- DeliaEsprit éclairé
bernardo a écrit:
Le travail sur les écarts est intéressant pour des gens qui maîtrisent la règle donc peuvent analyser finement la nature de l'écart. Mais comment saisir l'écart quand on ne connaît pas ou mal la règle ?
Travailler sur l'écart permet de dégager la règle ou prétendue telle. Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, tous les enfant francophones entendants parlent avant d'aller à l'école, avant donc qu'on leur ait inculqué quelque règle que ce soit. D'ailleurs, quand la règle dit que « le masculin l'emporte sur le féminin » mieux vaut ne pas l'enseigner : elle est fausse !
- IphigénieProphète
Delia, c'est quand même cette vision très post 68 de la grammaire qui a déconstruit tout son enseignement, avec la réussite que l'on voit aujourd'hui: il y a un moment où il faut faire le bilan.
Je ne sais pas si l'observation de la langue a dégagé beaucoup de règles plus vraies, mais l observation de cet enseignement sur des decennies montre qu'il a à coup sûr aidé au grand plongeon de la langue et je ne te parle pas de l'enseignement du latin, pour ne pas m'enerver....
Je ne sais pas si l'observation de la langue a dégagé beaucoup de règles plus vraies, mais l observation de cet enseignement sur des decennies montre qu'il a à coup sûr aidé au grand plongeon de la langue et je ne te parle pas de l'enseignement du latin, pour ne pas m'enerver....
- V.MarchaisEmpereur
C'est toujours cet argument qui est invoqué : l'enfant parle sans règles. Mais l'enseignement du français à l'école et au collège ne vise pas à apprendre une langue, justement, mais à en analyser les mécanismes pour en user avec conscience, liberté et précision, et à en maîtriser les concepts nécessaires à cette analyse, développant ainsi les capacités d'abstraction et de raisonnement.
édit : je n'avais pas vu le post d'Iphi, mais c'est exactement cela. La confusion entre langue naturelle et étude réflexive de la langue maternelle nous a menés là où nous sommes : au fond du trou.
édit : je n'avais pas vu le post d'Iphi, mais c'est exactement cela. La confusion entre langue naturelle et étude réflexive de la langue maternelle nous a menés là où nous sommes : au fond du trou.
- DeliaEsprit éclairé
V.Marchais a écrit:C'est toujours cet argument qui est invoqué : l'enfant parle sans règles. Mais l'enseignement du français à l'école et au collège ne vise pas à apprendre une langue, justement, mais à en analyser les mécanismes pour en user avec conscience, liberté et précision, et à en maîtriser les concepts nécessaires à cette analyse, développant ainsi les capacités d'abstraction et de raisonnement.
C'est exactement ce que je dis et ce que je pratiquais.
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Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Amadou Hampaté Ba
- V.MarchaisEmpereur
Non. Tu ne dis pas ce que je dis. Car pour formuler ma pensée autrement, travailler sur l'écart plutôt que sur la règle pour enseigner la règle, c'est shadok, tout de même.
- JPhMMDemi-dieu
Merci infiniment.V.Marchais a écrit:Tu as tout à fait raison, Jph.
La forme impersonnelle et la voix passive relèvent en linguistique du même procédé, qu'on appelle diathèse, et qu consiste précisément à bouleverser l'ordre syntaxique habituel, en particulier la place de l'actant, pour reprendre la terminologie de Tesnières.
C'est là que l'analyse de la phrase en termes de thème et rhème/propos, ou sujet et prédicat, devient intéressante. D'ailleurs parle aussi, pour la voix passive ou la forme impersonnelle, de rhématisation : l'information qui était attendue, dans une construction canonique, en position de sujet, est renvoyée à une fonction différente dans la phrase (dans le rhème). Cela permet de mettre en valeur un groupe syntaxique, de créer des effets de style, des effets d'attente, ou tout simplement d'assurer une meilleure progression de l'information.
Bref, la réflexion sur le thème et le propos dans la phrase, c'est passionnant, à un certain niveau, et cela éclaire beaucoup de choses, mais clairement, cela n'a rien à faire en Primaire (cf. nos nouveaux programmes et le fameux couple sujet / prédicat).
On touche probablement au fait que la langue reflète la pensée dans une singularité de la culture qu'elle véhicule. Je me demande (il m'en demande ) si ces formes impersonnelles sont aussi présentes dans les autres langues, et donc d'où elles nous viennent. Les choses de l'esprit (pensées, souvenirs, sentiments, etc) s'imposent-elles à nous ou en sommes nous les producteurs ? Je présume que cette question est résolue différemment en fonction des langues, donc des cultures (ou en fonction des cultures donc des langues ? mmmm...)
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- V.MarchaisEmpereur
Je ne me suis jamais posé la question mais c'est intéressant. En tout cas, ce que je puis affirmer avec certitude, c'est que jusqu'à la Renaissance, le pronom personnel sujet était superflu, en français (les marques de conjugaisons suffisaient, comme en latin) et encore très variablement utilisé. C'est au XVIe siècle que son emploi s'impose, c'est-à-dire précisément au moment où s'affirme la notion d'individu.
- JPhMMDemi-dieu
Mmm... ce ne peut pas être une coïncidence.
Il ne me semble pas impossible que ce soit aussi une forme de réserve ou de politesse sophistiquée dans le fait de se dire.
Il ne me semble pas impossible que ce soit aussi une forme de réserve ou de politesse sophistiquée dans le fait de se dire.
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- DeliaEsprit éclairé
Tu ne vois pas ce que je veux dire.
Prenons donc un exemple : une collègue dit « Il faut faire les enfants monter de classe », les élèves disent : « Je fais mon frère apprendre ses leçons... »
Donc, il y a un loup, un écart avec le français standard. S'ils usent de cette tournure, c'est qu'ils n'en connaissent pas d'autre, donc on travaille sur cette structure, on la décortique, on compare avec des phrases analogues du français standard... (et des années plus tard, dans la Vie de saint Louis, du sire de Joinville, on tombe sur : « le roi fit les chevaux monter dans la nef » !)
En fait, vous êtes déductivistes à fond les manettes, tandis que je verse de l'eau déductive dans mon vin inductif.
Prenons donc un exemple : une collègue dit « Il faut faire les enfants monter de classe », les élèves disent : « Je fais mon frère apprendre ses leçons... »
Donc, il y a un loup, un écart avec le français standard. S'ils usent de cette tournure, c'est qu'ils n'en connaissent pas d'autre, donc on travaille sur cette structure, on la décortique, on compare avec des phrases analogues du français standard... (et des années plus tard, dans la Vie de saint Louis, du sire de Joinville, on tombe sur : « le roi fit les chevaux monter dans la nef » !)
En fait, vous êtes déductivistes à fond les manettes, tandis que je verse de l'eau déductive dans mon vin inductif.
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Amadou Hampaté Ba
- V.MarchaisEmpereur
Delia a écrit:
En fait, vous êtes déductivistes à fond les manettes, tandis que je verse de l'eau déductive dans mon vin inductif.
Non. Mais je préfère déduire la règle d'exemples corrects.
- DeliaEsprit éclairé
Ce que tu décris là, c'est la méthode inductive, au fait...
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Amadou Hampaté Ba
- JPhMMDemi-dieu
L'induction, c'est le mal.Delia a écrit:En fait, vous êtes déductivistes à fond les manettes, tandis que je verse de l'eau déductive dans mon vin inductif.
Tu connais l'histoire du poulet de Russell ?
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- AnaxagoreGuide spirituel
V.Marchais a écrit:Delia a écrit:
En fait, vous êtes déductivistes à fond les manettes, tandis que je verse de l'eau déductive dans mon vin inductif.
Non. Mais je préfèredéduiredégager la règle à partir d'exemplescorrectscanoniques.
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"De même que notre esprit devient plus fort grâce à la communication avec les esprits vigoureux et raisonnables, de même on ne peut pas dire combien il s'abâtardit par le commerce continuel et la fréquentation que nous avons des esprits bas et maladifs." Montaigne
"Woland fit un signe de la main, et Jérusalem s'éteignit."
"On déclame contre les passions sans songer que c'est à leur flambeau que la philosophie allume le sien." Sade
- egometDoyen
V.Marchais a écrit:C'est toujours cet argument qui est invoqué : l'enfant parle sans règles. Mais l'enseignement du français à l'école et au collège ne vise pas à apprendre une langue, justement, mais à en analyser les mécanismes pour en user avec conscience, liberté et précision, et à en maîtriser les concepts nécessaires à cette analyse, développant ainsi les capacités d'abstraction et de raisonnement.
édit : je n'avais pas vu le post d'Iphi, mais c'est exactement cela. La confusion entre langue naturelle et étude réflexive de la langue maternelle nous a menés là où nous sommes : au fond du trou.
Juste une petite remarque: l'enfant ne parle pas sans règles. Les règles de son langage ne sont peut-être pas très bien formalisées, elles n'ont pas la rigueur d'un enseignement académique. Elles ne sont certainement pas organisées dans un corpus cohérent. Cela ne signifie pas pour autant qu'elles soient inexistantes. Les efforts de la mère pour corriger le langage de son enfant ne peuvent pas être tenus pour rien. "On ne dit pas..." "On dit..." "Répète après moi..." Ce sont des phrases très simples qu'un professionnel de l'éducation peut s'amuser à mépriser. Mais elles sont bien plus déterminantes que toutes nos leçons de grammaire dans l'éducation des enfants. Un enfant bien éduqué par ses parents apprendra facilement le subjonctif à l'école, tout simplement parce que la leçon de grammaire lui permettra de mettre un nom sur une tournure qu'il emploie déjà.
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Primum non nocere.
Ubi bene, ibi patria.
Mes livres, mes poèmes, réflexions pédagogiques: http://egomet.sanqualis.com/
- JPhMMDemi-dieu
Trouvé, ceci : http://books.openedition.org/pur/29939?lang=frV.Marchais a écrit:Je ne me suis jamais posé la question mais c'est intéressant. En tout cas, ce que je puis affirmer avec certitude, c'est que jusqu'à la Renaissance, le pronom personnel sujet était superflu, en français (les marques de conjugaisons suffisaient, comme en latin) et encore très variablement utilisé. C'est au XVIe siècle que son emploi s'impose, c'est-à-dire précisément au moment où s'affirme la notion d'individu.
Cela ne répond pas tout à fait à mes interrogations, mais cela reste passionnant.
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Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- DeliaEsprit éclairé
Oui, c'est le célèbre français de tirailleur qu'il serait bon de laisser où il est, dans les limbes de l'oubli... sauf si l'on est historien.bernardo a écrit:Delia a écrit:Parce que l'Académie en a décidé ainsi, magister dixit.
Pour moi, tout ce qui se dit en langue française et est compris de l'interlocuteur est français.
Il y a quasiment autant de français que locuteurs natifs francophones. J'enseignais à mes élèves le français de l'école, de rigueur dans les copies et je travaillais sur les écarts entre ce français et le leur.
Donc "Moi comprendre toi mais moi trouver ça gentillet" c'est français ?
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Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Amadou Hampaté Ba
- V.MarchaisEmpereur
Delia a écrit:Ce que tu décris là, c'est la méthode inductive, au fait...
Je suis au courant. Justement, même une démarche inductive peut s'appuyer sur la règle.
- Fires of PompeiiGuide spirituel
J'adopte la même méthode que Véro.
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Je ne dirai qu'une chose : stulo plyme.
- JPhMMDemi-dieu
Je blaguais, bien sûr.JPhMM a écrit:L'induction, c'est le mal.Delia a écrit:En fait, vous êtes déductivistes à fond les manettes, tandis que je verse de l'eau déductive dans mon vin inductif.
Tu connais l'histoire du poulet de Russell ?
Parce que faire de la déduction avec les règles de grammaire d'une langue est quand même casse-gueule. Sauf dans le cas du lojban, bien sûr.
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- IphigénieProphète
Au delà de l'induction ou de la déduction, il y a d'abord la nécessité de donner des fondations stables.
On ne demande pas à un enfant de 8 ans de se prendre pour Grevisse ou Einstein. On lui apprend d'abord le b.a-ba et on lui apprend à compter, sans commencer par la relativité, si on veut qu'il y arrive un jour.
Un peu d'humilite et de simplicité, ça repose de temps en temps: on se croit trop souvent, en pédagogie, chargé de réinventer le monde.
On ne demande pas à un enfant de 8 ans de se prendre pour Grevisse ou Einstein. On lui apprend d'abord le b.a-ba et on lui apprend à compter, sans commencer par la relativité, si on veut qu'il y arrive un jour.
Un peu d'humilite et de simplicité, ça repose de temps en temps: on se croit trop souvent, en pédagogie, chargé de réinventer le monde.
- DeliaEsprit éclairé
Belle lucidité de ta part, Iphigénie. Je n'osais pas te le dire.
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Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Amadou Hampaté Ba
- ipomeeGuide spirituel
Delia a écrit:Belle lucidité de ta part, Iphigénie. Je n'osais pas te le dire.
C'est pas un peu agressif ça, et gratuit ? ou alors j'ai mal compris.
- IphigénieProphète
Tu as, sans aucun doute, mal compris, et Delia va sûrement expliciter sa pensée suripomee a écrit:Delia a écrit:Belle lucidité de ta part, Iphigénie. Je n'osais pas te le dire.
C'est pas un peu agressif ça, et gratuit ? ou alors j'ai mal compris.
- AmaliahEmpereur
TDL 6e (leçon 32) : Vrai ou faux ? Une phrase contient au moins une proposition.
Le corrigé dit Vrai mais une phrase sans verbe conjugué contient-elle une proposition? Par exemple "Restaurant fermé" ou "Ne pas toucher".
Le corrigé dit Vrai mais une phrase sans verbe conjugué contient-elle une proposition? Par exemple "Restaurant fermé" ou "Ne pas toucher".
- LédisséEsprit sacré
Est-ce qu'on en parle en 6e ? (Je n'ai jamais eu ce niveau.) Personnellement, même en 3e, je leur (ré-)apprends que la phrase se construit autour d'un verbe conjugué, et que sans verbe conjugué, point de phrase.
J'évoque les phrases nominales et on les remarque dans les textes, mais séparément, et comme un effet de style.
Il y en a assez qui sont infichus d'aligner 3 phrases correctement agencées...
J'évoque les phrases nominales et on les remarque dans les textes, mais séparément, et comme un effet de style.
Il y en a assez qui sont infichus d'aligner 3 phrases correctement agencées...
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Life is what happens to you while you're making other plans. John Lennon
Life is not governed by will or intention. Life is a question of nerves, and fibres, and slowly built-up cells in which thought hides itself and passion has its dreams. Oscar Wilde
Bien que femme, je me suis permis_ / demandé_ / rendu_ compte / fait_ désirer... etc._
- nitescenceÉrudit
Amaliah a écrit:TDL 6e (leçon 32) : Vrai ou faux ? Une phrase contient au moins une proposition.
Le corrigé dit Vrai mais une phrase sans verbe conjugué contient-elle une proposition? Par exemple "Restaurant fermé" ou "Ne pas toucher".
Faux : une phrase commence par une majuscule et finit par un point.
Exemple :
"[...], ce qui parut affecté à Aurélien. Désagréable." (Aurélien, Aragon).
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Mordre. Mordre d'abord. Mordre ensuite. Mordre en souriant et sourire en mordant. (avec l'aimable autorisation de Cripure, notre dieu à tous)
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