Avez-vous le temps de parfaire vos connaissances à côté des cours ?

kero a écrit:

cela contribuait à nourrir chez moi un sentiment de profonde illégitimité (de type complexe de l'imposteur)

Tiens. Tu mets des mots sur quelque chose que je ressens en moi et que je n'avais jamais totalement identifié/compris.

Moi aussi.
Le champ des connaissances est tellement vaste, que je me décourage d'avance et parfois, renonce à tout.

lene75 a écrit:C'est drôle, j'ai fait le chemin inverse à celui fait par beaucoup ici. Concilier vie pro et vie perso est déjà très dur, de plus en plus dur. Avant je voulais tout tenir ensemble, mais l'épuisement guette vite, alors maintenant ma priorité c'est mon sommeil : finies les lectures jusque tard dans la nuit et même le plus souvent finies les lectures dans le bus, maintenant dans les transports je dors, quelle que soit l'heure. C'est très frustrant, de sorte que je n'envisage pas de finir ma carrière dans ce métier alimentaire. J'ai de plus en plus l'impression que mes cours sont une activité annexe et que mon coeur de métier est ailleurs, or ce n'est pas le métier que j'avais choisi : je voulais être prof. Vendredi j'ai passé 10h30 au lycée, avec seulement 45 min de pause (incluant la pause déjeuner). Sur ces 10h30 j'ai fait 1h30 de cours. Le reste du temps je n'ai pas arrêté, mais pas lu une ligne de philo, pas touché à un de mes cours ni même corrigé une copie. Que du vent pendant plus de 8h : réunions, concertations, conseil de classe, gestion de la vente de la photo de classe (!), gestion des absences, de la discipline, etc. La veille c'était ma journée off, j'ai bossé presque non stop de 9h à 16h, presque que de l'administratif. J'ai corrigé une et une seule copie, pas bossé mes cours, pas lu. Samedi notre CDE nous a contactés par l'ENT pour que nous transmettions des messages urgents aux élèves (2 fois, 2 infos différentes). Je ne l'ai pas fait, ras-le-bol, je prendrai sur mon temps de cours lundi pour leur en parler, tant pis.

Je comprends très bien. J'ai très souvent l'impression en ce moment que mon emploi m'empêche de faire mon métier. Je ne dirais pas que j'ai choisi d'être professeur, mais c'est la manière de gagner sa vie qui restait selon moi la plus proche de la seule chose que je veux: être étudiante à vie. Or, quand je vois parfois à quoi je passe mes journées, je me dis qu'on est loin du compte.
Je n'ai pas encore d'enfants, et suis parfois déjà rincée en rentrant chez moi. Je lis et me cultive encore, plus que beaucoup de mes collègues, mais ce n'est clairement pas assez pour moi.
Récemment j'ai rencontré mon nouvel inspecteur: en 1h30 de palabre, il n'a pas une seule fois parlé de littérature ou de connaissances. Il m'a dégoûtée, littéralement. Ce n'est même plus ce qu'on attend de nous, un comble comme notre époque les favorise.

Lire Gryphe me fait m'interroger. Et si, pour retourner à la littérature, il fallait renoncer à l'enseigner?

Je suis payé une misère par rapport à ma qualification, à mes responsabilités et au temps passé, par rapport aux autres enseignants dans le monde.
Je reçois tous les jours des messages qui me disent que je fais mal mon travail, que je suis pas assez bienveillant, que je devrais avoir honte de mes attitudes professionnelles, que je serais illégitime. Je reçois des injonctions contradictoires et complètement débiles à longueurs de semaines. Je n'ai plus le temps de rien à force de remplir des petites cases pour faire croire à des adultes que des élèves qui ne font plus aucun effort et qui considèrent que le leur dire est un scandale, auraient le niveau demandé quand ils n'en ont pas l'once. Et en plus, en plus, il faudrait que j'utilise cette part infinitésimale de temps libre qui me reste pour parfaire mes connaissances, pour me légitimer.

Mais qu'ils aillent se faire foutre !
J'ai une vie, une famille, des envies de loisir.
Alors non, je ne passerai pas tout mon temps libre à me consacrer à être un meilleur enseignant, à savoir encore davantage. A un moment, il faut savoir dire "non, le prof n'est plus là, vous entrez dans une zone de vie privée, revenez demain".

je te rejoins Lene, ce qui me déplait le plus actuellement c'est le pan administratif qui prend de plus en plus de place... parfois dans la semaine, je ne fais QUE ça... j'ai un paquet de copies en souffrance pour lequel je corrige une copie par ci, par là (chose que j'ai horreur de faire car j'ai l'impression que ma notation n'est pas juste du coup, sur la globalité du paquet) car j'ai toujours une démarche à faire, un papier à remplir, une info à faire passer (en plus, en étant PP ça n'aide pas)
hier j'ai réussi à consacrer une heure à préparer un cours et je me suis éclatée : au sens propre.
C'est ça que j'aime faire dans ce métier, et faire cours : j'aime chercher des textes, réfléchir à l'activité que je vais proposer, trouver l'exercice qui va compléter le travail, élargir avec un document proche... et ensuite le faire en classe, avec les élèves pour qui j'ai pensé ce travail.
bref, faire mon boulot de prof et même ça je n'ai pas le temps de le faire comme je le voudrais.
alors parfaire mes connaissances, c'est un voeu pieux ou presque : je lis beaucoup, pour le plaisir, j'alterne lecture pour moi et lecture pour le boulot, je regarde des documentaires qui m'intéressent, je vois des films en VO de préférence... mais je manque de temps, toujours... j'ai une PàL, une liste de films à voir, de documentaires à regarder qui s'allongent sans cesse, un vrai tonneau des Danaïdes et c'est cette impression d'oeuvrer insuffisamment qui me bouffe le plus...

Je lis facilement une trentaine de livres par an pour savoir plus de choses sur ma discipline. C'est un plaisir parce que c'est continuer l'histoire d'amour que j'ai initiée il y a des décennies avec mes disciplines, l'histoire et la géographie. Là, ce sont les livres (marrant, j'ai écrit par erreur "libres") sur les barbares et Rome qui m'intéressent mais d'abord, je finis L'Histoire contrefactuelle de Simgaravélou et Conjurer la peur de Boucheron.

Bref, si vous n'avez pas le temps de parfaire vos connaissances, ne le faites pas.
Mais réalisez en revanche que vous devez absolument prendre du temps pour vous. Parfaire ses connaissances, c'est bien, mais c'est pas ce qui est prioritaire quand on n'a pas le temps.

Moi, alors que mon conjoint est libraire, je ne lis pour ainsi dire quasiment jamais! Si je lis, c’est uniquement des livres d’art pour enfants car mon gros souci est d’arriver à adapter un vocabulaire technique pour un public qui a tout à découvrir. Sinon, je parfaits ma culture en regardant, enregistrant, téléchargeant tous les replay de Arte, Histoire et Planète + qui ont un lien avec l’Histoire de l’Art (il faut dire qu’avec mes soucis de santé, je reste immobilisée 1h30 par jour dans un fauteuil le temps de tirer mon lait donc j’ai le temps d’en regarder plein!). Et au fur et à mesure, des que quelque chose m’intéresse, je le note dans mon téléphone où j’ai créé des catégories par niveaux et séquence comme ça, je peux aller faire mes recherches plus tard.
Cette semaine, j’ai donc pu regarder un doc sur les faussaires de génie et particulièrement Elmyr de Hory, le photographe de Howard Carter, Harry Burton, un reportage sur Art et Enfance et un autre sur La Renaissance vu au travers des serpents et des grenouilles.
Et entre midi et deux, quand je tire mon lait ds ma classe, je regarde depuis le début de la semaine dernière, un doc sur Jean Michel Basquiat.

Je passe mon temps à chercher à combler les trous que je découvre en préparant mes cours. C'est un peu désespérant, mais je me dis que vers soixante-dix, soixante-quinze ans je devrais commencer à être au point.

DesolationRow a écrit:Je passe mon temps à chercher à combler les trous que je découvre en préparant mes cours. C'est un peu désespérant, mais je me dis que vers soixante-dix, soixante-quinze ans je devrais commencer à être au point.

bien dit !

Je n’ayrais Pas dit mieux DesolationRow!

DesolationRow a écrit:Je passe mon temps à chercher à combler les trous que je découvre en préparant mes cours. C'est un peu désespérant, mais je me dis que vers soixante-dix, soixante-quinze ans je devrais commencer à être au point.

Si les taches administratives vous bouffent la vie, n'hésitez pas : levez vous et dites "non". Je l'ai fait, je passe pour un pestiféré dans son établissement (ni projets, ni sorties, ni voyages, ni EPI, ni compétences, ni,ni...). J'ai toujours été PP, je ne le serais plus l'an prochain. Terminé.
Ma vie, c'est les sciences et leur enseignement. Et, de plus en plus, écrire. Je n'ai rien d'autre, et ne désire plus rien d'autre.

Dr Raynal a écrit:Si les taches administratives vous bouffent la vie, n'hésitez pas : levez vous et dites "non". Je l'ai fait, je passe pour un pestiféré dans son établissement (ni projets, ni sorties, ni voyages, ni EPI, ni compétences, ni,ni...). J'ai toujours été PP, je ne le serais plus l'an prochain. Terminé.
Ma vie, c'est les sciences et leur enseignement. Et, de plus en plus, écrire. Je n'ai rien d'autre, et ne désire plus rien d'autre.

Ben tu as une vie tout simplement. C'est très sain de raisonner ainsi. Je fais la même chose. Mon statut de TZR m'y aide beaucoup. A partir d'un certain âge il faut savoir cerner les priorités

JPhMM a écrit:Bref, si vous n'avez pas le temps de parfaire vos connaissances, ne le faites pas.
Mais réalisez en revanche que vous devez absolument prendre du temps pour vous. Parfaire ses connaissances, c'est bien, mais c'est pas ce qui est prioritaire quand on n'a pas le temps.

Voilà, c'est ce dont je me suis rendu compte, enfin pour l'instant prendre du temps plus pour mes enfants que pour moi, mais en tout cas avoir une vie en dehors du boulot.
Et je pense aussi que c'est la dernière fois que je serai PP. Cette année la coupe est pleine, surtout pour la misère que c'est payé.

Je vis dans un tour perdu à la vie culturelle inexistante, alors je lis. Deux à trois livres par semaines, plus des articles de revues spécialisées, plus l'actualité. Et c'est à peu près tout. Deux à trois heures quotidiennes en période scolaire, le double le weekend et pendant les vacances. Mais pas de conférence ou de sorties, y'a pas, par ici.
J'aimerais bien pouvoir aller assister aux conf' de Lyon III le mercredi aprem, mais c'est trop loin :'(

Je me rends compte que mes véritables centre d'intérêts ne sont pas des plus... intellectuels! (la vie des stars par exemple!). Mais je me force tout de même!

(Rendash, j'ai découvert qu'il y a des conférences passionnantes aux Archives Départementales, même moi ça m'intéresse!!!)

Les AD de Lyon ? Même problème que les conférences de Lyon III ou les Cafés Géo, la distance et le temps de trajet sont rédhibitoires pour le moment, faute de véhicule =/

Oui, de Lyon.

Je me permettais cette info car ça se trouve juste à côté de la Gare Part Dieu.

Je n'en ai plus le temps.
C'est une des raisons pour lesquelles je préférais travailler en lycée : travailler mes cours ( ce que j'aime faire ) me permettait toujours d'enrichir les connaissances, de découvrir encore et encore des subtilités, dàutres textes, d'autres livres .
Au collège, je passe plus de temps à essayer de construire des dispositifs pour qu'ils accrochent et des moyens de mettre les notions à leur portée qu'à enrichir quoi que ce soit.
Au contraire, ça ramollit mon cerveau.
Un peu comme la vulgarisation scientifique, pas de réflexion, que de l'annexe, du pré-mâché, du pré-réfléchi.
Ajoutez à cela la fonction de pp que je déteste de plus en plus , la réflexion chronophage obligatoire sur les techniques éducatives parce que nos collègiens ne sont plus éduqués ( gestion de classe, motivation, données sur l'acquisition des connaissances, neurosciences etc), le non -abandon de ces fichues compétences et leurs petites couleurs, le temps pour la littérature est réduit à peau de chagrin.
Et je régresse.
Ah oui, en prime, j'ai des enfants.

j'ai des enfants et en prime je suis en LP ! question régression c'est de pire en pire...
avec une de mes classes de CAP cette année on en est à réviser les temps de l'indicatif alors mon cerveau ramollit de jour en jour... heureusement que mes autres élèves sont un peu plus réactifs...

ensuite j'ai des centres d'intérêt autres heureusement, une vie privée mais j'aimerais vraiment pouvoir m'éclater plus dans mon boulot, s'il n'y avait que les gosses et moi en classe ce serait parfait....

Grosse lectrice, je lis au moins une heure par jour. Voire plus, vu que je suis aussi insomniaque.
Pour faire cours en seconde, la plupart du temps, je n'ai pas trop trop besoin de "parfaire mes connaissances" (notamment à partir du chapitre sur le Moyen-âge), mais en terminale force est de constater que, n'étant pas spécialiste des thèmes abordés, il faut que je me bouge les fesses pour me mettre à niveau.
J'ai en outre d'autres centres d'intérêts qui n'ont pas grand chose à voir avec ce qui est vu en cours, mais peu importe, l'important pour moi est d'apprendre en permanence.

Je bosse beaucoup pour mes colles du mercredi aprem.
Un vendredi matin sur deux, n'ayant pas cours (merci EDT pourri), je vais au séminaire de mon ancien directeur de thèse. C'est très stimulant (et accessoirement ça me rappelle qu'il faut que je m'occupe de la publi de ma thèse).

Elaïna a écrit:Grosse lectrice, je lis au moins une heure par jour. Voire plus, vu que je suis aussi insomniaque.

Dormir, c'est pour les faibles, t'façon

Rendash a écrit:Je vis dans un tour perdu à la vie culturelle inexistante, alors je lis. Deux à trois livres par semaines, plus des articles de revues spécialisées, plus l'actualité. Et c'est à peu près tout. Deux à trois heures quotidiennes en période scolaire, le double le weekend et pendant les vacances. Mais pas de conférence ou de sorties, y'a pas, par ici.
J'aimerais bien pouvoir aller assister aux conf' de Lyon III le mercredi aprem, mais c'est trop loin :'(

C'est un cercle vicieux...

Je lis énormément tous les jours, le matin en me levant et le soir en me couchant, mais rien à voir avec le boulot. Je lis surtout du fantastique/fantasy.
Je ne cherche pas à parfaire mes connaissances disciplinaires (un tort quand on prépare l'agreg) mais à découvrir de nouveaux domaines, notamment l'histoire de l'art. Je passe ma vie dans les musées, je participe à des MOOCs, la plupart du temps sur des thèmes en rapport avec l'art.
Et oui, je trouve le temps sans problème (hors période de conseils et de réunions parents profs quand même).

Je n'essaie pas vraiment de parfaire mes connaissances en français. Je le regrette. En revanche :
- Je lis beaucoup
- Je travaille tout ce qui est théâtre : lecture, conférences, spectacles (25 par an en moyenne), rencontres avec des comédiens, metteurs en scène... (j'ai de la chance de travailler pour un théâtre)
- Je tente de parfaire mes connaissances sur le cinéma : lecture, conférences IRL ou en ligne, films (j'ai aussi la chance de bosser pour un ciné)
- Je me rends compte que je passe beaucoup de temps sur de la philo : lecture, écoute régulière d'émissions

Bon, je n'ai pas d'enfant mais je bosse loin de chez moi et ai 10 heures de trajet par semaine environ.

Étant en collège, mes connaissances en langues sont suffisantes pour les besoins de mes élèves, mais j'aime lire des magazines d'Histoire, littéraires, des biographies, des récits de voyage et je lis des romans tant en français qu'en anglais à la fréquence d'un par semaine environ et de 2 ou 3 magazines (je fréquente la bibliothèque tous les samedis, j'y lis les revues qui m'intéressent). Ce n'est donc pas dans le but premier de parfaire mes connaissances dans ma discipline mais juste pour mon bien-être car je ne peux pas me passer de lire. Je préfère avoir une maison un peu en bazar plutôt que me priver de mon moment de lecture.
Mes enfants sont plus âgés maintenant (adolescents) donc un peu plus autonomes et cela accapare moins de mon temps également.