- CwmystwythNiveau 2
Salut à tous !
Depuis quelques années, en 3ème, je travaille la poésie en évoquant les objets & moments du quotidien, mais j'aimerais bien changer un peu...
Dans mon établissement, je suis toujours à l'étage, souvent orientée sud : de fin septembre à mi octobre et en ce moment, je profite d'une superbe lumière, surtout le matin lorsque le soleil se lève alors que les cours commencent. Et avez-vous remarqué, vous aussi, la façon dont les élèves (et les professeurs...) regardent par la fenêtre pendant les cours ?
Je me dis qu'il y a quelque chose à creuser de ce côté-là... Je suis donc à la recherche de textes (poétiques de préférence, mais pas que) sur le thème des fenêtres, pour constituer un corpus pour une séquence.
J'ai déjà pensé à Baudelaire, et aux tableaux de Magritte, mais au delà de ça, je sèche...
En faisant quelques recherches j'ai aussi vu qu'il y avait une chanson de Brel, mais je n'ai pas encore eu le temps de l'écouter.
Merci d'avance pour vos idées !
Depuis quelques années, en 3ème, je travaille la poésie en évoquant les objets & moments du quotidien, mais j'aimerais bien changer un peu...
Dans mon établissement, je suis toujours à l'étage, souvent orientée sud : de fin septembre à mi octobre et en ce moment, je profite d'une superbe lumière, surtout le matin lorsque le soleil se lève alors que les cours commencent. Et avez-vous remarqué, vous aussi, la façon dont les élèves (et les professeurs...) regardent par la fenêtre pendant les cours ?
Je me dis qu'il y a quelque chose à creuser de ce côté-là... Je suis donc à la recherche de textes (poétiques de préférence, mais pas que) sur le thème des fenêtres, pour constituer un corpus pour une séquence.
J'ai déjà pensé à Baudelaire, et aux tableaux de Magritte, mais au delà de ça, je sèche...
En faisant quelques recherches j'ai aussi vu qu'il y avait une chanson de Brel, mais je n'ai pas encore eu le temps de l'écouter.
Merci d'avance pour vos idées !
- OxfordNeoprof expérimenté
Peut-être ce poème ?
Je me souviens, c’était un matin, l’été,
La fenêtre était entrouverte, je m’approchais,
J’apercevais mon père au fond du jardin.
Il était immobile, il regardait
Où, quoi, je ne savais, au-dehors de tout,
Voûté comme il était déjà mais redressant
Son regard vers l’inaccompli ou l’impossible.
Il avait déposé la pioche, la bêche,
L’air était frais ce matin-là du monde,
Mais impénétrable est la fraîcheur même, et cruel
Le souvenir des matins de l’enfance.
Qui était-il, qui avait-il été dans la lumière,
Je ne le savais pas, je ne sais encore.
Yves Bonnefoy, La Maison natale
Je me souviens, c’était un matin, l’été,
La fenêtre était entrouverte, je m’approchais,
J’apercevais mon père au fond du jardin.
Il était immobile, il regardait
Où, quoi, je ne savais, au-dehors de tout,
Voûté comme il était déjà mais redressant
Son regard vers l’inaccompli ou l’impossible.
Il avait déposé la pioche, la bêche,
L’air était frais ce matin-là du monde,
Mais impénétrable est la fraîcheur même, et cruel
Le souvenir des matins de l’enfance.
Qui était-il, qui avait-il été dans la lumière,
Je ne le savais pas, je ne sais encore.
Yves Bonnefoy, La Maison natale
_________________
Tutti i ghjorna si n'impara.
- Ventre-Saint-GrisNiveau 10
"Calme jardin", de Léopold Sédar Senghor
Calme jardin,
Grave jardin,
Jardin aux yeux baissés au soir
Pour la nuit,
Peines et rumeurs,
Toutes les angoisses bruissantes de la Ville
Arrivent jusqu’à moi, glissant sur les toits lisses,
Arrivent à la fenêtre
Penchée, tamisées par feuilles menues et tendres et pensives
Mains blanches,
Gestes délicats,
Gestes apaisants.
Mais l’appel du tam-tam
bondissant
par monts
et
continents,
Qui l’apaisera, mon cœur,
A l’appel du tam-tam
bondissant,
véhément,
lancinant ?
Calme jardin,
Grave jardin,
Jardin aux yeux baissés au soir
Pour la nuit,
Peines et rumeurs,
Toutes les angoisses bruissantes de la Ville
Arrivent jusqu’à moi, glissant sur les toits lisses,
Arrivent à la fenêtre
Penchée, tamisées par feuilles menues et tendres et pensives
Mains blanches,
Gestes délicats,
Gestes apaisants.
Mais l’appel du tam-tam
bondissant
par monts
et
continents,
Qui l’apaisera, mon cœur,
A l’appel du tam-tam
bondissant,
véhément,
lancinant ?
- AurevillyHabitué du forum
La fenêtre est ouverte…
La fenêtre est ouverte et le jardin s’endort,
Longuement, avec des bruits d’eau et des murmures
D’invisibles oiseaux blottis dans les ramures
Que le soir a tiédies de sa caresse d’or.
La fenêtre est ouverte. Et monte le silence
Du cœur des fleurs, du cœur de l’ombre jusqu’à nous
Qui, pensifs, l’écoutons venir à pas très doux
Du fond de notre obscure et grave conscience.
La fenêtre est ouverte…et le jardin n’est plus
Qu’une chose confuse et doucement lointaine
Où l’on entend parfois, aux rumeurs des fontaines,
Bouger les ailes des oiseaux qui se sont tus.
Francis Carco, (1886-1958)
La fenêtre est ouverte et le jardin s’endort,
Longuement, avec des bruits d’eau et des murmures
D’invisibles oiseaux blottis dans les ramures
Que le soir a tiédies de sa caresse d’or.
La fenêtre est ouverte. Et monte le silence
Du cœur des fleurs, du cœur de l’ombre jusqu’à nous
Qui, pensifs, l’écoutons venir à pas très doux
Du fond de notre obscure et grave conscience.
La fenêtre est ouverte…et le jardin n’est plus
Qu’une chose confuse et doucement lointaine
Où l’on entend parfois, aux rumeurs des fontaines,
Bouger les ailes des oiseaux qui se sont tus.
Francis Carco, (1886-1958)
- henrietteMédiateur
Cwmystwyth a écrit:Salut à tous !
Depuis quelques années, en 3ème, je travaille la poésie en évoquant les objets & moments du quotidien, mais j'aimerais bien changer un peu...
Dans mon établissement, je suis toujours à l'étage, souvent orientée sud : de fin septembre à mi octobre et en ce moment, je profite d'une superbe lumière, surtout le matin lorsque le soleil se lève alors que les cours commencent. Et avez-vous remarqué, vous aussi, la façon dont les élèves (et les professeurs...) regardent par la fenêtre pendant les cours ?
Je me dis qu'il y a quelque chose à creuser de ce côté-là... Je suis donc à la recherche de textes (poétiques de préférence, mais pas que) sur le thème des fenêtres, pour constituer un corpus pour une séquence.
J'ai déjà pensé à Baudelaire, et aux tableaux de Magritte, mais au delà de ça, je sèche...
En faisant quelques recherches j'ai aussi vu qu'il y avait une chanson de Brel, mais je n'ai pas encore eu le temps de l'écouter.
Merci d'avance pour vos idées !
- les paroles:
- Les Fenêtres
Les fenêtres nous guettent
Quand notre coeur s'arrête
En croisant Louisette
Pour qui brûlent nos chairs
Les fenêtres rigolent
Quand elles voient la frivole
Qui offre sa corolle
À un clerc de notaire
Les fenêtres sanglotent
Quand à l'aube falote
Un enterrement cahote
Jusqu'au vieux cimetière
Mais les fenêtres froncent
Leurs corniches de bronze
Quand elles voient les ronces
Envahir leur lumière
Les fenêtres murmurent
Quand tombent en chevelure
Les pluies de la froidure
Qui mouillent les adieux
Les fenêtres chantonnent
Quand se lève à l'automne
Le vent qui abandonne
Les rues aux amoureux
Les fenêtres se taisent
Quand l'hiver les apaise
Et que la neige épaisse
Vient leur fermer les yeux
Mais les fenêtres jacassent
Quand une femme passe
Qui habite l'impasse
Où passent les Messieurs
La fenêtre est un œuf
Quand elle est œil-de-bœuf
Qui attend comme un veuf
Au coin d'un escalier
La fenêtre bataille
Quand elle est soupirail
D'où le soldat mitraille
Avant de succomber
Les fenêtres musardent
Quand elles sont mansardes
Et abritent les hardes
D'un poète oublié
Mais les fenêtres gentilles
Se recouvrent de grilles
Si par malheur on crie
" Vive la liberté "
Les fenêtres surveillent
L'enfant qui s'émerveille
Dans un cercle de vieilles
A faire ses premiers pas
Les fenêtres sourient
Quand quinze ans trop jolis
Ou quinze ans trop grandis
S'offrent un premier repas
Les fenêtres menacent
Les fenêtres grimacent
Quand parfois j'ai l'audace
D'appeler an chat un chat
Les fenêtres me suivent
Me suivent et me poursuivent
Jusqu'à ce que peur s'ensuive
Tout au fond de mes draps
Les fenêtres souvent
Traitent impunément
De voyous des enfants
Qui cherchent qui aimer
Les fenêtres souvent
Soupçonnent ces manants
Qui dorment sur les bancs
Et parlent l'étranger
Les fenêtres souvent
Se ferment en riant
Se ferment en criant
Quand on y va chanter
Ah je n'ose pas penser
Qu'elles servent à voiler
Plus qu'à laisser entrer
La lumière de l'été
Non je préfère penser
Qu'une fenêtre fermée
Ça ne sert qu'à aider
Les amants à s'aimer
{2x}
_________________
"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- henrietteMédiateur
Apollinaire, Les fenêtres
Du rouge au vert tout le jaune se meurt
Quand chantent les aras dans les forêts natales
Abatis de pihis
Il y a un poème à faire sur l’oiseau qui n’a qu’une aile
Nous l’enverrons en message téléphonique
Traumatisme géant
Il fait couler les yeux
Voilà une jolie jeune fille parmi les jeunes Turinaises
Le pauvre jeune homme se mouchait dans sa cravate blanche
Tu soulèveras le rideau
Et maintenant voilà que s’ouvre la fenêtre
Araignées quand les mains tissaient la lumière
Beauté pâleur insondables violets
Nous tenterons en vain de prendre du repos
On commencera à minuit
Quand on a le temps on a la liberté
Bigorneaux Lotte multiples Soleils et l’Oursin du couchant
Une vieille paire de chaussures jaunes devant la fenêtre
Tours
Les Tours ce sont les rues
Puits
Puits ce sont les places
Puits
Arbres creux qui abritent les Câpresses vagabondes
Les Chabins chantent des airs à mourir
Aux Chabines marronnes
Et l’oie oua-oua trompette au nord
Où les chasseurs de ratons
Raclent les pelleteries
Etincelant diamant
Vancouver
Où le train blanc de neige et de feux nocturnes fuit l’hiver
O Paris
Du rouge au vert tout le jaune se meurt
Paris Vancouver Hyères Maintenon New York et les Antilles
La fenêtre s’ouvre comme une orange
Le beau fruit de la lumière
Du rouge au vert tout le jaune se meurt
Quand chantent les aras dans les forêts natales
Abatis de pihis
Il y a un poème à faire sur l’oiseau qui n’a qu’une aile
Nous l’enverrons en message téléphonique
Traumatisme géant
Il fait couler les yeux
Voilà une jolie jeune fille parmi les jeunes Turinaises
Le pauvre jeune homme se mouchait dans sa cravate blanche
Tu soulèveras le rideau
Et maintenant voilà que s’ouvre la fenêtre
Araignées quand les mains tissaient la lumière
Beauté pâleur insondables violets
Nous tenterons en vain de prendre du repos
On commencera à minuit
Quand on a le temps on a la liberté
Bigorneaux Lotte multiples Soleils et l’Oursin du couchant
Une vieille paire de chaussures jaunes devant la fenêtre
Tours
Les Tours ce sont les rues
Puits
Puits ce sont les places
Puits
Arbres creux qui abritent les Câpresses vagabondes
Les Chabins chantent des airs à mourir
Aux Chabines marronnes
Et l’oie oua-oua trompette au nord
Où les chasseurs de ratons
Raclent les pelleteries
Etincelant diamant
Vancouver
Où le train blanc de neige et de feux nocturnes fuit l’hiver
O Paris
Du rouge au vert tout le jaune se meurt
Paris Vancouver Hyères Maintenon New York et les Antilles
La fenêtre s’ouvre comme une orange
Le beau fruit de la lumière
_________________
"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- henrietteMédiateur
Mallarmé, Les fenêtres
Las du triste hôpital, et de l'encens fétide
Qui monte en la blancheur banale des rideaux
Vers le grand crucifix ennuyé du mur vide,
Le moribond sournois y redresse un vieux dos,
Se traîne et va, moins pour chauffer sa pourriture
Que pour voir du soleil sur les pierres, coller
Les poils blancs et les os de la maigre figure
Aux fenêtres qu'un beau rayon clair veut hâler,
Et la bouche, fiévreuse et d'azur bleu vorace,
Telle, jeune, elle alla respirer son trésor,
Une peau virginale et de jadis ! encrasse
D'un long baiser amer les tièdes carreaux d'or.
Ivre, il vit, oubliant l'horreur des saintes huiles,
Les tisanes, l'horloge et le lit infligé,
La toux; et quand le soir saigne parmi les tuiles,
Son oeil, à l'horizon de lumière gorgé,
Voit des galères d'or, belles comme des cygnes,
Sur un fleuve de pourpre et de parfums dormir
En berçant l'éclair fauve et riche de leurs lignes
Dans un grand nonchaloir chargé de souvenir !
Ainsi, pris du dégoût de l'homme à l'âme dure
Vautré dans le bonheur, où ses seuls appétits
Mangent, et qui s'entête à chercher cette ordure
Pour l'offrir à la femme allaitant ses petits,
Je fuis et je m'accroche à toutes les croisées
D'où l'on tourne l'épaule à la vie, et, béni,
Dans leur verre, lavé d'éternelles rosées
Que dore le matin chaste de l'Infini
Je me mire et me vois ange ! et je meurs, et j'aime
- Que la vitre soit l'art, soit la mysticité
A renaître, portant mon rêve en diadème,
Au ciel antérieur où fleurit la Beauté !
Mais, hélas ! Ici-bas est maître : sa hantise
Vient m'écoeurer parfois jusqu'en cet abri sûr,
Et le vomissement impur de la Bêtise
Me force à me boucher le nez devant l'azur.
Est-il moyen, ô Moi qui connais l'amertume,
D'enfoncer le cristal par le monstre insulté
Et de m'enfuir, avec mes deux ailes sans plume
- Au risque de tomber pendant l'éternité ?
Las du triste hôpital, et de l'encens fétide
Qui monte en la blancheur banale des rideaux
Vers le grand crucifix ennuyé du mur vide,
Le moribond sournois y redresse un vieux dos,
Se traîne et va, moins pour chauffer sa pourriture
Que pour voir du soleil sur les pierres, coller
Les poils blancs et les os de la maigre figure
Aux fenêtres qu'un beau rayon clair veut hâler,
Et la bouche, fiévreuse et d'azur bleu vorace,
Telle, jeune, elle alla respirer son trésor,
Une peau virginale et de jadis ! encrasse
D'un long baiser amer les tièdes carreaux d'or.
Ivre, il vit, oubliant l'horreur des saintes huiles,
Les tisanes, l'horloge et le lit infligé,
La toux; et quand le soir saigne parmi les tuiles,
Son oeil, à l'horizon de lumière gorgé,
Voit des galères d'or, belles comme des cygnes,
Sur un fleuve de pourpre et de parfums dormir
En berçant l'éclair fauve et riche de leurs lignes
Dans un grand nonchaloir chargé de souvenir !
Ainsi, pris du dégoût de l'homme à l'âme dure
Vautré dans le bonheur, où ses seuls appétits
Mangent, et qui s'entête à chercher cette ordure
Pour l'offrir à la femme allaitant ses petits,
Je fuis et je m'accroche à toutes les croisées
D'où l'on tourne l'épaule à la vie, et, béni,
Dans leur verre, lavé d'éternelles rosées
Que dore le matin chaste de l'Infini
Je me mire et me vois ange ! et je meurs, et j'aime
- Que la vitre soit l'art, soit la mysticité
A renaître, portant mon rêve en diadème,
Au ciel antérieur où fleurit la Beauté !
Mais, hélas ! Ici-bas est maître : sa hantise
Vient m'écoeurer parfois jusqu'en cet abri sûr,
Et le vomissement impur de la Bêtise
Me force à me boucher le nez devant l'azur.
Est-il moyen, ô Moi qui connais l'amertume,
D'enfoncer le cristal par le monstre insulté
Et de m'enfuir, avec mes deux ailes sans plume
- Au risque de tomber pendant l'éternité ?
_________________
"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- henrietteMédiateur
Charpentreau, Le laveur de carreaux
Suspendu comme une araignée
Au bout de son fil argenté
Le faveur de carreaux descend
Du haut de la tour. En passant,
Il dit bonjour aux habitants:
30 Le monsieur du trentième étage
Qui ne mange que du fromage.
29 Celui de l’étage au-dessous
Qui n'aime que la soupe aux choux.
28 Les gens qui viennent de Pluton
Et marchent les pieds au plafond
27 Le baryton de l’opéra
Qui se fait des oeufs sur le plat.
26 Ceux qui ont semé du gazon
Pour rendre plus gai leur béton.
25 Ceux qui élèvent des lapins
sur l’herbe d’un salon de jardin.
24 Ceux qui ont mis dans leur baignoire
Un bébé phoque blanc et noir.
23 Le chat qui vit seul, noir et blanc,
(Il a dû louer l’appartement).
22 Le vieil Auvergnat à moustaches
Qui che regarde dans la glache.
21 Le militaire en permission
Qui compte ses décorations.
20 La foule du vingtième étage
C'est la réception d'un mariage.
19 La receveuse de la poste
Qui ne grignote que des toasts.
18 L’académicien nostalgique
Qui s'amuse au train électrique.
17 L'élève de Napoléon
Qui range ses soldats de plomb.
16 Le collectionneur de timbales
Qui joue du violon à pédales.
15 Un abbé qui fait du trapèze
Sur un bâton entre deux chaises.
14 L’amateur de scie musicale
Qui coupe l’Internationale
13 Le passionné d’exploration
Qui chasse le tigre au salon
12 Deux bustes de marbre au nez grec
Qui contemplent un jeu d’échecs.
11 Un athlète en maillot de corps
Qui s'est allongé et qui dort.
10 La dame du dixième étage
Qui garde un sapajou en cage.
9 Plus bas une belle famille
Les parents et quatorze filles.
8 Des campeurs chantant à mi-voix
En rond autour d’un feu de bois
7 Un grand polytechnicien morne
Qui ne porte que son bicorne.
6 Un peu plus bas un éléphant
Prisonnier dans l’appartement.
5 Un couple se bat au cinquième
A coup de tartes à la crème.
4 La petite fille aux yeux bleus
Qui a les yeux verts quand il pleut.
3 La jeune fille du piano,
Qui se tricote un allegro.
2 La dentiste qui vient d’extraire
Une redoutable molaire.
1 Le petit garçon du premier
Qui fourre ses doigts dans son nez.
0 Tout est vide au rez-de-chaussée
La concierge est dans l’escalier.
On voit les secrets de la ville
Quand on descend au bout d’un fil.
Suspendu comme une araignée
Au bout de son fil argenté
Le faveur de carreaux descend
Du haut de la tour. En passant,
Il dit bonjour aux habitants:
30 Le monsieur du trentième étage
Qui ne mange que du fromage.
29 Celui de l’étage au-dessous
Qui n'aime que la soupe aux choux.
28 Les gens qui viennent de Pluton
Et marchent les pieds au plafond
27 Le baryton de l’opéra
Qui se fait des oeufs sur le plat.
26 Ceux qui ont semé du gazon
Pour rendre plus gai leur béton.
25 Ceux qui élèvent des lapins
sur l’herbe d’un salon de jardin.
24 Ceux qui ont mis dans leur baignoire
Un bébé phoque blanc et noir.
23 Le chat qui vit seul, noir et blanc,
(Il a dû louer l’appartement).
22 Le vieil Auvergnat à moustaches
Qui che regarde dans la glache.
21 Le militaire en permission
Qui compte ses décorations.
20 La foule du vingtième étage
C'est la réception d'un mariage.
19 La receveuse de la poste
Qui ne grignote que des toasts.
18 L’académicien nostalgique
Qui s'amuse au train électrique.
17 L'élève de Napoléon
Qui range ses soldats de plomb.
16 Le collectionneur de timbales
Qui joue du violon à pédales.
15 Un abbé qui fait du trapèze
Sur un bâton entre deux chaises.
14 L’amateur de scie musicale
Qui coupe l’Internationale
13 Le passionné d’exploration
Qui chasse le tigre au salon
12 Deux bustes de marbre au nez grec
Qui contemplent un jeu d’échecs.
11 Un athlète en maillot de corps
Qui s'est allongé et qui dort.
10 La dame du dixième étage
Qui garde un sapajou en cage.
9 Plus bas une belle famille
Les parents et quatorze filles.
8 Des campeurs chantant à mi-voix
En rond autour d’un feu de bois
7 Un grand polytechnicien morne
Qui ne porte que son bicorne.
6 Un peu plus bas un éléphant
Prisonnier dans l’appartement.
5 Un couple se bat au cinquième
A coup de tartes à la crème.
4 La petite fille aux yeux bleus
Qui a les yeux verts quand il pleut.
3 La jeune fille du piano,
Qui se tricote un allegro.
2 La dentiste qui vient d’extraire
Une redoutable molaire.
1 Le petit garçon du premier
Qui fourre ses doigts dans son nez.
0 Tout est vide au rez-de-chaussée
La concierge est dans l’escalier.
On voit les secrets de la ville
Quand on descend au bout d’un fil.
_________________
"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- CeladonDemi-dieu
Je suppose que c'est à ce poème en prose que tu as pensé, Cwmys ?
Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. Il n’est pas d’objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu’une fenêtre éclairée d’une chandelle. Ce qu’on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rêve la vie, souffre la vie.
Par-delà des vagues de toits, j’aperçois une femme mûre, ridée déjà, pauvre, toujours penchée sur quelque chose, et qui ne sort jamais. Avec son visage, avec son vêtement, avec son geste, avec presque rien, j’ai refait l’histoire de cette femme, ou plutôt sa légende, et quelquefois je me la raconte à moi-même en pleurant.
Si c’eût été un pauvre vieux homme, j’aurais refait la sienne tout aussi aisément.
Et je me couche, fier d’avoir vécu et souffert dans d’autres que moi-même.
Peut-être me direz-vous : « Es-tu sûr que cette légende soit la vraie ? » Qu’importe ce que peut être la réalité placée hors de moi, si elle m’a aidé à vivre, à sentir que je suis et ce que je suis ?
Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose, 1869.
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum