Primaire : La gestion de conflit avec les messages clairs

Vous avez lu l'excellent papier d'Akwabon sur le sujet ?

http://doublecasquette3.eklablog.com/faut-il-pleurer-faut-il-en-rire-a125693772

Verdurette a écrit: cela ne me paraît pas en revanche fondamental pour l'instruction.

Je suis naturellement en accord avec votre précédente intervention.
Sur ce point particulier, il ne faut pas ignorer, même si cela nous déplaît, que l'EC est devenu également "morale".

J'ai lu le papier d'Akwabon, et je vais être honnête, ce n'est qu'à ce moment que j'ai visionné la vidéo qui figurait pourtant au début de ce fil.
L'article de DC est parfaitement, totalement réaliste (en plus d'être très drôle).
Bienvenue chez les Bisounours.
Je ne doute pas une seconde qu'une telle vidéo fasse la joie des IEN, CPC et autres huiles validantes de nouveaux PE. Mais comment peut-on penser un instant que ce soit applicable au jour le jour?  Ou alors il faut nous rajouter un paquet d'heures supplémentaires si on veut aussi avoir un peu le temps de travailler ...

Quitte à me prendre des tomates, je crois en revanche  que cela aurait sa place -adapté évidemment- en maternelle, avec le développement du langage et la prise de conscience qu'on ne peut pas tout faire et tout dire. Comme une thérapie contre la pulsion du moment.
Revenir sur des habitudes déjà bien ancrées, c'est beaucoup plus compliqué.

EMC, règles de vie ... bien-vivre ensemble .... voui voui voui ... les parents leur disent, chez eux, qu'il faut se défendre et riposter, sinon on est un faible. Lutter contre cela est donc à peu près aussi efficace que leur dire vingt fois par jour qu'on ne dit pas "je sais pas c'est quoi" ou "c'est qu'est-ce qu'y faut faire" ou "je suis déjà y allé ".
Au début on se prend pour Don Quichotte et on part au galop, maintenant, je n'y crois plus.
En Suède où l'on voit quotidiennement ses parents respecter chaque limite de vitesse, ne jamais se garer à moins de cinq mètres d'un angle de rue, ni resquiller dans la queue, et où l'on accueille naturellement toute personne en situation de handicap parce qu'elles sont réellement intégrées dès le plus jeune âge, la situation est bien différente.

Avec ma classe, j'utilise un outil que j'ai emprunté aux programmes américains de réhabilitation des jeunes par l'immersion dans la nature en mode "survie" : dès qu'ils s'adressent à un autre membre du groupe de façon grossière ou violente, le groupe se met en cercle et ils cherchent vingt alternatives pour redire la même chose poliment voire gentiment.  Mais dans ce type de programme, ils ont tout le temps, cela fait partie de la thérapie.  Lorsque j'entends mes élèves se parler grossièrement ou méchamment, je leur demande de trouver trois autres formulations "sympa". Cela marche assez bien et c'est relativement rapide. Parfois je propose, pour qu'on n'y passe pas la nuit.

C'est une super idée, Verdurette.

Je n'ai plus de classe, mais quand j'en avais une, je faisais aussi la distinction entre ce qui relevait de la dispute privée et ce qui était interdit par la loi (racisme, sous toutes ses formes). Je leur disais que bien sûr, eux étaient des enfants donc ça ne sortirait pas de l'école, mais que certains propos étaient interdits par la loi et que les adultes devaient être sanctionnés s'ils les prononçaient. Ca me semblait important aussi.

Verdurette a écrit:L'article de DC est parfaitement, totalement réaliste (en plus d'être très drôle).

Il fallait le signaler !  

Bienvenue chez les Bisounours.

La critique est aisé mais l'art difficile. On s'en aperçoit en lisant l'article mais aussi les commentaires.
 

Lorsque j'entends mes élèves se parler grossièrement ou méchamment, je leur demande de trouver trois autres formulations "sympa".

- T'es qu'un sale con !
- Koâ ?! Qu'ouïs-je ? s'insurge Verdurette.
On dit : "tu es une personne à intelligence limitée peu préoccupée de son hygiène corporelle !"

Je note, Dhaiphi, je note ...

Je voudrais te faire un message clair.
Cela m'afflige.
As-tu compris ?

J'entends bien votre méchage clair, bien chère Verdurette... Je me désole de vous voir affligée mais ne puis vous promettre de ne "jamais recommencer de ma vie" à moi que j'ai.  

Bon, Dhaiphi, tu vas aller dans ta chambre méditer un peu. Verdurette, tu vas aller pleurnicher dans ton coin. Vous reviendrez tous les deux quand vous serez calmés. C'est clair ?

Rikki a écrit:Bon, Dhaiphi, tu vas aller dans ta chambre méditer un peu.  

Oui, bon, c'est toujours moi qui prends, comme d'habitude.  
Fulcran et Dioclétien ont bien raison : "les messages clairs, c'est rien que des conneries pour les filles !"

Nita a écrit:

Madame Rikki, y'a Nita qui se moque !

Je voudrais te faire un message clair, Nita.
Tu vas te faire refaire la tronche à la récré !  
As-tu compris ?

Ça a l'air super efficace, effectivement. Bientôt en module obligatoire à tous les niveaux dans tous les ESPE...

Verdurette a écrit:En vérité, ce qui me chagrine, c'est que cela serve, si j'ai bien compris, à valider l'accès à la profession d'enseignante ... car si c'est un sujet qui peut être utile et intéressant, cela ne me paraît pas en revanche fondamental pour l'instruction.

Ce qui me gêne aussi c'est que ce soit validé par un ESPE. Je trouve ça très très casse-**** comme sujet car comme on le voit il est très clivant et le jury peut s'infiltrer dans pas mal de brèches. C'est très facile à démonter pour quelqu'un qui a déjà géré une classe et du coup je vois mal un candidat suffisamment armé pour défendre son sujet.

Rikki a écrit:Vous avez lu l'excellent papier d'Akwabon sur le sujet ?

http://doublecasquette3.eklablog.com/faut-il-pleurer-faut-il-en-rire-a125693772

Toujours aussi juste

DesolationRow a écrit:Donc la responsabilité du règlement du conflit repose sur l'enfant agressé ? Ça l'air cool.

Je crois que c'est ce qui me choque le plus... Quand on voit tous les enfants qui n'osent pas venir nous en parler et qui passent par leur parents (ou endurent en silence) je ne vois pas comment ils oseraient en parler directement en tête à tête avec leur agresseur.
Qui du coup continue librement puisque il n'a pas reçu de "message clair".

Dhaiphi a écrit:

Rikki a écrit:Bon, Dhaiphi, tu vas aller dans ta chambre méditer un peu.  

Oui, bon, c'est toujours moi qui prends, comme d'habitude.  
Fulcran et Dioclétien ont bien raison : "les messages clairs, c'est rien que des conneries pour les filles !"

Nita a écrit:

Madame Rikki, y'a Nita qui se moque !

Je voudrais te faire un message clair, Nita.
Tu vas te faire refaire la tronche à la récré !  
As-tu compris ?

Je vais te faire un méchage clair, Daiphi : Rikki ne te laissera pas m'embêter.
Et si tu t'approches je te mords.

Voilà, là, c'est clair.

PabloPE a écrit:

DesolationRow a écrit:Donc la responsabilité du règlement du conflit repose sur l'enfant agressé ? Ça l'air cool.

Je crois que c'est ce qui me choque le plus... Quand on voit tous les enfants qui n'osent pas venir nous en parler et qui passent par leur parents (ou endurent en silence) je ne vois pas comment ils oseraient en parler directement en tête à tête avec leur agresseur.
Qui du coup continue librement puisque il n'a pas reçu de "message clair".

C'est LA difficulté des conflits enfantins, de la dispute banale au harcèlement : intervenir pour aider les agressés renforce leur image de "faibles" aux yeux des agresseurs et risque donc d'amplifier le phénomène, il y a donc un côté contre-productif, en même temps on ne peut pas laisser faire. Les parents renforcent ces comportements en en faisant parfois un véritable enjeu, soit en incitant leurs enfants à se défendre de façon trop agressive, soit.. en se disputant entre eux ! C'est du vécu..

Sauf que là on demande à la victime de faire part de ses sentiments directement à l'agresseur... Si encore on leur demandait de ce défendre je partagerais ton point de vue mais là on leur demande de faire pleurer l'agresseur en lui disant qu'il les a fait pleurer. C'est encore plus contre-productif dans le "rapport de force".
Je sais que ça marchera avec certains enfants sans problème (ceux qui de toutes façons auraient réagi à n'importe quelle intervention) mais avec d'autres je suis plus que sceptique.

Autant je trouve ça bien d'apprendre à dire clairement ce qui ne va pas, autant ce système de "je vais te faire une message claire" est assez ridicule et je pense contre productif, comme si les agresseurs, à cet âge là, n'avaient pas consciences de faire mal...
Par ailleurs, je trouve dangereux de vouloir de manière forcenée déléguer notre autorité aux élèves (l'institution d'élèves médiateurs me sort par les yeux), oui, c'est pénible d'être le bureau des pleures, mais c'est notre travail, surtout qu'avant un certain âge les élèves ont bien du mal à faire le tri entre grave et pas grave. Médiateur et "je vais te faire un message claire" permettent à la maîtresse de boire son café tranquille pendant la récré, mais ça va aussi lui cacher toute une part de ce qui arrive pendant la récré, comme les situations de harcèlement... et ce sont les parents, excédés, qui lui tomberont dessus.


J'aime bien ce que fait Zaubette de trouver trois reformulations en cas de message inadapté

PabloPE a écrit:Je sais que ça marchera avec certains enfants sans problème (ceux qui de toutes façons auraient réagi à n'importe quelle intervention) mais avec d'autres je suis plus que sceptique.

"Sceptique" est un euphémisme, nous le savons tous.
Comme toute activité scolaire, elle s'adresse à des "élèves", c'est à dire à des enfants qui acceptent les règles du jeu social.

J'arrive un peu tard mais pour répondre à la demande initiale je peux conseiller les 2 premiers bouquins de Sylvain Connac.

Le site de l'ICEM 34 est une mine d'infos (partie "Ressources").

La liste de diffusion de l'ICEM 34 permet d'entrer en contact avec de nombreux enseignants qui utilisent/ont utilisé/vont utiliser ces outils.