en ai parlé au principal adjoint qui a fait ces horribles emplois du temps et il ne peut pas faire grand-chose.

De plus, des latinistes qui voulaient arrêter le latin ont décidé de leur propre chef de le faire et ont été absents ce matin même. De toute façon on n'a plus d'engagement maintenant, et si on met des horaires horribles, pourquoi se priver.

J'en suis écœuré : pourrait-on prendre soin des latinistes ?

Nanmédidonc ! Ils grèvent déjà lourdement le budget de l'EN, avec leur sale manie de vouloir s'embellir l'âme, faut pas pousser non plus !
Mes 4ème ont latin en S3 mardi, quand leur camarades des deux classes partent à 12h ou après la cantine ... mais mon cde cherche une solution !

Fires of Pompeii a écrit:Comme d'habitude, je suis d'accord avec Lefteris.

J'ajoute aussi, dans les désagréments, un truc qui me pèse de plus en plus chaque année, et qui vient de cette manie de mettre les latinistes dans toutes les classes (ça ne sert à rien, soyons francs) : l'angoisse de l'emploi du temps pourri. J'en ai marre de stresser chaque année et de voir mon EDT être de pire en pire. Ras-le-bol.

Je suis dans la même situation... J'angoisse à chaque rentrée pour l'EDT. J'ai la chance d'avoir 8h de latin en collège, mais cette année, cela ne rentre pas dans d'EDT et je vais finalement me retrouver avec 1H30 au lieu de 2h en 5ème et 2h 30 au lieu de 3h en 4ème....
Est-ce qu'on dit à un prof d'une autre matière que le latin que ses heures ne rentrent pas dans l'EDT ? Est-ce qu'on va dire à un prof de maths qu'on lui enlève 1h parce qu'on n'arrive pas à la caser.
Nous sommes rentrés depuis 3 jours, et mon EDT a déjà été modifié 3 fois en 3 jours !!!

Il est temps que chacun prenne sa plus belle plume pour y rendre compte de la situation en (très) haut lieu ou bien prenne le temps de contacter les journaux locaux (ou nationaux mais j'y crois moins) en accompagnant son courrier de la circulaire "Blanquer" car ce qui était déroulé dans ce fil se vérifie sur le terrain aux premiers jours de cette rentrée... Et pourtant le ministre et ses discours ont encore quelques beaux jours devant eux (de moins en moins mais tout de même...)

Pour ma part, je ne me plains pas trop, car avec des effectifs minuscules dans mon lycée (5 élèves en seconde, 4 en première et 5 en Terminale), nous sommes malgré tout deux profs de LC et nous n'avons pas de regroupement(s) de niveaux. C'est à croire que mon CDE ou l'adjointe ne savent pas que c'est possible d'en faire... Et en plus, l'adjointe s'efforce de mettre les heures de latin à des heures pas trop décourageantes.